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DE CONTOURS QUELCONQUES

II. E. Calibration de la densité de ressorts

Recentrons nous sur le sujet principal de ce chapitre : recréer des contours non rectangulaire ainsi qu’un angle d’orthotropie pouvant être de n’importe quelle valeur. Pour ce faire, le point de départ de notre modélisation est une plaque simplement supportée avec un angle d’orthotropie nul, i.e que les axes principaux d’orthotropie sont parallèles aux bords de plaque. On parle d’orthotropie spéciale. Puis nous avons vu que par ajout d’une densité de ressorts ponctuels exerçant un effort normal à la plaque que l’on qualifie de plaque étendue, nous pouvions décrire n’importe quels contours et n’importe quel angle d’orthotropie. En théorie, cette façon de procéder est très simple cependant, dans la pratique, la densité de ressorts doit être calibrée. Cette calibration dépend de l’espacement des ressorts et de leurs raideurs, les deux étant fonction de la fréquence et du matériau.

La calibration de l’espacement est intimement liée aux longueurs d’onde présentent dans la plaque. En effet, on peut penser qu’il est indispensable d’avoir un nombre suffisant de ressorts par longueur d’onde de façon à inhiber la vibration. Prenons l’exemple d’un système à une seule dimension : une poutre en appuis simples animée d’un mouvement de flexion. L’objectif est de laisser la moitié droite vibrer tandis que la moitié gauche est inerte (voir Figure II–5). En plaçant quelques ressorts sur la moitié gauche, pour l’instant supposés de raideur infinie, les modes de grandes longueurs d’onde, comme le premier mode de cette poutre par exemple, ne vont plus exister (Figure II–5–a). En montant en fréquence les longueurs d’onde vont devenir plus petites que l’espacement entre les ressorts et l’intégralité de la poutre va être animée d’un mouvement de flexion comme si les ressorts étaient inexistants (Figure II–5–b).

Figure II–5 : Schéma de principe sur un système à une seule dimension du lien entre l’espacement des ressorts et la longueur d’onde des modes propres. a) Pour les grandes longueurs d’onde (pointillés oranges), plusieurs ressorts viennent contraindre le ou les ventre(s) de vibration : la vibration est inhibée dans la zone « tapissée » de ressorts. Il s’établit alors un nouveau mode dans la zone libre (pointillés bleus). b) Pour des petites longueurs d’onde, aucun ressort n’exerce de contraintes sur les ventres de vibration.

On souhaite alors exprimer la longueur d’onde en fonction de la fréquence d’un système à deux dimensions. Dans le cas particulier d’une plaque orthotrope la situation se complique puisque les longueurs d’onde n’évoluent pas de façon homogène à cause du caractère hétérogène des rigidités dans les différentes directions. On sait cependant que les longueurs d’onde dans une plaque orthotrope sont bornées par les relations de dispersion associées aux deux modules de Young. Ainsi la plus petite longueur d’onde intervient dans la direction du module de Young le plus faible dont la rigidité dynamique associée est :

(

) (II.31)

Un critère de ⁄ est choisi pour déterminer l’espacement minimal entre ressorts dans le but de surestimer leur nombre. Dans le cas de l’épicéa et pour une étude jusqu’à 3 kHz, nous obtenons une distance minimale de l’ordre de 7,3 mm.

Le choix d’une raideur de ressort suffisante est également primordial : cette raideur doit contrebalancer celle de la plaque pour toutes les fréquences. On sait que la raideur modale d’une plaque croît lorsque le rang du mode devient élevé, en témoigne l’expression (D.8) en ANNEXE D donnant les termes de raideur généralisée des modes d’une plaque simplement supportée. De ce fait, lorsque la raideur des ressorts est insuffisante, il apparaît des vibrations dans les parties bloquées (là où les ressorts sont localisés) en hautes fréquences. Afin de détecter facilement la présence de ces vibrations que nous qualifierons « d’externe », on définit le ratio de la vitesse quadratique de la plaque étendue sur celle de la zone dite « intérieure :

(∫ | ( )|

∫ | ( )|

) (II.32)

Lorsque la raideur est suffisante, la vitesse dans la partie bloquée doit tendre vers zéro et cet indicateur doit faire de même.

les ordres de troncature dans la décomposition modale sont fixés à ( ) ( ) pour lesquels la convergence de la solution est garantie. On réalise un balayage en fréquence jusqu’à 3 kHz avec une excitation ponctuelle (voir section II.D.3) placée volontairement proche d’un bord.

Figure II–6 : Ratio des vitesses quadratiques de toute la surface de la plaque étendue sur la surface de la géométrie « intérieure ». Une rigidité insuffisante engendre une forte augmentation de ce ratio visible en hautes fréquences.

Lorsque les ressorts sont suffisamment forts par rapport à la plaque, le ratio est plus petit que 0,006 dB pour toute la bande de fréquences étudiée (ligne pleine rouge Figure II–6). A l’inverse, un accroissement de l’indicateur « ratio des vitesses » apparaît à partir de 1 kHz lorsque les ressorts sont insuffisants, avec un maximum de 3,2 dB à 2,5 kHz (pointillés bleus Figure II–6), zone de fréquence qui correspond à des modes « externes » comme nous le verrons par la suite.

Pour illustrer ces propos, la Figure II–7 présente des déformées propres pour ces deux cas de rigidité. La colonne de gauche correspond à des modes pour lesquels la raideur des ressorts est insuffisante à l’inverse de la colonne de droite. De haut en bas, on retrouve pour chaque configuration : le premier mode de la structure ainsi qu’un mode plus haut en fréquence qui appartient à la zone sensible décrite ci dessus.

102 103 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 Fréquence [Hz] L v r ati o = 10* lo g ( < v to t > 2 /<v in t > 2 ) [dB ]

Raideur de ressort suffisante (k=2,5E6) Raideur de ressort insuffisante (k=2,5E4)

Figure II–7 : Déformées propres d’une plaque non rectangulaire encastrée orthotrope avec un angle de 34,8° reconstruit à partir des modes d’une plaque simplement supportée rectangulaire orthotrope avec un angle nul avec une troncature modale ( ) ( ). Deux cas de raideurs sont utilisées : les déformées basses fréquences (ligne du haut) sont bien décrites pour les deux cas, en revanche des modes « externes » (en bas à gauche) apparaissent dans la partie bloquée (zones grisées) lorsque la raideur est insuffisante. Lorsque la raideur des ressorts est suffisamment importante les modes hautes fréquences sont correctement décrits (en bas à droite).

Une comparaison visuelle est largement suffisante pour apprécier la problématique de la raideur des ressorts. En basse fréquence, les déformées propres sont semblables avec un léger décalage des fréquences propres. En revanche aux alentours de 1,8 kHz, les déformées propres sont clairement différentes. On retrouve bien un mode avec une vibration « externe », i.e, dans la zone bloquée, lorsque la raideur est insuffisante tandis que la vibration reste bien concentrée dans la zone « intérieure » lorsque la raideur est suffisante. Ces exemples corroborent bien la possibilité de détecter ces modes non désirés qualifiés « d’externes » grâce au ratio des vitesses quadratiques. Finalement, lorsque la raideur est insuffisante plusieurs familles de modes propres coexistent dont des modes où la zone souhaitée vibre (mode de structure) et des modes « externes ».

Remarque

En réalité une troisième catégorie de modes existe lorsque la rigidité est insuffisante. Cette catégorie correspond à des modes hybrides où la vibration s’établit dans les deux zones à la fois. Bien que celle-ci ne soit pas illustrée, cette dernière est bien évidemment détectée par

d’excitation et nécessite de réaliser un balayage en fréquence, ce qui en soit peut être coûteux en temps de calcul. L’idéal est de définir un indicateur global qui s’affranchirait de ces deux inconvénients.

En partant du postulat que l’augmentation du ratio des vitesses quadratiques coïncide avec la présence de plusieurs familles de modes, dont une grande majorité sont des modes externes ou hybrides, il découle naturellement que la densité modale devrait considérablement augmenter si la raideur des ressorts est insuffisante. L’avantage est que le tracé de la densité modale nécessite uniquement de résoudre le problème aux valeurs propres, équation (II.13), soit un indicateur nettement moins coûteux en terme de temps de calcul. La Figure II–8 montre qu’en effet la densité modale augmente dans la dernière bande d’octave lorsque la raideur des ressorts est insuffisante.

Figure II–8 : Densité modale pour différentes valeurs de raideur de ressorts. La densité modale augmente considérablement dans la bande d’octave à 2 kHz lorsque la raideur est insuffisante. La densité modale analytique équation (II.17) issue de [Ege09].

Une question majeure se pose alors : qu’en est-il lorsque la troncature modale est trop petite ? Nous avons vu en section II.D.2 qu’en telles circonstances, la densité modale chutait étant donné qu’il manque des modes en hautes fréquences. On peut alors se demander si la chute de densité modale engendrée par une troncature trop courte peut être compensée par l’augmentation qu’impliquerait une raideur des ressorts insuffisante et par conséquent ne pas mettre en évidence ces modes « externes ».

Dans la pratique, on constate que la forte augmentation de la densité induite par une raideur insuffisante prédomine largement sur la chute engendrée par une troncature trop faible. La Figure II–9–a illustre ces propos dans le cas de ( ) ( ). Tant que la raideur des ressorts est inférieure à 2,5E5, on détecte une augmentation de la densité modale dans la bande

102 103 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 Fréquence [Hz] n (f) [m od e s .H z 1 ]

Densité modale analytique

Raideur de ressort suffisante (k=2.5E6) Raideur de ressort insuffisante (k=2.5E4)

d’octave centrée à 2000 Hz. En complément, la Figure II–9–b montre que peu importe les ordres de troncatures ( ), une augmentation drastique est visible lorsque la raideur est insuffisante. Dans cet exemple, la raideur des ressorts est fixée à 2,5E4. Par ailleurs, en augmentant les ordres de troncatures, on voit que l’on converge vers une même courbe, comme il a pu être montré en section II.D.2.

Figure II–9 : Détection des modes dits « externes » par visualisation de la densité modale. a) Ressorts de raideur insuffisante : forte augmentation de la densité modale dans la bande d’octave à 2 kHz pour tout les ordres de troncature ; b) Densités modales pour différentes raideur de ressort pour une troncature donnée de ( ) ( ) : les pics de densité signalent la présence de modes externes. Malgré une base non convergente au sens de la section II.D.2, la densité modale permet de calibrer la raideur des ressorts.

En résumé, il n’est pas nécessaire d’avoir une solution convergente (en terme de troncature sur la décomposition modale) pour détecter la présence de modes externes. La calibration des ressorts est alors assez bien maitrisée. L’indicateur du ratio des vitesses quadratiques reste tout de même un outil intéressant, notamment pour une éventuelle vérification à postériori. Une raideur de ressorts de 2,5E6 est suffisante afin de garantir l’absence de mode « externes » et ainsi bloquer le déplacement transversal d’une plaque étendue faite d’épicéa dans la bande de fréquence [0 ; 3000] Hz.