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CARACTERISTIQUES SPECIFIQUES

I. B.3. Réponse temporelle et synthèse sonore

Nous avons vu jusqu’ici que de nombreux paramètres participent au son produit par le piano allant des bois utilisés [Brém12] jusqu’aux spécificités liées à la conception de l’instrument. Pour rappel, citons la conception propre de la table d’harmonie [BeIJ03b, BoEg13, ChCJ13, ChCV13, EgBR13, Gior97, KiWa87, Suzu86], les cordes [Conk96b, EtCM15, Wein77], le marteau [Bout87, ChAs94, Conk96a], le cadre mais surtout les interactions entre ces différents sous-systèmes.

En outre, la qualité du son produit dépend de critères subjectifs et perceptifs. Les sections précédentes ont mis en évidence que la majorité des études se limite aux seuls aspects fréquentiels (modes propres, mobilité au chevalet) et ne peuvent donc représenter l’aspect perceptif du problème. Dans le but de répondre aux questions d’ordre purement musical, comme la recherche d’un bon compromis « longueur de son / puissance rayonnée » ou encore d’évaluer l’influence de paramètres structurels sur le timbre de l’instrument, la table d’harmonie seule n’est pas suffisante et l’intérêt d’une modélisation dans le domaine temporel devient évidente. Les travaux de Chabassier [Chab12, ChCJ13] semblent les plus accomplis pour répondre à ces questions en proposant un modèle complet de la table d’harmonie, du plan de cordes, du meuble, les interactions fluide/structure ainsi que la propagation des ondes dans le milieu fluide environnant.

La table d’harmonie est celle d’un piano à queue Steinway modèle D dont la plaque est considérée épaisse (modèle de Reissner-Mindlin). Le traitement des superstructures (barres et chevalet) présente une spécificité puisque leurs dimensions sont prépondérantes par rapport à l’épaisseur de la plaque. Dans ce modèle, les superstructures sont ainsi modélisées en autorisant une variation locale de hauteur et du matériau de la plaque. Comme dans le modèle de Berthaut [Bert04], l’inconvénient de cette approche est que les superstructures sont centrées au lieu d’être collées sur une face. Il en résulte deux approximations : la majoration des inerties due aux déports des barres n’est pas prise en compte et la membrane n’est pas alertée. La Figure I–19 montre une représentation de la table où les variations de matériaux sont symbolisées par des changements de couleurs.

Figure I–19 : Table d’harmonie de piano à queue Steinway modèle D, dont les différentes zones seront modélisées comme des matériaux différents. Extrait de [Chab12].

Le meuble de l’instrument est vu comme un obstacle au rayonnement de la structure dans le fluide (voir Figure I–20). La modélisation du plan de cordes fait l’objet de recherches approfondies. Sans entrer dans les détails puisque ce point sera abordé en profondeur dans le CHAPITRE IV, de nouvelles équations de mouvements sont créées pour modéliser le plus

exactement possible le comportement d’une corde de piano. Ce modèle dit « géométriquement exact » considère les non-linéarités géométriques de la corde justifiant ainsi la présence d’ondes transversales et d’ondes longitudinales, qui plus est couplées. En complément, ce modèle intègre la polarisation des ondes transversales. Pour finir, un modèle de marteau permet d’ajouter du réalisme à l’ensemble.

La résolution au sens propre du terme est réalisée via un modèle éléments finis pour la table d’harmonie, « Perfectly Matched Layers » pour le milieu fluide et d’une méthode itérative pour les cordes (non-linéaires). Les résultats d’un tel modèle sont très impressionnants en terme de réalisme mais restent imparfaits lorsque jugés par des musiciens. Il apparaît comme une présence légèrement trop importante dans les aigus comme le montre la Figure I–21. Mais le principal défaut de cette méthode réside dans les temps de résolution élevés de l’ordre de 24h en utilisant 300 cœurs de calcul. Il s’avère donc que ce modèle est mal adapté aux études paramétriques tant les résultats sont longs à obtenir et les moyens informatiques nécessaires importants.

Figure I–20 : Schéma de principe d’une table d’harmonie dans un milieu fluide. Extrait de [Chab12].

Figure I–21 : Comparaison expérimentale/numérique du spectre de la pression rayonnée par une note de Do0#. Extrait de [Chab12].

Conclusion

Ce premier chapitre nous a permis de présenter le rôle de la table d’harmonie et de mettre en évidence les contraintes majeures qui guident son dimensionnement. Nous avons pu constater au cours d’une synthèse bibliographique que le comportement dynamique de la table est difficile à appréhender surtout en hautes fréquences à cause de la présence de raidisseurs qui viennent complexifier le paysage vibratoire. En conséquence, le comportement vibroacoustique de la table d’harmonie est difficile à modéliser et, de fait, les études modales sont limitées aux basses fréquences. Le domaine hautes fréquences reste difficile d’accès autant pour les mesures expérimentales que pour les modèles développés, et on se retrouve globalement à effectuer des mesures de mobilité ou à utiliser des modèles réduits qui ne peuvent rendre compte de l’ensemble des caractéristiques de l’instrument. Exception faite lorsque l’accès à des ressources numériques importantes est possible comme nous l’avons vu à la fin de ce chapitre.

Il manque alors un outil simple et moins coûteux que les méthodes purement numériques, capable de décrire les tendances comportementales de l’instrument aussi bien en basses qu’en hautes fréquences. De manière à mener des études paramétriques et ainsi dégager des axes d’améliorations, cet outil doit nécessairement être alimenté par des données purement physiques, qui plus est, accessibles sans trop de difficultés. Cette recherche fera l’objet des prochains chapitres, tout d’abord dédiés à la modélisation de la table d’harmonie puis à son couplage avec une corde de façon à quantifier l’influence des paramètres structurels sur le son perçu.

CHAPITRE II

M

ODELE VIBRATOIRE D

UNE PLAQUE ORTHOTROPE