• Aucun résultat trouvé

4.6 Regards institutionnels sur le TBI

4.6.4 Discussion

Il apparait ainsi que le système d’attentes institutionnelles porté sur le déploie- ment de la technologie TBI est certes teinté d’un souhait de modification des pratiques enseignantes mais ce sont aussi des différences de points de vues qui s’expriment dans les entretiens conduits, liées aux trajectoires personnelles des inspecteurs, et qui sou- lignent la fragilité d’une ligne de conduite institutionnelle clairement tracée.

Ces différences se font particulièrement grandes quand il s’agit de penser le dispo- sitif d’accompagnement des enseignants dans le développement des usages du TBI. Elles laissent place à de grandes disparités régionales. Pour Sébastien, conseiller TICE auprès du recteur, en charge des questions d’équipement informatique des établisse- ments, et dans une moindre mesure pour Paul, IPR depuis une quinzaine d’années, une formation technique à l’outil est jugée largement suffisante pour accompagner les usages de l’outil. Pour Yves, en revanche, pilote d’un groupe académique de personnes ressources TUIC depuis plusieurs années, cette condition est juste nécessaire et doit être complétée par un dispositif de formation spécifique pour accompagner les usages de l’outil, dispositif qu’il met d’ailleurs en oeuvre dans son académie.

L’effet espéré de l’arrivée de ces outils sur ces modifications reste par ailleurs difficile à lire. Avec un outil qui est par ailleurs jugé comme "s’inscrivant dans des pra- tiques existantes" et "laissant le registre didactique et pédagogique des enseignants en

l’état", l’option d’un accompagnement uniquement technique de l’outil laisse entière- ment aux enseignants la charge de la construction d’usages susceptibles de répondre aux attentes institutionnelles par ailleurs aux contours encore à préciser.

En cela, nous interprétons l’usage majoritairement repéré de l’outil, consistant en l’utilisation via l’interface du TBI de logiciels institutionnellement plébiscités (LGD, tableurs) comme une première lecture faite par les enseignants des attentes institu- tionnelles d’utilisation des TBI. Reste que d’autres lectures sont souhaitées, avec des usages mettant en oeuvre en particulier les potentialités de mémorisation de l’outil, mais ces dernières sont difficiles d’accès, même soutenues par des actions de forma- tion. Cet état de fait se justifie à nos yeux, d’une part, parce ces usages exigent de penser des organisations didactiques élaborées, construites sur le long terme, et en cela susceptibles d’être éloignées des pratiques existantes et d’autre part, parce que ces usages sont susceptibles, dans la durée, de dépasser une première instrumentation rudimentaire de l’outil et de convoquer des besoins instrumentaux spécifiques. Dès lors, sont susceptibles d’apparaitre des trajectoires non contrôlées d’usagers des TBI, parfois orthogonales aux attentes institutionnelles, ce qui est d’ores et déjà constaté. Ce phénomène est d’autant plus probable dans un plan d’équipement en TBI des établissements qui n’est pas toujours négocié avec à la fois les acteurs que sont les inspecteurs et les enseignants eux-mêmes.

L’expérience anglaise peut ici être utilement mise en regard avec l’état du système français. Avec des attentes institutionnelles qui partagent une ambition commune de modification des pratiques enseignantes, les premiers écueils constatés dans la situa- tion française dépeinte montrent une certaine proximité avec ceux rencontrés chez nos voisins. En effet, et même si une première instrumentalisation de l’outil semble se tourner assez rapidement vers l’usage de logiciels de géométrie dynamique ou de tableurs, ce qui constitue en soi une spécificité française qui trouve une explication dans une volonté institutionnelle plus ancienne de développement de l’usage de tels outils dans les pratiques, il n’en demeure pas moins la difficulté de dépasser ces pre- miers usages avec un risque d’effet de seuil voire d’apparition d’usages non souhaités, renforçant une posture ostensive de l’enseignement.

Au delà de ce constat, l’anticipation des besoins d’accompagnement des enseignants est quant à lui en deçà des efforts consenties dans l’expérience anglaise, dans laquelle, rappelons le, la stratégie déployée a visé un soutien massive de formation continue du personnel enseignant en matière d’intégration pédagogique des TUIC et conjoin- tement une réforme des pratiques enseignantes dans laquelle les évolutions souhaitées offrent une niche écologique favorable à la technologie TBI. Face à la non garantie de l’identification et l’exploitation des potentialités des TBI, la réponse britannique

a ainsi été de rediriger l’attention des enseignants non pas que vers la technologie elle-même, mais aussi vers les pratiques enseignantes. Si certains dispositifs de for- mation décrits plus haut tentent d’emprunter ce chemin, cela reste à une échelle toute relative. L’usage des TBI majoritairement rencontré par le corps d’inspection tend à montrer qu’une niche écologique accessible à cette technologie dans le sys- tème français réside dans l’utilisation de logiciels, tableurs et LGD en premier lieu, qui jouissent d’un plébiscite institutionnel antérieur et soutenu par ailleurs. Ceci n’est pas sans soulever des questions de spécificité et de complémentarité du travail conduit avec ces logiciels dans les deux environnements que sont la salle de classe et la salle informatique. Ce n’est pas non plus sans appeler une clarification institutionnelle du mouvement souhaité et des interactions attendues entre ces deux lieux.

Un dernier point reste à conduire pour épuiser la comparaison du système français en matière d’assistance au déploiement des TBI avec celui de nos voisins : les ressources mises à disposition. Avec une politique britannique de soutien aux autorités scolaires locales en matière de mise à jour du parc informatique et de ressources associés, la question de l’état de la situation française se pose. Au cours des différents entretiens, un premier sentiment sur la question était lisible : Les enseignants vont aussi bien puiser dans Educ’base que dans quelque chose, comment ça s’appelle déjà, Sésamath et tout ça. Disons que ce n’est pas la matière qui manque". C’est précisément la question de l’offre que nous étudions dans la section suivante.