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Chapitre 5 : Discussion

5.2 Discussion des autres résultats de l’étude

Même si cela ne faisait pas partie des objectifs de l’étude, d’autres caractéristiques importantes des observations d’HDM réalisées par les patients sont ressorties de l’analyse.

D’abord, il est intéressant de constater que la moitié des observations d’HDM par les patients ont été réalisées la nuit ou le soir, soit à des moments de la journée durant lesquels il est habituellement difficile d’obtenir de l’information exacte sur les pratiques d’HDM des soignants, lorsque la méthode normalisée d’audit est utilisée (observation directe par les infirmières en PCI). Effectivement, lorsque les infirmières en PCI réalisent des observations sur les unités de soins la nuit ou le soir, le biais d’observation (effet Hawthorne) est habituellement augmenté, puisque l’infirmière-observatrice est rapidement repérée par le personnel soignant, étant l’une des seules intervenantes présentes au corridor de l’unité de soins (activités réduites) [3, 28, 73, 97-100]. Ainsi, les soignants se sachant observés, modifient leur pratique d’HDM ce qui entraîne une surestimation de la pratique habituelle[3, 28, 73, 97-100]. De plus, la nuit et le soir, les rideaux séparateurs sont souvent refermés autour de la zone-patient vu la nature des soins habituellement prodigués (p.ex., soins d’hygiène, respect du sommeil des patients partageant la même chambre, etc.), ce qui rend difficile l’observation de l’HDM pour un observateur situé à l’extérieur de la zone-patient. Ainsi, dans la présente étude pilote, le fait que les patients-observateurs aient été en mesure de réaliser un grand nombre d’observations d’HDM dans des situations et moments habituellement difficiles — voire impossibles — à mesurer lorsque la méthode d’audit habituelle est utilisée,

contribue à mettre en lumière le rôle unique et la place privilégiée des patients pour observer les pratiques d’HDM des soignants.

Ensuite, de façon inattendue, nous avons constaté qu’aux deux phases de l’étude, près de la moitié des données d’observation collectées par les patients n’étaient pas interprétables pour calculer le taux d’observance de l’HDM des soignants au moment 1 (observations exclues). En effet, les informations inscrites par les patients dans la moitié des fiches d’observation ne nous permettaient pas de déterminer si l’HDM au moment 1 était indiquée ou non chez les soignants audités. Cette information est nécessaire pour calculer le taux d’observance de l’HDM des soignants au moment 1 (Annexe I). Il n’est pas possible de savoir si ce manque d’informations dans les fiches d’observation constitue une erreur ou un oubli d’inscription de la part des patients, un oubli concernant les instructions qui leur ont été faites lors de la formation, ou bien si les patients n’ont tout simplement pas été en mesure d’observer si l’HDM était indiquée ou non.

De plus, notons qu’une partie des patients-auditeurs ont rempli une fiche d’observation de l’HDM, même si l’HDM au moment 1 n’était pas indiquée. Précisons que les patients étaient informés, lors la formation théorique et pratique, de ne pas remplir de fiche d’observation si l’HDM au moment 1 n’était pas indiquée pour leur soignant. Par contre, notons que les patients ont fait cette erreur trois fois moins souvent à la phase B (5%) comparativement à la phase A (14%) de l’étude. Il est possible que d’avoir réalisé une formation pratique plus longue à la phase B (deux fois plus de scénarios de soins ont été mimés par l’étudiante-chercheure à des fins de formation pratique) ait été davantage efficace pour former des observateurs compétents. Enfin, il est difficile de comparer la proportion d’observations valides versus exclues tel que mesuré par les patient-observateurs avec les études antérieures, puisqu’à notre connaissance, aucune autre étude ayant fait participer des patients auditeurs de l’HDM des soignants n’a collecté ce type de données précises sur la réalisation de l’HDM au moment 1 des soignants[113, 143, 161-163].

Rappelons que notre étude était la première à former des patients hospitalisés pour réaliser des observations d’HDM des soignants et qu’une stratégie de formation et de validation des patients a été entièrement conçue dans le cadre de l’étude (vu l’absence de connaissances à ce sujet dans la littérature). Cependant, à la lumière des résultats précédemment décrits, il semble qu’il ait été plus difficile pour certains patients d’observer (et/ou de consigner) leurs observations, même après avoir été formés et validés pour le faire. Ce constat était imprévu, mais important, et il devra être considéré dans la conception de futures études faisant appel à l’approche du patient-observateur de l’HDM des soignants. Entre autres, il sera important dans le cadre de recherches futures d’explorer les facteurs qui poussent les patients à remplir des fiches « non-valides » et incomplètes (alors q’ils

d’observations valides versus exclues telles que réalisées par les patients devrait être ajoutée dans les critères de faisabilité de l’approche du patient auditeur de l’HDM des soignants.

Finalement, bien que l’objectif de l’étude n’était pas de vérifier l’impact de l’approche du patient-observateur de l’HDM sur la pratique de l’HDM des soignants, nous avons constaté que le taux d’observance de l’HDM au moment 1 des soignants à l’unité de chirurgie bariatrique avait graduellement augmenté durant la période où les patients-observateurs réalisaient leurs observations de l’HDM des soignants (Annexe Z). Ces taux d’observance ont été mesurés en utilisant la méthode d’audit usuelle, soit par l’observation directe de l’HDM par les infirmières en PCI. Cependant, il n’est pas possible d’affirmer que cette augmentation des taux ait été causée uniquement par la présence de patients-observateurs, car d’autres interventions promotionnelles de l’HDM avaient été réalisées par le personnel de l’unité de soins au cours de cette même période.

À notre connaissance, une seule étude antérieure a rapporté que l’approche du patient-observateur de l’HDM des soignants avait permis d’améliorer l’HDM des soignants, par contre cette dernière a été réalisée en clinique ambulatoire et non dans un contexte de soins aigus. En effet, dans l’étude de Lee et ses collaborateurs[113], les patients se présentant dans l’une des 88 cliniques ambulatoires de soins primaires et surspécialisées de l’Université d’Alabama (États-Unis) ont graduellement été invités (sur une période de 2 ans) à observer l’HDM de leur soignant au cours de leur consultation. Les taux d’observance de l’HDM des médecins, des infirmières et des techniciens (taux initiaux respectivement de 90,9 %, 91,25 % et 88,8 %) ont graduellement augmenté pour atteindre la cible de 95 % et se sont maintenus à des taux de ≥95 % (P< .001) pour toute la durée de l’intervention de deux ans. En somme, ce constat que nous avons fait relativement aux taux d’observance de l’HDM des soignants de l’unité de chirurgie bariatrique, nous suggère que l’approche du patient-observateur de l’HDM semble être une approche prometteuse au regard de l’amélioration des pratiques. Des recherches subséquentes devront être réalisées afin de mesurer l’impact de l’approche du patient-observateur sur l’observance de l’HDM des soignants audités.

5.3 Recommandations pour la réalisation future d’audits de l’HDM des soignants