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Le comportement d’audit de l’HDM et les déterminants psychosociaux

Chapitre 1 : Introduction

1.4 Le cadre de référence

1.4.1 Le comportement d’audit de l’HDM et les déterminants psychosociaux

Tout professionnel de la santé désire planifier et réaliser des interventions efficaces auprès de leurs patients. Une intervention ciblée et efficace peut être un défi important lorsqu’elle implique que les patients adoptent de nouveaux comportements[164]. Dans le domaine de la psychologie sociale, les modèles théoriques permettent de comprendre les facteurs qui favorisent l’adoption (ou non) de nouveaux comportements, ce qui favorise la réalisation d’interventions efficaces[164-169]. De façon générale, un comportement est une action observable et les comportements liés à la santé peuvent être définis comme des comportements sociaux que des preuves scientifiques lient avec la santé (par exemple, conduire sa voiture sous l’influence de l’alcool, faire du jogging, fumer la cigarette, etc.)[164]. Godin[164] précise que « les comportements liés à la santé sont avant tout des comportements sociaux, au même titre que d’autres comportements, comme […] voter aux élections, acheter un ordinateur ou composter (Godin, 2012, p. 7) ». L’utilisation de théories éprouvées pour identifier les facteurs expliquant l’adoption d’un nouveau comportement spécifique chez une population définie, dans un contexte donné, permettent de choisir la méthode d’intervention la plus appropriée auprès des d’une catégorie de patients ou d’une population donnée[164]. Le comportement d’audit d’HDM des soignants par les patients est un tout nouveau comportement d’intérêt et il n’a pas encore été étudié à l’aide des modèles théoriques de prédiction ou de changement de comportement issus de la psychologie sociale [113, 143, 161-163]. Par contre, quelques études se sont penchées sur les facteurs potentiels pouvant influencer la motivation des patients à participer aux audits d’HDM des soignants, à participer à l’amélioration de la sécurité des soins, à la prévention des erreurs médicales et à l’amélioration de l’HDM des soignants, tel qu’explicité ici-bas.

Facteurs influençant la volonté des patients de participer à l’observation de l’HDM des soignants Landers et ses collaborateurs[15] ont révisé la littérature pour identifier les facteurs pouvant potentiellement influencer la volonté des patients à participer à l’observation de l’HDM des soignants. Ces derniers rapportent qu’une personnalité extravertie[155, 170], la croyance qu’ils peuvent avoir une influence sur le comportement d’HDM des soignants[171], leur âge[170], la reconnaissance de la sévérité des IN[155, 171], l’invitation des soignants à leur demander de procéder à l’HDM[155] leurs croyances religieuses[155] et se voir remettre une

positivement la volonté des patients à participer à l’observation de l’HDM des soignants. En contrepartie, assumer que les soignants ont déjà désinfecté leurs mains [112], l’âge avancé[170], se sentir inconfortable de demander aux soignants de procéder à l’HDM[155], avoir confiance que les soignant feront l’HDM [112] et le type de soignant (médecin versus infirmière)[172] seraient des facteurs pouvant limiter la volonté des patients à observer l’HDM des soignants[15].

Facteurs influençant la participation des patients à l’amélioration de la sécurité des soins et la prévention des erreurs médicales

Longtin et ses collaborateurs[30], après avoir révisé les facteurs influençant la participation des patients à la prise de décision partagée et à la gestion des maladies chroniques, ont proposé un modèle qui fait état des principaux facteurs encourageant la participation des patients à l’amélioration de la sécurité des soins et la prévention des erreurs médicales. Ce modèle stipule que certains facteurs relatifs aux patients et relatifs aux soignants favorisent le partage de pouvoir et de responsabilité entre le soignant et le patient, favorisent une communication efficace entre ces deux acteurs et encouragent les patients à donner de la rétroaction aux soignants concernant des éléments relatifs à la sécurité des soins (Figure 1.4) [30]. Les facteurs liés aux patients mentionnés sont l’acceptation de leur nouveau rôle, la pertinence de l’enjeu en cause, leurs connaissances, leur littératie en santé, la légitimité de l’intervention, la sévérité de leur maladie, les variables sociodémographiques et la catégorie de soignants avec qui ils devront interagir [30]. De plus, ces auteurs mentionnent l’importance d’obtenir le soutien des soignants afin qu’ils reconnaissent la contribution unique des patients à la sécurité des soins, en plus d’éduquer les patients afin qu’ils aient les connaissances nécessaires pour participer [30]. Ces auteurs mentionnent également que des recherches subséquentes sont essentielles pour identifier les déterminants de la participation des patients dans la diminution des erreurs médicales et dans l’amélioration de la sécurité des patients[30].

Figure 1.4 : Modèle conceptuel des facteurs qui influencent la participation des patients à la prévention des erreurs.

Adapté de Longtin et collaborateurs (2010, p. 59) En attente d’acceptation de reproduire; HCW = health care worker

D’autres auteurs recommandent d’utiliser (ou ont utilisé) les modèles théoriques de prédiction ou de changement de comportements issus de la psychologie sociale afin d’étudier les déterminants-clés de la participation des patients qui demandent aux soignants de procéder à l’HDM avant les soins, de la participation des patients à l’amélioration de la sécurité des soins et de l’amélioration de l’HDM des soignants.

Déterminants de l’intention des patients de demander aux soignants de procéder à l’HDM avant les soins

Treise et ses collaborateurs[173] ont tenté d’identifier si certains déterminants de l’intention comportementale reconnus (attitude, norme sociale, efficacité personnelle, perception des risques et bénéfices liés à l’action) ont influencé l’intention des patients hospitalisés en post-opératoire (n=250) de demander aux soignants de procéder à l’HDM avant chaque soin. Les analyses ont indiqué une relation positive entre l’efficacité personnelle et l’intention (β = .32, t = 4.2, p < .001) et entre l’attitude et l’intention (β = .26, t = 3.2, p < .001), mais aucune relation statistiquement significative n’a été identifiée entre la norme sociale et l’intention, ou entre la perception des risques et bénéfices liés à l’action et l’intention. Ainsi, plus le patient avait un sentiment d’efficacité personnelle élevé et plus l’attitude du patient au regard du comportement était positive, plus les patients avaient l’intention de demander aux soignants de procéder à l’HDM avant les soins. Dans la revue systématique de Davis[108], qui a étudié l’efficacité des stratégies qui encouragent les patients à demander aux soignants de procéder à l’HDM avant leurs soins, les auteurs mentionnent que les patients qui avaient un fort sentiment de contrôle et qui se disaient capables de demander aux soignants de procéder à l’HDM, avaient une plus forte intention de le demander en plus de l’avoir davantage demandé aux soignants.

Déterminants de la participation des patients à l’amélioration de la sécurité des soins

Landers et ses collaborateurs[15] ont mentionné que les aspect comportementaux, les normes, les attitudes et croyances des patients, ainsi que la perception qu’ont les patients des risques liés aux infections, étaient des facteurs pouvant influencer la participation des patients aux initiatives d’amélioration de la sécurité des soins. Davis, Sevdalis et Vincent[171] ont étudié la volonté des patients de poser différentes questions à leur soignant relativement à leur sécurité. Les auteurs ont conclu que la volonté des patients à participer varie selon le comportement demandé et ont souligné l’importance, dans les recherches futures, d’utiliser des modèles théoriques issus de la psychologie sociale (comme la Théorie du comportement planifié ou le Modèle des croyances relatives à la santé), afin d’identifier les prédicteurs-clés de la participation des patients aux initiatives de sécurité des soins et de concevoir des interventions qui tiennent compte de ces facteurs.

Pertinence d’utiliser les modèles théoriques issus de la psychologie sociale pour identifier les meilleures stratégies d’amélioration de l’HDM des soignants

L’OMS[3] mentionne que les efforts pour améliorer l’HDM des soignants seront plus efficaces lorsque les principes de base de la science du comportement seront pris en compte pour planifier les interventions. Par exemple, les patients sont-ils motivés ? Ont-ils un fort sentiment d’efficacité personnelle ? Quelles sont les normes sociales au regard de l’HDM à l’unité de soins ? Davis et ses collaborateurs[108] mentionnent que l’efficacité des programmes d’amélioration de l’HDM des soignants doit être davantage investiguée, entre autres, par l’usage de méthodologies de recherche plus rigoureuses, qui mesurent le comportement des patients et des soignants de façon objective (observation directe et non auto-rapportée) et qui mesurent la réalisation des comportements (et non uniquement l’intention comportementale) [108]. En effet, bien que l’intention comportementale reste un prédicteur bien connu de la réalisation d’un comportement[164, 174, 175], il a été démontré qu’il existe parfois un écart important entre l’intention des patients de demander aux soignants de procéder à l’HDM et la réalisation de ce comportement[108, 176], comme c’est également le cas pour une multitude d’autres comportements[164]. Des études randomisées-contrôlées soutenues par des théories pertinentes et qui évaluent qualitativement et quantitativement les éléments qui fonctionnent le mieux et pourquoi elles devraient être réalisées, en plus d’investiguer et d’incorporer la perspective des patients dans la planification des stratégies de participation des patients à l’HDM[108].

En somme, bien que l’utilisation des modèles théoriques issus de la psychologie sociale n’aient pas, à ce jour, été utilisés pour étudier spécifiquement le comportement d’audit de l’HDM des mains des soignants par les patients, l’état des connaissances dans ce domaine démontre bien qu’il est devenu essentiel de le faire, en plus de mesurer le comportement des patients et non pas uniquement leur intention comportementale.