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DISCUSSION-CONCLUSIONS

Dans le document N 76/77 A.N.A.E. (Page 150-153)

Effets de l’âge et du signalement sur les performances scolaires :

DISCUSSION-CONCLUSIONS

L’objectif de cette étude était de tester l’effet de l’âge et du signalement sur certaines performances cognitives et lan-gagières d’enfants suivis longitudinalement de la fin de GSM à la fin du CP. En GSM, l’effet de l’âge n’est observé qu’en graphisme pour l’ensemble de la population étudiée. Cet effet est également retrouvé pour le sous-groupe des enfants non signalés. Ce résultat rejoint ceux de Mingat et Suchaut (1994) qui, dans une étude réalisée de la GSM au CP, montraient qu’en fin de GSM, seules les performances des élèves en graphisme étaient sensibles à l’effet du trimestre de naissance. Les résultats de ces mêmes élèves à des épreuves plus cognitives (discrimina-tion visuelle, structura(discrimina-tion temporelle, etc.) ainsi qu’à cel-les évaluant cel-les premières connaissances dans le domaine de l’écrit n’étaient pas directement liées à ce facteur mais au niveau des élèves dans ces différents domaines en début de GSM. Bien que l’effet spécifique de l’âge sur les habile-tés en graphisme demande à être expliqué, ces premiers résultats ne permettent pas de conclure à un impact massif et systématique de l’âge de naissance sur les performances scolaires en GSM. Ils nuancent donc assez fortement l’hypothèse selon laquelle les enfants jeunes seraient plus immatures que les enfants âgés.

On observe également que le signalement est fortement lié aux performances scolaires en fin de GSM. Ce résultat n’est pas nouveau : il a déjà été clairement mis en évidence par Mingat et Richard (1991), Prêteur et Louvet-Schmauss (1993) et Guimard (2000). L’effet du signalement est parti-culièrement net chez les enfants jeunes, les enfants jeunes signalés présentant comparativement aux enfants jeunes non signalés des performances faibles dans des domaines fonctionnellement liés à la maîtrise de l’écrit (graphisme, connaissances de l’écrit, compétences phonologiques). Ces résultats suggèrent ainsi que le signalement de certains jeu-nes enfants n’est pas arbitraire, leurs capacités cognitives et langagières moins opérantes pouvant constituer des indica-teurs de difficultés d’adaptation scolaire motivant une demande d’aide des enseignants auprès du RASED. Cette hypothèse s’appuie, d’une part, sur le fait que nos résultats convergent avec ceux de Prêteur et Louvet-Schmauss (ibid.)qui montraient que des enfants signalés en CP pré-sentaient en moyenne section de maternelle et en GSM des performances faibles dans des domaines liés à la maîtrise de l’écrit. D’autre part, on sait que les évaluations réalisées par les enseignants de maternelle sont corrélées aux évaluations psychométriques réalisées à la même période et qu’elles pré-disent assez bien le devenir scolaire des élèves pour les apprentissages ultérieurs (Quay et Steele, 1998 ; Écalle,

P. GUIMARD

Effet de l’âge chez les enfants Non Signalés Effet de l’âge chez les enfants Signalés

Sens de la relation ANOVA Sens de la relation ANOVA

Lecture compréhension J = A F = 0,92 ;p= .34 J = A F = 0,61 ;p= .44

Lecture de mots J = A F = 0,14 ;p= .70 J = A F = 0,5 ;p= .42

Orthographe J = A F = 0,21 ;p= .64 J = A F = 0,19 ;p= .66

Tableau 7.Récapitulatif des comparaisons des groupes « jeunes » (J) et « âgés » (A) du groupe « Non Signalés » (partie gauche du tableau) et du groupe « Signalés » (partie droite du tableau) aux épreuves de lecture compréhension,

de lecture de mots et d’orthographe de fin de CP

Effet du signalement chez les enfants Jeunes Effet du signalement chez les enfants Âgés

Sens de la relation ANOVA Sens de la relation ANOVA

Lecture-compréhension S<NS F = 4,7 ;p= .03 S<NS F = 10,8 ;p= .002

Lecture de mots S<NS F = 13,9 ;p= .0008 S<NS F = 20,5 ;p< .0001

Orthographe S<NS F = 11,8 ;p= .001 S<NS F = 14,8 ;p= .0006

Tableau 8.Récapitulatif des comparaisons des groupes « Signalés » (S) et « Non signalés » (NS) du groupe « Jeunes » (partie gauche du tableau) et du groupe « Âgés » (partie droite du tableau) aux épreuves de lecture compréhension,

de lecture de mots et d’orthographe de fin de CP

1999 ; Taylor, Anselmo, Foreman, Schatschneider et Ange-lopoulos, 2000 ; Guimard et Florin, 2001 ; Guimard, Florin et Nocus, 2002 ; Florin, Guimard et Nocus, 2002).

En CP, aucun effet de l’âge de naissance sur les performan-ces en lecture-écriture n’est observé. Ce résultat va dans le sens de ceux retrouvés dans la littérature (Mingat et Suchaut, 1994 ; Le Bastard et Suchaut, 2000). D’un point de vue psychologique, il souligne que les performances plus faibles en graphisme des enfants jeunes n’a pas été un frein à leurs apprentissages, puisque ces enfants, et notamment ceux du groupe non signalés, obtiennent des performances en lecture et en écriture statistiquement identiques à ceux de leurs aînés une année plus tard. Par contre, l’effet du signa-lement est extrêmement massif, les enfants signalés qu’ils soient jeunes ou âgés atteignant un niveau de performances en lecture-écriture nettement inférieur à celui des enfants non signalés. La similitude des trajectoires scolaires suivies entre la GSM et le CP par les deux groupes d’enfants signa-lés s’explique lorsque l’on considère que l’acquisition du lire-écrire est dépendante de la nature, du poids et du nombre de contraintes, notamment cognitives et langagiè-res, existant antérieurement à l’entrée dans l’écrit (Khomsi, 1995 ; Guimard, 1997). Les faibles performances de ces enfants aux évaluations de fin de GSM sont probablement l’expression de ces contraintes.

En définitive, ces résultats ne plaident ni en faveur d’un effet massif de l’âge de naissance sur les performances sco-laires en GSM, ni en faveur d’erreurs de signalement chez les élèves nés en fin d’année civile. Comment, cependant, expliquer la plus grande fréquence d’enfants signalés parmi les enfants jeunes en GSM ? Au-delà d’une certaine part de hasard liée à la constitution de l’échantillon consi-déré, divers éléments suggèrent que cette répartition n’est peut-être pas aléatoire. En effet, la fréquence élevée d’enfants signalés nés en fin d’année civile pourrait être la conséquence, d’une part, de la fragilité des acquisitions scolaires de ces enfants avant la GSM. On sait en effet, qu’en début de GSM, l’âge est une variable jouant un poids très important dans les acquisitions scolaires (Min-gat et Suchaut, 1994) et que les enfants en difficulté en CP présentaient dès la moyenne section de maternelle des per-formances faibles dans diverses évaluations liées à la maî-trise de l’écrit (Prêteur et Louvet-Schmauss, 1993). D’autre part, la plus forte fréquence d’enfants signalés parmi les enfants de fin d’année serait liée également au fait que leurs faibles performances scolaires antérieures n’ont pas nécessairement fait l’objet d’un signalement en raison, notamment, d’une plus grande tolérance des enseignants de cycle 1 aux différences individuelles3. Par conséquent, la plus forte proportion de signalement parmi les enfants jeu-nes de GSM exprimerait à la fois la fragilité des acquisi-tions scolaires de ces enfants à des étapes très précoces de leur scolarité et la nécessité de les aider à surmonter leurs difficultés à l’approche ou lors des toutes premières acqui-sitions formelles de la lecture et de l’écriture.

Pour conclure, il est bien évident que les faibles effectifs étudiés dans cette recherche, l’absence de prise en compte des différents types de signalement et la réduction des

caractéristiques psychologiques des élèves aux seuls aspects cognitifs et langagiers réduisent les possibilités de généralisation des résultats obtenus. Des recherches tenant compte de ces paramètres et envisageant des analyses indi-vidualisées correspondant mieux à la démarche de signale-ment des enseignants seraient à conduire pour confirmer et affiner ces résultats. Plus généralement, des recherches visant plus particulièrement à déterminer l’évolution de l’effet de l’âge (mois, trimestre ou semestre) de naissance sur les apprentissages solaires4 et à montrer comment cet effet est modulé par les contextes d’apprentissage contri-bueraient à mieux comprendre le rôle joué par ce facteur et, par conséquent, à définir plus précisément ce que recouvre la notion de maturité lorsqu’elle est utilisée pour rendre compte des différences individuelles dans les apprentissages scolaires.

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3. Comme en attestent, en effet, les données du rapport Gossot (1997), les signalements sont peu fréquents en cycle 1 et en cycle 3 comparativement à ceux du cycle 2 qui représentent plus de 75 % de l’ensemble des signalements.

4. Cf.Florin, Cosnefroy et Guimard (soumis) pour une synthèse sur de larges échantillons d’élèves.

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P. GUIMARD

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