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IV.1 L’ OPINION DES ELEVES DANS LEUR RAPPORT AU PERSONNEL SCOLAIRE

IV.1.1 Un bon rapport au collège malgré un lien aux adultes tendu, voire conflictuel

IV.1.1.2 La direction et la vie scolaire : volonté d’écoute et de compréhension

Avec les CPE et le personnel de vie scolaire, les élèves perçoivent davantage d’écoute et de proximité, mais aussi parfois une mise à distance qui semble être jugée en fonction de la prise de position de ce personnel scolaire vis-à-vis des collègues enseignants.

223 DUBET François, MARTUCCELLI Danilo, « Théories de la socialisation et définitions sociologiques de l’école », RFS, 1996, cité par BARRERE Anne, SEMBEL Nicolas, op. cit., 2005, p.20

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Tableau 26 : Appréciation des relations avec le personnel de la vie scolaire

Le tableau ci-dessus montre que les relations avec la vie scolaire sont assez souvent bonnes, voire très bonnes, c’est le cas pour 80,3 % des élèves interrogés. Cependant cette question aurait mérité de distinguer les CPE des surveillants. En effet, lors des entretiens, les élèves font nettement cette distinction. D’après eux, de bonnes relations avec les surveillants s’expliquent par leur capacité d’écoute et de compréhension « ils nous écoutent, ils nous comprennent plus » disent-ils. Voici un extrait qui montre que les surveillants sont souvent appréciés par les élèves :

Eloise, élève de 6ème, David, et Karine élèves de 4ème à Nibourg

« MYRIAM OUAFKI : et comment ça se fait que ça se passe bien avec eux et pas avec les autres ?

ÉLOISE : bah je sais pas, ils sont comme nous MYRIAM OUAFKI : c’est-à-dire ?

ÉLOISE : ils dialoguent avec nous, ils rigolent avec nous, alors que les CPE elles sont trop sérieuses dans leur travail

KARINE : puis aussi la différence d’âge avec les surveillants est moins importante qu’avec tout ce qui est prof et CPE, donc on se sent plus proche d’eux, plus en confiance

MYRIAM OUAFKI : tu as l’impression que l’âge a un effet ? Il y a des profs jeunes aussi non ?

KARINE : ouais, mais les surveillants ils ont tous à peu près la vingtaine, alors que les profs

ÉLOISE : la trentaine

KARINE : oui minimum la trentaine

MYRIAM OUAFKI : il n’y a pas de profs qui ont la vingtaine ? ÉLOISE : non j’en connais pas

MYRIAM OUAFKI : et toi tes surveillants ?

DAVID : ils sont gentils, on rigole avec eux, ça se passe bien

MYRIAM OUAFKI : ils ne punissent jamais les élèves les surveillants ? DAVID : si

ÉLOISE : si, ils nous punissent KARINE : si, ils nous punissent

ÉLOISE : mais au moins ils disent la vérité DAVID : ils prennent sur eux, ils accumulent

MYRIAM OUAFKI : ok. Ça veut dire quoi prendre sur soi ? Le fait que les surveillants prennent sur eux ça veut dire quoi ?

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DAVID : par exemple, tu fais une bêtise, ils vont se souvenir que tu as fait une bêtise et la prochaine bêtise ils vont te punir parce qu’ils t’ont prévenu. »

Plusieurs éléments dans cet échange : la notion de proximité, voire d’entente agréable basée sur un peu d’humour ; la transparence dans la communication et l’écoute. Des éléments que nous revisiterons aussi plus longuement au chapitre IV.1.2. Le rapport avec les personnels de vie scolaire est jugé plus équitable, dans le sens où les élèves savent à quoi s’attendre et ils ne sont pas dans une relation de méfiance.

Quant au CPE, les élèves qui ont une bonne relation avec le CPE expliquent qu’« il essaie de nous comprendre ». Le registre relatif à la compréhension revient presque aussi souvent que celui du respect, de l’écoute, de la prise en compte de l’élève :

Mathias, 4ème, Léon, 5ème, Grégory, 6ème, élèves de Orsan « MATHIAS : ils sont trop tils-gen les surveillants

LEON : les surveillants c’est les adultes les plus aimés de tout le collège GREGORY : comme si c’était des stars

MATHIAS : c’est pas pareil les surveillants et les profs. Parce que les profs ils sont vieux et les surveillants ils sont jeunes

MYRIAM OUAFKI : tu crois que c’est par rapport à leur âge ? GREGORY : nan

LEON : bah si parce qu’ils nous comprennent mieux »

Concernant les élèves qui déclarent avoir une mauvaise perception de leur relation avec le CPE, cela semble lié à un sentiment de ne pas être écouté :

Farid, élève de 4ème à Pitoviers

« FARID : même quand on s’explique ils nous croient pas ils disent que le prof il a raison

MYRIAM OUAFKI : qui ne vous croit pas exactement ?

FARID : les CPE et tout ça, ils disent que les profs ils ont raison »

La prise en compte de la parole l’élève, encore une fois, a une importance dans la perception des élèves et leur rapport aux adultes du collège :

Léon, élève de 5ème à Orsan

« Moi pour moi le souci le plus énorme de l’école, y en a d’autres aussi, mais, c’est qu’ils ne prennent pas en compte la parole des enfants. ».

Cette impression de ne pas être écouté ressurgit dans l’ensemble des entretiens menés avec les élèves. En voici un autre extrait :

Redouane, Trésor, Elias, élèves de 3ème, Bazile, élève de 6ème à Brevane

« BAZILE : je sais, que les CPE et tout ça ils nous écoutent pas assez. Par exemple, si on va dans leur bureau ils nous écoutent, mais sans nous écouter. Ils nous écoutent, mais ils ne prennent pas en compte ce qu’on a dit

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[…]REDOUANE : et des fois même ils nous coupent la parole, ils nous laissent pas finir de parler ils nous coupent la parole

MYRIAM OUAFKI : d’accord

REDOUANE : après quand on leur répond ils disent que c’est nous qui manquons de respect […], ils se rendent pas compte, parce pour eux c’est tout le temps l’adulte qu’à raison c’est pas l’élève

[…]TRESOR : y a des gens des fois, même quand on est en tort, euh même quand ils sont en tort, et bah c’est eux qui vont gagner

MYRIAM OUAFKI : gagner ça veut dire quoi ?

TRESOR : gagner ça veut dire que nous on va être sanctionné et pas eux Basile : c’est eux ils ont toujours raison

ELIAS : et même, avant qu’on arrive dans leur bureau la sanction elle est déjà prise, alors qu’on a même pas encore parlé

TRESOR : même si on se déplace, on peut dire « A, B, C, D », c’est mort MYRIAM OUAFKI : c’est déjà joué

TRESOR : voilà

MYRIAM OUAFKI : et c’est à chaque fois comme ça ou y a des fois ou ça se passe autrement ?

TRESOR : non ils nous laissent pas parler REDOUANE : ils nous respectent pas »

Il ne s’agit pas de prendre le discours des élèves au pied de la lettre, mais il est évident qu’un manque de considération en la parole de l’élève, en tant qu’enfant face à l’adulte, est ressenti pour tous ceux qui font l’objet d’exclusion. L’exclusion apparait alors comme le prix d’une victoire pour l’adulte. A ce jeu « déjà joué », les élèves recherchent ce qu’ils appellent une « négociation » pour échapper à une défaite presque inévitable du fait qu’ils ne seraient pas assez écoutés :

Julien, Nathan, Bachir, élèves de Nibourg MYRIAM OUAFKI : […] et les CPE ?

[…]JULIEN : nous y en a une qui est méchante et l’autre ça va. Elle est trop stricte, elle est injuste […] non ils font un peu les flics quoi. Ils sont là ils nous disent « allez là-bas fait ça fait ça » alors que logiquement ils doivent pas faire ça, ils doivent nous dire, ils doivent nous donner des conseils tout ça

[…] NATHAN : nan, mais à chaque fois, il veut pas écouter ce qu’on lui raconte il dit « oui oui c’est ça, sort de mon bureau »

MYRIAM OUAFKI : il est pas à l’écoute des élèves ?

NATHAN : bah ouais. Il casse la tête quand on essaie de lui dire quelque chose, il dit quoi il dit « ouais je verrais ça »

BACHIR : si on le contredit il veut pas négocier, s’il y a juste un prof qui dit « Bachir il a fait ça, un tel il a fait ci » bah direct il va convoquer les élèves dans son bureau. On n’aura même pas le temps de discuter « carnet, heure de colle ».

Tandis que le personnel de la vie scolaire est représenté par des personnalités et des professionnalités variées, pour lequel les élèves ont nombreuses anecdotes à conter, le personnel de direction est rarement cité par les élèves.

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Tableau 27 : Appréciation des relations avec le personnel de direction

Les relations avec la direction sont jugées bonnes, voire très bonnes dans 70,6 % des cas. La direction est très rarement évoquée par les élèves lors des entretiens. Même si en termes règlementaires, c’est par le biais de la direction que s’enclenche une exclusion, la décision est associée aux yeux de l’élève à l’enseignant à l’origine de l’incident en jeu bien qu’il ne soit légalement pas le personnel en charge de ce type de procédure, ou au personnel de vie scolaire lorsqu’il n’y a pas d’enseignant impliqué, dans le conflit entre pairs par exemple. Anne Barrère225 soulève le fait que les chefs d’établissement, lorsqu’ils rencontrent l’élève, ont généralement l’avantage que cela se fasse de manière individuelle et probablement après l’intervention d’autres adultes de la vie scolaire. Les principaux disposent à leurs yeux d’une autorité supplémentaire vis-à-vis des enseignants confrontés aux groupes d’élèves, ce qui n’empêche pas la survenue d’incident dans le bureau du principal, mais cela reste rare.

IV.1.1.3 Un rapport aux enseignants dégradé : la compensation par les