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La diffusion des activités maraichères pendant la période coloniale : une première sensibilisation aux techniques agricoles

saisir le phénomène d'accroissement des foires

Chapitre 2. Un contexte historique et socio-spatial favorable à la croissance des échanges commerciaux entre Bamako et sa

2.4. Le rôle de la périphérie dans l'approvisionnement de Bamako : une histoire ancienne

2.4.1. La diffusion des activités maraichères pendant la période coloniale : une première sensibilisation aux techniques agricoles

commerciales

La population de la périphérie de Bamako participe à l’approvisionnement de la ville depuis la période coloniale. Dès cette période, les mesures liées à la sécurisation du ravitaillement de la ville de Bamako, alors capitale du Soudan français, se multiplient en effet. Les différentes structures administratives, militaires, économiques et commerciales assuraient alors une croissance démographique continue de la ville. La demande européenne était alors exigeante et les efforts déployés pour la satisfaire importants. L’administration coloniale a fait le choix de cultiver ces produits sur place. Les difficultés liées à l’importation de produits européens44 étaient en effet nombreuses, et justifiaient la mise en place d’infrastructures pour répondre à ces besoins. Durant cette période, la vulgarisation des méthodes de cultures maraîchères par les européens a été rapide et efficace : jardins pédagogiques, fermes écoles, centres de

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recherches agronomiques, initiation à la consommation ont encouragé de nombreux acteurs à s’investir dans le secteur (Doumbia, 1982). Ces acteurs sont des membres de l’administration coloniale, des fonctionnaires et militaires, ainsi que des populations autochtones qu’ils emploient et qui diffusent les techniques au gré de leurs déplacements (forcés ou non).

La pratique de cultures dites maraichères précède en réalité la période coloniale. Cependant, avant l’arrivée des colons, les cultures de fruits, feuilles ou légumes s’apparentaient plus à des plantations communautaires où les arbres et plantes traditionnels étaient valorisés pour l’autoconsommation qu’à une véritable culture maraîchère (Doumbia, 1982, p. 57). Le passage de la culture de végétaux rentrant dans la gamme des condiments consommés, à la culture commerciale a, de fait, eu lieu pendant la période coloniale. Les premières expérimentations sur la production de produits maraîchers ont été concluantes et ont permis d’assurer l’approvisionnement de l’administration coloniale implantée sur le site de Bamako. Ces premiers succès ont donné lieu à un investissement plus important selon deux lignes directrices : la première était de favoriser l’implantation de l’activité agricole par « fixation » de la population sur une terre et la seconde de favoriser l’intégration d’une paysannerie innovante aux circuits de ravitaillement de la ville. Durant la première phase d’expérimentations agricoles datant des années 1920, les infrastructures liées aux activités de maraîchage sont présentes en centre ville et dans les interstices urbains, ainsi que sur trois des six axes routiers menant à Bamako à une distance de la ville n’excédant pas 15 km. La création d’un périmètre irrigué à 30 km à l’Est de la capitale, sur la rive droite du Fleuve Niger, à proximité de la route menant vers Ségou, marque l’implantation coloniale sur un quatrième axe, dans un périmètre plus large.

Après une période de diffusion du maraîchage, les Français ont tenté de valoriser les espaces à fort potentiel productif, pour y mener des activités de maraîchage mais plus largement pour y développer l’agriculture de rente. Ces projets ont conduit à la mise en valeur du périmètre irrigué de Baguinéda45. Pour l’administration coloniale, ces aménagements devaient induire des changements importants au sein des espaces ruraux. « In colonisation indigene, The

French combined their belief in the importance of high population density with their

45Le chantier a débuté en 1926 par des travaux de creusement d’un canal à partir de Sotuba. Dans la même

optique que l’Office du Niger, ces parcelles ont été exploitées par les habitants de « villages de colonisation » créés par transport forcé de paysans « colons ». Ce périmètre est actuellement appelé Office du Périmètre Irrigué de Baguinéda (OPIB). Des villages ont été inclus dans le périmètre hydro-agricole créé par l’administration française, où ils ont pris la forme de lotissements agricoles.

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convictions regarding the superiority of intensive plow agriculture and the centrality of private property and the nuclear family to a developed agricultural system46 » (Van Beusekom, 1997, p. 303). Une dizaine d’années après les premiers travaux (1936), on recensait sept villages au sein du périmètre irrigué (Doumbia, 1982). Encadrés par des techniciens et des administrateurs urbains, ces espaces sont devenus des lieux d’innovation et de transmission des savoirs et techniques agricoles (Source OPIB). L’augmentation progressive du nombre de villages montre que les techniques des administrateurs ont été fructueuses en matière de fixation de la population et que l’activité agricole s’est diffusée.

La demande citadine, celle des colonisateurs en particulier, a donc stimulé l'orientation des productions agricoles de la périphérie vers la ville.

Le développement du maraîchage en périphérie de Bamako a impulsé l’intérêt des paysans pour le marché urbain, bien qu’il ne concerne à cette époque qu’une petite partie des communautés rurales vivant en périphérie de la ville. Ces observations mènent au constat suivant. La culture d’exportation a été un outil stratégique de valorisation économique de l’espace pendant la colonisation. Mais à Bamako plus qu’ailleurs c’est davantage la culture maraîchère que la culture de rente qui a marqué le territoire. Cette époque marque une première rupture des comportements des paysans en termes d’échanges.

Dès cette époque et en dépit des volumes de commercialisation encore faibles, se pose la question de la mise en place d'infrastructures ou de places de vente de produits. La faiblesse de la population urbaine ne nécessite pas encore la mise en place de marchés qui maillent l'espace rural. Toutefois, les prémices de l'organisation contemporaine apparaissent.

2.4.2. Les politiques coloniales de mise en valeur de la périphérie : un