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saisir le phénomène d'accroissement des foires

Chapitre 1. Etudier les foires en périphérie de Bamako – cadre théorique et méthodologique

1.3. Protocole d'enquête et choix méthodologiques

1.3.2. Délimiter la zone d'étude et définir les foires étudiées

Compte tenu du boum démographique qu’a connu Bamako ces quatre dernières décennies et des importants besoins domestiques des citadins, une multitude de réseaux d’approvisionnement se sont mis en place. Les foires constituent un des éléments du système complexe d’approvisionnement de Bamako.

Ce sont des lieux d’échange non spécifiques à la périphérie de la capitale malienne. Elles se rencontrent partout au Mali et dans les pays frontaliers, même si, leurs formes, leurs périodicités ne sont pas toujours les mêmes. Les capitales régionales rassemblent les foires les plus attractives, les spécialités régionales y sont visibles, et les flux entre ces foires sont le témoin des échanges entre régions productrices : Sikasso propose des produits vivriers tels que le manioc et la patate douce, non produits au Nord de Bamako, Niono propose du riz, des tomates et des échalotes en quantités importantes et ce, plusieurs fois dans l’année, grâce au périmètre irrigué. Les jours de foire, les commerçants du pays y convergent, et lors des pics saisonniers de production, ces flux sont journaliers.

Nous avons constaté durant les enquêtes exploratoires que certains grands commerçants de Bamako fréquentent chacune des plus grandes foires de l'ensemble de la sous région. Disposant alors de moyens de transport adaptés et d'une bonne assise financière, ils achètent tour à tour du riz, des légumes ou des animaux dans les foires du Nord (Nioro), des tubercules au sud (Sikasso), des céréales à l'est (Ségou, Bla). Les achats, effectués en grande quantité, sont calqués sur le calendrier agricole des régions productrices, et bien que récurrents dans l'année et durant plusieurs semaines consécutives sur chaque site, ils n'ont une régularité que saisonnière.

Les échanges entre régions productrices ne sont pas au cœur de ce travail et les analyses sont centrées sur les foires dont la portée n'excède pas 1 à 2 jours de trajets depuis Bamako. Ces foires se caractérisent par le fait qu’elles appartiennent exclusivement au bassin d'approvisionnement de Bamako. On y observe toute l'année des flux de marchandises à une fréquence au moins hebdomadaire. De ce fait, la coordination des pratiques y est visible : même type de transport, similitude des stratégies commerciales. Ces foires peuvent être l'objet d’une mise en réseau par une mise en synergie des pratiques commerciales, dont nous détaillerons les modalités dans la deuxième partie.

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L'élément majeur de différenciation entre les foires choisies et les foires régionales est le mode de transport utilisé. S'apparentant au grand commerce (Grégoire, Labazée, 1993), les marchands utilisent le réseau de transport national de cars pour se déplacer dans les foires régionales et transfèrent leurs achats à Bamako par gros porteurs (camion 10 tonnes).

Afin de délimiter la zone d’étude, il a donc été nécessaire de distinguer les foires suivant qu'elles appartiennent ou non au bassin d'approvisionnement de Bamako. Pour cela, il faut distinguer les flux de marchandises qui transitent par Bamako de ceux qui l'approvisionnent directement.

Nous posons l'hypothèse que ces foires se distinguent par l'existence d'un lien régulier avec les gares routières d'un des centres urbains en particulier. Ainsi, le semis de foires qui est pris en compte dans ce travail est celui qui est l'objet d'une fréquentation régulière des commerçants de Bamako, dont les déplacements sont facilités par la présence d'un réseau de transport adapté.

Cela nous a conduit à délimiter préalablement aux enquêtes notre espace d’étude comme suit : c'est l’ensemble des lieux ayant des liens au moins hebdomadaires, via des centres de regroupement des productions à but commercial (foire), avec la capitale. Notre définition du terrain d'étude correspond aux foires qui approvisionnent Bamako, si ce n'est de manière exclusive, au moins institutionnalisée par des circuits de transports réguliers. Ce terrain d'étude est caractérisé par l’existence d’un lien régulier entre des foires en périphérie et une gare routière en ville ou un marché urbain, de même que par des interrelations entre ces foires.

La carte suivante synthétise le travail d'inventaire des foires dans un rayon de 500 km autour de Bamako et les localise (carte 3). L'empreinte spatiale de ces foires révèle une dynamique commerciale stimulée par la présence de la capitale et des capitales régionales (forte concentration autour de Bamako et des capitales régionales). C’est surtout autour des plus grandes villes du pays (Bamako, Sikasso, Ségou) qu‘un semis dense de foires s’est développé. La proximité de Bamako favorise particulièrement une densité forte de foires.

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Carte 3 - Carte de localisation des foires dans un rayon de 500 km autour de Bamako et des foires du système d'approvisionnement de Bamako

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Définitions des critères de choix des foires étudiées

Critère 1 : Les foires prisent en compte sont celles qui sont desservies à partir des gares routières de Bamako selon le calendrier des jours de leur fonctionnement. Elles figurent en jaune sur la carte. Le lien entre la gare routière et la foire est la conséquence d'une organisation réglée dans le temps des flux entre la capitale et les principales foires qui assurent son approvisionnement.

Les transports qui assurent ces navettes régulières vers les foires sont :

• Pour une grande majorité des minibus de type Sotrama. A l'aller, ils transportent les passagers pour la foire à partir des gares routières. Au retour, ils transportent les passagers et leurs marchandises vers les gares routières ou les principaux marchés de la capitale.

• On recense également des taxis appelés "taxi 9 places". Ils desservent les axes les moins accessibles et ont une longue expérience dans ce domaine. Ils sont de plus en plus remplacés par les Sotrama, notamment au fur et à mesure que les routes sont goudronnées ou que la ligne devient suffisamment fréquentée pour justifier la mise en place d’un transport collectif d'envergure.

Ces deux types de transport effectuent des navettes quotidiennes de Bamako vers les foires de la périphérie.

Les autres foires (en bleu sur la carte) sont desservies par les compagnies de transport nationales en cars ou à la demande par des camions gros porteurs. Ces derniers sont les plus aptes à assurer le transport de marchandises sur de longues distances. Les foires en bleu sur la carte ne font pas partie de notre échantillon d'étude.

Nous pouvons noter dès à présent que certains camions 10 tonnes sont présents sur les foires de notre espace d'étude. Ils ont des départs aux gares routières mais ne constituent pas des prestataires de transports pour les grands commerçants. Allant de foire en foire, ces transports stockent durant une semaine, au fur et à mesure des arrêts, les achats de marchands itinérants qui voyagent avec leurs marchandises28. Ces transporteurs ont la particularité de fréquenter les foires au sein de notre espace d'étude et au delà.

28 Dans la typologie que nous exposerons en partie 2 les acteurs qui effectuent ce type de collecte sont

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Critère 2 : Les foires prisent en compte dans mon étude sont celles dont la portée n'excède pas 1 à 2 jours de trajets depuis Bamako.

Ce système de foires (en jaune sur la carte) est caractérisé par un type de transport (Sotrama et taxi 9 places). Ces véhicules sont trop vétustes pour avoir une portée plus longue. Au delà, ils sont concurrencés par les cars. Cependant, la portée spatiale des Sotrama et des taxis 9 places n'explique pas à elle seule la forme du système de foires considéré. Le critère distance/temps intervient également. Les commerçants ne consacrent pas plus d’un ou deux jours au ravitaillement de leurs points de vente. Ces foires se caractérisent par une empreinte spatiale bien limitée (150 km autour de Bamako) et repose sur les spécialités productives de la seule périphérie de Bamako.

La distinction entre deux types de réseaux d'approvisionnement a permis la délimitation de notre espace d’étude. Il n'en reste pas moins que le nombre de foires étudiées est important. Il s’est donc posé la question de savoir s'il fallait procéder par échantillonnage (ce qui suppose d’avoir des informations sur l’ensemble des foires pour pouvoir effectuer cet échantillonnage) ou s'il fallait prendre en compte l’ensemble de ces foires, de façon exhaustive dans notre analyse. Ne disposant pas, préalablement aux enquêtes, d'un recensement exhaustif des foires de la périphérie, nous les avons inventoriées en menant des interviews auprès d'acteurs ressources sur le sujet, puis croisées et vérifiées les informations. La constitution d'une liste complète des foires de la périphérie de Bamako s'est avéré être un processus long. Le choix d’une étude exhaustive de ces foires, bien que très lourde, a permis d’éviter de discuter de la représentativité a priori de telle ou telle foire, alors que les pratiques des acteurs qui y sont associés n'étaient pas connues.

Cependant, ce choix de l’exhaustivité a ses limites méthodologiques. Concentrer mes recherches sur les foires m’a contraint à négliger certains aspects des échanges, et en particulier son impact sur l’amont. Il n’a pas été mené d’analyse sur la production elle-même. Ainsi, les modifications des pratiques productives n’ont pas été mesurées au niveau des parcelles. L’évolution des besoins ruraux n’a pas fait l’objet d’enquêtes dans les ménages. Le système économique n’a pas été pris en compte dans sa globalité, mais seulement autour de l’échange, négligeant les questions liées à la consommation et la production pour se concentrer sur la vente et la distribution.

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Parallèlement à l’intensification des échanges commerciaux entre la ville et sa périphérie, au développement du nombre de foires, la périphérie est l’objet de nombreuses transformations. L’accroissement démographique et spatial de la ville pose la question de la pression foncière sur les espaces agricoles. De plus, l’accroissement du bâtit a de nombreuses conséquences paysagères. L’insertion des producteurs dans des spéculations à destination du marché urbain transforme l’espace rural (pression sur les ressources, modification du choix des variétés commerciales et diversification des fonctions de la périphérie). Autant de dynamiques qui sont perceptibles sur notre terrain étude, mais qui, de par le choix méthodologique effectué, n’ont pas fait l’objet d’enquêtes spécifiques et ne sont analysées que par le biais d’informations indirectes.