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Des préférences alimentaires basées sur les référents rurau

saisir le phénomène d'accroissement des foires

Chapitre 2. Un contexte historique et socio-spatial favorable à la croissance des échanges commerciaux entre Bamako et sa

2.2. Les enjeux liés à l'approvisionnement de la ville et à la satisfaction des besoins alimentaires et bioénergétiques des urbains

2.2.2. Besoins alimentaires et bioénergétiques des urbains

2.2.2.5. Des préférences alimentaires basées sur les référents rurau

Parmi les travaux sur l'approvisionnement des villes africaines, de nombreuses études se sont intéressées aux comportements alimentaires des populations, notamment urbaines. Bien que l'étude de la communauté de consommation pose de nombreux problèmes de définition (Gastellu, 1980), il est possible d'analyser la nature de la demande alimentaire à Bamako, qui est, comme dans de nombreux pays ouest-africains, fonction de plusieurs critères : les préférences alimentaires, les caractéristiques des ménages, les modèles de consommation et le modèle familial de l’ethnie d’origine. Nos enquêtes non pas ciblé directement la

41 Le programme "Food for Work" de l'USAID encourage l'autosuffisance alimentaire en fournissant des vivres

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consommation et une telle démarche d'analyse des unités économiques n'a pas été mise en place. Cependant, à partir des travaux sur le sujet, de l'observation des pratiques d'achat sur les marchés et des données sur la consommation alimentaire et énergétiques à Bamako, nous pouvons retenir les éléments suivants.

L’utilisation de réseaux ethno-géographiques pour la fourniture de produits alimentaires en ville est un exemple de la réciprocité des liens entre ville et campagne, et semble se réaliser à la fois en compensation de l’aide financière fournie régulièrement par les citadins et comme la possibilité d’affirmer culturellement ses choix alimentaires. Ainsi, selon Dia (1997), « Les

ménages urbains découlent d’un processus historique très récent en Afrique du fait de l’importance de la migration d’origine rurale dans la constitution des villes. Ainsi, même si l’évolution des structures sociales devrait être influencée par les contraintes du cadre de vie urbain, les comportements des ménages dépendent des structures rurales ». Les pratiques

d’entraide alimentaire entretiennent le lien ville campagne.

La prise en compte de la demande alimentaire en ville passe par la considération du modèle familial de l’ethnie d’origine, qui est pluriel en milieu urbain. Ainsi, I. Dia montre que la taille de l’unité de résidence (nombre de personnes habitant dans le ménage), de l’unité de consommation (nombre de personnes consommant des produits alimentaires dans le ménage) et de l’unité de production (nombre de personnes qui participent aux revenus du ménage) n’est pas la même. Elle varie sensiblement puisque certains membres du ménage ont leurs propres réseaux pour la satisfaction des repas. De plus, dans certain cas la maîtresse de maison est dans l’obligation sociale de cuisiner pour certains membres de la famille qui n’y résident pas. De ce fait, à Bamako, la participation à l’alimentation du groupe est codifiée, et les variantes complexes entre partage du repas dans l’unité de résidence ou en dehors. L’apport de « paniers repas », très visible dans les rues de Bamako à certaines heures, illustre l’ampleur de ces pratiques.

Cependant, de manière générale, le milieu urbain a tendance à favoriser la prise de repas en dehors du domicile. L’exercice d’un emploi en ville ne rend pas toujours possible la prise de repas en famille. Les gargotes se substituent alors au repas familial en proposant une gamme de plats cuisinés en sauce. Les marchands de rues constituent une autre source d’accès aux préparations marchandes (beignet, gâteaux, pain). Ces pratiques ne sont pas standardisées. Cela peut prendre la forme d’un petit-déjeuner (café et pain dans une gargote), d’un repas

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cuisiné le midi, ou le soir (généralement pratiqué par les travailleurs célibataires). L'étude détaillée de F. Akindes sur les différentes formes de restauration à Abidjan montre que la prise de repas en dehors de la cellule familiale est aussi favorisée par les contraintes liées à la confection des repas et à la volonté, pour le chef de famille, de se décharger de cette tache en donnant de l'argent pour l'alimentation hors du domicile, souvent bon marché (Akindes, 1990).

En ce sens, la restauration hors du domicile tient une place importante dans les stratégies alimentaires du ménage. Les repas en famille ne restent pas moins une constante qui se perpétue grâce à la fonction sociale qui lui est accordée.

Ces pratiques illustrent l'importance des plats cuisinés dans la vente de produits alimentaires en ville. Les pratiques vulgarisent le pain, le café et les huiles de cuisson (pas ou peu produits au Mali), dans la gamme des produits courants et donc le recours aux produits d'importation.

Les référents ruraux constituent des fondamentaux dans les pratiques d'acquisition et de consommation alimentaire et bioénergétique malgré l’intégration urbaine. Ce constat, à l'échelle du Mali, corrobore les travaux de chercheurs sur l'Afrique de l'Ouest et tropicale (Chaleard, 1996 ; Kouassi, 2006, Akindes, 1991 ; Dia, 1997). On peut d’ores et déjà constater quelques spécificités de la capitale malienne comme la subsistance de pratiques d'agriculture urbaine dont l'ampleur distingue Bamako de certaines grandes villes comme Abidjan42 (Chaleard, 1996, p. 36). Le poids des urbains qui possèdent des exploitations agricoles périurbaines dans la satisfaction des besoins des ménages Bamakois et la valorisation des produits africains, illustrent la subsistance de pratiques et de référents ruraux dans les préférences alimentaires.

Les préférences alimentaires urbaines sont basées sur les référents ruraux avec quelques nuances cependant. On constate une nette préférence pour le riz et le développement des pratiques de prise de repas hors du domicile. Pour ce qui concerne le choix des énergies permettant la cuisson des aliments, le lien avec les pratiques rurales est également fort. Le bois et le charbon sont des sources d'énergie fournies par la biomasse locale. Cependant l'insertion urbaine induit là aussi une nuance avec une nette préférence, depuis une dizaine d'année, pour le charbon.

42 Les pratiques urbaines d'acquisition par autoconsommation représentent 6 % des modes de ravitaillement à

Bamako, alors que les travaux de Chaléard parlent de très faible taux d'autoconsommation à Abidjan (moins de 1%) de 1979 et 1988 (Chaleard, 1996).

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Au Mali, comme dans de nombreux pays africains, les produits agricoles nationaux de base fournissent l'essentiel des besoins des ménages. Si l'appartenance au milieu urbain entraine quelques modifications dans les comportements d'achat, ces produits satisfont également les besoins urbains.

Compte tenu des besoins de la population urbaine et leur croissance, la mobilisation des ressources nationales se présente comme un élément supplémentaire de sécurisation des filières d'approvisionnement. L'étude des besoins alimentaires urbains a montré le recours aux flux d'importation, pour le riz notamment (denrées insuffisamment produite à l'échelle nationale pour combler les besoins). Ceci peut engendrer non seulement une dépendance mais un risque accru de fragilité en termes de sécurité alimentaire.

Dans ce contexte, la grande dépendance des populations urbaines vis à vis des sources d’énergie permettant de cuisiner constitue un enjeu aussi important que la satisfaction des besoins alimentaires. En ce sens, le bois énergie est une ressource qui entre dans la gamme des produits permettant la satisfaction des besoins alimentaires. Dans les pays sahéliens, il est indispensable de considérer ensemble les produits vivriers et bioénergétiques. Ils répondent à un même enjeu : celui de la sécurité alimentaire.

En milieu urbain, la valorisation des espaces d’interstices permet l’autoproduction de quelques denrées alimentaires (cela représente 10 % de l'approvisionnement, source EMEP). En revanche, la fourniture de bois énergie répond à d'autres logiques. Elle suppose un réseau d'approvisionnement fondé sur l'accès aux ressources locales, qui ne sont pas disponibles en milieu urbain.

La prise en compte des préférences des Bamakois nous incite à questionner le potentiel de la périphérie et sa capacité à répondre aux besoins urbains. Les énormes besoins en bois énergie, en produits maraîchers et condiments montrent que la sollicitation des ressources périphériques peut être une réponse pertinente aux inquiétudes liées à l'approvisionnement alimentaire en milieu urbain. L’exploitation des potentialités agricoles locales, le raccourcissement des circuits entraîne en effet une diminution des coûts et limite les aléas liés au transport de marchandises périssables.