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Le contexte politique favorise la décentralisation et la libéralisation du commerce

saisir le phénomène d'accroissement des foires

Chapitre 2. Un contexte historique et socio-spatial favorable à la croissance des échanges commerciaux entre Bamako et sa

2.5. De nos jours, en milieu rural, un contexte socio-économique incertain

2.5.2. Le contexte politique favorise la décentralisation et la libéralisation du commerce

2.5.2.1. Un processus de décentralisation récent qui modifie la gouvernance des territoires

Le Mali est organisé suivant une structure administrative hiérarchique allant de l’Etat au village, même si le village n’est pas un échelon administratif en tant que tel. Les chefs de village ne sont en effet considérés au regard de la loi malienne que comme des auxiliaires de l’administration. Les villages sont les plus petites entités territoriales, avec les fractions en milieu nomade. Ils sont au nombre d’environ 11 000 au Mali. Les villages se regroupent en communes. C’est la commune qui est véritablement l’entité de gouvernance territoriale la plus petite. Les 703 communes, tant urbaines que rurales52, se trouvent sous la juridiction de cercles (49), eux même gérés par des régions au nombre de 8. Enfin, le District de Bamako est une collectivité décentralisée régie par un statut particulier sans organe de contrôle autre que l’Etat central.

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Comme de nombreux textes législatifs et droits fonciers positifs, l’organisation administrative du Mali est en partie un héritage de la présence coloniale. Elle a été largement remaniée par le processus de décentralisation qui a suivi le coup d’Etat de 1991 contre Moussa Traoré. Cette décentralisation, reconnue par la Constitution, a permis de tourner résolument la page d’années de dictature, en redonnant aux populations rurales le pouvoir qu’elles réclamaient (Kassibo, 1997). Elle a permis également à cette époque d’apaiser les tensions dans le Nord liées à la rébellion touareg. Elle a été concrétisée par l’Ordonnance n°91-039/P-CTSP, du 8 août 1991, et a déterminé les circonscriptions administratives et les collectivités territoriales en République du Mali. La loi précise que les communes urbaines sont subdivisées en quartiers et les communes rurales en villages, même si aucune limite géographique ne vient assoir ces découpages territoriaux qui restent volontairement flous pour éviter de rentrer dans des processus de négociation foncière trop compliqués qui ferait perdre sans aucun doute du pouvoir à l’Etat central. Une commune est définie par les villages dont l’administration leur est confiée, sans limite précise.

L’ordonnance sur la décentralisation confère aux collectivités territoriales la libre administration. C’est la commune qui est définie comme l’organe de référence et le transfert de gestion a débuté en 1999, lors des premières élections communales. Les collectivités territoriales sont dotées de la personnalité morale et, en principe, de l’autonomie financière. Cependant, la commune, comme organe récent possède de faibles capacités matérielles et financières qui ont contraint et contraignent encore la prise d’autonomie. Alors qu’un troisième mandat est en cours, le bilan de cette décentralisation reste mitigé. Le processus de découpage communal a été basé sur la participation des populations et sur un calendrier progressif. Il reste contesté en certains points du territoire national. Certains villages n’accordent pas de crédit à leur rattachement communal. Le transfert de compétence et de ressources de l’Etat aux communes se fait par un système d’appui financier sous formes de fonds d’investissements, de formation et d’attribution progressive de secteurs clés tels que la santé, l’éducation et l’hydraulique pour lesquels le transfert de compétence est effectif sans pour autant que les communes reçoivent les moyens financiers pour les faire fonctionner. La démonstration la plus visible de l’action communale est la réalisation d’infrastructures de base aux services des populations (la mairie, le centre de santé (CSCOM), l’école, etc..), par le biais de l’Agence Nationale d’Investissement des Collectivités Territoriales (ANICT), sans pour autant encore une fois que les communes aient les moyens de faire fonctionner ces

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infrastructures. Quant au secteur des ressources naturelles, le transfert de compétence aux communes était prévu pour 2009, mais il n’est toujours pas effectif.

Le District de Bamako a un statut spécifique. Entièrement urbanisé, cet espace est une juridiction indépendante du fonctionnement de sa région périphérique. Il n’y a pas de collaboration entre les communes ayant une frontière avec le District et celui-ci. Ce cas est unique au Mali et s’oppose à la gestion du territoire régional où les collectivités territoriales sont amenées à avoir un regard sur les relations entre les pôles urbains en croissance et leur périphérie rurale. Cet état de fait a de lourdes conséquences sur la gestion du contact entre la capitale et sa périphérie, qui s’avère plus délicate encore que la gestion de l’habituel contact ville/campagne.

Notre étude des lieux d’échange s’inscrit donc dans ce contexte de décentralisation récente et d’étalement urbain. La gestion communale de la périphérie de Bamako s’avère complexe et nous verrons que les domaines d’action des Maires s’inscrivent systématiquement au-delà de celles attribuées officiellement par l’Etat.

2.5.2.2. L'interventionnisme de l'Etat et ses conséquences sur l'activité commerciale

Le commerce est un des éléments clés du contrôle des acteurs et des ressources. De ce fait les lieux d’échange ont été souvent l’objet de l’attention des Etats. Le degré d’intervention des pouvoirs public au Mali est déterminant pour expliquer les formes prises par les lieux d’échange et les modalités organisationnelles.

Tout d’abord, précisons que le Mali est engagé dans un processus démocratique pluraliste depuis 1991. Son apparente stabilité fait figure d’exception dans la sous-région. La libre circulation des biens et des personnes permet le libre exercice du commerce dans le pays et s’insère dans la politique de libre circulation de la CDEAO. Elle est instaurée au Mali depuis la fin du régime de Modibo Keita, période pendant laquelle l'intensité des flux, considérés comme excessifs de la campagne vers la ville, avaient suffit à légitimer une restriction de la mobilité.

Les postes de contrôles à l’entrée des villes jouent un rôle de régulation des entrées et des sorties. Il s’y concentre les services chargés de la sécurité du territoire (douane, gendarmerie) ainsi que les services spécialisés visant à la régulation et à la taxation des produits (dans les domaines du transport, de la foresterie notamment). Les flux commerciaux sont contrôlés et

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taxés à l’entrée des villes et sur les axes principaux. Cependant ils ne sont pas entravés a

priori dès lors qu’ils s’effectuent dans la légalité. Au contraire, les postes de contrôle

semblent avoir participé à une sécurisation des routes commerciales.

Aujourd’hui, le rôle de l’Etat sur la gestion des filières d’approvisionnement de la capitale est surtout institutionnel. L’économie de libre échange s’est instaurée comme une base de son fonctionnement depuis la fin des années 80. L’Etat ne participe pas à la fixation des prix et la politique de subvention est ciblée. Bien que ce thème constitue un intérêt pour le gouvernement, les réponses sont essentiellement institutionnelles et visent une régulation a

posteriori. Par exemple, dans le domaine des transports, le District a pris une série de

résolutions qui visent à standardiser les pratiques et diminuer des modes de fonctionnement considérés comme dangereux (densité des passagers dans les transports en commun, risque du transport mixte de marchandises et de personnes, etc.). Dans le domaine du commerce, l’impact de l’Etat est moins palpable. Les structures commerciales de base telles que les marchés ont, dans la pratique, une origine locale ou villageoise. Dès lors, même si la loi sur la décentralisation accorde désormais à la commune un droit de regard, la création d’un marché reste en priorité une réponse à une demande de la population, plus qu’un choix d’aménagement par la commune. Elle est perçue par la population comme n’étant pas l’objet d’une procédure lourde, et administrative. Seule la transmission de l’information et l’attractivité potentielle du marché est une source d’inquiétude pour la population.

Cependant, de plus, en plus, la création d’un marché est perçue comme une source de développement pour la commune, de revenus pour la population ainsi que pour les finances municipales. Les lieux d’échanges représentent davantage une opportunité qu’une réelle contrainte et aucune entrave à leur établissement n’a été signalée lors de nos entretiens, d’autant plus que la création d’un marché n’implique pas nécessairement d’investissement lourd. Les initiateurs sont davantage vigilants à la localisation commerciale de sorte quelle ne concurrence pas les commerces préexistants et ne crée pas de désaccords avec les villages voisins. Comme l’illustre l’étude de Handwerker au Liberia, « markets were created in some

areas because of the wants of residents of the area, and in others by Chiefs wishing to receive recognition by higher authorities53 » (Handwerker, 1980, p. 17). Notre intérêt doit donc davantage se porter sur les conséquences de l’intérêt relativement récent des communes pour

53 "Les marchés sont créées dans certains régions en raison des besoins des résidents et dans d'autres, par des

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les marchés qui y sont implantés, et sur la conjugaison des pouvoirs locaux coutumiers et de la commune en matière d’action sur le secteur du commerce, que sur le rôle de l’Etat.

Il y a cependant une exception à cela. Le régime alimentaire malien étant basé essentiellement sur les céréales, l’Etat s’est donné comme objectif de sécuriser cette filière, afin de garantir la sécurité alimentaire à l’échelle nationale. Cependant, il s’agit d’une politique de stockage et non plus d’une intervention globale de l’Etat sur ces filières. Le marché céréalier est libéralisé depuis 1982. L’Etat a mis en place un Observatoire des Marchés Agricoles (OMA) dont la tache est d’estimer les productions, de constituer un système d’information permettant de communiquer les stocks et les prix de céréales dans l’ensemble du pays. Ces données sont recueillies au niveau des villages ou des marchés urbains et permettent d’évaluer les récoltes et de prévoir un éventuel problème d’approvisionnement qui mettrait en péril la sécurité alimentaire du pays. Ces données sont essentielles pour la mise en œuvre d’un dispositif de stockage par l’Etat. Le dispositif utilise les mécanismes du marché en régulant par le stockage, d’une part, le prix d’achat au producteur pendant la récolte et d’autre part, le prix d’achat des céréales par les consommateurs pendant la période de soudure. L’intervention de l’Etat sur les prix n’est donc qu’indirecte. Ce dispositif, qui est complété par un stockage par d’autres secteurs (ONG, secteur privé, communautaire), a pour but de relever le niveau des prix aux producteurs pendant la récolte et les inciter à continuer à investir dans la filière (au moment où l’offre est massive) et modérer l’augmentation des prix pendant la soudure pour permettre l’accès aux céréales aux plus pauvres (au moment où la demande est massive). La politique de stockage de l’Etat malien est significative d’une volonté de juste équilibre entre la libéralisation de l’économie et le maintien d’un seuil de sécurité pour l’approvisionnement alimentaire des populations. Les nombreux articles de journaux maliens consacrés à l’augmentation des prix des produits de première nécessité montrent que le débat national oscille constamment entre libre échange et volonté d’intervention de l’Etat et surtout maintien de la paix sociale.

Le marché peut en effet également constituer une unité de lieu qui peut cristalliser le mécontentement, voire la révolte de la population, concernant le prix des marchandises et la gestion qui est faite par l’Etat. Un des enjeux du lieu d’échange au Mali, est donc également l’émergence et la manifestation de pouvoirs, même si on peut considérer qu’elle prend toute son ampleur surtout dans les centres urbains.

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2.5.3. Un secteur commercial "informel" refuge pour les populations