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Différences d’attitude selon les nationalités

Dans le document Luxe Marketing Management (Page 172-177)

Dans cette section, nous décrivons et discutons les résultats d’une étude menée en 1996 par Bernard Dubois et Gilles Laurent, pour laquelle ils ont interrogé 86 consommateurs dans chacun des 12 pays suivants : Allemagne, États-Unis,

Norvège, Autiche, Danemark, Pologne, Australie, Pays-Bas, Espagne, Belgi-que, Hong Kong et France. Le questionnaire, en anglais, a été adressé à des étudiants en école de commerce et il s’agissait de répondre à des affirmations telles que « je n’achète presque jamais de produits de luxe » ou « le luxe est agréable », etc. (Il y avait 34 affirmations, le tableau 5.3 en reprend 13 parmi les principales.).

Tableau 5.3 – Les différentes typologies de la perception du luxe par les consommateurs (% des personnes interrogées d’accord avec l’assertion)

Élitisme Démocratisation Aversion Détachement Attitudes envers le luxe

Le luxe est plaisant. 88 88 7 68

En général, j’aime les produits de luxe. 84 66 4 27

Le luxe est en réalité superflu. 7 4 71 20

Le luxe ne m’intéresse pas. 4 4 77 30

Vision du luxe Peu de gens ont vraiment

des produits de luxe. 66 6 51 59

Un vrai produit de luxe ne s’achète

pas au supermarché. 83 8 43 76

Les produits de luxe sont

nécessaire-ment très chers. 80 43 26 80

Les produits de luxe ne peuvent pas

être produits à la chaîne. 81 36 34 66

Il faut être assez snob pour acheter

des produits de luxe. 37 7 74 47

Comportement Je n’achète presque jamais de

pro-duits de luxe. 17 20 58 56

Je ne m’y connais pas beaucoup en

produits de luxe. 11 9 53 43

Le luxe améliore la vie. 78 54 24 33

Le luxe est trop cher pour ce que c’est. 39 29 22 71

Source : Dubois and Laurent.

LE CLIENT DES PRODUITS DE LUXE

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Bien que les questions aient été posées à des étudiants, qui ne sont pas néces-sairement les meilleures personnes que l’on puisse interroger au sujet du luxe, on peut néanmoins observer que quatre groupes distincts – assez homogènes et assez différenciés dans leurs réponses – émergent :

Les élitistes : le luxe traditionnel

Dans cette catégorie, les gens sont clairement favorables au luxe (seuls 4 % d’entre eux disent ne pas être intéressés, tandis que 88 % trouvent le luxe agréable).

Ils pensent que le luxe est nécessaire et ils l’aiment.

En tant que consommateurs, ils sont aussi particulièrement bien disposés. Ils considèrent que les produits de luxe améliorent la vie et 83 % d’entre eux disent acheter des articles de luxe (seuls 17 % disent ne jamais le faire). En termes d’atti-tude et de comportement, ils sont clairement favorables à ce secteur et se perçoi-vent comme des consommateurs, actuels ou potentiels, du luxe.

Dubois et Laurent attribuent à ce groupe l’étiquette « classique » et « élitiste » car ses membres considèrent que le luxe n’est en fait destiné qu’à un très petit groupe d’individus – les « happy few » – dont, naturellement ils font partie. Ils disent par exemple que « peu de gens possèdent un vrai produit de luxe » et qu’un vrai produit de luxe ne peut pas s’acheter au supermarché ». Ce faisant, ils oublient, ce qui est bien pratique, que l’on peut acheter un bon champagne – un produit de luxe – au supermarché.

Les démocrates : le luxe ouvert à tous

Pour ce deuxième groupe, les attitudes et les comportements révélés dans le tableau 5.3 sont quasi identiques à ceux du premier groupe : seuls 4 % disent ne pas être intéressés par le luxe et seuls 20 % disent « ne jamais acheter de produits de luxe ».

C’est par sa « vision » du luxe que ce groupe diffère. Ses membres considèrent que le luxe est pour tout le monde (seuls 6 % disent : « peu de gens possèdent un vrai produit de luxe ») et seuls 8 % d’entre eux pensent qu’« un vrai produit de luxe ne peut pas s’acheter au supermarché ».

En fait, tandis que les « Élitistes » ont une vision « sac Kelly Hermès » ou

« rivière de diamants Van Cleef » du luxe, les « Démocrates » pensent plutôt à une bouteille de parfum ou de Dom Perignon. Pour les « Démocrates », le luxe peut-être produit en masse, et c’est d’ailleurs manifestement le cas pour les parfums, les cosmétiques et le vin.

Chez les « Élitistes », le concept d’artisanat évoqué au chapitre 1 figurerait probablement en bonne place dans l’image du luxe.

Les « anti » : opposés au luxe

Dans cette catégorie, les gens sont très fermement opposés au luxe : seuls 7 % disent que « le luxe est agréable ». (Quid alors des 93 % restants ? Que trouvent-ils de désagréable et pourquoi ?) Seuls 4 % disent aimer les produits de luxe et leur comportement est en phase avec cela : 58 % d’entre eux déclarent

« n’acheter quasiment jamais de produits de luxe ».

Pour ce qui est de sa vision du luxe, ce groupe a une position très étrange.

Relativement peu nombreux (26 %) sont ceux de ces membres qui considèrent que « les produits de luxe sont nécessairement très chers » et la moitié trouve que « presque tout le monde possède des produits de luxe » ; mais, d’autre part, 74 % considèrent qu’« il faut être sérieusement snob pour acheter des produits de luxe ». Donc, en fait, ils savent que les produits de luxe sont accessibles, qu’ils peuvent être achetés en supermarché et que presque tout le monde peut se les offrir, mais leur rejet de ce secteur est si fort qu’il englobe tous ceux qui acquièrent ces produits. Il s’agit plus là d’une position idéologique que d’autre chose.

Les détachés : « loin du luxe »

Les membres de ce groupe ne s’opposent pas aussi fortement au luxe que ceux du groupe précédent. En fait, 68 % d’entre eux considèrent que « le luxe est agréable », et ils savent que la plupart des gens s’offrent des produits de luxe. Ils n’ont rien contre cette catégorie de produits (seuls 20 % disent n’être pas intéres-sés), mais il leur semble que ces objets ne sont pas pour eux.

Quand « 71 % » disent que « le luxe est trop cher pour ce que c’est », ce qu’ils disent en réalité c’est : « C’est fantastique, ce n’est pas superflu, mais personnel-lement je n’en ai pas besoin. » Comme c’était déjà le cas avec le groupe précé-dent, une majorité des gens de cette catégorie déclarent ne presque jamais acheter de produits de luxe.

Ces catégories sont intéressantes parce qu’elles fournissent une typologie des attitudes et des comportements ; typologie que l’on peut ensuite utiliser pour analyser n’importe quel autre groupe de consommateurs : ces quatre positions forment des motifs sous-jacents que l’on peut retrouver dans maints autres grou-pes, y compris dans le même pays.

Mais le but de l’étude de Dubois et Laurent était de mettre au jour les diffé-rences de perception parmi les différents groupes nationaux. Le tableau 5.4 résume leurs résultats.

LE CLIENT DES PRODUITS DE LUXE

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Le résultat le plus marquant est la différence très nette entre l’Australie et tous les autres pays. Il est clair que les Australiens ont une culture très spécifique et il semble qu’ils aient une attitude très négative envers les produits de luxe en géné-ral et une opinion très négative du concept même de luxe. Le monde du luxe est un monde assez différent du mode de vie habituel des Australiens. Cela n’empê-che pas, bien sûr, les cadres supérieurs australiens de porter des cravates Hermès ou des montres Rolex, même s’ils ne veulent pas le faire remarquer.

Un groupe de quatre ou cinq pays, comprenant le Danemark et l’Autriche, ont une attitude très positive vis-à-vis du luxe. Si, en moyenne, 20 % des gens se sentent détachés du luxe, personne n’y est opposé. Dans ces pays, le luxe est perçu non seulement comme positif, mais aussi comme accessible et démocratique : chacun peut en profiter. Au Danemark et en Norvège, très peu de gens appar-tiennent à la catégorie élitiste. Aux États-Unis, les gens sont plutôt favorable au luxe mais se répartissent avec un rapport quasiment de 1 à 2 entre le groupe

« élitiste » et le groupe « démocratique ». En un sens, aux États-Unis, tout comme en Autriche ou en Allemagne, deux visions très claires du luxe cohabitent dans la même population, En d’autres termes, c’est un marché très segmenté, dans lequel les différents groupes doivent entendre des discours légèrement différent pour être convaincus. Sans doute est-il vrai aussi que sur ces marchés, lorsqu’on

Tableau 5.4 – Fréquence des catégories par pays (%)

Démocrates Elitistes Détachés Opposés

Danemark 84 8 8 0

Pays-Bas 68 20 12 0

États-Unis 53 27 20 0

Norvège 68 7 24 1

Autriche 38 33 29 0

France 14 56 26 4

Allemagne 32 33 34 1

Pologne 17 56 26 1

Hongrie 8 47 45 0

Belgique 31 21 45 2

Espagne 12 36 48 4

Australie 0 1 2 97

Source : Dubois and Laurent.

les interroge sur le luxe, certaines personnes pensent à une rivière de diamants et d’autres à un parfum.

Dans le second groupe représenté dans le tableau 5.4, il apparaît clairement que nous avons affaire à des pays comptant un nombre relativement important de personnes « détachées », qui ont une attitude positive mais ne se considèrent généralement pas comme clients du luxe. Mais le fait est qu’il y a un groupe de pays, dont la France, dans lesquels le luxe est perçu comme un marché élitiste et l’apanage des happy few. L’Espagne compte beaucoup de « personnes détachées », ce qui est cohérent avec le fait qu’elle possède un nombre relative-ment faible de marques de luxe. Si l’Italie faisait partie de l’échantillon, sa posi-tion serait sans doute à peu près similaire. La Belgique, quant à elle, offre un paysage dans lequel coexistent, comme en Allemagne ou en Autriche, un groupe pour et un groupe contre l’élitisme dans le luxe, mais dans le cas de la Belgique on note également la présence d’un important segment « détaché ».

Ainsi, à la question : « Des gens de nationalités différentes se comportent-ils de la même manière et ont-ils des positions similaires ? » la réponse est clairement : « Non ».

Un des points faibles de cette étude est qu’elle n’inclut pas deux marchés du luxe très importants : les Italiens et les Japonais, sans parler des Chinois et des Britanniques. Néanmoins, elle très utile en ce qu’elle souligne les différences qui existent entre une culture et une autre.

Dans le document Luxe Marketing Management (Page 172-177)