• Aucun résultat trouvé

Didactique du/des plurilinguisme s , la question de l’appropriation

CHAPITRE II : concepts pour une éducation au plurilinguisme en contexte scolaire

2. Didactique du/des plurilinguisme s , la question de l’appropriation

Levons rapidement le voile sur les raisons de l’emploi du pluriel associé au terme de plurilinguisme dans notre titre qui renvoie à des débats terminologiques actuels que Daniel Coste exprime en ces termes :

« Cette reconnaissance du plurilinguisme “ordinaire”, vu comme résultant de divers facteurs historiques, régionaux, ethniques, religieux… et bien différent de ce que peut produire l’enseignement scolaire des langues “étrangères”, s’accompagne d’une prise de conscience de la multiplicité des cas de figure auxquels il donne lieu. D’où l’intérêt

intrinsèque d’une description ordonnée, d’un classement de ces cas de figure comme déterminant des types bien distincts de configurations, voire – on y revient – une pluralité de plurilinguismes. Et les enjeux ne tiennent pas seulement de l’ordre du descriptif : les débats autour du plurilinguisme ordinaire se focalisent sur les avantages et les inconvénients qu’il comporterait, notamment pour la scolarisation des enfants ; distinguer divers types de plurilinguisme pourrait aider à nuancer les prises de position, à dépasser des oppositions trop tranchées et à fonder des interventions didactiques mieux ajustées. » (Coste 2010, 144)

L’auteur nous offre ici l’occasion de considérer les formes de plurilinguisme développées par l’école, point central de notre étude, en reconnaissant leurs malléabilités en fonction des combinaisons de langues à l’intérieur des répertoires langagiers des enfants, de la ou des langues de scolarisation, des langues régionales, minoritaires ou issues de la migration, les langues étrangères enseignées (Coste 2010). Une réalité qui nous conduira ultérieurement à interroger l’action didactique en termes d’adaptation au contexte et à ses effets en termes de transformations de ces plurilinguismes dans leur diversité.

La didactique des langues (DL) fut, selon Alarcão et al. (2009), particulièrement ébranlée par l’essor de plurilinguisme. La DL, jusqu’alors centrée sur l’enseignement/apprentissage d’une langue cible et son acquisition, s’oriente désormais vers le développement des répertoires langagiers des apprenants en vue de les faire évoluer. En d’autres termes, « la promotion du plurilinguisme dans le processus d’enseignement des langues conduit à la reconstruction de l’objet à enseigner en fonction des répertoires linguistico-communicatifs des sujets qui apprennent, mais aussi de ceux qui enseignent, tout en dépassant une vision monolithique et fermée de l’objet langue. Les langues se placent dans un continuum et les sujets ont le droit de leur donner vie, dans un processus d’appropriation qui s’appuie sur le répertoire des sujets. » (Alarcão et al.2009 p 10)

Une récente étude portugaise propose ainsi de redéfinir l’objet d’étude de la DL en tant qu’un « ensemble de pratiques sociales qui […] objectivent le développement de savoirs déclaratifs et processuels et la promotion d’attitudes, prenant comme référence les langues (premières, secondes et étrangères) et les cultures qu’elles expriment ou configurent » Castro & Alarcão (2006).

62

Le modèle de locuteur de référence s’étant déplacé du locuteur natif à « l’acteur social plurilingue, agissant, se construisant et se socialisant dans le contact » (Castelloti et Candelier sous presse), l’objet à faire apprendre, les objectifs et les modalités didactiques évoluent également et donnent au sujet-apprenant une place centrale dans le processus d’acquisition.

Ainsi s’amorce le virage vers une didactique du/des plurilinguisme (s) selon le principe que « chacun est capable de s’approprier les langues dont il a besoin pour sa vie personnelle, professionnelle, esthétique/culturelle, au moment où il le souhaite. » (Beacco, 2008) ce qui lui confère selon Alarcão et al.2009 une triple dimension :

- une dimension socio-personnelle qui prend en compte le sujet apprenant dans sa complexité avec son histoire, ses besoins et la situation sociolinguistique dans laquelle il évolue (voir Jaatinen, 2007) ;

- une dimension méthodologique qui cherche, en fonction des contextes éducatifs, professionnels et sociolinguistiques, les moyens d’enseignement/apprentissage les mieux adaptés aux sujets ;

- une dimension socio-politique qui cherche à faire de l’enseignement/apprentissage des langues dans leur diversité un outil au service de la cohésion sociale, de la citoyenneté de la paix (voir Andrade et Pinhon, 2003 ; Starkey, 2002).

L’objectif que se fixe la didactique du/des plurilinguisme (s) est donc le développement de processus d’apprentissage entendus comme « démarches d’apprentissage des langues dans lesquelles l’apprenant peut s’appuyer sur ses connaissances linguistiques préalables dans quelque langue que ce soit. » (Castellotti et Candelier, sous presse, 3) ; ce qui importe ce n’est pas le nombre de langues traitées, mais l’articulation, en synergie des apprentissages linguistiques en vue du développement d’une compétence communicative composite et dynamique dont la configuration « évolue, s’enrichit de nouvelles composantes, en complète ou transforme certaines autres, en laisse encore certaines autres dépérir » en fonction la trajectoire de l’acteur social (Conseil de l’Europe 2009,12).

Elle permet de caractériser des modalités d’appropriation conduisant l’apprenant, non plus à apprendre une langue pour elle-même, mais à « apprendre à apprendre dans et par la pluralité, de façon articulée, en insérant les éléments nouveaux dans le réseau de

ressources disponibles et en s’appuyant sur cette évolution constante pour développer de nouveaux apprentissages. » (Castellotti et Moore, 2011, 250).

Après avoir tenté de circonscrire le concept, il nous faut reconnaître que la notion de didactique du plurilinguisme soulève encore de la part d’auteurs tels Candelier (Candelier, 2008, Candelier et Castellotti à paraître) des questionnements terminologiques qui les conduisent à établir une distinction ténue entre deux parties d’une même tout : la didactique du plurilinguisme qui se centre sur les processus que l’on cherche à développer dans le cadre d’une éducation au plurilinguisme et les approches plurielles qui se limitent au niveau des activités et matériaux.