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Dispute religieuse et autorité politique

4.2. Entre salut des âmes et ordre public

4.2.2. Le devoir de paix des magistrats

Le 27 février 1524, une affiche anonyme proclamant l’excommunication du réformateur Christoph Schappeler fut placardée sur les portes de l’église Saint-Martin à Memmingen. Par crainte d’une émeute, le conseil la fit immédiatement en-lever90. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres de la situation très tendue à laquelle devaient faire face les magistrats urbains dans les années 1520. Dans toutes les villes où la Réforme avait réussi à trouver une assise suffisamment solide pour qu’un « parti » évangélique se soit créé, les tensions ne cessèrent de s’exacerber, fai-sant à tout moment craindre une sédition : insultes, bagarres et manifestations étaient devenues le lot quotidien des villes.

A Memmingen, les années 1523-1524 furent marquées par de nombreux inci-dents, dont on ne donnera ici que les plus significatifs. En 1523, un groupe de bour-geois acquis à la Réforme aborda le curé Jakob Megerich dans la rue et, sous la me-nace, lui remit un document réformé, avant de forcer le prêtre à reconnaître publi-quement qu’il en avait pris connaissance91. Durant l’été 1524, un mouvement de pro-testation contre le payement de la dîme obligea le conseil à intervenir contre les ré-calcitrants. Le maître boulanger Hans Heltzlin, qui avait refusé d’obtempérer, fut mis en prison, ce qui provoqua la colère de la population. Se forma alors sous la direction du tisserand Ambrosius Bäsch une commission (Ausschuss) qui réclama la libération immédiate de Heltzlin, la fin des emprisonnements – excepté pour les crimes graves –, la prédication de la seule parole de Dieu et des sanctions envers les clercs qui avaient insulté Schappeler et les réformés. Enfin, on exigea une dispute, où les uns et les autres pourraient confronter leurs arguments. Le conseil fut contraint de céder sur

90 ROHLING, Eugen, Die Reichsstadt Memmingen in der Zeit der evangelischen Volksbewegung, p.

100.

91 KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 79.

certains points et dut notamment libérer Heltzlin92. Dernier exemple, la veille de Noël 1524, une foule en colère prit d’assaut l’église Notre-Dame, saccagea le bâti-ment et s’en prit à Jakob Megerich, qui ne dut son salut qu’à l’intervention du bourgmestre et de quelques conseillers qui le mirent à l’abri93. Suite à cette éclat, le Rat organisa enfin la dispute que Christoph Schappeler et les partisans de la Réforme réclamaient depuis plusieurs mois94.

La situation de Kaufbeuren n’était guère meilleure : ici aussi, les affronte-ments entre « papistes » et « luthériens » avaient pris au cours de l’année 1524 une tournure préoccupante. De juillet à septembre, les partisans de la Réforme s’employèrent à troubler le service religieux, et on accusa publiquement le curé Georg Siggen de répandre des mensonges dans ses sermons. Les troubles atteignirent leur apogée le 8 janvier 1525, lorsque l’artisan Ulrich Winkler prit à partie un cha-pelain dans l’église Saint-Martin. Une échauffourée éclata dans l’église même, à la suite de laquelle Siggen et ses deux assistants quittèrent la ville, craignant sans doute pour leur sécurité95. Enfin, le rapport de la dispute révèle la préoccupation du magis-trat face aux désordres qui éclatèrent à deux reprises dans l’église paroissiale, le jour de la Toussaint et le dimanche suivant l’Epiphanie96.

Ni Memmingen, ni Kaufbeuren n’étaient des cas isolés. On verra que la dis-pute d’Ilanz fut elle aussi en partie organisée pour répondre à la violence engendrée par le conflit religieux. Qu’il s’agisse des villes ou des campagnes touchées par la Réforme, la violence verbale et physique rendait chaque jour plus difficiles les tenta-tives de retour à l’unité chrétienne. Les autorités des villes où s’était formé un im-portant parti évangélique prirent rapidement conscience du fait que toute tentative d’imposer à la commune le maintien du rite catholique et de réprimer les manifesta-tions réformées risquait d’exposer la ville à des troubles graves dont la maîtrise aurait été pratiquement impossible. En prenant le parti de Schappeler face à l’excommunication prononcée envers le prédicateur par l’évêque d’Augsbourg en février 1524, le conseil de Memmingen prenait le risque de provoquer une réaction

92 KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, pp. 95-96. – Hans Heltzlin fut présent à la dispute de janvier 1525, où on le retrouve au nombre des députés de la bourgeoisie (KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 106).

93 KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, pp. 102-104. Cf. aussi, pour plus de détails, ROHLING, Eugen, Die Reichsstadt Memmingen in der Zeit der evangelischen Volksbe-wegung, pp. 113-114.

94 KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 104. – Il semble que Christoph Schappeler et le juriste Neithart aient déjà tenté d’organiser une dispute en décembre 1523 (Cf. KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 84).

95 PFUNDNER, Thomas, Geschichte der Reformation in der Reichsstadt Kaufbeuren, p. 273.

96 CR Kaufbeuren, f. 2 [p. 43] : « Und besondern dwil sich zwaymall Nemlich an allerhailigen tag.

Und auff Suntag nächst nach der hailigen drew Kunig von wegen der Brediger in der pfarkirch gron auff rur erhept hette ».

de la part de la Ligue de Souabe ou même du Reichsregiment, mais ce choix fut justi-fié par le souci d’éviter l’émeute qu’aurait immanquablement provoqué le bannisse-ment du prédicateur97. Quelques mois auparavant, le conseil de Memmingen avait déjà décidé de ne pas interdire les ouvrages réformés et de s’abstenir d’afficher pu-bliquement l’édit de Worms. La mise en avant systématique de la crainte de troubles pour justifier la non-application des édits impériaux et la politique tolérante envers les réformés montre que le danger d’une révolte était perçu comme tout à fait réel par les magistrats. Une forme de Realpolitik prenait le pas sur les injonctions à étouffer la Réforme émanant de l’institution écclesiastique et des autorités politiques fidèles à Rome.

La situation était donc plus que tendue dans les villes où les réformateurs avaient réussi à gagner à leur cause une part importante de la population. Or, dans les années 1520, l’idéal de la cité comme république garantissant la paix civile avait pris une grande importance et le magistrat se considérait comme le garant ce cette paix98. Avant même l’organisation des disputes, les magistrats avaient émis plusieurs man-dats destinés à ramener le calme et qui exigeaient souvent que les clercs s’en tiennent dans leurs sermons à la parole divine contenue dans les Ecritures99 – ce qui était déjà un pas effectué dans la direction des réformateurs. Le magistrat exigeait aussi que cessent les insultes et diffamations prononcées en chaire par les clercs qui entrete-naient ainsi l’agitation100. Ces mesures, cependant, se montrèrent peu efficaces. Il fallait trouver une autre solution, qui permettrait de déterminer qui devait céder le pas dans le conflit. Dans cette situation, la décision d’organiser une dispute procédait donc directement de la volonté de l’autorité politique d’arrêter la spirale de la vio-lence qui menaçait de plonger la ville dans le chaos. Selon Peter BLICKLE, faire de la dispute une procédure juridique qui permettrait le rétablissement de la paix suffisait à légitimer son organisation dans l’esprit des bourgeoisies urbaines : le conflit reli-gieux menaçait la paix, le conseil avait donc le devoir d’intervenir101. Les appels à la paix et à la concorde « fraternelle et chrétienne » que l’on retrouve dans les considé-rants avancés pour justifier l’organisation des disputes de Memmingen et Kaufbeuren confirment cette hypothèse.

97 KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 83.

98 MOELLER, Bernd, Reichsstadt und Reformation, pp. 17-18.

99 Ainsi, le mandat émis en 1522 par le conseil de Memmingen enjoignait les clercs de s’en tenir aux Ecritures dans leurs sermons et interdisait les disputes (KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 72).

100 KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 73. – Plus généralement, cf. MOELLER, Bernd, Reichsstadt und Reformation.

101 BLICKLE, Peter, Urteilen über den Glauben, p. 77.

Le rapport de la dispute de Memmingen indique comme première raison de l’organisation d’une dispute les « erreurs et doutes », ainsi que les « émeutes »102 issus des divergences des clercs au sujet de la religion103. Par conséquent, le magis-trat se devait de veiller à la restauration des conditions nécessaires à la paix, au calme et à l’unité de la ville104, et l’organisation d’une « discussion amicale » devait permettre d’atteindre ce but. On remarque que la proclamation de la dispute contient exactement les mêmes argumentations, l’accent étant mis sur les troubles issus du conflit religieux et le maintien de la paix considéré comme un devoir essentiel du magistrat105.

Les mêmes motivations furent avancées lors de la dispute de Kaufbeuren. Le compte rendu rapporte les déclarations du bourgmestre au sujet des devoirs de l’autorité temporelle :

Les autorités de Kaufbeuren, et en particulier le bourgmestre et le conseil de la ville de Kaufbeuren, ont été élus par la commune pour être leur autorité et leur re-présentant et ont reçu du pouvoir impérial romain les clés de la ville, l’autorité, le gouvernement et l’administration de la ville. Par conséquent, le bourgmestre et le conseil ont le devoir de veiller en de telles calamités à ce que, selon les ordonnan-ces impériales, la ville puisse être gardée en paix et dans l’unité, libre de toute émeute, colère et mauvaise volonté106.

Ici aussi, on espérait que la dispute permettrait de retrouver la « paix et l’unité » comme le montre la réponse du conseil à la requête présentée par la Ge-meinde suite aux troubles du 8 janvier et la fuite de Georg Siggen107. La suite du compte rendu développe la décision du magistrat d’organiser une « discussion

102 Pièces Memmingen, R, f. 1 [p. 33] : « […] vnder dem gemainen man Irrung vnnd Zweifel gewach-sen auch ferner Lesterung gottes Verderbung der Seelen vnnd aufruren geuolt sein mechten ».

103 Pièces Memmingen, R, f. 1 [p. 33] : « Erstlich Nachdem sich in der Stat Memingen zwischen den priester in Verkundung des wort gotts ain ungleicher Verstand gehallten » et A, f. 1 [p. 35] : « Als bißher in der statt Memingen vil zangs vnd widerwillens zwischen gaistlichen vnd welltlichen entstanden ist ».

104 Pièces Memmingen, R, f. 1 [p. 33] : « So hat Burgermaister vnd Ratte auß schuldiger phlücht gepurt in sollich gebrechen der Iren zusehen […] die Stat an aufrürn vnzerstert in Frid Ruw ainigkait vnnd auffnemen gehallten werd […] ».

105 Pièces Memmingen, A, f. 1 [pp. 35-36].

106 CR Kaufbeuren, f. 2-3 [p. 43] : « So haben die oberkait alhie zu Kaufburen und in sonders dwil Burgermeister und Ratte der Stat Kaufburen von Irer Gemeind alls Ir Oberkait und vorgenger erwelt sein. vnd dann von Romischer Kayserlicher M[ach]t die Schlusel Gewalt Regierung und verweltigung der Stat empfanngen So hat Burgermeister vnd Ratte aus schuldiger pflicht gepurt in sollich geprechen der Iren zuersehen Damit Re Kay M[ach]t beuelh nach die Stat vor auffrur emperung und wider willen vnzerstort in frid und Rue auch in ainigkeit erhalten werd […] ».

107 CR Kaufbeuren, f. 6 [p. 44] : « Vnd dwil die oberkait das selbich der ganntze Gemeinde Bitt und beger zimlich zu sein geacht haben Sy nachgehapten underreden damit frid und ainigkait erhalten ein fruntlich und Bruderlich gesprech zugeschehen zugelassen […] »

nelle et amicale » afin de permettre que « la paix et l’unité soient faites entre les clercs et les laïcs, et aussi entre eux-mêmes, et qu’un accord puisse être trouvé »108.

Ce souci de pacification et de retour à l’unité transparaît aussi dans les termes utilisés pour désigner la dispute : le terme « Disputation » n’apparaît que rarement, voire pratiquement jamais dans le Saint-Empire, où les disputes avaient été interdites en 1524109. Remplacer le terme par des vocables neutres permettait de contourner l’interdiction impériale, mais aussi d’euphémiser le caractère coercitif de la rencontre en la présentant comme une « discussion fraternelle et amicale », dont on insistait en outre sur le côté « chrétien »110, selon la formule consacrée des rapports et comptes rendus. De même, la récurrence des termes faisant de la dispute une « assemblée chrétienne » montre la volonté d’insister sur le caractère rassembleur et porteur d’unité de la dispute plutôt que sur son aspect juridique qui impliquait la victoire de l’un des partis sur son adversaire. La dispute pouvait ainsi passer pour le lieu où la commune surmonterait ses divisions et retrouverait son unitas perdue. Par l’utilisation de ce « vocabulaire de paix », on insistait sur le fait que la dispute, lieu d’un échange raisonné entre gens de bonne volonté, devait permettre de mettre fin à la spirale de la violence qui menaçait la cité.

Afin de renforcer la portée de ce caractère réconciliateur de la dispute, on fai-sait en outre systématiquement référence à Dieu : à la fin de la dispute de Memmin-gen, le rapport mentionne la confiance en Dieu qui garantira « le renforcement de l’amour fraternel et la conservation de la paix et de l’unité »111. La proclamation de cette même dispute se termine quant à elle sur un passage exprimant l’« espoir iné-branlable » que, « assemblés en frère chrétiens et au nom de Dieu » on parviendra

« ensemble à atteindre la vérité divine » et ceci « grâce à l’aide de Dieu »112. La

108 CR Kaufbeuren, f. 8 [p. 45] : « Vnd das zwischen gaistlichen und weltlichen auch vnder Inen und Iren Burgern frid und ainigkeit gemacht und in ain vergleichung gepracht werden mugen ».

109 KROEMER, Barbara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 107.

110 Ainsi, si l’on considère le cas de Memmingen, on remarque que le concept de discussion amicale est omniprésent. Cf. Pièces Memmingen, R, f. 1 [p. 33] : « Hernachfolgend die Vrsachen vnnd bewegung des fruntlichen gesprechs zwischen der priesterschafft in der Stat Memingen [...] », R, f. 10 [p. 35] : « In der verher hat der Burgermaister mer mallen gesagt sonnderlich wann ain disputatz genent hat, das es kain disputatz sonder ain fruntlich gesprech sey », A, f. 3 [p. 36] : « ain gotlich cristenlich briederlich vnd fruntlich gesprech halten [...] », etc. La même insistance se retrouve dans le cas de Kaufbeuren – Par exemple CR Kaufbeuren, f. 1 [p. 43] : « Hernach folgt die vrsache vnd bewegnussen des fruntlichen gesprechs [...] ». L’expression « fruntlich gesprech » se retrouve aussi f.

6 [p. 44], f. 8 et 9 [p. 45] et deux fois f. 11 [p. 46].

111 Pièces Memmingen, R, f. 8 [p. 34] : « […] dardurch vngezweifelt got der Almechtig glopt Bruder-liche lieb gemert vnd frid vnnd ainigkeit erhalten werd […] »

112 Pièces Memmingen, A, f. 5-6 [p. 37] : « […] in gettlichen liebe vnd als brider in cristi Jhesu vnseren erleßer vnd behalter, fried sonn bey vnd durch ain ander leben, belyben vnd wandlen mugen, der vntzweifflichen hoffnung der allmechtig got werd durch sainen haylligen gaist vnder vnd in denen, so in seinen namen versamlet seind, also wurcken vnd leichten, damit wir gemainlich der warn erkantnuß geweiß vnd bei Im nach disem zeit, ewiglich leben werden ».

même conviction est exprimée au sujet de la dispute de Kaufbeuren, où on insiste sur la « certitude inébranlable et rassurante que par la réunion des adversaires, ceux-ci pourront par la grâce de Dieu s’accorder à l’amiable, amicalement et tout fraternel-lement sur toutes leurs thèses »113. Le devoir de paix du magistrat était donc placé sous l’égide de Dieu et de cette façon mis en scène comme une mission confiée aux autorités temporelles par le divin. La dispute était ainsi légitimée par la plus haute instance, puisque c’était Dieu – ou le Christ – qui devait permettre au magistrat de remplir par ce biais son devoir de paix.

D’autre part, les possibles réactions de la part des pouvoirs fidèles au catholi-cisme et, au premier plan, de l’Empereur, expliquaient l’utilisation de la dispute comme moyen de pacification, bien que ce fut là une manœuvre périlleuse. En raison de leur caractère juridique et des conséquences qu’elles avaient nécessairement sur la politique intérieure des Etats qui les organisaient, les disputes ne pouvaient pas ne pas avoir de répercussions sur leur politique extérieure. L’enjeu ne se limitait en effet pas seulement à des questions internes à la cité. Contrairement aux villes de Suisse et malgré la confortable marge de manœuvre dont elles disposaient par rapport aux villes soumises à des princes territoriaux, les villes d’Empire devaient tenir compte du fait que, juridiquement, elles restaient soumises à l’autorité directe de l’Empereur (Reichsunmittelbarkeit). Or, Charles Quint avait clairement affirmé dès 1521, dans l’édit de Worms, son opposition à la Réforme et son soutien au catholicisme. En 1524, l’édit de Burgos interdisait explicitement toute dispute au sujet de la reli-gion114. Organiser une dispute revenait donc à s’opposer directement aux décrets de l’Empereur, particulièrement si la dispute débouchait sur l’adoption de la Réforme, comme ce fut le cas la plupart du temps. Or, du fait de leur fréquente opposition commune aux principautés territoriales, les villes libres et l’Empereur entretenaient traditionnellement de bonnes relations ; le soutien de l’Empereur était capital dans les stratégies d’autonomisation des communautés urbaines. Ces bonnes relations se voyaient désormais sérieusement menacées par le conflit religieux115. Il importait par conséquent de trouver un moyen de faire coexister passage à la nouvelle foi et fidé-lité à l’Empereur116.

113 CR Kaufbeuren, f. 8-9 [p. 45] : « Der vngezweiffelten und getröstlichen zuuersicht So allso die widerwertigen zusamet komen das Sy alßdann und auß der Gnad gotts in allen Iren Artikeln sich gutlich fruntlich und gantz Bruderlich verainen weren ».

114 MOELLER, Bernd, Zwinglis Disputationen II, pp. 354-355.

115 SCHMIDT, Heinrich Richard, Reichsstädte, Reich und Reformation, p. 129.

116 MOELLER, Bernd, Reichsstadt und Reformation, p. 60.

Comme toutes les villes libres, Memmingen risquait de perdre ses privilèges de Reichsstadt en raison du conflit religieux117. A la veille de la dispute, la ville se trouvait dans une situation délicate : d’une part, elle avait ouvertement refusé d’appliquer les décrets impériaux en disant ne pas être en mesure de s’opposer à la diffusion de la Réforme118 et, d’autre part, le refus du Rat de livrer Schappeler à la justice épiscopale et de le chasser de la ville après qu’il eut été excommunié avait entrainé la rupture officielle avec l’évêque d’Augsbourg119. En août 1524, le Reichsregiment avait menacé Memmingen d’une intervention si le conseil ne mettait pas bon ordre à la situation religieuse, et ceci bien que la ville eût protesté en juillet 1524 à la Diète des villes de Spire de sa fidélité et justifié sa politique par la nécessité d’éviter de nouveaux troubles120.

Comme on peut le lire dans la proclamation de la dispute, le magistrat visait à régler le conflit religieux tout en montrant qu’il remplissait ses devoirs de maintien de l’ordre et de la paix, devoirs reçus de l’Empereur121. Il ne s’agissait probablement pas seulement d’une formule d’usage : à ce moment, il était capital pour Memmingen de prouver que, dans l’esprit des membres du conseil de ville, le respect et l’obéissance dus à l’Empereur n’étaient en aucun cas remis en question par la Ré-forme. La rencontre organisée entre réformés et catholiques devait par conséquent être présentée non pas comme une dispute – celles-ci ayant été interdites – mais

117 C’est d’ailleurs ce qui finit peu ou prou par se produire suite à la Guerre des paysans. Passée à la Réforme après la dispute, la ville était devenue l’un des centres du mouvement paysan ; on suppose même que les fameux Douze Articles furent rédigés dans la maison de la Kammerzunft et que Chris-toph Schappeler et Sebastian Lotzer participèrent activement à leur élaboration (Cf. KROEMER, Bar-bara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 117). Or, face à une situation devenue im-possible à gérer, le conseil fit appel à la Ligue de Souabe le 22 mai 1525. L’intervention des alliés se traduisit par l’occupation militaire de la ville et une répression féroce envers tous ceux que l’on soup-çonnait d’avoir soutenu les paysans, y compris dans la bourgeoisie. Le conseil perdit alors toute indé-pendance pour plusieurs mois. Cependant, l’appel à la Ligue de Souabe n’avait pas eu que des consé-quences négatives : il avait permis d’écraser les franges extrémistes du parti réformé, permettant au

117 C’est d’ailleurs ce qui finit peu ou prou par se produire suite à la Guerre des paysans. Passée à la Réforme après la dispute, la ville était devenue l’un des centres du mouvement paysan ; on suppose même que les fameux Douze Articles furent rédigés dans la maison de la Kammerzunft et que Chris-toph Schappeler et Sebastian Lotzer participèrent activement à leur élaboration (Cf. KROEMER, Bar-bara, Die Einführung der Reformation in Memmingen, p. 117). Or, face à une situation devenue im-possible à gérer, le conseil fit appel à la Ligue de Souabe le 22 mai 1525. L’intervention des alliés se traduisit par l’occupation militaire de la ville et une répression féroce envers tous ceux que l’on soup-çonnait d’avoir soutenu les paysans, y compris dans la bourgeoisie. Le conseil perdit alors toute indé-pendance pour plusieurs mois. Cependant, l’appel à la Ligue de Souabe n’avait pas eu que des consé-quences négatives : il avait permis d’écraser les franges extrémistes du parti réformé, permettant au

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