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Synthèse et hypothèses théoriques – Partie 2.2

2.3 Angoisses et défenses chez l’enfant

2.3.2 Les défenses

2.3.2.4. Descriptions des mécanismes de défense

Nous allons ici décrire succinctement les mécanismes de défense que nous allons considérer dans ce travail de recherche et cela en lien avec les choix théoriques exposés précédemment.

Rappelons à nouveau que les mécanismes de défense n’interviendront que dans la démarche d’interprétation et qu’ils ne sont pas équivalents aux modalités défensives qui s’expriment au sein de l’élaboration des récits, il s’agit ainsi de deux niveaux différents.

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C’est principalement sur la base des propositions de Ferrant (2007), propositions mettant en avant les différents processus organisateurs du psychisme, les différents paliers de conflictualité psychique, que nous allons décrire les différents mécanismes de défense.

C’est face aux angoisses primitives qui sont dominantes au sein des positions autosensuelle ou adhésive et paranoïde-schizoïde ou symbiotique décrite par Ciccone (2007) que se mettent en place un certain nombre de défenses que nous allons détailler (Ferrant, 2007).

La défense par l’agrippement est liée à la pulsion d’emprise et a pour but d’éviter l’anéantissement du sujet. Cette défense est reprise par Ciccone (2007) sous le terme d’identification adhésive, concept lui-même issu des travaux de Bick (1968, 1986) et Meltzer (Meltzer et al., 1975).

Le démantèlement, décrit par Meltzer (ibid) comme un des mécanismes de défense de l’autisme, a trait « […] à une suspension de l’attention qui conduit les sens à errer chacun vers leur objet le plus attractif de l’instant » (Ciccone, 2007, p.290). Pour Ferrant (2007), « le sujet est suspendu à une forme sensorielle (auditive, visuelle, kinesthésique) » (p.270) et c’est ce qui va lui permettre de contrer les angoisses primitives.

Le clivage du moi, décrit par Freud (1927a, 1938, 1940) comme la séparation (Spaltung) de deux attitudes opposées qui vont pourtant coexister au sein du moi, se caractérise par le fait de scinder le moi en deux parties distinctes (Ichspaltung). Le clivage du moi peut être associé au déni et peut aussi être entendu non pas comme un mécanisme de défense visant l’évitement de l’angoisse de morcellement, mais comme « […] une façon de faire coexister deux procédés de défense, l’un tourné vers la réalité (déni), l’autre vers la pulsion [...] » (Laplanche et Pontalis, 1967, p.69).

Concernant le processus de différenciation et de séparation qui correspond à l’assomption de l’objet total différencié du sujet, c’est-à-dire à l’abord de la position dépressive, six mécanismes de défense peuvent être mis en avant.

L’identification projective s’inscrit dans la dynamique des échanges entre le bébé et la mère et rend compte d’un processus nécessaire au développement psychique (Ciccone, 1999 ; Ciccone & Lhopital, 2001). Formalisée par Klein (1946) en lien avec la position schizo-paranoïde, l’identification projective peut revêtir trois types de processus : la communication,

101 l’évacuation et la pénétration intrusive, les deux dernières formes étant pathologiques si leur utilisation s’avère massive au cours du développement (Ciccone, 2007).70

En lien avec le mécanisme précédent, évoquons la projection théorisée par Freud (1894, 1911a, 1915b, 1917, 1922, 1927)71 et définie comme « […] une opération par laquelle le sujet expulse de soi et localise dans l’autre, personne ou chose, des qualités, des sentiments, des désirs, voire des »’objets »’ qu’il méconnait ou refuse en lui » (Laplanche et Pontalis, 1967, p.344). L’utilisation de la projection rend généralement72 compte d’une défaillance du refoulement et de ses différents substituts de par l’externalisation des représentations (Ferrant, 2007).

Le clivage de l’objet, pendant du clivage moïque, décrit par Klein (1946) particulièrement à l’acmé de la position schizo-paranoïde, peut être défini comme la division d’un même objet en fonction de deux polarités différentes. L’exemple le plus paradigmatique est celui du sein dans la théorie kleinienne qui est clivé en un bon sein (lien à la gratification pulsionnelle) et en un mauvais sein (lien à la privation et au refus).

Le clivage au moi, concept original élaboré par Roussillon (1999), s’apparente à la définition générale du clivage sauf que l’auteur souligne particulièrement la fonction de mise à distance du moi, non définitive et transitoire, dans l’attente d’une potentielle subjectivation a posteriori. Ainsi, un élément peut être écarté du moi du fait d’une impossibilité momentanée de symbolisation, il est donc mis en attente dans le cas où se présenterait l’occasion (à travers l’objet) d’une intégration psychique.

Le déni, que nous avons déjà évoqué en relation avec le clivage, a été élaboré par Freud (1909, 1923, 1927a, 1938)73 et peut être résumé comme étant « […] un mode de défense consistant en un refus par le sujet de reconnaitre la réalité d’une perception traumatisante […] » (Laplanche et Pontalis, 1967, p.115). Le déni s’exerce ainsi particulièrement au sein du registre de la perception74 et concerne la possible émergence d’une représentation de chose qui pourra ou non, dans le cas du déni, se lier à d’autres représentations (symbolisation primaire).

70 Cette distinction entre identification projective normale et pathologique est aussi présente dans les écrits de Klein (1946) et de Bion (1957, 1962a et 1962b).

71 Evolution de la conception freudienne de la projection reprise au sein de l’ouvrage de Laplanche et Pontalis (1967) : Vocabulaire de la psychanalyse.

72 Bergeret (1972) distingue la projection primaire qui ne recourt pas au mécanisme de refoulement et la projection secondaire qui l’utilise en partie en lien ou non avec l’inhibition.

73 Historique de l’utilisation du déni proposé par Ionescu, Jacquet & Lhote (1997) au sein de leur ouvrage.

74 Pour Bergeret (1972), il s’agit de nier « […] la réalité même de la perception liée à cette représentation » (p.106).

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L’annulation rétroactive apparait chez Freud dans le cas de l’homme aux rats (1909b) et est définie par Laplanche et Pontalis (1967) comme « un mécanisme psychologique par lequel le sujet s’efforce de faire en sorte que des pensées, des paroles, des gestes, des actes passés ne soient pas advenus ; il utilise pour cela une pensée ou un comportement ayant une signification opposée » (p. 29).

Aux mécanismes de défense proposés par Ferrant (2007), nous souhaitons ajouter ici l’idéalisation qui est conçue par Ciccone (2007) comme une des défenses prédominantes de la position paranoïde schizoïde ou symbiotique. Ce mécanisme est clairement en lien avec l’utilisation par le moi du clivage. Nous pouvons ici reprendre l’exemple kleinien du bon et du mauvais sein au sens où l’émergence du bon sein est la résultante d’un processus d’idéalisation qui vise à se protéger des attaques sadiques du mauvais objet, attaques sadiques d’abord projetées par le bébé sur l’objet partiel. Ainsi, pour Ciccone (2007), « le bébé peut échapper à ses persécuteurs par la fuite vers son objet interne idéalisé » (p.294).

Soulignons aussi que Boekholt (1993) propose de considérer trois types particuliers de défense eu égard à l’élaboration de la position dépressive : les défenses apparentées au déni maniaque, les défenses narcissiques liées au renforcement des délimitations et/ou des surfaces et les défenses par le surinvestissement de la réalité perceptive qui revêtent une valeur antidépressive quand elles bloquent la circulation pulsionnelle et fantasmatique.

Examinons enfin les défenses qui sont concomitantes de l’abord par l’enfant du complexe œdipien. Ces défenses sont regroupées autour du refoulement et de ses divers dérivés et impliquent nécessairement une dialectique complexe entre représentations et affects.

Le refoulement, mécanisme de défense prototypique de la théorie psychanalytique et matrice de la constitution de l’inconscient, est élaboré par Freud dés 1895 en lien avec ses propositions sur l’hystérie de conversion (Breuer & Freud, 1895). Selon Laplanche et Pontalis (1967), le refoulement est « une opération par laquelle le sujet cherche à repousser ou à maintenir dans l’inconscient des représentations (pensées, images, souvenirs) liées à une pulsion […] » (p.392). Il a pour but de rendre inconsciente la représentation en la séparant du quantum d’affect qui lui était initialement rattaché. Une fois cette césure appliquée en lien avec l’instance surmoïque, le quantum d’affect ne demeure associé à aucune représentation ; nous pouvons alors décliner plusieurs possibilités.

103 Le quantum d’affect peut investir une autre représentation, cette dernière étant connexe et associée à la représentation initiale qui a subi le sort qu’on lui connait par l’action du refoulement : il s’agit du mécanisme de déplacement.

Le quantum d’affect peut aussi se trouver associé à une autre représentation qui va avoir pour fonction de bloquer le retour potentiel de la représentation refoulée. Il s’agirait ici d’un mécanisme de contre-investissement qui signe selon Ferrant (2007) un échec partiel du refoulement puisqu’il y a nécessité d’intervention d’un processus supplémentaire. Un blocage plus massif encore du retour de la représentation refoulée est possible via l’utilisation de formations réactionnelles, c’est-à-dire l’investissement par le quantum d’affect d’une représentation en sens opposé à celle qui a subi le refoulement.

La dénégation (Freud, 1925, la négation) quant à elle, a trait à un désir refoulé qui se trouve formulé par le langage et pour lequel, malgré l’inscription secondarisée, le sujet refuse de reconnaitre qu’il est impliqué affectivement. Ce refus est ainsi la condition sine qua non d’apparition à la conscience du désir refoulé dont la reconnaissance sinon est impossible.

Enfin, le dernier mécanisme qu’il nous paraît important d’aborder est le mécanisme d’isolation. Il a pour but de couper la représentation de l’intégralité des autres représentations pour qu’aucun lien associatif ne puisse subsister entre elles. La représentation ne peut être refoulée (échec du refoulement) et est isolée du système représentationnel ainsi que de son quantum d’affect initial.

Nous venons de décrire le refoulement en lien avec le complexe œdipien et l’accentuation du processus de différenciation au travers de la différence des sexes. Une telle approche nous paraît justifiée si nous n’omettons pas de préciser que le refoulement tel que nous le décrivons est de nature secondaire, c’est-à-dire qu’il dépend de l’édification du surmoi post œdipien. D’autres types de refoulement précédent la forme élaborée que nous venons de décrire. Nous pensons ici particulièrement au refoulement originaire décrit par Freud (1911, 1926) ou au refoulement kleinien qui coïncide avec des mouvements œdipiens précoces consécutifs au sevrage. Dans la même optique que Klein, Ciccone (2007) évoque la réparation et le refoulement comme défenses dominantes de la troisième position psychique qu’il propose et qui formalise l’accès à la position dépressive. Il s’agit donc de considérer ces différentes formes de refoulement comme ayant valeur de prélude au refoulement secondaire.

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