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1.4 Premier contrat

1.4.1 Description de l’articulation entre les sous-identités

Plusieurs négociations peuvent être observées à travers cette situation que nous diviserons en deux parties, soit l’obtention du premier contrat et l’obtention du deuxième contrat. Il est à noter que la scène décrite par Béatrice lors de la séance

d’affectation des tâches aurait pu, à première vue, faire l’objet d’une analyse. Cependant, une observation plus poussée de la situation semble montrer que la situation anxiogène relatée par Béatrice est plutôt le résultat d’une situation nouvelle que d’un réel processus identitaire. Effectivement, la séance d’affectation et son processus (SIS) présentent un véritable défi pour la sous-identité personnelle de Béatrice, notamment parce qu’elle comprend que son incapacité à s’imposer pour obtenir quelque chose (SIP – Faiblesses), dans le cas présent un contrat, est une faiblesse qui pourrait la priver d’une opportunité d’embauche. Toutefois, cet état de fait ne semble pas entrainer de remise en question de l’action en cours ni un changement de conduite.

1.4.1.1 L’obtention du premier contrat. Béatrice se fait offrir, au début du mois

d’août, un contrat dans l’école secondaire où elle a complété ses études et réalisé son dernier stage. C’est une école privée en milieu urbain et à une distance non négligeable de son lieu de résidence (SIS). Même si ce contrat est à l’opposé de ce que Béatrice a identifié dans sa sous-identité professionnelle comme étant son idéal professionnel, il est une suite logique de son parcours professionnel. Elle est donc en terrain connu. Elle connait déjà l’équipe-école, les règles de vie, les procédures, ce qui apaise les craintes liées à l’intégration dans le milieu (SIPr – Craintes liées à l’insertion professionnelle). Aussi, il est empreint d’une charge émotionnelle positive liée à des expériences qu’elle y a vécues lors de sa propre scolarité (SIPr - Influences préalables), en plus d’apaiser ses craintes face à son intégration dans une école : « Mais au moins, je vais avoir les pieds dans l’école que j’aime. » (Béatrice, 1) Tous les éléments de sa sous-identité professionnelle se coordonnent à la sous-identité située. Ce contrat semble un choix évident.

Toutefois, ce choix évident, né de la complémentarité entre les sous-identités professionnelle et située, s’oppose rapidement à sa sous-identité personnelle, notamment à son besoin d’être fixée (SIP – Besoins): « Je sais qu’un petit remplacement n’est pas grand chose, […] et je vais peut-être avoir d’autres offres. »

(Béatrice, 1) Cette sécurité vécue n’est qu’illusoire, temporaire et l’amène à vouloir regarder ailleurs afin de trouver autre chose qui convienne mieux à ses besoins. Pour elle, il s’agit essentiellement de curiosité, mais on entend bien son besoin s’exprimer à travers ses propos : « Je suis tout de même curieuse de connaître comment se déroule cette journée et peut-être qu’il y aura quelque chose d’intéressant pour moi. » (Béatrice, 2)

On observe ainsi que cette opposition de la sous-identité personnelle face à ses sous-identités professionnelle et située motive Béatrice à envisager d’autres options, par exemple un contrat à plus long terme dans une autre institution et donc, à remettre en question son choix. La figure 4 présente cette articulation.

Figure 4 - Description de l’articulation du premier contrat.

Ainsi, la remise en question induite par les relations entre les sous-identités va conduire Béatrice à faire preuve d’ouverture et justifier sa présence à la séance d’affectation des tâches.

1.4.1.2 L’obtention du deuxième contrat. À la fin de la séance d’affectation des

tâches, elle reçoit une proposition de contrat du directeur d’une école secondaire qui correspond en tout point à son idéal professionnel (SIPr): une école défavorisée, située en milieu rural et dont une bonne partie de la clientèle éprouve des difficultés scolaires. Béatrice refuse toutefois cette opportunité pour de nombreuses raisons, et ce, même si elle comblera, éventuellement, son besoin d’être fixée (SIP – Besoins).

Premièrement, elle n’a aucun intérêt pour ce milieu. Il a mauvaise réputation, tant pour sa clientèle que pour son atmosphère de travail, et il stimule toutes les craintes de Béatrice quant à son insertion professionnelle, notamment son intégration à l’équipe-école (SIPr – Craintes liées à l’insertion professionnelle).

Deuxièmement, la tâche offerte est dans le secteur de l’adaptation scolaire. Or, son insertion professionnelle idéale (SIPr) serait d’enseigner le français dans une classe régulière. On observe alors, à travers ces repères identitaires, qu’une double relation existe entre la sous-identité située et la sous-identité professionnelle. Dans un premier temps, les deux sous-identités se coordonnent, notamment par l’idéal professionnel et les craintes liées à l’insertion professionnelle. Toutefois, on constate aussi qu’elles s’opposent parce que le contrat ne correspond pas à ses attentes (SIPr – Insertion professionnelle idéale). C’est probablement cette opposition qui explique pourquoi, au premier abord, elle a refusé le contrat, et ce, même si les besoins exprimés dans la sous-identité personnelle sont coordonnés aux deux autres sous- identités. La figure 5 présente cette relation.

Figure 5 - Description de l’articulation du 2e contrat

Une fois à la maison, Béatrice appelle une amie afin de confier sa déception. Cette dernière lui rappelle alors son hésitation au moment de son inscription au baccalauréat entre l’adaptation scolaire et l’enseignement du français. Ce marqueur (SIPr - Source du choix professionnel) la pousse finalement à vouloir accepter le contrat. De plus, Béatrice jouit d’expériences professionnelles substantielles (SIPr – Apprentissages liés à l’EP) qui la mettent en position de confiance quant à ses compétences professionnelles. Elle a « […] fait beaucoup d’adaptation scolaire » (Entrevue Béatrice, p. 14) en suppléance, ce qui lui a permis d’apprendre à s’imposer auprès des élèves et de modifier sa perception de la profession.

Alors ça, ça m’a vraiment … J’ai vu un peu plus le côté de la profession de différentes perceptions … on n’a pas juste dans une école privée les bons élèves dans un milieu favorisé. Aussi, il y a les autres élèves et il y a ceux qui voudraient réussir et qui n’ont pas la famille pour ça, ils n’ont pas le milieu pour ça. (Entrevue Béatrice, p. 15)

L’intervention de ces nouveaux repères identitaires semble avoir pour effet d’augmenter la pression des repères identitaires de la sous-identité professionnelle qui

se coordonnent sur celui qui s’oppose, expliquant probablement pourquoi Béatrice a finalement accepté le contrat, comme démontré dans la figure 6.

Figure 6 - Description de l’articulation finale

Ainsi, l’augmentation du nombre des repères identitaires de la sous-identité professionnelle qui se coordonnent semble avoir eu un effet sur le processus de remise en question, notamment en limitant la portée du repère identitaire opposé.