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Le droit positif de l'Europe est cependant loin, d'après les fondateurs de l'I.D.I., de tenir pareille promesse. Malgré des progrès récents, il demeure tout imprégné de l' « esprit traditionnel, hostile à

l'étranger313 ». Même en France, patrie de la Révolution, le système qui prévaut est :

« (…) le système de la barbarie; car généralisez-le, (...) l'étranger sera sans droits, c'est la législation des XII Tables, et telle est encore partiellement la législation de tous les pays qui excluent l'étranger de certaines facultés légales dont jouissent les nationaux : dans les limites de l'incapacité, il n'y a point de conflit, puisque l'étranger est relativement sans droit314. »

De fait, les législations de plusieurs États européens ne reconnaissent pas explicitement la possibilité aux étrangers de faire valoir un certain nombre de droits tenus pour des droits fondamentaux de la personne par les juristes libéraux, en particulier le droit de contracter, d'ester en justice aux mêmes conditions que les nationaux, de posséder, de tester ou encore d'obtenir la reconnaissance par les autorités du pays de séjour de la pleine effectivité de ses liens familiaux. Dans les pays régis par le code Napoléon, le fait provient de ce que celui-ci, en son article 11, « n'admettait l'étranger à jouir en France que des mêmes droits civils dont des traités conclus par la

France assuraient ou assureraient au Français la jouissance dans le pays même de cet étranger315 »

Reprenant, après Demangeat et bien d'autres commentateurs ultérieurs, la distinction romaine entre

droits civils et « droits naturels ou droits communs à tous les peuples316 » passée dans l'ancienne

jurisprudence, cette disposition aboutit à une inégalité entre nationaux et étrangers en matière de droits civils, confirmée par la jurisprudence, interdisant à ces derniers par exemple de se porter demandeur en justice sans fournir de caution.

De telles limitations ne sont pas le fait seulement des législations inspirées du Code civil français, ni ne constituent des survivances. Les lois de la jeune Roumanie prévoient ainsi que « seuls les

Roumains ou les naturalisés roumains peuvent acquérir des immeubles ruraux en Roumanie »317,

cependant que, dans le royaume de Würtemberg, « l'étranger ne peut acquérir d'immeubles dans le

Royaume par voie d'achat, d'échange ou de dation en paiement 318».

Cette rigueur des principes est cependant fortement tempérée par les pratiques et les évolutions en

cours. Les commentateurs notent alors qu'est à l'œuvre, depuis les premières décennies du XIXe

siècle, une tendance, quoique celle-ci soit encore incomplète, à l'assimilation juridique de l'étranger et du national, ce qu'illustre, par exemple, l'abolition récente des derniers vestiges du droit d'aubaine

en Belgique319 en 1865 ou aux Pays-Bas en 1869320. Une tendance similaire s'observe dans les pays

de common law, en particulier en Angleterre, dont la législation est pourtant réputée « plus

rigoureuse que celle d'aucun autre État321 » quant aux incapacités qui frappent les étrangers. L'acte

du 12 mai 1870 « déclare l'étranger désormais assimilé au citoyen britannique pour tout ce qui concerne la possession, la jouissance, l'acquisition ou la transmission, par tous les moyens légaux,

313 Laurent François, Droit civil international. Tome premier, Bruylant-Christophe et Cie/Librairie A. Marescq aîné, Paris/Bruxelles, 1880, p. 24.

314 Idem, p. 26.

315 Demangeat Charles, Histoire de la condition civile des étrangers en France, Joubert, Paris, 1844, p. 250 316 Idem, p 254.

317 (art 7, &. 5, loi du 13 octobre 1879), cité in Rivier Alphonse, Principes du droit des gens, Tome premier, Paris, Arthur Rousseau, 1896, p.

318 Champcommunal Joseph, Essai sur la tutelle des impubères en droit romain (rom). De la succession ab intestat en droit international privé, A. Rousseau, Paris, 1892, p. 136.

319 « Loi qui abroge la loi du 20 mai 1837 relative à la réciprocité internationale en matière de successions et de donations », in Recueil général des décisions administratives et judiciaires en matière de droits d'enregistrement, de timbres de greffe et de notariat, Tome XVIII, année 1865, Imprimerie Thiry Van Buggenhoudt, Bruxelles, 1865, p. 211.

320 Pour une traduction en français du texte de la loi, cf. Asser Tobias, « La session parlementaire des Pays-Bas, 1868-1869 du point de vue du droit international », RDILC, volume 1, 1868-1869, pp. 622-636, ici p. 635.

de la propriété mobilière ou immobilière322 ».

De plus, de très nombreux traités bilatéraux, héritiers des traités de commerce et d'établissement d'Ancien régime, confèrent, généralement sur la base de la réciprocité, un certain nombre de droits et de privilèges aux ressortissants des deux États présents sur le territoire de l'autre. Destinés à l'origine à assurer la sécurité des transactions, des biens et des personnes des négociants, marchands et capitaines de navire, afin de faciliter un commerce auquel les deux souverains ont avantage, ces textes n'en désignent pas moins les populations protégées par leurs dispositions par leur nationalité et permettent de fait, dès la fin de la période moderne, aux prolétaires de se réclamer parfois de la protection des consuls dès lors qu'ils sont reconnus par ceux-ci comme des nationaux323.

L'intensification des échanges, caractéristique de la fin de la période moderne et du début du XIXe

siècle, a conduit à une multiplication de tels arrangements, autant qu'à une relative harmonisation de leurs dispositions par le biais de l'usage de la clause de la nation la plus favorisée. L'auteur d'une note au ministre français des Affaires Étrangères en 1875, revenant sur les circonstances de la rédaction de la déclaration franco-italienne de 1868, rappelle ainsi que si les «Français établis en Italie (…) sont libérés du service de la Garde Nationale, des emprunts forcés et des réquisitions militaires [alors que] les deux derniers traités de commerce et de navigation avec l'Italie ne contenaient sur ce point aucune stipulation », c'est parce que « les sujets de certaines autres puissances, de la Grande-Bretagne notamment, se trouvaient assurés en Italie d'une immunité complète à cet égard. Le gouvernement italien consentit, sur notre demande, à étendre à nos nationaux les bénéfices acquis aux Anglais, bien entendu sous la condition que la réciprocité serait

garantie par un arrangement exprès324 ».

Nous pouvons considérer que ces traités - extrêmement nombreux - au dernier tiers du XIXe

siècle, obéissent à une norme internationale de fait, qui conduit à reconnaître aux ressortissants des nombreux États avec lesquels ont été signés de tels accords l'essentiel des droits civils dont jouissent les nationaux , quand bien même la loi n'en accorderait pas la jouissance aux étrangers.

Cette évolution est cependant loin d'être achevée au milieu du XIXe siècle et subsistent donc au

sein de chaque pays une grande variété de statuts, qui voient certaines populations étrangères juridiquement assimilées aux nationaux - tel est en France le cas des Suisses et des Français en Suisse - et d'autres bénéficier seulement d'une protection minimale.

Les étrangers apparaissent alors souvent, non comme une collection d'individus partageant une condition juridique conférant un statut inférieur à celui du national et aux contours et au contenu fermement définis, mais comme un rassemblement de groupes, aux limites un peu incertaines, chacun doté de droits et privilèges, qui peuvent, en certains contextes, sembler plus enviables que le statut offert aux citoyens du pays.

Les autorités françaises entament ainsi les négociations menant à la signature de la déclaration franco-italienne de 1868 décidées à satisfaire aux revendications, relayées par les consuls, des notables, commerçants et entrepreneurs français installés en Italie, soucieux d'échapper à l'imposition extraordinaire levée par le gouvernement italien alors en conflit avec l'Autriche. Le 21 septembre 1866, le Consul de France à Milan signale ainsi la visite de plusieurs commerçants français venus le « consulter, pour savoir s'ils devaient souscrire à l'emprunt forcé décrété par le

gouvernement italien325 » le 28 juillet 1866. Les conversations initiées par le gouvernement français

portent essentiellement sur cette question, qui fait l'objet de plusieurs échanges de notes diplomatiques, avant que l'exemption accordée aux Français ne soit confirmée, et pérennisée, par le

322 De Folleville Daniel, Leçon d'introduction à un cours de droit international privé, A. Marescq Ainé, Paris, 1896, p. 8.

323 Zaugg Roberto, « Judging foreigners. Conflict strategies, consular interventions and institutional changes in 18th century Naples », Journal of Modern Italian Studies, 13(2), 2008, pp. 171-195.

324 Note du 24 octobre 1873 au ministre des Affaires Étrangères sur le renouvellement de la déclaration franco-italienne du 21 février 1868, AAE Contentieux 132.

325 Lettre du consul de France à Milan au ministre des Affaires Étrangères en date du 21 septembre 1866, AAE Contentieux 132.

texte finalement signé le 21 février 1868, qui assure aux ressortissants des deux états le traitement octroyé aux nationaux de la nation la plus favorisée et, en particulier, exempte Italiens en France et Français en Italie, du service militaire, de celui de la garde nationale, des contributions de guerre et

de souscrire aux emprunts forcés326. C'est bien, ainsi que le note le consul de France en Sardaigne,

« de l'efficacité de la protection impériale accordée à nos nationaux327 », que dérive alors le statut

des Français d'Italie, et non des principes du droit italien, de même que les Italiens de France doivent à la condition de réciprocité, exigée au cours des négociations par le gouvernement italien, d'être eux-mêmes exemptés d'un certain nombre de charges et d'obligations.

La condition d'un étranger ne dérive cependant pas seulement de sa nationalité. L'existence en plusieurs pays de procédures de domiciliation (admission à domicile en France, denizens en Angleterre) permettant à ceux qui y ont recours de bénéficier de garanties juridiques supplémentaires (dont, en Belgique par exemple, une protection contre l'expulsion par voie administrative) et souvent d'être relevés de la plupart des incapacités pesant sur les étrangers,

contribue à compliquer plus encore le tableau de la condition des étrangers dans l'Europe d'alors328.

Le Danemark va même, après l'adoption de la loi de 1875, jusqu'à distinguer deux catégories d'étrangers domiciliés, ceux qui ont obtenu l'indigénat (infödsret) et ceux auxquels a été reconnu le droit de secours (försogelsesret), ces deux catégories d'étrangers ne pouvant être expulsés sur

simple décision administrative, mais seulement à la suite d'une décision de justice329.

Ce système a plusieurs conséquences. D'abord, il crée des inégalités entre étrangers, qui, conduisant à hiérarchiser les puissances dont ils ressortissent, peuvent difficilement être acceptées par leurs représentants. C'est ainsi, selon les instructions reçues par l'ambassadeur d'Italie en France en 1867, le souci de respecter l'égalité entre elles des puissances européennes qui a conduit les autorités italiennes à proposer d'étendre aux nationaux de celles-ci certaines des dispositions figurant dans le traité de commerce et d'établissement signé avec l'Angleterre en 1863, « dans l'intention d'assurer [aux] étrangers établis en Italie le traitement le plus libéral sur le pied de la plus parfaite égalité330 »

D'autre part, cet édifice juridique, en plus d'être intrinsèquement complexe, est d'une grande difficulté d'application, parce qu'il suppose l'établissement de la nationalité des étrangers, à la charge parfois d'autorités consulaires qui n'en peuvent mais. Le consul de France en Sardaigne signale ainsi au ministère des Affaires Étrangères qu'il sera bien difficile d'établir la liste des ressortissants français devant être exemptés de l'emprunt forcé car « la plupart de nos compatriotes ont perdu l'habitude de se présenter à l'immatriculation331 ». Il déclare de ce fait n'être « pas compétent pour exclure (..) du bénéfice de la nationalité » un certain nombre de personnes qui viendraient à s'en réclamer.

La chose est d'autant plus malaisée que dans certains cas les individus sont, au regard des législations de deux États, des nationaux, et qu'aucune norme ne permet alors de distinguer sous quel rapport il convient d'examiner leur situation. Plusieurs affaires concernant les filles de ressortissants français installés au Portugal ou au Brésil provoquent ainsi, durant les années 1850, l'intervention des autorités françaises et d'épineuses négociations. En effet, d'après la loi portugaise et la loi brésilienne, lorsque, en matière de choix du conjoint de l'enfant « (…) la volonté du père et

326 Une note au ministre des Affaires Étrangères, signée Moustier et en date du 24 octobre 1873 retrace la chronologie des négociations et analyse les dispositions du texte finalement signé, in AAE Contentieux 132.

327 Consul de France en Sardaigne à ministre de l'intérieur, 28 septembre 1866, AAE Contentieux 132.

328 Caestecker Frank, « The Transformation of Nineteenth Century West European Expulsion Policy, 1880-1914 », art. cité, ici p. 122.

329 Courrier de la légation de France au Danemark (direction du contentieux politique et commercial) au ministre des Affaires Étrangères, en date du 27 avril 1882, AAE Contentieux 132.

330 Courrier à l'ambassadeur de France en date du 16 octobre 1867, AAE Contentieux 132.

331 Courrier du consul de France à Cagliari au ministre des Affaires Étrangères, en date du 28 septembre 1866, AAE Contentieux 132.

celle de l'enfant sont en désaccord, le juge civil peut, du consentement de l'enfant, l'extraire de la

maison paternelle et le déposer dans une maison tierce 332», ce qui porte « la plus grave atteinte à la

puissance paternelle » garantie par le Code civil. Si un accord entre les parties et entre les gouvernements français et portugais put parfois être trouvé, la question est plus difficile encore lorsque, comme c'était le cas d'une demoiselle Buisson, la jeune fille est « née en Portugal, de parents français. » En ce cas en effet « la Charte constitutionnelle de la monarchie portugaise porte

que « tous ceux qui seront nés en Portugal, même de pères étrangers, sont citoyens portugais333 ». Il

ne peut ici y avoir d'accord entre les deux souverains, le gouvernement portugais ne pouvant renoncer à ce que la loi portugaise s'applique sur son territoire à l'un de ses nationaux. Les autorités françaises, selon l'auteur de cette note, ne sauraient non plus se satisfaire d'une situation les empêchant d'intervenir et donc d'assurer la protection des intérêts des chefs de famille français installés au Portugal qui « grâce à l'immoralité de la loi locale sont incessamment menacés [de voir

enlevées] leurs filles par quelques chasseurs de dot affamés334 », manière d'écrire que, là aussi, c'est

la protection des intérêts et des patrimoines des notables français qui guide l'action des agents français. Le représentant français ne voit d'issue que dans la modification de la Constitution portugaise, qu'il se fait fort d'obtenir grâce à l'appui de juristes locaux, et qui permettrait à la France de conserver sous son empire les familles installées au Portugal.

Des conflits de cet ordre ne sont pas rares, touchant d'autres matières, par exemple le règlement des successions de Français établis à l'étranger. En 1859, ainsi, le gouvernement brésilien dénie aux agents consulaires français le droit d'intervenir dans le règlement de la succession d'un sujet français dont les seuls héritiers sont ses deux fils, nés tous les deux au Brésil et donc, en application de l'article 6 de la Constitution brésilienne, sujets brésiliens. Les envoyés français contestent cette décision, arguant du fait que les deux fils du défunts sont, aux termes de la Constitution française, citoyens français et donc que la France, selon l'avis rendu alors par le comité du contentieux du ministère des Affaires Étrangères, ne peut renoncer à exercer « les droits de protection que les gouvernements ont toujours réclamés et exercés à l'égard de la personne et des biens de leurs

nationaux en pays étrangers335 ». Les membres du comité du contentieux français concluent donc

que le gouvernement français est fondé dans les présentes circonstances à demander l'application des dispositions du traité d'Amitién de Navigation et de Commerce signé par les représentants des deux États le 8 janvier 1826, qui porte que les Consuls des deux pays jouiront « pour l'exercice de leurs charges et la protection qu'ils doivent à leurs nationaux, des mêmes privilèges qui sont ou

seraient accordés aux Consuls de la nation la plus favorisée336 », cependant que l'acte additionnel,

signé l'année suivante, précise que « ces agents seront traités sous tous ces rapports dans chacun des

deux pays d'après les principes de la plus stricte réciprocité337 » ce qui a pour effet, étant donnée la

teneur des traités d'amitié et de commerce conclus par les deux États de conférer « aux consuls Français ou Brésiliens (…) le droit et le devoir d'intervenir dans l'administration et la liquidation

des successions de leurs nationaux338 ».

De telles négociations, souvent longues et ardues, ne prennent pas place seulement lorsque deux souverainetés se disputent des individus. Elles peuvent naître aussi de ce que les traités d'établissement, dont les auteurs se sont surtout préoccupés de liberté de circulation et d'établissement, de taxation et de sécurité des transactions, sont souvent muets sur d'autres chapitres, ce à quoi ne suppléent pas toujours les législations nationales - les juristes français tout au

332 Mariages à l'étranger, rapport au ministre pour le comité du contentieux, janvier 1859, AAE Contentieux 132. 333 Direction politique, sous direction du contentieux à ministre des Affaires Étrangères, 16/8/1859, AAE Contentieux

132. 334 Idem.

335 Avis du comité consultatif du contentieux du ministère des Affaires Étrangères, non daté, circa 1859, AAE Contentieux 119.

336 Cité in Idem. 337 Idem. 338 Idem.

long du XIXe siècle, ne cessent de remarquer que le Code civil est ou silencieux ou ambigu quant aux droits des étrangers - quand celles-ci, incompatibles, ne provoquent pas d'insolubles conflits de lois et de souveraineté. C'est particulièrement le cas pour les questions touchant à l'exercice des droits familiaux, qui, matérialisant des normes de mœurs dissemblables, mettent en présence les représentants d'États défendant des règles difficilement conciliables. L'affaire des époux Carit l'illustre d'évidence. En mai 1880, Alexandre Carit, Français résidant à Guatémala, sollicite l'appui des autorités françaises afin d'obtenir que sa femme soit poursuivie pour bigamie. L'ayant convaincu d'adultère, il a, quelques années plus tôt, alors qu'ils résidaient au Costa-Rica, chassé sa femme du domicile conjugal. Celle-ci s'est rendue, en compagnie de son amant, un Américain, en Californie où elle obtint, contre la volonté de son mari, un jugement de divorce, avant, s'étant installée à San-José de Guatémala avec son amant, d'épouser celui-ci, à la grande colère de son

ancien époux339. Au regard de la loi française, madame Carit est incontestablement bigame, la

dissolution de sa première union n'ayant aucune valeur. De plus le jugement américain a été rendu, selon les termes du courrier du chargé d'affaire à Guatémala, « sans se préoccuper de la question de la nationalité », c'est à dire en permettant qu'une citoyenne française, par le moyen d'un séjour de quelques mois aux États-Unis, se délie des obligations contractées devant la loi française. Cela décide les autorités françaises à prendre fait et cause pour l'époux déchu, auquel le chargé d'affaires conseille de « se procurer un extrait de l'acte de mariage contracté devant le consul des États-Unis à

Guatémala340 » et de porter plainte contre sa femme devant les autorités judiciaires du pays. La

plainte, jugée recevable, conduit à l'arrestation de cette dernière, cependant aussitôt libérée sur l'intervention du consul des États-Unis. S'ensuivent des échanges aigres-doux entre les représentants de la France et des États-Unis en Amérique centrale. Le premier demande au second de « vouloir bien [lui] faire connaître les raisons pour lesquelles il avait cru devoir intervenir en faveur d'une Française accusée par son mari de bigamie341 ». Le second réplique que le divorce ayant été validement prononcé selon la loi américaine « il ne lui appartenait pas, en sa qualité d'agent

diplomatique, de s'immiscer dans les actes de la justice de son pays342 ». Aucun accord entre les

parties ne peut être trouvé à une « situation qui tient en substance aux conflits subsistant entre les

lois américaines et les lois françaises sur le mariage343. »

Outre les embarras causés aux chancelleries, de telles situations peuvent empêcher des étrangers, confrontés aux exigences contradictoires de deux systèmes juridiques de faire valoir leurs droits. La