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2. ENVIRONNEMENT

2.6. LE MOBILE BANKING AU SÉNÉGAL

2.6.1. DEMANDE POTENTIELLE

(1) D’après les SFD qui interviennent en zone rurale, la demande solvable de crédit et d’épargne reste en grande partie non ou mal servie dans ces zones. Les contraintes afférentes au développement d’une offre rentable dans ces zones expliqueraient en grande partie, certes non exclusivement, cette sous-financiarisation.

Le niveau de demande dans les zones rurales est bien évidemment moindre qu’en zone urbaine, en termes de volume unitaire comme de nombre de prêts, du fait des activités différentes qui sont menées et du différentiel de revenu et de niveau de vie entre ces zones : à titre d’exemple, un ménage dakarois dépense en moyenne plus de

Technologie Terminaux équipés

Opérateur Facilité de déploiement

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deux fois plus qu’un ménage rural sénégalais (3,6 Millions FCFA par an contre 1,7 Million de FCFA par an ; source ESPS 2005-2006).

Cependant, les SFD rencontrés qui interviennent dans les zones rurales sont relativement confiants dans l’existence d’une demande solvable encore non ou insuffisamment servie. La dispersion de la clientèle potentielle et le faible niveau des infrastructures de transport et de communication sont citées comme les principales contraintes au développement d’une offre de services financiers plus conséquente dans ces zones. Certaines petites institutions sont aussi confrontées à un accès difficile à des ressources financières adéquates pour développer leur activité de crédit. En outre, le manque de savoir-faire en termes d’approche de la clientèle, notamment agricole, d’analyse du risque, et de construction de produits adaptés est aussi une contrainte réelle mais plusieurs SFD, notamment avec l’appui de divers programmes (Programme Micro Finance Rurale financé par l’Union Européenne, PAMIF2 financé par la Coopération technique Belge, etc.), ont développé des méthodologies et des produits spécifiques.

(2) Toutes les institutions financières sénégalaises rencontrées sont intéressées par l’utilisation du téléphone portable comme outil permettant de faciliter les services financiers, notamment en milieu rural.

Le téléphone portable permet :

 la sécurisation des transactions effectuées en cash,

 le développement de produits de transferts, notamment domestiques,

 le paiement de factures,

 les échanges d’informations avec les clients (alertes, requêtes),

 le développement de l’épargne et du crédit par l’utilisation d’agents agréés de proximité.

L’utilisation du téléphone portable présente de plus pour les institutions financières rencontrées l’avantage de suivre la mobilité croissante de leurs clients. En effet, la population sénégalaise, et par conséquent la clientèle des SFD, est de plus en plus mobile, qu’il s’agisse de migrations longues nationales et internationales, de voyages des commerçants dans le pays et la sous région pour affaires, ou de migrations saisonnières de pêcheurs et éleveurs. Il est important pour les SFD de pouvoir suivre leur clientèle, de rester en contact et d’être en mesure de leur offrir un maximum de services quel que soit le lieu où elle se trouve. Le mobile banking offre ces possibilités.

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(3) Pour les SFD intervenant déjà fortement en milieu rural et ayant en particulier développé des méthodologies et des modes d’organisation spécifiques adaptés à ces zones, l’utilisation du téléphone portable pourrait être un moyen de sécurisation des transactions de cash effectuées hors-agence.

Certains SFD évoluant en zone rurale ont développé des méthodes spécifiques de fourniture de services financiers, souvent associées à des produits de crédit adaptés, qu’il s’agisse de modèles de type banques villageoises (transactions effectuées exclusivement sur le terrain, organisation de groupes, produits de crédit à remboursement in fine mais collecte d’épargne régulière, recyclage de l’épargne en crédits très court terme directement sur le terrain, etc.), ou de caisses mobiles (suivant par exemple les lieux des « loumas », marchés hebdomadaires). Dans la très grande majorité des cas, les équipes mobiles disposent d’outils manuels de retranscription des transactions, qui :

 ne permettent pas un suivi des transactions en temps réel par le système de l’agence dont ils dépendent (ou de l’institution lorsque le SIG est centralisé) ;

 demandent des retranscriptions sur le système informatique en fin de journée qui augmentent les risques d’erreur et limitent le rayon d’action de ces équipes mobiles.

L’utilisation du téléphone portable pour valider et enregistrer en temps réel les transactions effectuées sur le terrain serait un élément de sécurisation jugé intéressant par les SFD. Il pourrait remplacer l’équipement coûteux du personnel de terrain en PDA que certains d’entre eux ont déjà envisagé.

(4) La sécurisation des transactions est aussi une préoccupation des SFD intervenant en milieu urbain lors des opérations de recouvrement. Elle serait d’autre part indispensable pour le développement de la collecte d’épargne journalière auprès d’une population de petits commerçants de détail sur les marchés.

Toutes les institutions de microfinance sont confrontées à la nécessité d’effectuer des actions de recouvrement sur le terrain sans pouvoir enregistrer ces transactions d’encaissement en temps réel. De plus, certains SFD qui ont une clientèle de petits commerçants de détail sur les marchés (essentiellement des femmes), et qui souhaitent collecter des épargnes journalières de faible montant ou pratiquer des remboursements hebdomadaires de petits crédits, se heurtent à la difficulté pour cette clientèle de laisser ses étals pour se déplacer dans les caisses régler ses échéances ou déposer son épargne. L’envoi d’un collecteur sur le marché reste extrêmement risqué et le suivi des transactions multiples compliqué sans dispositif adéquat d’information et de communication. L’utilisation du téléphone portable pourrait sécuriser ces

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opérations. En matière d’épargne, ce produit serait similaire à celui des tontiniers privés, très répandus sur les marchés de pays proches (Bénin, Togo, Ghana). Ceux-ci collectent tous les jours l’argent auprès de leurs clients pour le sécuriser, en contrepartie du versement d’une cotisation par mois.

(5) Le mobile banking est perçu d’autre part comme un moyen de diversification des produits. Il apparaît particulièrement utile du point de vue des institutions financières rencontrées pour développer des produits de transferts, et notamment de transferts domestiques.

Les transferts domestiques formels :

 En « cash to cash », sont actuellement assurés par les banques et les SFD via les sociétés de transfert internationales (Western Union, Moneygram, Money Express) desquelles ils sont agents et sous-agents ; le coût des transferts, notamment de petit montant, reste très élevé (à titre d’exemple, à Money Express qui se positionne en-dessous de ses deux grands concurrents en termes de prix, le coût d’un transfert jusqu’à 20 000 FCFA est de 1 756 FCFA, soit 18% pour un transfert de 10 000 FCFA). La Poste offre également des transferts par mandat postal, accessibles en mandat électronique avec notification par SMS au destinataire et confirmation par SMS à l’expéditeur dans les bureaux de poste connectés (« Call Money ». Cf. Partie 2.2. Le secteur financier).

 En « compte to cash », sont assurés par les banques et certains SFD possédant un réseau étendu, par des mises à disposition ou des chèques.

Une forte proportion de clients utilisent des moyens informels d’envoi de liquidités à l’intérieur du pays, pour payer leurs fournisseurs ou pour faire parvenir de l’argent à de la famille (flux ville-campagne notamment). Les transporteurs sont le moyen le plus utilisé (notamment les « horaires », les cars rapides) : l’émetteur remet de l’argent au chauffeur contre paiement d’une commission variable et le récepteur se poste sur la ligne pour réceptionner le virement. Également utilisé pour les petits montants, le transfert via les systèmes de vente d’unités d’airtime sans carte (le Seddo d’Orange, notamment) : l’émetteur remet de l’argent à un vendeur d’airtime qui transfère du temps de communication à un autre vendeur, lequel remet l’argent au récepteur – si le montant est élevé (> 10 000 FCFA) et l’activité du revendeur du récepteur faible, il lui faudra plusieurs jours pour revendre l’airtime reçu et il remettra donc l’argent transféré progressivement au récepteur. Tous les systèmes informels présentent bien entendu des risques. Pour les éviter, un grand nombre de personnes se déplacent en personne pour remettre de l’argent à leur famille, ce qui engendre un coût très élevé et une forte contrainte en matière de temps.

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L’utilisation du téléphone portable pour donner des ordres de transfert (en compte to compte et en compte to cash), comme pour effectuer des envois et réceptions d’espèces (cash to cash) en passant par des agents de proximité, sans avoir à se rendre dans le guichet d’une institution particulière et sans nécessité d’y ouvrir un compte, est perçue par les institutions financières rencontrées comme un moyen efficace pour développer ces services et en faire baisser le coût pour le client. Plusieurs d’entre elles expérimentent ou ont en projet de tels systèmes (Cf. Partie 2.6.2. ci-après, Offre de mobile banking).

(6) L’utilisation du mobile banking dans le paiement de factures des particuliers (eau, électricité) est aussi envisagée avec intérêt.

Un service d’utilisation du téléphone portable pour effectuer des paiements de factures d’eau et d’électricité, qui se font souvent en espèces et entrainent d’importantes pertes de temps et des coûts non négligeables pour les clients (déplacements, queues dans les guichets), est envisagé avec intérêt par les institutions financières. Il est en projet dans plusieurs expériences de mobile banking (Cf. Partie 2.6.2. ci-après, Offre de mobile banking).

(7) La possibilité donnée par le téléphone portable d’échanger des informations avec leurs clients représente pour les SFD un moyen i) d’améliorer l’offre de service à leur clientèle actuelle, ii) de réduire certains coûts de communication et de déplacement, iii) et éventuellement à la marge d’améliorer les taux de remboursement.

Le téléphone portable peut faciliter la communication entre un SFD et ses clients, par des messages à l’initiative du client ou du SFD :

 La possibilité donnée aux clients de consulter leurs soldes de compte par SMS peut constituer un service très intéressant pour certains segments de clientèle, notamment les salariés et les commerçants qui attendent salaires ou paiements de clients ou qui veulent vérifier que l’argent confié à une personne pour le déposer sur leur compte a bien été déposé comme prévu. Certains SFD tels que PAMECAS et ACEP le proposent déjà (Cf. Partie 2.6.2. ci-après, Offre de mobile banking).

 La communication avec les clients, notamment en milieu rural, est difficile et coûteuse. L’utilisation de SMS à l’initiative du SFD peut contribuer à fluidifier la communication avec les clients à moindre coût, pour des fins :

opérationnelles (alertes d’échéances de crédit) : ceci peut éviter à l’agent de crédit d’avoir à appeler ou à se déplacer la veille ou le jour des remboursements, et au client d’oublier de venir payer sa traite. La rentabilité des crédits peut ainsi s’en trouver améliorée ;

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organisationnelles (convocation d’assemblée générale, par ex.) ;

commerciales (information sur un nouveau produit…).

(8) L’extension des services de collecte d’épargne et d’octroi de crédit à des populations éloignées des agences, ou tout au moins la diminution des coûts de transaction pour les clientèles rurales actuelles, par l’utilisation conjointe du téléphone portable et d’un réseau d’agents contractualisés, semble intéressante à certains banques et SFD. Aucun dispositif de ce type n’a cependant encore été testé.

Outre l’accès des populations rurales aux produits de transferts, le mobile banking aurait un réel impact sur ces populations s’il permettait d’augmenter les volumes de crédit et d’épargne dans les zones rurales. Par la sécurisation des informations liées aux transactions hors agence qu’il permet (Cf. paragraphe (3) ci-dessus), il peut faciliter la mobilité des équipes, ceci participant déjà à une amélioration de l’accès des populations éloignées aux services financiers. Cependant, ces opérations hors-agence réalisées par des équipes mobiles, même équipées de véhicules-guichets, restent risquées pour la sécurité des fonds et surtout des personnes. Or les investissements des banques et SFD dans des points de service en zone à faible densité de population sont souvent coûteux et difficilement rentabilisables.

Une des solutions envisageables pour toucher des populations vivant dans des zones isolées est que les institutions financières utilisent des agents contractualisés (pouvant être des MEC isolées ou appartenant à un réseau quelconque, des guichets de la poste, ou encore des commerçants) pour effectuer les opérations de cash liées à des encaissements (remboursement d’échéances de crédits, dépôts ou retraits). Afin de sécuriser ces transactions et de suivre les informations qui y sont liées en temps réel, l’utilisation du téléphone portable, aussi bien par le client que par ces agents (lorsque les connexions internet sont inopérantes), est appropriée. Certains SFD sénégalais y songent et ont des projets en ce sens (Cf. Partie 2.6.2. ci-après, Offre de mobile banking).

A la différence du produit de transfert qui, lorsqu’il est facilité par la technologie, ne nécessite, hormis du marketing et un éventuel accompagnement des clients à son utilisation, pas de conditions particulières, le développement de l’épargne et du crédit auprès des populations éloignées ne peut se faire qu’à la condition pour les SFD :

 d’un travail de qualité en amont : identification des clients, analyse des demandes de crédit, ouverture de compte ;

 d’un suivi : l’utilisation de la technologie ne dédouane pas d’un nécessaire suivi des emprunteurs ;

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 de la proposition de leur part d’une gamme de produits adaptés : conditions de dépôts et retraits non contraignantes et intéressantes, modalités de crédits adaptées aux activités, etc.

Les contraintes des SFD relatives à l’existence de ressources humaines formées, de méthodologies et de procédures rigoureuses, d’un système d’information performant, et à la capacité d’accéder à des ressources financières adéquates (en taux comme en durée) ne sont bien évidemment en aucun cas levées par l’utilisation du mobile banking. Néanmoins, toutes choses égales par ailleurs, le mobile banking associé à un réseau d’agents de proximité permet de réduire les investissements des SFD comme les coûts de transaction pour les clients éloignés (gains en déplacements).

(9) La question de l’acceptabilité par les populations, notamment en zone rurale, de nouveaux services financiers requérant l’utilisation du téléphone portable reste néanmoins réelle. Il sera important de s’appuyer pour la faciliter sur des utilisateurs avertis et de mettre en place des mesures d’accompagnement des clientèles.

Comparativement aux pays où des expériences de mobile banking se sont bien développées, l’analphabétisme au Sénégal est très élevé, particulièrement en milieu rural (Cf. partie 2.1. Le Sénégal). En effet, si le taux d’alphabétisation est de 54,8% en ville, il est seulement de 26,4% en milieu rural (Source : ESPS 2005-2006). Cet élément doit être pris en compte pour ne pas constituer un blocage à la diffusion du mobile banking.

Les dispositifs devront bien sûr être les plus simples possibles d’utilisation, utilisant des syntaxes courtes et des menus adaptés. Le personnel des institutions financières devra faire preuve de pédagogie envers les clients et les SFD pourront privilégier des démarches par étapes, en lançant les services les plus simples d’utilisation dans un premier temps (de type envoi d’information relative à un transfert par exemple). Les populations devront également être rassurées sur le caractère sécurisé du dispositif, et donc des informations, et surtout des montants qui sont concernées par les opérations qu’elles entreprendront.

Le téléphone portable est déjà un outil de communication largement adopté par la population sénégalaise (plus de 51% des sénégalais en possèdent un ; source ARTP Juin 2009). Son utilisation pour effectuer des échanges d’informations financières, voire initier des transactions financières demandera toutefois une phase d’acceptation d’une part et d’apprentissage d’autre part. Il sera important pour ce faire de s’appuyer sur des adopteurs précoces qui pourront entraîner des personnes plus

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réticentes et moins bien armées ; l’intensité des échanges ville-campagne, la présence dans les villages de jeunes lettrés et intéressés par les nouvelles technologies et leurs bonnes relations avec les anciens est un atout dans ce sens.

L’efficacité du mobile banking comme outil permettant de contribuer à lever certaines contraintes de coûts et de sécurité des interventions en zone rurale et donc d’accroitre réellement l’accès aux services financiers des populations exclues sera notamment conditionnée par l’existence de mesure d’accompagnement des populations : communication, réassurance. Les financements publics et des bailleurs de fond ont un rôle important à jouer en ce sens.