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1. Cadre conceptuel général de la recherche

1.2. Émergence et évolution de l’arbitrage commercial

1.2.2. Développement du régime procédural arbitral en matière de

compétence arbitrale en cette matière ait commencé depuis les années soixante du XXe siècle (Convention de Genève "1961" et Convention du CIRDI "1965"), il n’existait pas, au cours de cette période, un régime intégral et solide régissant les procédures arbitrales en cette matière comme le régime étatique régissant strictement les procédures d’urgence. C’était le cas jusqu'à la parution des modifications significatives et remarquables de la loi type adoptées le 7 juillet 2006, modifications qui sont considérées comme un essor « règlementaire » considérable dans le domaine de l’arbitrage d’urgence. La nouvelle version modifiée de la loi comporte un nouveau chapitre développé (IV A) remplaçant l'article 17 de l’ancienne loi type de 1985. Dans ce nouveau chapitre, le codificateur de la loi type a innové en établissant un régime juridique plus complet et adéquat sur les mesures provisoires prononcées à l'appui de l'arbitrage. Depuis 2006, c’est cette version amendée de

la loi type qui est la version standard (50). Il convient de souligner que le régime français des référés et des ordonnances sur requête a été une source majeure d'inspiration pour le codificateur de la nouvelle loi type (51), et cela comme il a été une source importante d'inspiration pour le législateur dans les pays adoptant le système civiliste (Civil Law) ; c'est ce que cette thèse montrera.

Sur le plan de la législation étatique, nous constatons qu’il existe un grand nombre de législateurs nationaux qui se sont inspirés des dispositions de la loi type régissant les mesures provisoires et conservatoires, et cela, lors de la promulgation de leurs lois étatiques sur l’arbitrage commercial (52). Toutefois, la première adoption presque identique du régime de mesures provisoires innové par la loi type a été inscrite dans la loi de la Nouvelle- Zélande sur l'arbitrage, loi No 94 qui a été amendée en 2007.

Il convient de souligner également que la matière des mesures provisoires et conservatoires a connu un grand développement dans le nouveau Code de procédure civile québécois de 2016. Dans ce Code et sous le titre (II) concernant « l’arbitrage », le législateur québécois intègre un nouveau chapitre (IV) intitulé « les mesures d’exception », chapitre qui est consacré à l’organisation de cette matière. Nous remarquons qu’un grand nombre de normes innovantes de la loi type concernant les mesures provisoires et conservatoires ont été adoptées dans le nouveau C.p.c. québécois.

Pour cette raison, la loi type se situe toujours au cœur du système mondial de l'arbitrage commercial international. Toutefois et comme dispose l’article 13 de la loi type de la CNUDCI sur la conciliation commerciale internationale (2002), cette loi type est uniquement « un texte législatif qu’il est recommandé aux États d’incorporer dans leur droit interne. Contrairement à une convention internationale, une loi type n’oblige pas l’État qui l’incorpore à en aviser l’Organisation des Nations Unies ou les autres États qui peuvent

(50) La version originale de 1985 est également reproduite parce qu’elle a vraiment servi de base à l'élaboration de nombreuses lois nationales. Voir en ligne :

http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/1985Model_arbitration.html consulté le 9 septembre 2013.

(51) Georges BOLARD, Les mesures provisoires unilatérales ou « ordonnances préliminaires » dans le projet CNUDCI, in Les mesures provisoires et conservatoires dans l’arbitrage commercial international : évaluations et innovations, op. cit., p. 107.

(52) Jean-Michel JACQUET et Renaud SORIEUL, in Les mesures provisoires et conservatoires dans l’arbitrage commercial international : évaluations et innovations, op. cit., p. 65.

l’avoir également incorporée ». Pour cette raison, le régime des mesures provisoires établi par cette loi reste loin du domaine de l’application jusqu'à ce que la législation étatique et les centres d’arbitrage l’adoptent ultérieurement.

Quatre ans après la modification de la loi type portant sur la matière de mesures provisoires, un formidable développement a émergé dans les instituions internationales d’arbitrage commercial (centres d’arbitrage). Le Règlement d’arbitrage de l’Institut d’Arbitrage de la Chambre de Commerce de Stockholm (la « CCS »), modifié le 1er janvier 2010, a été le premier instrument établissant un régime réglementaire pour régir intégralement les procédures arbitrales en cette matière. Nous mettons notamment en évidence que ce Règlement était également le premier qui a établi le régime récent de l’arbitre d’urgence, régime qui s’applique en l’absence d’un tribunal arbitral constitué. Il convient de souligner que l’explication de ce régime fait partie essentielle de notre thèse de doctorat.

Dès ce moment, les centres d'arbitrage étaient en compétition pour développer et modifier leurs règlements en incorporant ce nouveau régime important et récent (l’arbitrage en matière de mesures provisoires avant et après la constitution du tribunal

arbitral). Il a successivement été adopté : le 1er janvier 2012 par la Chambre de commerce

internationale (CCI) (53), le 1er juin de la même année par l’Association des Chambres de commerce suisse pour l’arbitrage et la médiation (Règlement suisse), le 1er janvier 2013 par le Centre belge d’arbitrage et de médiation (CEPANI) qui l’a incorporé, le 1er avril 2013 par le Centre d'arbitrage international de Singapour (CAIS), le 1er novembre 2013 par le Centre d'arbitrage international de Hong Kong (HKIAC), le 1er octobre 2013 par l’Association américaine de l’arbitrage (AAA), le 1er février 2014 par l’Association japonaise d’arbitrage commercial (AJAC) et finalement le 1er octobre 2014 par la Cour d'arbitrage de la(LCIA).

(53) « La Chambre de commerce internationale (CCI) a été fondée en 1919 avec un objectif premier qui est toujours resté le même : servir le monde des affaires en favorisant les échanges et l'investissement, l'ouverture des marchés aux biens et aux services, et la libre circulation des capitaux. Un des services qu’elle offre pour atteindre cet objectif est sa Cour internationale d’arbitrage qui a été fondée en 1923 pour résoudre des litiges commerciaux internationaux et est reconnu [sic] comme centre de compétence sur l'arbitrage international ». Voir en ligne : http://www.iccwbo.org/about-icc/history/the-

merchants-of-peace/ ; http://www.icc-switzerland.ch/fr/arbitrage/la-cour-internationale-darbitrage

À la fin de cette section, nous estimons que ces développements ont introduit une nouvelle ère de l'arbitrage commercial international, ère au cours de laquelle l’arbitrage d’urgence est devenu une vraie justice internationale alternative possédant un pouvoir régi par un régime arbitral récent qui mérite d’être comparé au régime étatique.