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F Détail et objectivité

Dans le document La notion de détail et ses enjeux (1830-1890) (Page 111-121)

Si le photographe ne manifeste pas toute l’abnégation259 qu’aurait demandée au graveur un travail aussi précis que la reproduction d’une peinture, c’est, en revanche, au nom de l’oubli de soi-même, de l’absence d’interférence humaine dans le processus de reproduction, que sa démarche se voit conférer un coefficient d’objectivité étranger à l’intervention du graveur. Par ce biais, la défense de la photographie comme procédé mécanique peut encore s’appuyer sur un critère moral, l’auteur ayant eu la modestie de s’effacer pour assurer une plus grande fiabilité du transfert.

Lorsque la photographie est louée au nom de l’objectivité, nous l’avons déjà suggéré, c’est sa valeur documentaire qui se trouve mise de l’avant. Pourtant, cette destination l’inscrit dans un dessein étranger aux arts visuels traditionnels et l’oppose en cela à la gravure. En effet, dès son apparition, la photographie a été très admirée pour sa capacité à rendre compte d’une multitude de détails, c’est-à-dire à rendre une image favorisant l’observation et donc la connaissance260. Ainsi, De la Gavinie n’hésite pas à convoquer un jeu de mots lié à l’appareil photographique en écrivant : « Quel que soit le talent de ceux qui cherchent à traduire littéralement, sans interprétation originale, l’œuvre d’un maître, ils n’arriveront jamais, cela est incontestable, à la vérité de l’objectif »261. Burty reprend autrement cette idée en écrivant dans la Gazette des beaux-arts : « La photographie est impersonnelle, elle n’imite pas, elle copie ; là est sa faiblesse comme sa

259 Ce terme, qui peut paraître un peu fort a priori, est pourtant celui utilisé par Boulanger et par De La

Gavinie. De plus, la formule de Boulanger, selon qui le graveur travaille pour « quelques billets de 1 000 francs », montre que l’auteur cherche à valoriser une activité réalisée pour le seul amour de l’art tandis que la photographie, elle, était déjà payante et essentiellement commerciale.

260 Les applications scientifiques font d’emblée partie du potentiel de l’image photographie ; Arago en fait

mention dès la présentation du daguerréotype (François Arago, Rapport à la Chambre des députés, 18, cité dans André Rouillé, La Photographie en France. Textes et controverses, 1816-1871, Paris, Macula, 1989, p. 36).

force ; car elle rend avec la même indifférence le détail oiseux et ce rien à peine visible, à peine sensible qui donne l’âme et fait la ressemblance »262.

Mais la fidélité du document photographique aux détails de l’original n’est pas un argument très souvent invoqué dans le contexte de la reproduction de tableaux, car, comme nous l’avons vu, la conformité à l’œuvre originale, avant la photographie, reposait sur la conformité à ce que l’on considérait être l’esprit de l’œuvre plutôt qu’à la fidélité du rendu des détails. Par ce qui nous apparaît aujourd’hui une forme de paradoxe, on loue chez les graveurs leur capacité à restituer une ressemblance à travers l’esprit d’une œuvre bien plus qu’à travers ses détails. L’importance accordée au senti et à l’interprétation dans les reproductions gravées de tableaux, témoigne de ce que la relation que les contemporains du XIXe siècle entretenaient avec l’image artistique ne procédait pas encore des exigences du savoir établies par la science. La photographie d’œuvres d’art n’avait donc pas à se soucier de la reproduction des détails. Pour bon nombre de critiques, ce n’était pas là, en effet, que se logeait l’émotion et les détails, dans leur contingence particulière, leur inspiraient parfois un certain mépris. De manière générale, la mode de l’ébauche, de l’image prise sur le vif263 qui avait alors les faveurs de la critique s’opposait au rendu précis des photographies. C’est dans ce contexte que s’est installée, en marge de la notion d’objectivité de la représentation, celle, polymorphe, de vérité de l’art, récurrente au cours du XIXe siècle et elle-même très investie de valeurs morales. Cette vérité, ambiguë, que l’on voyait dans les ébauches et le rendu esquissé, relevait de la sensibilité de la perception plus que de la saisie des détails.

Ainsi, l’importance accordée aux détails dans les reproductions photographiques de tableaux témoigne de l’évolution du regard porté sur les œuvres et du modèle de connaissance auquel on les rattache. Vers la fin du siècle, les reproductions photographiques vont contribuer à la radicalisation d’une certaine forme de rapport à l’art

262 Philippe Burty, « Exposition de la société française de photographie », Gazette des beaux-arts, 1859,

p. 211.

263 « Crucial, then, to the change in the meaning of plein air is a shift in attitudes to fini and a re-evaluation of

the role and importance of the « sketch », a breakdown in the dividing line between the two and the rise of the aesthetics of non-fini (unfinished). » (Anthea Callen, The Art of Impressionnism : Painting Technique and the

qui s’appuie sur l’observation minutieuse et sur la connaissance précise. Cependant, cela s’exprime moins à travers le repérage, ou reconnaissance, du réel représenté qu’à travers celle des modalités de sa représentation. Ainsi, se développe le connoisseurship264, technique d’analyse des œuvres dont nous observerons les présupposés au prochain chapitre, qui permettait d’identifier un tableau grâce aux détails. De même, l’observation des détails jouera un rôle majeur, un peu plus tard, dans l’élaboration des différentes histoires des métamorphoses de la forme, inspirées de modèles organiques265 dont les

méthodes, empruntées aux sciences de la nature, qui serviront le projet de l’école de Vienne de créer des chaires de recherche en histoire de l’art indépendantes des chaires de littérature et d’esthétique. En effet, en isolant des motifs pour étudier leur évolution à travers l’histoire non seulement des représentations, mais aussi de l’ornementation (Riegl, par exemple, fonde sa méthode sur l’observation des motifs ornementaux de tapis persans266), cette nouvelle histoire de l’art se détache de la prééminence du sujet au profit d’un rapport à l’œuvre fondé sur l’activité détaillante de l’observateur; elle remplit ainsi les conditions nécessaires à la constitution d’une discipline indépendante fondée non sur l’interprétation, mais sur l’observation de l’évolution de la forme.

Enfin, la rapidité de saisie que permet le dispositif photographique contribue à en faire un outil répondant à l’ambition d’accumuler et de répertorier le plus grand nombre d’informations visuelles sur le monde. Envisagée dans cette perspective, la reproduction d’œuvres d’art est susceptible d’apporter une connaissance qui se rapproche des critères de l’idéal scientifique. Par ailleurs, la photographie permet de démocratiser l’accès à l’art, particularité qui semble assez importante pour faire oublier les aspects plus critiquables de

264 Giovanni Morelli, De la peinture italienne : Les fondements de la théorie de l’attribution en peinture : à

propos de la collection des galeries Borghèse et Doria-Pamphili, Nadine Blamontier (trad.), Paris, Lagune,

1994 [1890].

265 Heinrich Wölfflin, Principes fondamentaux de l’histoire de l’art, Claire et Marcel Raymond (trad.), Paris,

G. Monfort, 1994.

266 Aloïs Riegl, Questions de style : Fondements d’une histoire de l’ornementation, Paris, Hazan, 1992

son mode de reproduction267. On ne s’étonnera donc pas que les reproductions photographiques de tableaux soient jugées convenables pour les spectateurs les moins aisés, alors que les amateurs d’art, les esthètes, préfèrent les reproductions gravées.

Cependant, insister sur les effets positifs de la saisie mécanique propre à la photographie présentait un certain danger pour un médium en train d’acquérir le statut d’art. En effet, la capacité de la photographie à reproduire les détails avec précision et à constituer ainsi un document jugé fiable lui a valu l’attribution d’un statut ancillaire, dû non seulement à l’absence de liberté de choix du photographe, mais aussi à l’inféodation au réel du dispositif photographique lui-même. D’ailleurs, l’exactitude est l’élément qui, selon la définition du Bescherelle, marque la différence entre la copie et l’imitation268. Celle qui

deviendrait, la même année, sous la plume de Baudelaire, l’« humble servante »269 des arts,

était aussi perçue comme un outil efficace pour conserver la mémoire d’objets en permettant d’en garder une image à disposition malgré leur éloignement. Ainsi présentée, la photographie risquait de se voir attribuer un rang inférieur au sein de la hiérarchie des arts visuels.

En cherchant à la défendre, plusieurs auteurs ont donc cantonné la photographie au domaine de l’industrie car, comme le rappelle Latreille270, la photographie peut faire l’objet d’une reproduction infinie tandis que la capacité de la planche gravée est limitée. Cette dichotomie entre art et industrie semble être une résurgence de l’ancienne opposition de valeur entre les arts libéraux et les arts serviles qui a longtemps sous-tendu la hiérarchie des arts. Cependant, la photographie ne s’insérait pas aisément dans un tel système de

267 « Quand donc cessera-t-on de faire de l’Art une aristocratie, et de sa divinité une belle dédaigneuse ? »

(Arsène Durand, « La photographie, la gravure et la pétition signée chez Monsieur Goupil », L’art du

XIXe siècle (Tome IV), 1859, p. 51).

268 Louis-Nicolas Bescherelle, Dictionnaire universel de la langue française, Paris, Garnier frères, 1856,

p. 201 et 275.

269 « Il faut donc qu’elle rentre dans son véritable devoir, qui est d’être la servante des sciences et des arts,

mais la très humble servante, comme l’imprimerie et la sténographie, qui n’ont ni créé ni suppléé la littérature. » (Charles Baudelaire, « Le public moderne et la photographie » [1859], Écrits sur l’art, Paris, Gallimard, 2003, p. 274).

270 Édouard de Latreille, « La gravure et la photographie, à M. Léon Boulanger, directeur de la revue des

classification. Bien qu’elle ait été lucrative, elle ne faisait pas, après tout, intervenir la main humaine. Ainsi, la nature de la photographie contribuait à la remise en question générale de la traditionnelle hiérarchisation des pratiques artistiques dont témoigne, notamment, la tentative de revalorisation des arts décoratifs à laquelle se consacre la Revue des arts du XIXe siècle. Dans un tel contexte, on comprend que la fidélité des détails photographiques, qui est souvent perçue comme la trace du caractère mécanique du médium, puisse constituer un obstacle à la conquête du statut d’œuvre d’art.

La valeur artistique de la photographie a donc tout d’abord été discréditée au nom du détail, non seulement parce que ce dernier rappelait son caractère mécanique, mais aussi parce que la précision des détails constituait la différence la plus frappante entre les images obtenues par le procédé photographique, réputé artisanal, et les autres images dont le caractère artistique était déjà reconnu. Bien que l’on ait vu dans le rendu des détails que présentait l’image photographique une ouverture vers des perspectives infinies en matière de développement des savoirs, il semblerait qu’on n’ait pas envisagé que cela puisse caractériser une nouvelle pratique artistique. Si de nombreux auteurs ont exalté l’image photographique et son objectivité au point de la présenter comme une opération de la nature elle-même, une opération capable de saisir même des éléments invisibles à l’œil nu271, ils

n’ont cependant pas cessé de lui reprocher de ne pas idéaliser son objet. La préoccupation pour le rendu fidèle a introduit dans le débat sur la valeur artistique de la photographie l’assimilation du détail vrai au détail laid, une association qui motivait déjà les critiques adressées au réalisme de Courbet272.

271 Ainsi, Gustave Planche écrit, en 1857 : « L’œuvre du soleil a cela de singulier qu’elle exprime sans pitié

les détails que nos yeux n’aperçoivent pas. » (Gustave Planche, « Le paysage et les paysagistes », Revue des

deux mondes, 15 juin 1857, p. 756-787).

272 Théophile Gautier joue ainsi de l’homophonie entre « vrai » et « laid » dans un article consacré à Courbet :

« … Tandis que les réalistes simples se contentent du fac-similé de la nature telle qu’elle se présente, notre jeune peintre, parodiant à son profit le vers de Nicolas Boileau Despréaux, paraît s’être dit : « Rien n’est beau que le laid, le laid seul est aimable ». Les types vulgaires ne lui suffisent pas ; il y met un certain choix, mais dans un autre sens il outre à dessein la grossièreté et la trivialité. » (Théophile Gautier, « Salon de 1850-1851 : Monsieur Courbet », La Presse, 15 février 1851).

Le jugement porté sur le détail photographique reprenait donc souvent les arguments convoqués à l’encontre du réalisme en peinture, tandis que la querelle sur l’idéalisation se trouvait elle-même renforcée par l’apparition de la photographie qui plaçait au premier plan la question du choix des détails. En effet, les exigences de l’idéalisation impliquaient que l’artiste effectue un choix parmi les détails représentés ; or le photographe ne choisissant pas les détails reproduits sur la photographie, il semble qu’il n’ait pas pu accéder au statut d’artiste. La qualité de la mimesis et la valeur artistique d’une œuvre ne résidant pas forcément dans la précision du rendu, il devenait nécessaire de resituer et de redéfinir ce qui fondait une bonne représentation.

Les détracteurs de la photographie la blâmaient aussi de ne pas présenter les qualités de la peinture. Tout d’abord, la prolifération des détails risquait de nuire à l’unité de la composition d’ensemble. Ainsi, Boulanger loue le talent des graveurs à lier entre eux les différents éléments de l’image, même à partir d’un seul détail : « Le graveur, au contraire, découvre dans le moindre détail mille rapports qu’il met en relief et qu’il féconde. Il décompose un rayon, il en fait jaillir toutes les nuances du prisme »273. De plus, on critiquait

l’image photographique pour son manque de profondeur, un aplatissement imputable en partie à la surabondance des détails274. Enfin, le traitement des détails en peinture impliquait

une sélection entre différents éléments, ce qui suggérait un choix motivé et donc une production de sens275. Le débat sur la valeur artistique de la photographie posait ainsi, en

273 Léon Boulanger, « De l’art de la gravure et de l’avenir des graveurs en France », Revue des Beaux-arts,

1859, p. 45. Il est à noter que Latreille utilise sensiblement le même argument mais cette fois au profit de la photographie : « La lumière s’y [dans la reproduction] trouve distribuée comme dans le tableau lui-même. » (Édouard de Latreille, « La gravure et la photographie, à M. Léon Boulanger, directeur de la revue des Beaux- arts », Revue des Beaux-arts, 1859, p. 114).

274 Ainsi, quelques années auparavant, reprochant à la photographie de placer tous ses éléments sur le même

plan, Périer qualifiait les images photographiques de « trompe-l’œil collés sur un fond de papier suie » ou de « plan cadastral » et jugeait que les modèles n’y étaient rien de plus qu’un « accessoire du velours d’Utrecht. » (Paul Périer, « Exposition universelle : photographes français », Bulletin de la société française

de photographie, 1855, cité dans André Rouillé, La Photographie en France. Textes et controverses, 1816- 1871, Paris, Macula, 1989, p. 277).

275 Comme le remarque Roland Barthes qui a remis en question la pertinence de cette démarche, la tradition

critique tend généralement à donner un sens à chaque détail (Roland Barthes, « L’effet de réel »,

dernière analyse, le problème de la signification de ces images qui semblaient prélevées directement du réel. En rangeant les détails parmi « ce qui n’intéresse que le regard »276,

Delaborde marque à quel point il pouvait exister encore, à une époque où la tradition était déjà en crise, un écart de valeur entre la saisie visuelle et l’intervention intellectuelle par rapport au représenté.

La valeur artistique de la photographie n’a donc d’abord été envisagée que par rapport à la peinture et les détracteurs du nouveau médium ont aisément montré qu’il ne s’inscrivait pas dans la même lignée que le plus ancien. De nombreux auteurs ont par contre choisi de défendre la photographie en mettant justement en valeur ce qu’elle avait de commun avec la peinture277. Comparant art et industrie, Latreille, par exemple, remarque

que l’intervention du photographe peut être semblable à celle du peintre jusque dans son manque de rigueur et de probité : « Vous savez mieux que moi que dans toutes les branches de l’art et de l’industrie, il y a des hommes dont l’incapacité notoire n’a d’égale que leur ruse, et qui ne vivent que de ce qu’ils enlèvent à la vie d’autrui »278. En réponse à Boulanger qui insistait sur la spécificité du travail du graveur en nommant fréquemment son burin, Latreille utilise le mot « pinceau » pour évoquer la pratique du photographe. Par une inversion rhétorique, il a fait du rendu automatique des détails propre à la photographie un véritable obstacle à vaincre. L’opérateur n’y arrive que par deux qualités essentielles à l’artiste : sa capacité à choisir les détails et sa maîtrise des compétences techniques nécessaires à la sélection des détails. Le mérite des photographes semblait d’autant plus grand qu’ils avaient à choisir parmi une multiplicité de détails d’une beauté exceptionnelle.

276 Delaborde, cité dans De la Gavinie, Chronique, La Lumière, n° 11, 12 mars 1859, p. 44.

277 La Blanchère, par exemple, décrivait son programme en ces termes : « Moins de finesse, plus d’effet ;

moins de détails, plus de perspective aérienne ; moins épure, plus tableau ; moins de machine, plus d’art : voilà ce que nous cherchons. » (Henri de la Blanchère, L’Art du photographe, Paris, Amyot, 1860, cité dans André Rouillé, La Photographie en France. Textes et controverses, 1816-1871, Paris, Macula, 1989, p. 375.); il avait déjà amorcé une réflexion similaire en 1857 : « Ainsi donc, selon nous, la photographie a deux voies bien distinctes à suivre : la reproduction idéalement fine des détails, et la création intelligente d’œuvres d’art, de tableaux » (Henri De la Blanchère, « Études photographiques », La Lumière, 7 février 1857, p. 23).

278 Édouard de Latreille, « La gravure et la photographie, à M. Léon Boulanger, directeur de la revue des

On voit ainsi comment l’auteur de ce texte s’est approprié les références des amateurs de peinture et leur vocabulaire pour défendre la pratique photographique, faisant fi de la spécificité du médium et exagérant le potentiel technique qu’il pouvait alors offrir.

La valeur artistique de la photographie dépendait donc du fait qu’elle était ou non placée en opposition à la peinture, dans des textes qui envisageaient le choix des détails comme une condition de l’art. Dans cette perspective, la photographie était d’autant plus efficace qu’elle présentait, grâce à ses détails, des sujets parfaitement individualisés279. De

cette manière, le statut du photographe était souvent ballotté entre les deux camps, réputés opposés et inconciliables, de l’art et de l’industrie tandis que les photographies elles-mêmes louvoyaient dans les lieux d’exposition280 destinés à l’art ou à l’industrie.

Par ailleurs, c’est essentiellement en raison de son caractère mécanique et de sa capacité à rendre systématiquement les détails, que la photographie n’a pas été immédiatement appréciée comme un art à part entière. Cela signifie que l’on considérait avant tout la démarche du producteur plutôt que la spécificité du produit. Il est significatif que des photographies individuelles aient rarement fait l’objet de commentaires ; la réflexion et l’argumentation portaient plutôt le procédé lui-même, ce qui montre combien l’intentionnalité de l’artiste, qui s’exprimait notamment à travers le choix des détails, était importante dans la conception de l’art du temps281. Comme le remarque Philippe Junod au

sujet du réalisme, qu’il s’agisse pour l’artiste de rendre compte d’un objet ou de sa perception, l’idée du tempérament n’est pas évacuée282. Les textes de l’époque rendent bien

279 Peter Gallissen et Loren Daston, « The image of objectivity », Representations, n° 40, 1992.

280 Comme on l’a vu, lors de l’Exposition universelle de 1855, les photographies étaient encore exposées dans

le pavillon de l’industrie (André Rouillé, « La photographie française à l’Exposition universelle de 1855 », Le

Mouvement social, n° 131, 1985, p. 87-103).

281 L’importance capitale du choix dans toute démarche artistique se fait sentir, chez La Blanchère, à travers la

répétition. En effet, il écrit : « La photographie est l’art de l’imitation par excellence, c’est le calque de la

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