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B Le contexte historique dans lequel s’inscrit la signature de la pétition

Pour observer au plus près des textes les enjeux attachées à la notion de détail lorsqu’elle est abordée dans le contexte de la reproduction de tableaux, nous proposons d’étudier l’ensemble des écrits auxquels a donné lieu une querelle ayant opposé, autour de cette question, des graveurs et des photographes : il s’agit du débat généré par la publication de la pétition Goupil. Le 1er février 1859, une pétition adressée à Napoléon III était déposée chez Adolphe Goupil, un des plus importants éditeurs français d’images. Les signataires s’élevaient contre ce qu’ils présentaient comme la « contrefaçon » pratiquée par les photographes étrangers qui dupliquaient, dans un but commercial, des œuvres d’art ou leurs reproductions gravées sans s’acquitter des droits de reproduction. Cette démarche s’inscrivait dans un mouvement amorcé par la récente signature d’une convention entre la France et le canton de Genève destinée à instaurer une réglementation entre les deux États en ce qui concerne la propriété intellectuelle186 et, en particulier, la reproduction d’œuvres

185 « Ne peut-on pas rendre responsables quelques-uns de nos peintres modernes du tort fait aujourd’hui à l’art

de la gravure et, par suite, de l’indifférence pour nos graveurs, qui est, nous le disons hautement, une véritable calamité ? La photographie est parvenue à dominer le talent de quelques jeunes artistes : on dirait qu’ils lui ont voué le pinceau et la palette. » (Léon Boulanger, « De l’art de la gravure et de l’avenir des graveurs en France », Revue des Beaux-arts, 1859, p. 44).

186 L’annonce de cette convention, signée en octobre 1858, a été publiée dans Le Moniteur en janvier 1859.

Un peu plus tard, en 1886, la convention de Berne a consacré l’internationalisation de la notion de propriété intellectuelle. Dans le premier article du débat, Léon Boulanger écrit : « En attendant qu’on puisse conclure un traité international complet, nous trouvons, dans le Moniteur du 20 janvier, la promulgation d’une

d’art visuelles. Le même jour, la Revue des Beaux-arts publiait un article de Léon Boulanger, son directeur, intitulé « De l’art de la gravure et de l’avenir des graveurs en France »187 qui, sans insister sur les enjeux nationaux, proposait un long développement sur le travail du graveur et sur les dangers encourus par cette pratique séculaire face aux développements de la photographie.

Les deux documents soulignaient le préjudice moral subi par les graveurs et s’accordaient à présenter les possibilités qu’offrait la photographie en matière de reproduction d’œuvres d’art comme la cause de la fin programmée de la gravure dont la pratique cesserait d’être rémunératrice. Ils dénonçaient une conduite répandue consistant à photographier des reproductions gravées d’œuvres afin de les commercialiser sans l’accord du détenteur des droits d’auteur. Le nouveau procédé industriel permettait, en effet, de produire aisément et à grande échelle des images qui seraient vendues comme des reproductions de tableaux. D’une part, le négatif photographique simplifiait la multiplication de l’image en un très grand nombre d’exemplaires ; d’autre part, les gravures offraient une facilité d’accès et de manipulation qui les rendait plus commodes à photographier que les œuvres originales. Ce qui semble avoir posé problème aux signataires de la pétition concernait davantage la question des redevances que celle de l’appropriation en tant que telle car, à cette époque, la distinction entre original et reproduction ne faisait pas partie des préoccupations quant à l’image.

Cette prise de position en faveur des graveurs jugés victimes de la concurrence déloyale des photographes, a vite pris l’ampleur d’une cabale de sorte que plusieurs journaux sont entrés dans la mêlée. Bien que la même problématique ait déjà été soulevée convention conclue entre la France et le Canton de Genève pour la propriété des œuvres d’esprit et d’art. Ce traité garantit la propriété des Genevois et les oblige synallagmatiquement à respecter la propriété des artistes et éditeurs français. Nous voici donc en possession d’un nouveau traité-modèle. Il nous est permis de l’envisager comme un essai tenté pour mettre fin à une si grande détresse. Cette loi, en devenant universelle, satisferait les intérêts de tous. » (Léon Boulanger, « De l’art de la gravure et de l’avenir des graveurs en France », Revue des beaux-arts, 1859, p. 47).

187 Léon Boulanger, « De l’art de la gravure et de l’avenir des graveurs en France », Revue des beaux-arts,

par Delaborde en 1856188, elle a néanmoins189 trouvé là, pour la première fois, un véritable retentissement public dépassant le domaine de l’art, ce que montre bien la participation d’un quotidien comme Le Journal des débats politiques et littéraires190. Le sujet de la discussion, dans la dizaine d’articles publiés autour de la pétition Goupil, s’est cependant très tôt détourné de la question des droits d’auteur pour revenir aux querelles essentiellement esthétiques qui avaient accompagné l’avènement de la photographie. Le débat déjà mené sur la légitimité et sur la valeur artistique du nouveau médium s’est simplement trouvé réactualisé par sa transposition dans le contexte de la reproduction photographique de tableaux. En effet, la plupart des auteurs n’abordèrent pas vraiment les questions concernant la duplication de peintures ou de gravures, mais revinrent plutôt sur des enjeux plus génériques inhérents au statut du médium lui-même. L’attribution d’une valeur artistique à l’image photographique n’était d’autre part pas sans implications pour la reproduction de tableaux car, selon la conception traditionnelle, les reproductions exécutées par des graveurs ou des copistes exigeaient non seulement des compétences techniques et une grande habileté mais aussi des qualités interprétatives. L’imitation des anciens faisant partie de la formation académique191, on comprend que la reproduction manuelle ait appartenu de plein droit au domaine de la pratique artistique, ce qui expliquerait l’énergie mise à en exclure la photographie. Dans cette perspective, Latreille, un critique favorable à la photographie, remarque que, pour effectuer une bonne reproduction photographique de tableau, il faut connaître les techniques de la peinture aussi bien qu’un peintre192. Même si

188 Henri Delaborde, « La photographie et la gravure », Revue des deux mondes, 1er avril 1856, p. 617-638.

189 C’est dans les années 1850 que la photographie a connu les premiers développements technologiques qui

ont rendu possible la reproduction d’œuvres d’art à grande échelle (Trevor Fawcett, « Graphic Versus Photographic in the Nineteenth-Century Reproduction », Art History, n° 2, vol 9, 1986, p. 190).

190 Étienne-Jean Delécluze, « Feuilleton du journal des débats : gravure », Le Journal des débats politiques et

littéraires, 12 février 1859.

191 Patricia Mainardi, « Copies, Variations, Replicas : Ninetenth-Century Studio Practice », Visual

Ressources, n°, vol 15, 1999, p. 127.

192 « Tout ce que l’artiste peintre sait sur la perspective, sur les effets, sur la lumière, le photographe doit le

savoir. » (Édouard de Latreille, « La photographie à l’exposition des beaux-arts », Revue des beaux-arts, juillet 1859, p. 260).

la rapidité d’exécution et la rentabilité des reproductions gravées avaient souvent eu préséance sur leur valeur artistique193, cette valeur ne reposait pas sur la fidélité de la gravure à l’original, notion anachronique qui n’est presque pas prise en considération par les auteurs ; elle était plutôt fondée sur le critère, bien plus subjectif, du respect de l’esprit que l’artiste avait insufflé à son œuvre.

Ainsi, le conflit qui nous occupe semble d’emblée viser un objectif qui dépasse les frontières de son propre objet. Les textes auxquels il a donné lieu invoquent des arguments si éloignés des problèmes spécifiques que pose la photographie dans le contexte de la reproduction de tableaux qu’il semble que le terme même de débat soit à revoir et à nuancer. Tout d’abord, nous venons de le suggérer, bon nombre des arguments invoqués semblent empruntés à des querelles précédentes. De même, la plupart des auteurs et des revues qui interviennent à propos de la pétition lancée par Goupil avaient déjà été impliqués dans différents contentieux liés à la photographie194. Tout réfère donc à un débat ancien, déjà mené195, ce qui amplifie l’effet d’intertextualité et de polyphonie déjà signalé par le volume des citations sur lesquelles s’appuient la plupart des auteurs. À quoi bon remettre en cause une nouvelle fois la légitimité de la photographie alors même qu’elle semblait avoir gagné cette bataille ?

En effet, au cours de l’année 1859, la photographie, dont les productions étaient jusque-là exposées au Palais de l’industrie, venait d’obtenir une place au Palais des beaux- arts, à proximité des tableaux, dans une salle adjacente196. Ainsi, ce n’était plus le médium

193 « …heureux s’il [l’artisan photographe] peut joindre à ses travaux de longue haleine quelques essais d’une

exécution plus rapide, mais peu rémunérée. » (Léon Boulanger, « De l’art de la gravure et de l’avenir des graveurs en France », Revue des beaux-arts, 1859, p. 46).

194 C’est le cas, par exemple, de la Revue des deux mondes et de la Revue des beaux-arts.

195 En effet, la question de la valeur artistique de la photographie est récurrente au cours des années 1850 et en

particulier, comme le remarque André Rouillé, à partir de 1855, année de l’Exposition universelle : « C’est en 1855 que s’engage un débat de fond sur le statut et les usages des images photographiques – sur leur rapport d’un côté avec l’art, de l’autre avec la science et l’industrie. » (André Rouillé, « La photographie entre controverses et utopies », Usages de l’image au XIXe siècle, Stéphane Michaud, Jean-Yves Mollier et Nicole

Savy (dir.), Paris, Créaphis, 1992, p. 249).

196 « Cette année, enfin, la société a obtenu du gouvernement, au palais des Champs-Élisées, un espace

lui-même et ses performances technologiques qui se trouvaient mis en évidence, mais bien les images reproduites dans leur dimension artistique. Si cette exposition a valu à la photographie les foudres de Baudelaire, c’est bien parce qu’elle était le signe d’un déplacement des valeurs attachées à la photographie et d’une certaine évolution dans la réception du médium. Même si le cas qui nous occupe précédait de quelques mois l’exposition du Palais des beaux-arts, l’éventualité d’y déplacer les photographies était déjà en discussion au moment où la pétition fut déposée chez Goupil197; celle-ci se situe donc dans un contexte où les conceptions de la photographie avaient évolué198. Ainsi, Édouard de Latreille peut-il convoquer un argument d’autorité en écrivant : « Qui oserait aujourd’hui refuser ce titre d’artiste à Daguerre, à Le Gray, à Nadar, au comte Aguado, à Disdéri et à tant d’autres, qui joignent à leur talent en chimie tant de goût, d’habileté et de délicatesse dans l’exécution de leurs épreuves ? »199.

Moins que de s’engager dans un nouveau débat, il semble qu’il s’agissait surtout, pour les tenants de la photographie, de conserver un terrain déjà conquis. Au sein de ce long processus de légitimation de la photographie, l’année 1859 marque un véritable tournant. Bien qu’il soit difficile d’envisager indépendamment la pétition Goupil et

importance qui lui fait une sorte de réhabilitation. » (Philippe Burty, « Exposition de la société française de photographie », Gazette des beaux-arts, 1859, p. 209).

197 Il semblerait que cette initiative n’ait été prise qu’à l’issue de différents conflits et de décisions

contradictoires dont rendent compte les procès-verbaux publiés par le Bulletin de la société française de

photographie. « Nous croyons devoir rappeler à nos lecteurs que la troisième Exposition publique de la

société française de photographie aura lieu cette année du 1er avril au 15 juin prochain au palais de l’Industrie,

dans un emplacement spécial, en même temps que l’exposition de peinture. » (« Troisième exposition publique de la société française de photographie », Bulletin de la société française de photographie, Février 1859, p. 56).

198 La Gavinie a bien saisi que ce déplacement de la photographie au sein de l’exposition constituait une

véritable reconnaissance officielle ; il achève ainsi un article défendant la photographie contre les signataires de la pétition Goupil : « Le gouvernement l’a si bien compris, qu’il ouvre aujourd’hui, dans son palais de l’Exposition, des salles particulières à la photographie. Cet encouragement sérieux, refusé il y a quelques années, n’établit-il pas le retour de l’opinion en faveur de l’art dont le journal dans lequel nous écrivons ces lignes a été le premier vulgarisateur ? » (La Gavinie, La Lumière, 26 mars 1859).

199 Édouard de Latreille, « La gravure et la photographie, à M. Léon Boulanger, directeur de la revue des

Beaux-arts », Revue des beaux-arts, 1859, p. 113. (Cet article est presque intégralement cité dans La Gavinie dans La Lumière, 26 mars 1859, p. 52).

l’Exposition des beaux-arts200, la polémique à laquelle la première a donné lieu problématise bien mieux, selon nous, la notion de détail, car la photographie y est abordée de manière plus complexe qu’à travers les plaidoyers en faveur de son statut d’art.

L’entrée de la photographie dans un domaine jusque-là réservé aux productions de la main humaine génère, en effet, une nouvelle polémique accompagnée de prises de positions tranchées. L’art du XIXe siècle et La Lumière prennent parti pour la photographie tandis que Le Journal des débats soutient la gravure sans faire directement référence à la pétition. Quant à la Revue des beaux-arts, elle publie, en plus de l’article de Boulanger, une réponse d’Édouard de Latreille qui présente une opinion tout à fait contraire à celle de son directeur de manière à montrer l’ouverture de la revue201. On assiste au même phénomène à la revue L’art du XIXe siècle 202 où Arsène Durand et Justin Liénard écrivent respectivement au nom des photographes et au nom des graveurs. Cette divergence de points de vue se retrouve au sein même de la plupart des articles qui défendent la photographie. En effet, la majorité des auteurs citent la pétition en intégrant les arguments de l’adversaire, comme si le débat en lui-même conférait une légitimité au médium photographique. La stratégie permet souvent de tourner en ridicule les opposants à la photographie. De La Gavinie, par exemple, entame ainsi un article publié le 12 mars 1859 dans La Lumière :

Sous prétexte de défendre les intérêts de la gravure, quelques journaux prêchent depuis quelques jours une vraie croisade contre la photographie. Le Courrier de Paris, le grave Constitutionnel, l’Union, la sérieuse Revue des Deux Mondes et le Journal des Débats lui-même ont pris part en même temps à cette attaque inattendue. D’où vient l’organisation de cette

200 Ainsi, par exemple, Philippe Burty écrit : « Lorsque, il y a quelques mois, une discussion passionnée

s’éleva entre les éditeurs, qui croyaient leurs intérêts compromis, et les photographes, ardents comme tous les nouveaux venus dans la lice, la Gazette des Beaux-Arts dut attendre que les esprits se fussent calmés, et l’exposition qui vient de s’ouvrir lui fournit aujourd’hui toute liberté pour donner son avis sur la question. » (Philippe Burty, « Exposition de la société française de photographie », Gazette des beaux-Arts, 1859, p. 210).

201 Édouard de Latreille, « La gravure et la photographie, à M. Léon Boulanger, directeur de la revue des

Beaux-arts », Revue des beaux-arts, 1859, p. 113-115.

202 Arsène Durand, « La photographie, la gravure et la pétition signée chez Monsieur Goupil », L’art du

XIXe siècle (Tome IV), 1859, p. 51-52 et Justin Liénard, « Réponse au projet de pétition adressée à S.M.

formidable ligne de bataille ? Qui a dirigé si habillement et avec tant d’ensemble la stratégie du combat ? On le pense bien, ce n’est pas le hasard qui a fait éclater à la fois dans six journaux ces tirades anti photographiques. Il fallait une influence sérieuse pour obtenir ainsi le concours d’une partie si brillante de la presse française !203.

Les informations contenues dans cette tirade sont inexactes et trahissent l’intention de l’auteur d’inscrire la pratique qu’il défend dans le contexte d’une bataille en règle, voire d’un complot. En effet, un seul des journaux mentionnés (et il y en a cinq et non pas six), Le Journal des Débats dont De La Gavinie cite l’article de Delécluze, a exploité la polémique soulevée par la pétition204. En effet, le retentissement de l’affaire Goupil se limite plutôt aux revues spécialisées en arts visuels. Contrairement à ce que l’auteur veut laisser entendre, la querelle n’a pas provoqué beaucoup de réactions et la photographie ne fait pas face à une cabale. Cette stratégie a des avantages indéniables : défendre une pratique intéressant quelques initiés, en l’occurrence les lecteurs de La Lumière auxquels l’auteur s’adresse, contre une masse fictive de détracteurs (tous les journaux cités pour leur opposition sont généralistes et rencontrent donc un public large) n’est pas sans rappeler la rhétorique romantique défendant une figure d’artiste, seul contre tous, incompris de son temps, résistant aux brimades par la seule force de sa vocation205. Lorsqu’il affronte ainsi l’incompréhension de ses contemporains, le photographe se place de manière non équivoque du côté des artistes206.

203 De La Gavinie, « Chronique », La Lumière, n° 11, 12 mars 1859.

204 La livraison du 1er mars 1859 de La Revue des deux mondes fait allusion à Champfleury et au réalisme

mais ne va pas jusqu’à évoquer la photographie. De plus, le numéro du 31 janvier 1859 du Courrier de Paris mentionne, dans sa « Chronique parisienne », l’exposition de gravures du comte d’Espagnac sans pour autant comparer ces gravures à des photographies.

205 Nathalie Heinich, L’Élite artiste : excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard,

2005.

206 Suivons ici le conseil de McCauley selon qui cette attribution du statut d’artiste est assez récurrente dans le

langage général, surtout en ce qui concerne les arts décoratifs, pour qu’il soit exclu de la prendre au premier degré (Elizabeth Anne McCauley, Industrial Madness : Commercial Photography in Paris 1848-1871, New Haven et Londres, Yale University Press, 1994, p. 30). De plus, la vocation de la plupart des studios parisiens n’est pas artistique. Encore une fois, rappelons que notre étude porte sur les conceptions générales dont témoignent les textes et donc sur la place du détail dans le discours sur la photographie. Bien souvent, la

Grâce à cette rhétorique, l’éloge de la photographie apparaissait nécessaire alors que le nouveau médium était traité avec indifférence par les tenants de l’estampe, notamment au sein de l’Académie. En effet, les défenseurs de la gravure semblaient prendre position de manière nettement moins ferme que les tenants de la photographie. Leur réaction consistait le plus souvent en la publication d’articles qui, bien qu’ils ne mentionnent pas la pétition, défendaient la valeur de la gravure et, rappelant dans quelle tradition séculaire elle était inscrite, lui conféraient un véritable statut patrimonial207. Leur argumentaire faisait ainsi appel à un bon sens que l’apparition d’un nouveau médium aurait fait perdre aux contemporains pris d’un enthousiasme frénétique pour la nouveauté.

Bien qu’il ait été un peu artificiel, le soi-disant débat autour de la photographie a cependant beaucoup à nous apprendre sur le rôle qu’a pu jouer, dans ces circonstances, la question du détail. Précisons d’abord que la mise en procès de la photographie a entraîné une série d’oppositions systématiques et rigides interdisant toute nuance, notamment en ce qui concerne la spécificité des médiums en matière de reproduction. En effet, toutes les techniques dont étaient issues les images n’ont pu être inscrites dans ce système que par l’aplanissement de leurs différences, le but visé étant la formation de deux groupes distincts et opposés : d’une part, les techniques traditionnelles de représentation visuelle parmi lesquelles on comptait la lithographie, en oubliant les réserves dont elle avait fait l’objet au début du siècle ; d’autre part, l’ensemble des images produites par des procédés photographiques qui comprenait autant les daguerréotypes que les différents tirages sur papier, même s’ils ne présentaient pas tous la même qualité dans le rendu208. En ce qui