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Approches du désert du Sahara ou le désert au pluriel

6. Le désert dans le cinéma

Le nombre de films ayant opté pour le désert comme espace scénique souvent unique, est vraiment impressionnant comme nous avons pu le constater dans les filmographies consacrées au désert en général et au Sahara en particulier. Citons

L’Atlantide211 de Pierre Benoit, par exemple, qui connaîtra plusieurs adaptations cinématographiques, et de par ses tableaux exotiques, son succès sera fulgurant. Autre film-mythe, Laurence d’Arabie, qui a conquis une renommée formidable et un succès international où David Lean, le réalisateur met en scène la figure emblématique de Laurence d’Arabie, érigé en véritable héros saharien. Dans ce film, le désert apparaît comme un actant ayant un rôle essentiel dans le déroulement des différentes séquences. Ce film retrace l’histoire du lieutenant T.E. Lawrence212, aventurier britannique amoureux de la culture arabe et du désert, qui reçoit la lourde tâche de fédérer les tribus de Bédouins sous l’autorité du prince Fayçal et de les lancer contre l’armée turque. Le désert y apparait principalement comme l’espace

208 Illustration de Paul-Elie Dubois.

209 CHEVRILLON, André, Les puritains du désert (sud algérien), Paris, Plon, 1927. Illustré par Paul-Elie Dubois.

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André Chevrillon (1864-1957), neveu d’Hippolyte Taine par sa mère, passa une partie de son enfance en Angleterre. De retour en France, il fit ses études secondaires à Paris, à l’École alsacienne, puis au lycée Louis-le-Grand. Il entra à la Sorbonne où il obtint sa licence d’Histoire. Il fut d’autre part reçu premier à l’agrégation d’anglais en 1887, et soutint une thèse de doctorat sur Sydney Smith et la Renaissance des idées

libérales en Angleterre au XIXe siècle. Il enseigna un temps à l’École navale, puis à la Faculté de lettres de

Lille, mais renonça à l’enseignement dès 1894, pour se consacrer à la littérature. http://www.academiefrancaise.fr/les-immortels/andre-chevrillon

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Ce roman connaitra un grand nombre d’adaptations.

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d’un enjeu comme c’est également le cas pour trois autres films non moins célèbres : Dunes213 de David Lynch, Les Secrets du Sahara (1988) d’Alberto Negri et Fort Saganne (1984) réalisé par Alain Corneau, adapté du roman éponyme de Louis Gardel214. En juillet 1911, le lieutenant Charles Saganne s'engage dans la grande aventure saharienne. Il rejoint l'armée française qui doit pacifier le grand Sud et rallier les tribus nomades à sa cause. Stationné dans une oasis, en attendant le début des hostilités, Saganne fait la connaissance de Madeleine de Saint-Ilette. Une relation d’abord platonique s'instaure entre les deux mais les choses sérieuses commencent lorsqu’il se retrouve sous le commandement du colonel Dubreuilh. Voyant en lui courage et charisme, le gradé l'envoie aux avant-postes pour préparer le terrain. Puis Dubreuilh le dépêche à Paris témoigner de l'action de la France au Sahara devant un aréopage de décideurs. Mais Saganne est déçu : les autorités se désintéressent du désert, plus préoccupées par les prémices de la première guerre mondiale.

Autres chefs d’œuvres cinématographiques, Un thé au Sahara (1990) adapté au cinéma par Bernardo Bertolucci à partir du roman de Paul Bowles215 et Le

patient anglais (1996) réalisé par d'Anthony Minghella, adapté du roman de

Michael Ondaatje, L'homme flambé216, qui semble s’être peu inspiré de l’œuvre de Saint-Exupéry. Un homme, gravement brûlé dans l'accident de son avion, est recueilli et soigné par des Touareg du Sahara, en pleine seconde guerre mondiale. Il transportait une femme dont il ne subsiste aucune trace. Remis aux alliés, frappé d'amnésie, il ne connaît ni son nom, ni ses origines. Il est surnommé "le patient anglais". Hana, une infirmière, décide d'accompagner son agonie et s'isole avec lui dans un monastère, dans la campagne toscane. Au fil du temps, de ses lectures, le mystérieux patient recouvre peu à peu la mémoire et se souvient de sa vie

213Dunes est un film réalisé par David Lynch en 1984, adapté du roman éponyme d'un des maîtres de la

science-fiction J. Franck Herbert., Il fut tourné dans le désert du Mexique et des États Unis en Californie.

214 C'est le grand-père de Louis Gardel, le capitaine Charlet, qui lui inspira le roman. Son aïeul gagna le combat d’Esseyen en mars 1913 contre une coalition de Touareg Ajjer, de Toubous, de nomades du Fezzan et de Turcs. En réalité, ses exploits eurent lieu dans le Tassili en Algérie et non dans le Sahara mauritanien.

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BOWLES, Paul, The Shelting Sky, traduit de l’américain sous le titre de Un thé au Sahara.

216 ONDAATJE, Michael, L'homme flambé (1992), trad. de l'anglais par Marie-Odile Fortier-Masek ; Seuil/Points, 1995.

guerre. Il s'appelle Laszlo Almasy et était aviateur au service d'expéditions archéologiques dans le désert de Libye, dans les années 1930. Et enfin, nous citons pour le cinéma français Pique-nique chez Osiris (2001) réalisé par Benoît Charrié et Khaled Haffad.

L’action dans les films cités se déroule presque exclusivement dans le désert avec des personnages hors du commun en proie à de terribles problèmes existentiels et à des luttes sans merci entre le Bien et le Mal. Le désert apparaîtcomme le décor par excellence illustrant l’absurdité des situations. Opposé à l’espace de la ville, il est le cadre idéal afin de rendre compte de l’étrangeté, de l’absurdité et de l’irrationnel caractérisant parfois la vie des hommes.

6.1. Quelques films algériens ayant pour cadre le désert

Le cinéma algérien ne sera pas en reste et puisera sans relâche dans l’immensité du Sahara comme cadre filmique adéquat au développement de thèmes sociaux souvent pénibles et tabous. C’est Lakhdar Hamina217 et Mohamed Chouikh218, réalisateurs algériens qui font du désert leur décor de prédilection comme dans Vent de sable, La Citadelle ou L’Arche du désert. Vent de sable retrace le drame d’une femme vivant dans une région du désert rythmée par des tempêtes de sable incessantes où seul le vent a son mot à dire. Le désert avec ses furies, ses vents de sable ponctuent par leurs hurlements tout le film comme pour y exprimer la souffrance muette de femmes réduites au silence. Il se présente comme le décor le plus adéquat pour dire l’effroi dans lequel elles vivent.

Dans L’Arche du désert (1997), authentique conte allégorique sur la violence et ses origines, Mohamed Chouikh met en scène à travers une farce tragique le

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Il réalise le film ″Chronique des années de braise″ qui remporte la Palme d'or au Festival de Cannes de 1975. ″Le Vent des Aurès″ (1967) obtient le prix de la Première œuvre sur la Croisette. En 1982, ″Vent de

sable" et ″La Dernière Image″ en 1986, dont il signe le scénario et les dialogues, sont également en compétition.

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Mohamed Chouikh est né à Mostaganem, le 3 Septembre1943. Il réalise plusieurs films et documentaires pour la télévision algérienne. En 1989, c’est la sortie de son film La Citadelle qui connait un grand succès et sera suivi en 1993 par Youcef ou le dormeur qui sera présenté au festival de Venise et Berlin.

problème de la solitude, de l’incommunicabilité dans une cité éphémère bâtie sur et avec du sable, dans un désert extrêmement hostile et où des êtres fragilisés s’accrochent éperdument à la vie, à leurs histoires pitoyables, à leur courage, à leurs légendes et à leurs lâchetés.

Une fois encore, le désert se profile comme le cadre idéal pour faire ressortir les drames qui se déroulent dans les pays du Tiers monde, notamment la montée de l’intolérance et de l’intégrisme, les guerres et leurs cortèges funèbres.

Le dernier film en date ayant pour cadre scénique le désert est Ayrouwen219,

premier film réalisé entièrement en tamachek où le réalisateur s’est consacré à une histoire d’amour dans le Sahara algérien, mettant sous les projecteurs des personnages que le destin fait rencontrer dans le Sahara, cet espace immense où les vraies valeurs sont mises à nue.

Il s’agit de l’histoire poignante et tragique, entre Amayas, un targui, et Claude une jeune française. Mais cette histoire pleine de passion est perturbée par un ancien chagrin provenant d'une première histoire d'amour entre Amayas et Mina, empêchés de se marier car ils sont frère et sœur de lait. C'est autour de ce triangle amoureux émouvant et dans un espace aussi rude que merveilleux, que se déploie le récit de Brahim Tsaki220, qui ne se contente pas d’exhiber la beauté et l’immensité du désert, le vent qui flirte avec le sable des dunes et le grand silence. Pour lui le désert est « un espace vital depuis la nuit des temps et pour demain aussi »221. Dans Ayrouwen, au-delà du thème de l’amour et du dépouillement de soi, Brahim Tsaki essaye d’aborder et de traiter de graves problèmes d’actualité auxquels sont confrontés le désert et ses habitants, notamment ceux de la rareté de l’eau et ceux générés par le phénomène de la mondialisation : les rapports ambigus entre le Nord et le Sud, et la pollution222 .

219

Production : ENTV: Algérie - Durée : 90' - Genre : drame - Type : essai, 2007.

220

Il est sans doute le premier réalisateur admis à pénétrer dans le royaume fermé, pratiquement inaccessible des hommes bleus.

221 Le jeune Indépendant (16/05/09,)www.skyscrapercity.com/showthread.php?t...

222 Au-delà du thème des amours impossibles, le réalisateur a su imbriquer des thèmes graves comme nous l’avons déjà mentionné plus haut ; celui du Sud comme décharge des déchets toxiques des pays du Nord et il met en exergue les différentes pollutions auxquelles sont exposés le désert et sa population (le bruit des rallyes de motos et les sacs en plastique, véritable fléau écologique qui envahit les alentours des relais). Il n'omet pas également ces bouteilles de vin qui survivent aux soirs d’ivresse …

6.2. Le désert espace essentiel, Paris espace accessoire dans

Ayrouwen

Le titre Ayrouwen ou Il était une fois en tamachek annonce d'emblée ses couleurs. Appartenant au registre du conte et de la fable, ce film réalisé dans la région de Djanet dans un décor naturel, majestueux, est conçu à l’image même du désert : silencieux, mystérieux, imposant et écrasant, où le réalisateur compose plusieurs tableaux sans tomber dans l’assemblage de cartes postales pour une quelconque promotion touristique du Sahara, en mettant en relief des problèmes qui lui tiennent à cœur à savoir les relations Nord-Sud ayant entrainé un profond déséquilibre dans la région. Cette dualité traverse d’ailleurs tout le film, de bout en bout : amour/désir, corps/esprit, eau/poison, vie/mort. La dualité ne s’arrête pas là puisqu’une partie des péripéties du film se déroule également et accessoirement à Paris. Le passage parisien est fort symbolique car il permet au réalisateur de montrer les difficultés et les ambiguïtés des rapports Nord/Sud. En effet c'est dans l'intimité d'une petite chambre parisienne que Claude comprend qu'elle n'est que jouissance physique pour Amayas dont l'âme est sous l'emprise totale du désert et de l'amour spirituel de sa bien-aimée interdite Mina.