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La réforme de 1982 visait à modifier les règles de la répartition des segments médicaux, tant d'un point de vue global que dans des aires

III. A.2 Le déroulement de l'enquête

Le recueil des données statistiques

Il y avait deux options, pour recueillir les parcours : soit les demander aux médecins, soit aller les chercher là où ils se trouvent. L'option que nous avons retenue visait à privilégier la qualité de l'échantillon ainsi que celle des réponses obtenues. L'envoi d'un questionnaire aux intéressés nous aurait, en effet, conduit à travailler avec un échantillon dont nous ne pouvions vraiment maîtriser la constitution, du fait des non-répondants, et les informations recueillies risquaient d'être aléatoires et

45Cette "première année" est calculée d'un point de vue théorique, car les cas correspondants sont marginaux puisque les étudiants mettent, en moyenne, plus de 8 années pour accéder à l'internat, et que les moments d'inscription au concours varient selon les années. Ainsi, certains étudiants de 1986 sont encore aujourd'hui inscrits à l'université et peu sont installés, ce qui ne nous permet pas de travailler sur des populations plus récentes.

46La liste des variables du fichier sont donnés en annexe IV.

hétérogènes. En allant chercher dans les dossiers universitaires les informations, nous avions accès à une mémoire fiable et aussi complète que ces documents nous le permettaient. En revanche, le travail fut long et difficile, puisque l'organisation des archives universitaires n'est pas toujours adaptée à notre méthode. Il nous faut donc saluer le "travail de fourmi" réalisé par les enquêteurs, dont nous décrivons les étapes en annexe V.

La mise en place d'un formulaire de recueil des données48 a permis d'homogénéiser les informations, malgré des sources parfois dispersées. Celui-ci constituait un dossier de base pour chaque ancien étudiant ou étaient consignées les informations objectives relatives à son parcours (dates, notes, services de stage) ainsi que certaines données plus informelles (maladies ou maternités, situations particulières, abandons, dérogations, demandes de mutation etc.). Ces données ont été saisies sur une grille commune, permettant de constituer un premier fichier qui a pu être rattaché aux données fournies par le CITI II et le CNOM.

Le traitement statistique s'est réalisé sur la base de variables synthétisant les notes et les temps d'études, afin de pouvoir comparer des conditions d'évaluation qui variaient d'une faculté à une autre et selon les promotions. On peut déplorer l'absence de données fiables et continues sur l'origine sociale des étudiants, à l'exception de Nantes, encore que les circonstances de codage nous ont conduit à traiter ces informations avec précaution. Cet élément, essentiel pour la compréhension des parcours, a cependant été intégré dans nos grilles d'entretien mais nous la traiterons que d'un point de vue qualitatif, ce qui apporte un relief indispensable à nos résultats statistiques.

En complément du travail statistique et documentaire, nous avons réalisé des entretiens avec deux catégories d'acteurs : d'une part auprès d'acteurs institutionnels impliqués au niveau national ou local dans la conception de la réforme ou sa mise en œuvre et, d'autre part, auprès de médecins appartenant à notre population de base, qui éclairaient, par leur propre jugement sur leur parcours, les données purement quantitatives. Une troisième source d'informations subjectives nous a été fournie, spontanément, par des lettres envoyées en réponse à l'article paru dans le Bulletin de l'Ordre des Médecins49

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Les entretiens institutionnels

Afin de comprendre, au-delà des textes et des rapports formels, quels étaient les principes qui présidaient à la rédaction de la réforme et à son application dans les universités enquêtées, nous avons procédé à des entretiens auprès de quelques acteurs institutionnels. Ces entretiens sollicitaient la mémoire des concepteurs de la réforme, tant celle de 197950

que celle de 198251

, que nos interviewés analysent aujourd'hui au regard des évolutions actuelles et des projets en cours. Un grand nombre de contradictions apparaissent ainsi entre les déclarations des uns et des autres, qui présentent cependant l'intérêt de pointer la labilité des argumentaires accompagnant ces décisions. Ainsi, nous avons interrogé les deux principaux concepteurs de la loi de 1979 auprès du ministère de la santé et du ministère de l'enseignement supérieur. Nous avons également rencontré les deux personnes chargées, après la loi de 1982, de mettre en place le nouveau concours de l'internat et d'en suivre les résultats. Deux formes de discours qui sont aussi ceux de deux générations différentes, mais qui, tous, se tiennent à un niveau très différent de celui des médecins interrogés ou des doyens de faculté.

Ces derniers nous ont très aimablement reçus, mais ils n'étaient pas toujours en poste au moment de l'application de la réforme. Cependant, cette distance permettait aussi que certains

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Voir un exemplaire de ce formulaire pour les étudiants du nouveau régime de Lariboisière, en annexe III.

49 Article imposé par la CNIL afin de permettre aux médecins d'exercer un veto sur l'utilisation de leurs dossiers. Nous n'avons eu aucune réponse de ce genre, mais à la fois des marques d'intérêt et des témoignages spontanés.

50 Il s'agit des professeurs D

ORMONT et GOT. 51 Il s'agit des professeurs V

aspects des "arrangements locaux" nous soient décrits avec plus de clarté, ne mettant pas directement en cause nos interlocuteurs. Ces sept entretiens, plus institutionnels, ne feront pas l'objet d'une analyse autonome dans ce rapport, afin de respecter l'anonymat de nos interlocuteurs, comme nous nous y étions engagés.

Les entretiens auprès des médecins de l'échantillon

Au démarrage des entretiens, les premiers résultats de l'enquête dans les universités montraient que l'apparition de la réforme avait donné lieu à des modifications pédagogiques de diverses natures selon les choix opérés par les responsables des facultés. Ainsi, une même réforme s'inscrit, institutionnellement, dans un terrain déjà façonné par des années de pratique, et va donc avoir des effets institutionnels au niveau local. C'est dans ce contexte, à la fois national et particulier (universitaire) que les étudiants se trouvent en situation de "formation", donc d'apprentissage à la fois de connaissances et d'un système de représentations de leur profession qui marque les références selon lesquelles ils procèdent à des choix d'exercices.

L'hypothèse présidant à ces entretiens est donc que les modifications de l'internat d'une part et les choix pédagogiques opérés par les facultés d'autre part, contribuent à former des médecins qui adoptent une position de professionnel à partir de références différentes, et qui peuvent être contradictoires. Cette hypothèse conduit à s'interroger sur les capacités d'un corps professionnel à se protéger et sur ses possibilités aujourd'hui à se maintenir avec une certaine cohérence, face à un Etat qui a toujours cherché à combattre les "corporations".

L'objectif de ces entretiens était donc de mettre en évidence des variations au niveau des systèmes de légitimité des différents groupes de médecins interrogés, afin de montrer, si on observe effectivement une évolution en rapport avec les changements intervenus au cours de la formation médicale, vers quels systèmes référentiels évolue la profession médicale. En effet, si nous étions étonnés par l'absence apparente de réflexion générale sur la formation des médecins de la part des responsables de cette formation, au profit souvent de discussions portant sur l'aspect technique de la validation, ce n'est pas pour autant qu'il faut considérer qu'il n'y a pas "d'idéologie" de la médecine véhiculée à travers ces dispositifs techniques. C'est ce que ces entretiens devaient nous aider à mettre en évidence, en particulier par des méthodes d'analyse de contenu comparatives.

L'échantillon des médecins interrogés s'est constitué en deux temps. Une première phase a permis la sélection de 27 individus sur la base d'une répartition égale d'anciens étudiants de chaque promotion des trois facultés, en équilibrant le nombre de spécialistes et de généralistes de chaque sexe. Nous avons également réussi à interroger des mobiles : nantais à Paris, parisiens à Marseille, et marseillais à Nantes52.

Les entretiens se sont déroulés selon un protocole que nous avons cherché à harmoniser et à respecter le plus possible. À partir du fichier fournit par le Conseil de l'Ordre et après vérification sur le Minitel, un courrier était envoyé aux médecins retenus expliquant globalement l'enquête, présentant la personne qui le contactera et faisant référence à l'article paru dans le Bulletin de l'Ordre des Médecins. Dans les jours suivants et au maximum une semaine après l'envoi, nous contactions ce médecin afin d'obtenir un rendez-vous. En général, nous leur demandions de prévoir une heure d'entretien, si possible en dehors de leurs rendez-vous professionnels. Certains ont accepté, d'autres pas, ce qui fait que certaines interviews se sont déroulées entre deux patients, ce qui ne rendait pas les choses très agréables. Certains médecins nous ont demandé une rémunération, d'autres nous ont simplement fait savoir que leur temps "c'était de l'argent". Mais ceci fut exclusivement le fait de libéraux de la région parisienne. En dehors de quelques autres refus plus ou moins explicites, lorsque le rendez-vous était pris, l'ambiance était bonne et les médecins parlaient

spontanément de leur parcours, en saisissant souvent, avec un réel intérêt, cette occasion qui leur était donnée de faire part de leur avis sur les questions d'enseignement de la médecine.

Nous avons complété notre échantillon sur Paris de deux manières : deux entretiens ont été faits auprès de médecins "recommandés" et deux autres à partir du courrier reçu spontanément à l'issue de l'article du Conseil de l'Ordre.

La consigne, pour le déroulement de l'entretien, était de se caller au maximum sur le récit de l'interviewé, qui suivait, de préférence, un ordre chronologique. Certaines questions devaient être posées de façon standardisées, soit en début soit en fin d'entretien, d'autres au moment où le sujet était abordé "naturellement". Ces questions visaient à faire une analyse un peu plus systématisée autour de certaines représentations qui suscitaient, souvent, des réactions vivres de la part de nos interlocuteurs.

Questions standardisées :

1/ Pouvez-vous me raconter votre parcours, à partir de votre baccalauréat ? ( Question introductive )

2/ Pensez-vous que le concours soit un moyen de sélection équitable ? 3/ Estimez-vous avoir été bien préparé à l'exercice de votre métier ?

4/ D'après vous, quelles sont les qualités requises pour être (généraliste, dermatologue, chirurgien etc. en fonction de la spécialité de notre interlocuteur)

5/ Si vous étiez ministre de la santé, quelles sont les premières mesures que vous prendriez ? (question posée en fin d'entretien)

Par ailleurs, nous veillions à ce que les informations concernant la structure familiale et des évènements spécifiques de parcours soient abordées. Souvent, la question introductive a suscité des réponses très brèves, en particulier concernant les deux premiers cycles universitaires, se résumant à ce que les médecins appellent un parcours "normal" ou "comme tout le monde". Les détails, en général, commencent à partir du troisième cycle. Il fallait donc reprendre souvent par le menu la description des ces premières années, de la vie de faculté, des stages etc. pour s'apercevoir qu'un parcours "normal" n'est pas toujours celui que l'on croit...

Le courrier spontané

Nous avons reçu une douzaine de lettres à l'issue de l'article du Bulletin de janvier 1999. La moitié d'entre elles correspondait à des témoignages, souvent amers, de médecins n'ayant pas pu exercer la spécialité de leur choix, souvent parce qu'ils se sont trouvés parmi les premières promotions de la réforme. D'autres manifestaient leur intérêt pour l'enquête et proposaient de participer aux entretiens ou désiraient être informés des résultats.

La teneur de ces récits spontanés ne peut, bien sûr, avoir une quelconque valeur représentative, mais elle a suscité notre intérêt dans la mesure où elle concernait surtout des spécialités volontiers dites "déficitaires" aujourd'hui : pédiatrie, psychiatrie, anesthésie. En revanche, cela ne nous donne pas un aperçu fiable des frustrations que l'échec à l'internat peut provoquer, tel qu'il pouvait se percevoir dans les entretiens. Si certains des médecins interrogés ont tenu des propos semblables à ceux tenus dans ces courriers spontanés, ils n'ont été que très minoritaires, montrant bien là les biais entraînés par une telle sollicitation.

L'ensemble de l'enquête permet de recueillir des matériaux riches : les parcours de 1080 médecins, les récits biographiques de 45 d'entre eux et de 6 responsables institutionnels, des courriers spontanés, auxquels il faut ajouter les nombreux documents qui, tant dans les universités qu'à un niveau général, ont été étudiés afin de comprendre les évolutions de la réforme.