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DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE

Section 1. Démarche de recherche

La contextualisation de notre travail de recherche nécessite de présenter deux éléments : d’une part (1.1.) les modalités de financements de ce travail et son ancrage dans les problématiques d’un organisme spécifique, et d’autre part (1.2.) les différentes itérations qu’elle a connu depuis ses débuts.

Une recherche sur commande 1.1.

Ce travail de recherche est financé par le Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives, et plus spécifiquement la Direction des Ressources Humaines centrale de l’organisme. Ce financement prend la forme d’un CDD de trois ans pour motif de formation par la recherche (de novembre 2012 à novembre2015) et d’un soutien financier ponctuel (achats de livres, logiciels, inscription à des colloques, etc.). Ce projet de recherche a été co-construit par l’auteur et la DRH du CEA. Le sujet de la thèse a en conséquence été validé par la DRH, qui a conservé un droit de regard sur l’orientation globale de la recherche.

Concrètement, ce droit de regard a consisté en une présentation annuelle de l’état d’avancement de la thèse devant des représentants de la DRH du CEA, du Cabinet du Haut- Commissaire à l’Énergie Atomique57, et de l’Institut National des Sciences et Techniques du

Nucléaire (INSTN)58. L’organisme financeur et ses représentants ne sont par contre intervenus en rien sur les choix méthodologiques, les thèmes analysés ou la nature des conclusions produites.

Ce financement s’inscrit dans le cadre d’une démarche de prévention des RPS engagée au CEA en 2008, conjointement par la DRH centrale et par la direction de la « filière sécurité » de l’organisme.

Cette démarche nationale59 de prévention a initialement constitué en la diffusion et l’exploitation d’une « enquête stress » et par l’activité d’un groupe de travail paritaire (représentants de la direction, des centres, des organisations syndicales du CEA, des médecins du travail, etc.) sur le sujet.

L’enquête « stress » était anonyme et diffusée par les services de santé au travail du CEA au niveau national. Cette enquête a été lancée parmi les premières actions de l’équipe en charge de la réflexion sur la prévention des risques psychosociaux au CEA. Elle a été conçue en interne, avec la participation de l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de

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L’équivalent pour le CEA d’un comité indépendant de direction scientifique

58

Entité du CEA entre autre chargé du pilotage des thèses de l’organisme

59

Par opposition aux actions engagées indépendamment par des centres du CEA, ici et dans les paragraphes suivants.

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Travail (ANACT) et d’autres intervenants, notamment universitaires. Elle a ensuite été diffusée auprès de tous les salariés passant leur visite médicale du travail annuel, durant un an, afin d’avoir des résultats théoriquement exhaustifs. Ce mode de diffusion a permis un échantillonnage aléatoire, et la durée de l’enquête a permis d’atteindre un taux de réponse plus que significatif, puisque plus de treize mille des salariés du CEA60 ont répondu et rendu un questionnaire exploitable.

Le groupe de travail, après un an d’activité (dont plusieurs sous-groupes) a produit des recommandations qui ont été validées par l’Administrateur Général du CEA. Ces recommandations étaient structurées en trois axes : mettre en place des cellules de référents RPS au niveau de chaque centre, intégrer les RPS au document unique d’évaluation des risques professionnels et développer les actions d’accompagnement du changement.

Le financement de ce travail de recherche a été mis en place après cette première démarche de prévention des RPS. Les conclusions de ce travail ont de fait un enjeu opérationnel : elles doivent permettre de nourrir tant les actions de la démarche nationale de prévention que celles qui pourraient être mises en place localement par les cellules de référents. Néanmoins, cette recherche n’est pas une recherche-intervention (David, 2012), et elle n’a pas comme objectif explicite de produire des recommandations directement applicables ou d’agir directement « sur la réalité ».

Différentes itérations 1.2.

Notre démarche de recherche a connu plusieurs étapes itératives qui ont mené à cette conclusion. Ces différentes étapes, présentées ci-après, éclairent aussi autrement l’articulation que nous faisons de nos champs de littérature, puisque nous les avons approfondis dans un certain ordre et avec certains besoins.

Deux grand périodes ont structuré notre travail : de novembre 2012 à juin 2014, puis de juin 2014 à aujourd’hui.

La première période correspond à un premier sujet de thèse, celui originellement co- construit avec l’organisme financeur de la recherche : « les risques psychosociaux dans les métiers scientifiques : le cas du CEA ». Ce sujet était ancré dans les besoins opérationnels du

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CEA que nous avons présentés ci-avant, et s’inscrivait dans la continuité d’un mémoire de recherche en sociologie du travail réalisé un an auparavant61.

Cette première direction de la recherche nous a amené à n’exploiter que deux champs de littérature : celui que nous avons présenté sous le concept de « mal-être », et celui de la science de la science. Ce sujet employait le concept de RPS, et non un construit plus ancien ou plus large (stress, santé, etc.). Les RPS étant un concept de synthèse, cette première direction de notre travail nous a amené à avoir une réflexion synthétique.

La seconde période a fait suite à l’analyse de données issues d’un terrain exploratoire, conduit dans deux laboratoires du CEA. Cette démarche exploratoire a montré la limite de l’utilisation du concept de RPS pour étudier le rapport au travail des équipes de recherche. En effet, et nous reviendrons dessus, les situations que nous avons observées ou analysées on fait ressortir des ambivalences et des contradictions, mais surtout un rapport positif et engagé dans le travail, malgré des conditions ou des contraintes pouvant se rattacher aux théories classiques des RPS. Nous nous sommes donc trouvé devant une situation d’étonnement qui nous a obligé à produire une nouvelle itération de notre questionnement et de ce travail de recherche (Beaud et Weber, 2003 ; Gioia, Corley et Hamilton, 2013 ; Glaser et Strauss, 2009). C’est cet étonnement qui nous amené à insister dans notre revue de littérature sur la typologie de « rapport ambigu » au travail, puisqu’elle correspond dans les faits à un certain nombre d’éléments empiriques apparus dans notre démarche exploratoire.

Cette seconde itération a constitué en une interrogation sur le lien et l’articulation entre le bien-être au travail et le mal-être au travail pour les métiers de laboratoire. Cette nouvelle interrogation a entrainé un changement de titre et de problématique, et a été validée par le CEA en juin 2014 puis formellement lors de la présentation d’avancement de thèse en janvier 2015.

Le repositionnement de la recherche sur cet axe a entraîné le besoin d’un nouveau champ de littérature spécifiquement centré sur le bien-être au travail, et mécaniquement une réflexion sur l’articulation de cette littérature avec celle sur le mal-être au travail. Notre interrogation initiale sur la possibilité d’appliquer ces littératures à des professions intellectuelles et des activités d’expertise étant toujours présente, mais ne « s’appliquant » qu’une fois l’articulation bien-être et mal-être au travail clarifiée.

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Mémoire réalisé au sein du laboratoire UVSQ/PRINTEMPS sous la direction du Pr. Charles Gadéa et s’intitulant « Les risques psychosociaux dans un environnement scientifiques : individualisation et construction sociale ».

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Par ailleurs, notre utilisation du champ de littérature sur la science a aussi évolué. D’une première lecture purement descriptive, ne servant qu’à contextualiser notre propos, nous avons progressivement évolué vers une exploitation de la littérature pour questionner ou critiquer les champs traitant du bien-être et du mal-être. Enfin, nous en avons eu une lecture plus critique, pointant les postulats et les limites des réflexions de la sociologie des sciences.

Pour être plus précis que cette présentation en deux périodes, nous proposons cette synthèse de notre démarche de recherche :

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Figure 12 : Périodes de la démarche de recherche

Chronologie 2011 Novembre 2012 Juin 2013 Janvier 2014 Juin 2014 Janvier 2015 Juin 2015 Novembre 2015

Titre de la

thèse -

« Les risques psychosociaux dans les métiers scientifiques :

le cas du CEA » « Bien-être et mal-être au travail pour les métiers scientifiques : le cas du CEA » Principales interrogations (évolutives) Comment des scientifiques comprennent ou perçoivent les RPS ?

Quels sont les RPS présents ou possibles dans les

métiers scientifiques ?

Quels sont les RPS dans les professions intellectuelles ?

Les modèles théoriques des RPS sont-ils adaptés aux professions intellectuelles ? Quelle est l’impact de l’organisation ?

Les RPS sont un concept insuffisant, nécessité d’élargir l’analyse (bien-être

et mal-être ?) Qu’est-ce que manager des

chercheurs ?

Comment s’articulent bien-être et mal-être au

travail ? Quelles sont les limites

des sciences studies ?

Quelles sont les contributions théoriques de nos résultats ? Activités de recherche Réalisation d’un mémoire de recherche en sociologie « Les RPS dans un environnement scientifique : individualisation et construction sociale » basé sur

12 entretiens et l’exploitation d’une « enquête stress » réalisée au CEA en 2009-2010 Lecture Terrains secondaires (séminaires du CEA) : 2,5 jours d’observation

Lecture Communications issues du travail de thèse : AFS, DIM GESTES, AGRH.

- Terrain exploratoire (2 laboratoires) : 15 entretiens de recherche et 3,5 jours d’observation de terrain Codage, analyse Terrain de recherche (4 laboratoires) : 38 entretiens et 29 jours d’observations

- Codage, analyse et rédaction

Activité parallèle de chargé de mission « prévention des RPS » au sein de la DRH du CEA (travail de synthèse, travail de veille,

animation de réseau, rédaction de cahier des charges, etc.)

Littératures mobilisées (cumulatives) Sociologie : conditions de travail, rapport à la souffrance d’autrui RPS : travaux de synthèse (rapport Gollac, ANACT) Science studies RPS : travaux cités (Karasek, Siegrist), approches alternatives (C. Dejours, M. Loriol) Sociologie des sciences

Mal-être : approches spécifiques (contrat psychologique, justice organisationnelle, tensions de rôle) « Sociologie de laboratoire » - Mal-être : psychologie du travail, psychodynamique Bien-être : travaux de synthèse (par l’EU-OSHA, ANACT, etc.) Bien-être : psychologie positive Gestion : experts, professionnels & travailleurs du savoir Méthodologie :

L’écriture de la comparaison, définition des contributions, etc. Productions et évaluations Mémoire de recherche soutenu à l’UVSQ Septembre 2011 Projet de thèse (validation CEA, école doctorale & directeur de

thèse) Septembre 2012

Séminaire doctoral DRM/M&O Septembre 2013 Avancement de thèse CEA

Janvier 2014

Séminaire doctoral DRM/M&O Novembre 2014 Avancement de thèse CEA

Janvier 2015

Journée d’étude AFS RT14RT27 « Science et autonomie : points de vue

de laboratoires » Février 2015 Colloque DIM GESTES : « Évaluer les RPS dans un organisme public de recherche : contraintes, opportunités et organisation » Juin 2015 Colloque AGRH : « Le cas des chefs de laboratoire » Novembre 2015 Soutenance de thèse Novembre 2015

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Synthèse de la Section 1. Démarche de recherche

Nous avons présenté le contexte et les évolutions de notre démarche de recherche. Ce travail, financé par le CEA, portait initialement sur les risques psychosociaux dans les métiers scientifiques, avant d’évoluer et de s’élargir à une réflexion plus ouverte sur le rapport au travail, portée par les concepts de bien-être et de mal-être au travail.

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