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CHAPITRE 1. L’analyse qualitative Positionnements et biais méthodologiques

1.2 Démarche et biais méthodologiques

1.2.1 L’entretien : une co-construction entre deux acteurs sociaux

Il existe globalement trois types d’entretien : le directif, le semi-directif et le libre. Tandis que le premier s’apparente davantage à une enquête par questionnaire et que le troisième est plutôt favorable pour le chercheur qui s’intéresse aux parcours biographiques, l’entretien semi-directif laisse l’interviewé libre de structurer ses propos selon la manière dont il le conçoit, tout en l’inscrivant à l’intérieur des cadres de la problématique de recherche.

L’enquête par entretien est une collaboration entre deux individus engagés dans une dynamique conversationnelle : l’interviewer doit révéler la problématique, les objectifs de la recherche de même que ce qui est attendu de la part de l’interviewé, alors que celui qui accepte de participer s’engage à livrer son point de vue sur les thèmes développés durant l’entretien. Ces éléments ainsi que le principe de confidentialité doivent être précisés dans un formulaire de consentement192. Ce formulaire, qui

doit être porté à la connaissance de l’interviewé avant de débuter l’entretien, permet ainsi de fixer les termes de cette collaboration et offre souvent l’avantage de rassurer certains participants quant à la nature de leur intervention.

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Tel que nous l’avons précisé précédemment, la GT admet que le chercheur pourra faire quelques lectures dans des « champs d’étude » avant d’aller sur le terrain193. Cette préparation théorique est, à

notre sens, utile pour deux raisons qui sont liées. Tout d’abord, cet exercice permet de situer l’objet de recherche dans les courants scientifiques, de déterminer quels seront éventuellement les principaux thèmes pouvant concerner l’objet d’étude et, conséquemment, de circonscrire le terrain d’enquête. Ensuite, le fait d’identifier des axes principaux est essentiel pour la conception d’une grille

d’entretien qui, elle, est primordiale pour la conduite d’entretiens semi-directifs.

Loin de s’apparenter à un questionnaire, la grille d’entretien est tel un guide, qui permet de faire parler les interviewés sur le sujet de recherche. Ce guide se présente comme une structure organisée de groupes et de sous-groupes de questions organisés selon des thèmes majeurs, qui permettront de faire le tour de la problématique de recherche. Le chercheur aura pris soin d’apprendre par cœur cette grille d’entretien, afin de pouvoir relancer adéquatement l’interviewé au fur et à mesure que celui- ci structure son récit et ainsi d’éviter de poser des questions désordonnées et décousues.

La situation d’entretien est une situation à la fois extraordinaire et ordinaire. Extraordinaire puisque cette rencontre est organisée, sollicitée par un des protagonistes et qu’elle a lieu dans un contexte précis. Mais ordinaire en ce sens où l’entretien est, selon A. Blanchet et A. Gotman, « un rapport social » [Blanchet et Gotman, op.cit. : 67]. Puisque celui qui parle a besoin de repères pour pouvoir poursuivre ses propos, les deux partenaires doivent s’impliquer dans la situation d’entretien. Aussi J.- C. Kaufmann estime que l’interviewer doit éviter de paraître indifférent et détaché [Kaufmann, op.

cit. : 53]. C’est par ailleurs ce qu’affirme P. Bourdieu, selon qui « s’abstenir de toute intervention, de

toute construction, […], laisse alors le champ libre aux préconstructions » et au sens commun auxquels interviewers et interviewés sont constamment exposés (dans la presse écrite, à la télévision). Pour Bourdieu, il revient au chercheur d’aider les interviewés à parvenir à un « discours explicite », c’est-à-dire à une réflexion consciente, débarrassée des présupposés et des formules toutes faites. Cela suppose que le chercheur ait une compréhension globale non seulement des « conditions d’existence dont [les interviewés] sont le produit », mais également « des effets sociaux que la

193 Si, sur ces questions méthodologiques, deux courants s’opposent généralement, c’est-à-dire entre le « tout-terrain » et

le « tout-théorique », nous nous situons à l’intersection de ces deux écoles de pensées. Nous avions en effet effectué quelques lectures sur le contexte suisse ainsi que sur des concepts théoriques que nous estimions utiles à notre terrain d’étude, avant de mener notre enquête. Or, il s’est avéré que notre cadre théorique mais surtout, nos concepts opératoires, sont apparus et se sont développés au fur et à mesure de nos analyses puisque les propos de nos interlocuteurs nous ont conduits vers des chemins auxquels nous n’avions pas du tout pensés, confirmant ainsi ces nécessaires allers-retours entre terrain-théorie et théorie-terrain.

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relation d’enquête et, à travers celle-ci, sa position et ses dispositions primaires peuvent exercer » [Bourdieu, 1993 : 918 - 919]. Autrement dit, même si l’interviewé peut apporter des réflexions qui sont puisées dans le « stock commun de connaissances », le chercheur doit tenter de l’amener à expliciter ses pensées et commentaires afin de sortir du non-dit issu du sens commun.

En tant que relation sociale, la situation d’entretien implique nécessairement des rapports de pouvoir, ou des « violences symboliques », pour reprendre les termes de Bourdieu [Ibid. : 904]. Le rôle et le statut de chacun, les catégories d’appartenance (sociales, professionnelles, sexuelles, statutaires, etc.) attribuées et assumées (consciemment ou inconsciemment) par les acteurs, ainsi que la manière dont les individus se perçoivent, sont tous des éléments qui interviennent sur l’entretien ; l’image que chacun projette sur l’autre influencera les propos et la dynamique des échanges.

Les rapports d’autorité implicites seront difficiles à estomper. Il est en effet quasi impossible de faire abstraction du fait que chacun des deux partenaires a un rôle spécifique à jouer dans cet entretien, à savoir que le premier établit les règles et pose tout de même les questions – ou relance la conversation –, alors que le deuxième raconte ce qu’il a à dire sur les thèmes développés et pourra chercher à expliciter – voire à justifier – ses idées. Afin de briser le plus possible ces hiérarchies, l’entretien devrait plutôt s’apparenter à une conversation, c’est-à-dire à un échange entre deux personnes qui discutent autour d’un sujet. D’une certaine manière, Kaufmann conçoit que de tenter de briser les hiérarchies et de modifier les rapports d’autorité, c’est placer l’interviewé au centre de la conversation : c’est, au final, lui faire prendre la place centrale dans l’échange [Kaufmann, op. cit. : 48]. Malgré ces précautions, il ne faut cependant pas nier que la situation d’entretien reste, malgré tout, une relation asymétrique, où l’un se place en situation d’autorité (car c’est celui qui a sollicité, voire « mandaté », l’individu pour se raconter) tandis que l’autre se trouve en quelque sorte à devoir se légitimer (dans opinion, ses points de vue, ses visions du monde ou de son expérience).

1.2.2 Les niveaux hiérarchiques des biais

Malgré ces précautions, de multiples facteurs influencent la manière dont l’entretien se déroule. Blanchet et Gotman estiment en effet que trois « niveaux hiérarchiques » généraux agissent sur la dynamique d’entretien : 1. l’environnement matériel et social ; 2. le cadre contractuel de la communication ; 3. les interventions de l’interviewer [Blanchet et Gotman, op.cit. : 67].

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L’environnement matériel et social est influencé par trois facteurs. Il y a en premier lieu la « programmation temporelle » : l’heure et le moment dans la journée où se déroule l’entretien auront un impact sur ce qui sera dit et sur le type d’échange. Ainsi une personne aura des propos différents si elle se trouve en période de congé, si l’entretien se déroule au début ou à la fin d’une journée de travail ou encore si les activités qui précèdent ou suivent l’entretien sont reliées aux thèmes de la recherche. La « scène » – ou le lieu où se déroule l’entretien – constitue aussi un autre facteur. Un endroit aéré, éclairé ou silencieux, par exemple, stimulera d’autres propos qu’une salle confinée ou bruyante. Enfin, la « distribution des acteurs » jouera aussi un rôle : les places occupées par les partenaires (face à face, positions hiérarchique, proximité, éloignement, etc.) de même que la présence ou l’absence d’une proximité sociale (professionnelle, sexuelle, classes sociales, etc.) entre les deux collaborateurs agiront sur les échanges [Ibid. : 68 à 71].

Le cadre contractuel de la communication est lui aussi constitué de différents paramètres. Initié à partir du premier contact, le cadre contractuel agira premièrement sur le type de propos qui sera développé ultérieurement, avant même la situation d’entretien : la manière dont chacun des protagonistes se représente les objectifs et les enjeux de la situation d’entretien et de la recherche interviennent en effet sur la perception de ce qui pourra être évoqué ou non. Deuxièmement, le profil des collaborateurs choisis, le type de participation attendue (question, durée, participation active, sujets développés) et la façon dont s’est constitué le corpus (prise de contacts, choix, recours ou non à un intermédiaire, etc.) – éléments qui sont tous tributaires du thème et des objectifs de la recherche – auront aussi une influence sur l’entretien et les propos échangés. Troisièmement, l’acceptation de participer à cet entretien signifie que l’interlocuteur aura assurément compris que ses paroles seront circonscrites à l’intérieur d’un cadre qui, lui, sera délimité par l’interviewer [Ibid. : 73 et 75].

Les interventions de l’interviewer auront enfin des effets sur la dynamique d’entretien. L’interviewer produit en effet directement et indirectement du discours, puisque toute écoute attentive implique une gamme diverse d’expressions et de petites remarques. Impliqué dans la situation, le chercheur oriente le déroulement de l’entretien selon ses interventions. Les attentes, les mimiques, les pauses ou la gestuelle sont autant d’éléments qui structurent le témoignage, puisqu’ils participent à la construction de la relation intersubjective. Ils peuvent aussi susciter des interprétations réciproques sur leur sens et ainsi modeler les propos selon la signification qui leur est donnée. Ainsi l’interviewé

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peut adapter son récit aux intentions qu’il prête au chercheur [Peneff, 1990 : 113], et juger de ce qu’il peut dire ou non en fonction de celui-ci.

Le fait même que l’interviewer pose des questions oriente l’échange. C’est en effet en fonction des objectifs de l’entretien et de ses propres structures interprétatives que le chercheur trie, sélectionne des phrases ou des anecdotes, fait des rapprochements ou des parallèles au cours du récit de l’autre ; ceci a pour conséquence de structurer l’échange selon les cadres de l’étude, mais aussi d’orienter en partie le récit dans le sens des schèmes réflexifs du chercheur [Blanchet et Gotman, op.cit. : 76 – 77]. Certains pourront alors affirmer que ces différents facteurs font que l’interviewé est dépossédé de ses propos et que ceux-ci sont, en bout de ligne, le produit de l’interviewer et de la recherche. Cette éventuelle critique nous paraît infondée, dans la mesure où l’interlocuteur reste libre de dire et de taire ce qu’il veut, de développer sur les thèmes, les relances ou les expressions (explicites ou implicites) de l’interviewer à sa manière, même si ces thèmes correspondent à la recherche. La structure d’un récit répond en effet à une logique qui lui est propre : inconsciemment ou non, l’interviewé, qui inscrit ses propos dans les cadres de l’étude, choisit et ordonne certains thèmes majeurs ou paradigmes, qui font sens pour lui et qui sont non seulement révélateurs de schèmes de pensées sociaux (ou fragments sociaux), mais également de sa propre cohérence discursive.

La situation d’entretien amène également l’interlocuteur à adopter une posture de « justification de soi » face à l’interviewer, posture qui est finalement révélatrice de l’unité identitaire de l’individu. Sentant qu’il peut être jugé à la fois dans la « valeur » et la « qualité » de ses propos, mais également dans sa vie et selon sa propre cohérence, l’interviewé cherchera à expliciter des pensées, des réflexions afin de ne pas perdre la face. Aussi la situation d’entretien provoque généralement deux attitudes chez l’interviewé : soit il cherchera à construire, justement, son unité en développant des points de vue et des idées qui feront ressortir sa cohérence – posture qui est par ailleurs la plus répandue –, soit il profitera de cette occasion pour s’auto-analyser et se questionner sur ses comportements et opinions, avec l’aide de son interlocuteur [Kaufman, op.cit. : 59 - 61].

Lorsque nous nous racontons, nous cherchons toujours à présenter notre parcours selon un « fil rouge », c’est-à-dire selon une ligne directrice qui explique que nous soyons partis du point A (avant) pour arriver au point B (maintenant), qui donne du sens et de la cohérence à notre parcours de vie. Selon Bertaux en effet :

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Entre la mémorisation des situations, événements et actions et leur évocation ultérieure s’interpose la médiation des significations que le sujet leur attribue rétrospectivement à travers la totalisation plus ou moins réflexive qu’il a faite de ses expériences (totalisation qui ne peut éviter de tenir compte des perceptions et évaluations de ces mêmes événements ou actes par ses proches). Entre ce qu’il a vécu et totalisé et ce qu’il consent à en dire aujourd’hui s’interposent [donc] d’autres médiations [Bertaux, op. cit. : 40].

De même, le sujet peut-il mettre en avant des réalités qu’il juge susceptibles d’offrir une image positive de lui-même [Peneff, op.cit. : 98]. Ce qui fait dire à Kaufman que la situation d’entretien, de même que le degré d’indiscrétion des questions, sont en fait un « jeu d’influences », une partie de cache-cache entre les dissimulations, les mensonges, les secrets et les épisodes « vrais » [Kaufmann,

op.cit. : 64]. Il arrive aussi parfois que certains interviewés profitent de cette occasion pour témoigner,

se faire entendre et se faire comprendre, saisissent ce moment pour s’expliquer, c’est-à-dire pour s’expliquer le monde [Bourdieu, op.cit. : 915]. Nous ajouterions, pour notre part, pour se justifier. Selon Kaufmann, si les interviewés se racontent généralement avec franchise et sincérité, cela ne veut pas pour autant dire qu’ils nous livrent la vérité ; les interviewés raconteront (à l’interviewer, à l’entourage) et se raconteront parfois des histoires qui ont pour fonction de donner sens à leur vie [Kaufmann, op.cit : 66]. Il ne s’agit pas alors de relever ces « mensonges », les contradictions et de dénoncer les irrégularités. L’intérêt réside plutôt dans la façon dont l’interlocuteur raconte ses expériences ou développe ses idées car, de notre point de vue et selon D. Peschanski, les propos expriment en fait l’authenticité de l’interprétation du vécu de celui qui l’énonce au moment même où il le structure [Peschanski, 1992 : 52]. Aussi l’interprétation de ces diverses influences devra-t-elle figurer au premier rang des analyses ultérieures.

1.2.3 La notion « d’abstraction »

Pour parvenir à s’engager de manière éclairée dans cette conversation et à faire parler son interlocuteur, le chercheur doit essayer de comprendre l’univers conceptuel et intime de celui qui parle. Or pour cela, Kaufmann soutient l’idée que l’interviewer doit « totalement oublier ses propres opinions et catégories de pensée », s’ingénier à comprendre « avec amour et considération, avec aussi une intense soif de savoir » [Kaufmann, op.cit. : 52].

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Plutôt que d’oublier ses propres catégories de pensée et ses opinions, nous préférons de notre côté nous référer à R. Carroll, qui propose plutôt d’essayer « de faire abstraction, pour un moment, de [notre] façon de voir le monde (la seule que [nous ayons] appris à trouver valable) et de la remplacer brièvement par une autre façon de penser ce monde, façon que par définition [nous] ne [pouvons] adopter (même si [nous] le [voulions]), mais dont [nous] affirm[ons] la validité par ce geste » [Carroll, 1991 : 26]. En reprenant aussi les idées de Geertz, nous sommes d’avis qu’il nous est impossible de saisir la totalité de ce que les interviewés perçoivent, puisque ce sont toujours, en définitive, nos schèmes de pensées les plus profonds qui structurent nos réactions, nos positionnements, nos questionnements, nos relances dans une discussion.

A ceci peut s’ajouter le cas d’entretiens qui se déroulent entre deux interlocuteurs de langues différentes. Le sens que l’on attribue aux mots est véhiculé par et à travers une langue ; aussi les mots employés par les « porteurs de structures » que sont les individus représentent des réalités propres à cette langue et aux milieux qu’ils fréquentent. Les mots utilisés – et les références contenues dans ces mots – par un interlocuteur ayant telle(s) ou telle(s) langue(s) première(s) n’auront pas nécessairement les mêmes significations pour son vis-à-vis qui aura telle(s) ou telle(s) autre(s) langue(s) première(s). Ceci est également valable lorsque deux personnes ont en commun une même langue première mais ne sont pas originaires d’un même lieu : par exemple, des francophones du Sénégal, de Suisse, de France ou du Canada ne partagent pas nécessairement les mêmes sens donnés aux mots, même s’ils ont recours à une même langue. Enfin, cette complexité liée aux langues peut aussi se rencontrer lorsque la langue d’entretien se trouve à être une langue étrangère / seconde pour l’interviewé. Si une personne qui est sollicitée pour livrer un témoignage dans le cadre d’un entretien qui reste, en bout de ligne, formel et asymétrique, estime qu’elle ne connaît pas les subtilités de cette langue, qu’elle ne maîtrise pas la justesse des mots pour pouvoir exprimer en profondeur ses pensées, son vécu, ses perceptions, si elle n’a pas les « mots pour se raconter », elle peut tout simplement choisir de refuser de participer à une telle expérience194.

Puisque les langues permettent aux locuteurs d’un espace partagé et reconnu comme lieu de référence pertinent pour la définition du groupe de partager des références communes et structurent les schèmes sociaux de pensées, nous sommes d’avis qu’il est, en ces circonstances, difficile d’oublier

194 Comme nous le verrons au point 2.1.2 de ce chapitre méthodologique, ceci peut expliquer en partie notre difficulté à

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ses propres opinions représentations et schémas interprétatifs. A défaut de pouvoir les oublier, nous pouvons tenter de saisir, sous un certain angle, les catégories de pensées de la population étudiée. Ceci notamment en restant le plus près possible des données empiriques et des propos des interlocuteurs. Il ne faut toutefois jamais oublier que les résultats d’analyses du chercheur demeurent des hypothèses d’explications qui, si elles veulent être valides, doivent être plausibles et rattachées à un contexte explicatif plus large.

1.2.4 La constitution du corpus

Le corpus, terme plus adapté pour les méthodes de recherches qualitatives que celui d’« échantillon »195, doit être représentatif de l’ensemble des catégories touchées par le thème de la

recherche, être varié et assez englobant pour aborder tous les aspects du phénomène que l’on souhaite observer : en aucun cas le corpus ne peut être représentatif de toute la réalité de l’ensemble de la collectivité.

En recherche qualitative, le principe de la représentativité se traduit alors en termes de sélection des interviewés. Il s’agit en effet de choisir des personnes qui se rattachent à l’objet d’étude, non seulement en fonction de leurs savoirs ou expériences, mais aussi selon la multitude de points de vue exprimés sur un sujet afin d’en présenter une vision diversifiée [Pollack, 1987 : 20]. Cette diversité des points de vue est à relier avec les positions hiérarchiques et fonctionnelles des individus, positions qui sont elles-mêmes à rattacher aux rapports de pouvoir de nos sociétés et qui sont caractérisées, selon Bertaux, par :

Des statuts, des rôles, des intérêts, des ressources pour l’action, des relations intersubjectives d’alliance et d’opposition, des marges de manœuvre spécifiques ; toutes caractéristiques variant considérablement selon le type de position occupée. [Dans ces circonstances], on doit donc s’attendre à ce que les agents/acteurs soient porteurs non seulement d’expériences différentes des rapports sociaux selon leur position structurelle (et leurs cheminements passés), mais aussi de visions différentes (voire opposées) de mêmes réalités sociales [Bertaux, op. cit. : 27 - 28].

195 Cette notion fait en effet référence à la représentativité statistique et à la stabilité, alors qu’il est fort difficile de parler

en ces termes lorsque l’on effectue des enquêtes de terrain : un échantillon ne peut jamais embrasser la totalité d’une collectivité ou d’un groupe humain étudié. Voir notamment Kaufmann (1996) et Bertaux (2005 ; 1996).

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Ce sera en fonction de cette diversité de points de vue, de positions et de perceptions que l’on élaborera un corpus rassemblant des interlocuteurs appartenant à différentes catégories de groupes et de sous-groupes représentatives de l’objet d’étude.

S’il faut tenir compte des rôles et des statuts dans la constitution des corpus, la question des refus