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I Le milieu paysan

I. 5 Les définitions d’un paysan

Les parties de définitions sont peut-être les plus centrales dans la construction de ma thèse, elles augurent du discours qui va suivre, elles le choisissent en quelque sorte. Et peut- être qu’en posant les définitions de la même façon que moi vous tomberiez peu ou prou sur les mêmes problématiques, avec des avis et des sensibilités diverses. Peut-être, dis-je, car il n’y a dans la construction de thèses sociales nul déterminisme ni nulle démonstration, n’en déplaise à la scientificité.

Paraît-il qu’on ne se répète jamais assez, je signale donc à nouveau que, pour ma part, j’ai pris le paysan comme « une personne qui a une activité en lien avec la terre », j’ai voulu me rapprocher du sens banalement compris quand on parle de paysan. Mais, même cette dénomination, qui a trait à l’occupation, pose des soucis de limitations du groupe « paysans », soucis que je me fais fort de ne pas lever et qui vont contribuer à la pluralité de la définition.

Premièrement, on peut ouvrir quelques dictionnaires. Si je veux prendre une définition basique, le mieux est de choisir la plus simple, celle d’un dictionnaire classique, qui se rapproche grandement de l’acception que j’ai adoptée.

Le paysan dans les dictionnaires

D’abord un dictionnaire de base, le Larousse

« 1. Homme, femme de la campagne, qui vit du travail de la terre. SYN : agriculteur, cultivateur, exploitant agricole (souvent employé à cause de la valeur négative du sens 2). 2. Péj. Rustre, lourdaud. » [Larousse 199542]

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On trouve, sur Wikipédia, une définition plus longue, et débordant déjà le cadre de la définition précédente :

« Un paysan est une personne qui exerce le métier d'agriculteur et vit à la campagne. Il peut adopter ou subir une économie de subsistance. Il peut être amené à se déplacer d'une manière saisonnière dans d'autres « pays », par exemple vers des pâturages qui font défaut à ses bêtes. Il façonne son environnement (et indirectement le paysage) par ses différents

prélèvements, apports, aménagements, plantations, etc. Ses activités sont souvent multiples : élevage, cultures, maçonnerie, artisanat et, accessoirement, commercialisation de ses

excédents de production. On ne peut pas parler de métier de « paysan », le terme ne figurant jamais dans les listes des métiers de la terre. » (Wikipédia43, mise à jour du 14/10/2014)

Enfin, voyons un dictionnaire spécialisé sur le monde rural :

« Paysan : homme de campagne. Aujourd’hui le sens s’est restreint et ne désigne plus que celui qui exploite la terre, comme fermier ou comme propriétaire, et qui en tire l’essentiel de ses ressources. » [Lachiver, 200644]

Un élargissement du terme est visible par un dictionnaire des synonymes, on en trouve pléthore :

« Paysan.

Synonymes : agriculteur, campagnard, cultivateur, contadin, homme des champs, fermier, jacques (anc.), laboureur, manant (anc.), vilain (anc.), rural, terrien, rustique, rustre (péj.), serf (anc.), roturier (anc.), koulak (Russie), moujik (Russie), fellah (Égypte, Afrique du Nord). Pop., arg. et péj. : bouseux, croquant, cul-terreux, cambrousard, cambroussien, pedzouille, péquenaud (ou péquenot, ou pecnot), plouc, pécore, pétrousquin, rustre, rustaud.

Antonymes : citadin, bourgeois. » [Boussinot, 199745]

On retrouve dans ces définitions et ces synonymes, plusieurs facettes de la définition de « paysan », plusieurs grandes idées auxquelles elle recourt et qui formeront différents axes de la définition, différentes conceptions.

Si le terme d’ « agriculteur » est donné pour synonyme par le Larousse, du fait du travail de la terre, il ne renvoie pas forcément aux mêmes notions.

« Agriculteur. Personne qui cultive la terre ; personne dont l’activité professionnelle a pour objet de mettre en valeur une exploitation agricole. » [Larousse 1995]

43 http://fr.wikipedia.org/wiki/Paysan

44 Marcel Lachiver. 2006, Dictionnaire du monde rural (2ème édition), Fayard.

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« Agriculture. Activité économique ayant pour objet la transformation et la mise en valeur du milieu naturel afin d’obtenir les produits végétaux et animaux utiles à l’homme, en partic. ceux destinés à son alimentation. » [Larousse 1995]

Le dictionnaire Lachiver rend mieux compte de la figuration originelle aléatoire de l’inclusion de l’éleveur parmi les agriculteurs :

« Agriculture. L’art de cultiver la terre. Mot savant introduit au XIVème s. mais qui jusqu’au XVIIIème le cède devant labourage qui est synonyme. » [Lachiver, 2006]

« Agriculteur. Terme qui apparaît au XVIIIème s. Qui cultive la terre et, au sens ancien et étroit, celui qui dirige et fait exécuter les travaux par le personnel à son service. Aujourd’hui, personne dont l’activité, exercée le plus souvent de façon indépendante, a pour principal objet la culture du sol en vue de la production des plantes utiles à l’homme et à l’élevage des animaux et, accessoirement, l’élevage des animaux. » [Lachiver, 2006]

« Élevage. Ensemble des opérations qui ont pour objet la multiplication et l’éducation des animaux domestiques. » [Lachiver, 2006]

L’éclaircissement historique nous rappelle l’aspect conceptuel des définitions : elles sont aussi des choix et non des règles. Le plateau de Millevaches comprend beaucoup d’éleveurs, vous voyez que, selon cette dernière définition, il peut y avoir une difficulté à les appeler précisément « agriculteurs ». Agriculteur est une précision du terme de paysan par son activité. Tout comme campagnard en est une extension par son lieu de vie.

Cependant, si on regarde la définition première de campagne, développée cette fois dans le Larousse, on aurait du mal aussi à y comprendre les Millevachois :

« Campagne. (forme normande de l’anc. fr. champagne, vaste étendue de pays plat).

I.1. Etendue de pays plat et découvert (par opposition à bois, à montagne, etc.). Geogr. : paysage rural caractérisé par l’absence de haies et de clôtures, par l’assemblage de parcelles souvent allongées, par la division du territoire en quartiers de culture, et correspondant généralement à un habitat groupé. Syn. : champagne, openfield.

2. Les régions rurales, les champs, par opp. À la ville. Habiter la campagne. Maison de campagne46. » [Larousse 1995]

On voit ici, en première partie, que la campagne est une spécification du « pays » par son aspect. Les Millevachois seraient alors plutôt des « montagnards » (puisque ce n’est pas plat) ou tout simplement des « Limousins » (le paysage comporte des haies sans afficher les dénivelés des Alpes ou même du Cantal).

Mais j’ai entendu plusieurs fois, par les Millevachois, la phrase « on est bien à la campagne » et c’est la deuxième acception de la définition qui est la plus utilisée.

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Tous ces renvois, vous le voyez, compliquent la définition simple et neutre de tout contexte du « paysan ». C’est pourquoi je vais examiner les divers aspects de cette définition, afin de les comprendre tous, de garder un horizon large pour parler des « paysans ». Mais, juste avant cela, je vous propose un détour sur le terrain et par les paysans pour savoir comment le mot est compris.

Les paysans sur le Plateau

-Est-ce qu’il y a un paysan dans ce village ?

C’est la question que je pose quand je m’arrête dans ce qu’on appelle aussi des hameaux. Je ne demande pas les « agriculteurs », ni les « éleveurs » mais simplement les paysans. Et on me désigne l’habitation de celui qui a une activité liée à la terre, celui qui la travaille. On le comprend donc presque comme celui qui fait le métier d’agriculteur.

Presque. Car on m’a souvent désigné les retraités, sans me préciser qu’ils étaient à la retraite ou non, ils étaient « paysans ». Mais certains d’eux me répondent « Moi, je ne suis plus paysan, je suis à la retraite », un retraité de Peyrelevade a même précisé « et je ne veux plus en entendre parler. Je n’y connais plus rien ».

Des fois, en sonnant aux portes, je suis tombé sur des membres de la famille : La femme d’un paysan de Peyrelevade m’a dit : « Je ne suis pas du tout paysanne ». Et le fils d’un paysan de Tarnac : « Moi, je ne suis pas paysan ».

Ne m’en déplaise peut-être, le statut de paysan correspondait alors au métier, en tout cas à une activité soutenue avec la terre pour eux. Notez, qu’ils reprenaient le mot de « paysan » sans me parler d’ « agriculteur ».

Lors de ma présentation de thèse, un paysan de Tarnac s’est d’ailleurs exprimé à ce sujet « agriculteur, paysan, pour moi c’est la même chose, on utilise indifféremment l’un ou l’autre » et c’est ce que je constate aussi dans mon village natal. Les gens du village parlent même plutôt de « paysan » pour désigner ceux qui vivent de la terre.

Je n’ai relevé que deux cas, deux ….euh comment dire du coup… bref deux personnes qui travaillent la terre, qui ne se disaient pas « paysans ».

Une femme de Rempnat m’a repris sur le terme, quand j’ai dit que je faisais une étude sur les paysans et que c’est pour ça que je venais la voir. Elle n’aimait pas qu’on dise « paysan », elle trouvait au terme une connotation péjorative (NDLR : notée dans les dictionnaires) où les paysans étaient plutôt associés à des idiots, de peu d’éducation, et elle préférait qu’on dise, pour elle, « gérante d’une exploitation agricole ».

Ça m’a un peu surpris qu’elle soit surprise, car le terme de paysan était naturellement utilisé. L’autre cas similaire provient d’un paysan de Nedde, il n’aimait pas le terme paysan parce qu’il trouvait que ça faisait « moyenâgeux » et préférait « exploitant agricole » ou « agriculteur ».

Un autre paysan de Nedde, interrogé sur la connotation possible de « paysan », me dit que le terme n’est pas du tout péjoratif pour lui et même qu’on ferait bien de le remettre au goût du jour.

Si certains se défont du terme, d’autres s’en revendiquent ouvertement, marquant la connotation littérale du mot :

Lors d’une journée de présentation sur le « test » dans l’activité, un paysan du Plateau creusois affirme : « Moi, je voulais être paysan, pas agriculteur, c'est-à-dire inséré dans le tissu local ». D’autres, sans forcément marquer la différence avec le terme d’agriculteur, ont revendiqué aussi d’être des « paysans », et certifié que ça leur allait bien.

Les retraités n’ont pas tous rejeté le terme. Certains ont d’ailleurs gardé encore quelques bêtes. L’un d’eaux, à Faux, m’a déclaré qu’une fois à la retraite, on avait droit jusque 6 hectares maximum ; d’autres paysans ont dit que ce chiffre maximum n’était pas toujours respecté, que ça semblait plutôt attribué « à la tête du client ». Toujours est-il que plusieurs gardaient encore une activité paysanne. Pour celui de Faux, c’était par exemple 25 moutons sur 5 hectares, pour un autre de Tarnac, c’était 5 vaches sur 3 hectares. Le cas de ces retraités, qui ne renient pas l’appellation de paysan, bien qu’ils précisent être à la retraite, montre une dissociation entre l’activité professionnelle proprement dite et l’activité en lien avec la terre. Le cas est le même pour les retraités qui voient leur fils reprendre et qui le suivent : « Je suis à la retraite mais je travaille quand même » me dit un paysan de Tarnac.

Un paysan retraité d’un village de Nedde me parle de son voisin, retraité aussi, qui a plus de 75 ans et qui ne lâche pas son fils. Dans l’entretien que j’ai eu avec eux deux, c’est presque exclusivement le père qui me répondait, comme s’il restait « le paysan principal ».

Quant aux habitants à qui je m’adresse parfois pour savoir s’il y a un paysan au village, si beaucoup me répondent sans relever le terme, certains l’ont toutefois discuté. Un villageois de Peyrelavade a dit qu’il n’y avait plus que des « industriels », renvoyant à l’analyse marxiste (ou à celle de Mendras). Un résident secondaire dans un village de Faux, habitant à la ville, me fait le même genre de remarque : « Y’a plus de paysan, nous on aimerait bien. Aujourd’hui c’est les banques. Vous faites une étude sur quels paysans ? Les vrais paysans ? »… Donc il y en aurait bien quand même.

Une paysanne de Faux et un paysan de Gentioux m’ont tenu le même type de discours, comme quoi il n’y avait plus beaucoup de paysans. Il semblerait qu’il y ait, pour eux, à la fois une marque idéologique et une marque d’échelle pour le terme de « paysan ».

Cette marque d’échelle, ou plutôt de taille, se retrouve chez plusieurs paysans que j’ai rencontrés, mais à l’inverse. En particulier chez ceux qui exercent une double activité.

Un homme de Nedde, que je rencontre lorsqu’il est en train d’épandre du fumier me dit que, pour lui, il ne se considère pas un paysan parce qu’il ne possède pas assez de bêtes : que c’est une activité de loisir. Il a toutefois 20 hectares (mais dont beaucoup, au vu du paysage, doivent être boisés) et 40 moutons.

Un autre, dans un proche village, détenant 12 vaches et 20 hectares, me signale qu’il aurait aimé être paysan à temps complet. C’est donc qu’il se considère déjà comme paysan.

Un paysan de Gentioux relie à la taille de l’exploitation les différences définitionnelles : « Je ne sais pas si je suis vraiment paysan, a-t-il commencé par dire. Il y a les agriculteurs : les gros, et les paysans : les petits, moi je suis un peu entre les deux ». Il avait 300 brebis sur 150 hectares, sa considération de « moyen » bien que dite de « taille » était peut-être plutôt de pratique : très extensif et vendant directement sans passer par des coopératives.

Cette notion de taille se retrouve également chez des gens qui ne sont pas agriculteurs au sens de la profession. Dans un village de Peyrelevade, deux personnes qui faisaient un jardin se sont dits des « micro-paysans ».

Dans un village de Nedde, l’homme d’un couple s’est dit « demi-paysan » : ils avaient des canards, des poules, et un jardin.

Un homme, sur Peyrelevade, qui possède un cheval et un âne, se dit « un peu paysan », « Je fais ça pour m’amuser, précise-t-il. Mon frère, plus haut, a dans les 80 bestiaux, des vaches. Je l’aide de temps en temps ».

Le dilemme de taille se pose peut-être aussi pour certains retraités de l’agriculture ou d’une autre profession.

Dans un village de Nedde, un groupe de personnes me signalent qu’il y avait 4 paysans dans le temps et que maintenant il n’y a plus personne, un vieux a tenu à préciser qu’il cultivait des petits pois et des carottes : un retraité qui s’est senti concerné.

Dans un village de Tarnac, un retraité qui possédait des ânes, des poulets, des canards, une vache, ancien fonctionnaire qui a une ferme dans le Berry, s’est dit « pas vraiment paysan » mais aimant l’activité de paysan.

Une femme d’un autre village de Tarnac me déclare d’emblée : « Au village, il n’y a plus de paysans ou alors c’est tout le monde. Moi je fais mes patates et je fais aussi du blé noir pour l’engrais vert. »

L’activité, si petite soit-elle, peut suffire à certains pour se dire au moins « un peu » paysan. La dernière réplique « ou alors c’est tout le monde » renvoie aussi au monde rural et rapproche le paysan du campagnard.

Tout le monde ne prend donc pas le mot de paysan comme forcément synonyme d’agriculteur, comme travailleur déclaré de la terre, et certains pointent d’autres facettes de la définition.

D’une manière générale, deux aspects, parfois duaux apparaissent, déjà présents dans la définition du Larousse : l’aspect professionnel (le métier de paysan), et l’aspect territorial (la vie paysanne au sein de la nature).

Diverses facettes de la définition de paysan

On peut fonctionner par contraposées, ou contraires, pour mettre en avant et comprendre certains aspects de la définition en se demandant à quoi s’oppose le paysan, c'est- à-dire : quel est son contraire. On va retrouver les divers axes présents dans les définitions des dictionnaires et dans les propos des Millevachois. Ces divers aspects seront d’autant plus utiles à dégager pour cette étude qu’ils dirigeront vers différentes manières d’être paysan.

Voici divers angles interdépendants dégagés ici, sous lesquels le mot paysan peut-être pris et quel contraire il suppose :

- Un angle historique, où le paysan serait devenu péjoratif et passéiste, et où l’agriculteur, plus savant, désignerait aussi celui qui exerce une activité professionnelle agricole.

Opposition paysan/agriculteur (salarié, professionnel).

-Un angle politique, qui peut aussi dériver de l’angle historique puisqu’il renvoie au rapport à la civilisation industrielle et garde la même opposition, mais cette angle inverse les connotations péjoratives : être paysan serait plus moral qu’être un industriel agriculteur. On le retrouve particulièrement à travers les deux principaux syndicats : FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) et Confédération Paysanne.

Opposition paysan/exploitant agricole.

-Un angle local, le paysan est l’homme lié à son pays, celui qui l’habite. Il renvoie au sens strictement littéral. Le paysan habite ici un terrain auquel il est attaché.

Opposition paysan/nomade.

-Un angle rural, qui peut aussi dériver du précédent, car le paysan est toujours attaché à l’espace mais à un espace éminemment rural. Le paysan est ici l’homme rural, celui qui habite la campagne et non le citadin qui s’est établi dans un bourg. Elle peut dériver aussi sur l’acception péjorative, rustre, du paysan, loin de la culture des villes.

Opposition paysan/bourgeois (citadin).

Tous ces angles ont évidemment une histoire, on pourrait presque les ordonner : le paysan se fixe d’abord sur un lieu, une campagne, puis il devient celui qui est resté à la campagne, celui qui n’est pas devenu un scientifique en son domaine, celui qui ne s’est pas

industrialisé. Cette ligne droite est un peu facile, d’autant plus que « paysan » reste un terme français, latin, ce que les grandes oppositions mentionnées, si on les replaçait toutes sur une ligne historique, ne mettent pas spécialement en lumière. Je toucherais un mot de cette spécificité à la langue après avoir détaillé les grands angles de la définition.

J’ai signalé qu’ils étaient interdépendants car plusieurs notions peuvent passer d’un angle à l’autre : le contexte historique bien sûr, le rapport à l’industrie (donc à la ville ?), le rapport au lieu, le rapport à la science des lumières. Je n’ai pas retenu, vous l’avez vu, l’opposition spécifique du rustre et du savant, elle correspond à une deuxième acception, spécifiquement péjorative de la définition (et on pourrait retrouver cette tournure péjorative pour bien d’autres mots), tandis que la première définition du Larousse (comme celle de Lachiver) montre bien les deux liens : à l’activité avec la terre et au fait d’habiter sur la terre. L’aspect d’activité est très présent dans mes deux premiers angles, mais aussi dans le dernier, l’aspect du lieu de vie est présent dans les deux derniers mais l’angle politique n’en est pas dépourvu.

Les angles relatifs à l’activité

L’angle historique (et surfacique) : opposition paysan/agriculteur

Si je retiens le mot « historique » pour qualifier cet angle, c’est que celui-là dans les conceptions des personnes interrogées (mais aussi dans les définitions), renvoie spécifiquement à un rapport présent/passé. C’est le dernier virage historique du monde paysan qui est évoqué dans cette opposition, celui dont parle Mendras quand il se félicite d’avoir prophétisé la fin des paysans. C’est la fin des paysans comprise par cet angle spécifique de la définition, ceux-là qui s’opposent aux agriculteurs. Cette fin peut être accréditée par le fait que les termes sont devenus synonymes pour certains paysans.

Toutefois, cet angle historique, avec le dernier virage, celui du plan Marshall, renvoie à la diminution drastique des paysans (leur fin) et à l’agrandissement des surfaces possédées par paysan qui en résulte. On peut donc tout à fait le lire comme un angle « de taille », « surfacique ». Le paysan serait celui qui serait resté « petit », délibérément ou non (le caractère délibéré renvoyant aussi à une position politique), et l’ « agriculteur » serait le gros qui aurait suivi les directives du marché. C’est l’opposition exacte que m’avait signalé un paysan de Gentioux. Le caractère « petit » du paysan ne serait pas une simple notion d’échelle