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Répartition des dépenses des touristes

2. La définition des agents

Le choix des agents marque une première adaptation apportée à la méthode des comptabilités économiques. Il s’appuie en effet sur la connaissance socio-économique du village de manière à ce que chaque groupe de maisonnées représente un groupe social ayant un comportement homogène (Taillard, 1972a p. 219). L’étude des maisonnées est complétée par celle des institutions villageoises (administration et monastère) et de l’extérieur.

2.1 Les différents types de ménages

La « maisonnée » (ménage en termes de comptabilité économique), comprend toutes les personnes qui mangent et qui dorment sous le même toit. Chaque maisonnée est recensée en tenant compte de l’ensemble de ses membres et non pas uniquement du chef de famille. La maisonnée se présente donc comme un système d’agents rassemblant tous les actifs dont elle dispose, de même que le village est formé par le regroupement des maisonnées et des institutions villageoises qui le compose (Taillard, 1997 p. 564). Cependant, comme les actifs d’une maisonnée peuvent exercer simultanément ou successivement des activités différentes, leurs systèmes d’activités sont classés selon l’activité dominante en termes de revenus monétaires, les autres activités fournissant des revenus complémentaires. Les maisonnées sont donc regroupées selon leur revenu monétaire principal, dégagé par les enquêtes, en accordant toutefois une priorité, en cas de revenus similaires, aux plus réguliers d’entre eux. En effet, la plus ou moins grande régularité des revenus permet d’expliquer des stratégies économiques différentes entre les maisonnées. Ainsi, quatre types de maisonnées ont été définis : agriculteurs (A), commerçants ou artisans (AC), salariés (S), repris de la typologie établies par Ch. Taillard, auxquels ont été ajouté un nouveau type, les maisonnées dépendant principalement de l’extérieur (DE), qui reçoivent des aides provenant de parents à Vientiane ou de la diaspora lao ou hmong établies à l’étranger après la fondation en 1975 de la RDP lao [Tableau 26-27 et Figure 26-27].

133 Agriculteurs Commerçants et artisans Salariés Dépendants de l’extérieur TOTAL

nbre % nbre % nbre % nbre % nbre %

Phatang 93 38,7 56 23,3 50 20,8 41 17,1 240 100 Phatang 1967 20 43,5 11 23,9 15 32,6 0 0 46 100 Somsavath 105 92,9 4 3,5 1 0,9 3 2,6 113 100 Kayso 1967 30 100 0 0 0 0 0 0 30 100 Sengsavang 0 0 85 80,2 14 13,2 7 6,6 106 100 Houay Ngam 25 14 39 21,9 102 57,3 12 6,7 178 100

Tableau 26 : Répartition des ménages des villages selon leur activité principale (2006)

Agriculteurs Commerçants et artisans Salariés Dépendants de l’extérieur TOTAL Phathao 0 0 26 61,9 1 2,4 15 35,7 42 100 Phoudindeng 10 28,6 11 31,4 5 14,3 9 25,7 35 100

Tableau 27 : Répartition des ménages de l’échantillon selon leur activité principale (2006)

La structure de répartition des maisonnées à Kayso/Somsavath entre 1967 et 2006, connait un tout début de diversification, 7 % d’entre elles tirant leurs principaux revenus hors de l’agriculture en 2006. A Phatang, la structure paraît peu modifiée, les variations s’expliquant principalement par l’introduction du nouveau type de maisonnées dépendantes de l’extérieur.

Figure 26 : Répartition des ménages des villages selon leur activité principale (2006-2007)

0 50 100 150 200 250 DE S AC A

134 Figure 27 : Répartition des ménages de l’échantillon selon leur activité principale (2006-7)

Chaque type de ménage rassemble des maisonnées ayant des comportements économiques semblables, bien que leur activité dominante, à l’intérieur du même type, puisse varier d’un village à l’autre et d’un ménage à l’autre. C’est pourquoi, il est possible de distinguer des sous-types. Je compte donc quatre types principaux d’agents et treize sous-types [Tableau 28-29] :

- Les agents à revenus agricoles : les agriculteurs. Leurs ressources sont soumises au calendrier agricole et une grande partie de leur consommation est assurée par leur production propre. Ils ne font appel au secteur monétaire pour leurs achats que dans la mesure où ils ont eu des excédents commercialisables ou bien des revenus d’activités complémentaires non agricoles. Ils peuvent être répartis en quatre types d’agriculteurs selon la source de leurs revenus dominants :

1a- Riziculture

1b- Jardin commercial 1c- Elevage-pêche-cueillette

1d- Location de la force de travail (ouvrier agricole)

- Les agents dont les revenus proviennent de l’artisanat ou du commerce : artisans, commerçants, services. Leurs ressources sont plus régulières sans être toujours périodiques et surtout beaucoup plus ouvertes vers l’extérieur dont ils dépendent le plus souvent pour leur activité. La part de l’autoconsommation est ici plus faible et parfois inexistante. Il est possible de distinguer cinq sous-types d’agents :

2a- Artisans

2b- Commerce lié à l’agriculture 2c- Boutiques et restaurants 2d- Transport

2e- Hôtels et tourisme

0 10 20 30 40 50 Phathao Phoudindeng DE S AC A

135 - Les agents salariés : fonctionnaires, militaires, employés. Ils ont des revenus réguliers, mensuels le plus souvent, ce qui est un symbole de sécurité dans un pays où l’agriculture est étroitement liée aux conditions climatiques qui subissent de fortes variations d’une année à l’autre, bien que les salaires des fonctionnaires ne suffisent généralement pas à faire vivre à eux seuls une maisonnée constituée d’un couple avec des enfants. Pour eux, l’autoconsommation existe encore mais elle ne présente pas le caractère de nécessité qu’elle a pour l’agent agriculteur. C’est un moyen de faire des économies. Les salariés sont souvent à la fois des agriculteurs, soit que la maisonnée compte à la fois des actifs agriculteurs et d’autres salariés, soit que le salarié travaille sur l’exploitation familiale en dehors de son temps de travail rémunéré. Titulaires de revenus fixes, ils représentent une articulation entre le niveau local et le niveau national, entre l’économie rurale et l’économie urbaine. La régularité de leurs revenus leur donne accès aux systèmes de tontines et de crédit bancaire. On distingue trois types de salariés :

3a : Fonctionnaires 3b : Militaires

3c : Employés du secteur privé

- Les agents dont le revenu principal provient des aides extérieures (4). Plus de la moitié de leur revenu monétaire provient des aides envoyées par des parents à Vientiane ou à l’étranger. Celles-ci sont le plus souvent ponctuelles et variables d’une année à l’autre. Les agents dépendants de l’extérieur sont aussi bien agriculteurs que salariés, commerçants ou artisans. Ils sont plus nombreux dans les villages comptant de nombreuses personnes émigrées à l’étranger (Phatang, Phathao, Phoudindeng) et jouent un rôle important à Sengsavang : moins par leur nombre que par la capacité d’investissement dans le commerce et les activités liées au tourisme.

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Phatang Somsavath Sengsavang Houay Ngam NBRE % NBRE % NBRE % NBRE % 1. Agriculture 93 38,7 105 92,9 0 0 25 14 1.a Riziculture 12 5 0 0 0 0 13 7,3 1.b Jardin commercial 59 24,6 88 77,9 0 0 0 0 1.c Elevage, pêche, cueillette 19 7,9 6 5,3 0 0 7 3,9 1.d Ouvrier agricole 3 1,2 11 9,7 0 0 5 2,8 2. Artisanat et commerce 56 23,3 4 3.5 85 80,2 39 21,9 2.a Artisans 20 8,3 0 0 12 11,3 26 14,6 2.b Commerce lié à l'agriculture 16 6,7 0 0 0 0 3 1,7 2.c Boutiques et restaurants 17 7,1 3 2,6 30 28,3 10 5,6 2.d Transport 3 1,2 1 0,9 3 2,8 0 0 2.e Hôtels et tourisme 0 0 0 0 40 37,7 0 0 3. Salariés 50 20.8 1 0,9 14 13,2 102 57.3 3.a Fonctionnaires 33 13,7 1 0,9 8 7,5 16 9 3.b Militaires 4 1,7 0 0 2 1,9 3 1,7 3.c Employés 13 5,4 0 0 4 3,8 83 46,6 4. Dépendants de l’extérieur 41 17.1 3 2.6 7 6,6 12 6.7 total 240 100 113 100 106 100 178 100

Tableau 28 : Distribution des maisonnées des villages par types et sous-types d’agents

Phathao Phoudindeng

NBRE % NBRE % 1. Agriculture 0 0 10 28,6 1.a Riziculture 1 2,9 1.b Jardin commercial 2 5,7 1.c Elevage, pêche, cueillette 7 20

1.d Ouvrier agricole 0 2. Artisanat et commerce 26 61,9 11 31,4 2.a Artisans 23 51 6 17,1 2.b Commerce lié à l'agriculture 1 2,2 1 2,9 2.c Boutiques et restaurants 2 4,4 4 11,4 2.d Transport 0 0 2.e Hôtels et tourisme 0 0

3. Salariés 1 2,4 5 14,3 3.a Fonctionnaires 1 2,4 2 5,7 3.b Militaires 0 0 3.c Employés 0 3 8,6 4. Dépendants de l’extérieur 15 35,7 9 25,7 total 45 100 35 100

137 Une répartition des ménages, classés selon leur activité principale, permet de dessiner un premier profil économique des villages. D’importantes différences sont révélées. Somsavath a la structure la moins diversifiée car l’activité principale agricole y est hégémonique. En revanche, les ménages salariés sont dominants à Houay Ngam (57,3 %) et ceux spécialisés dans les activités d’artisanat et de commerce le sont encore plus à Phathao (61,9 %) et à Sengsavang (80,2 %). Enfin, deux villages ont une structure bien plus équilibrée, aucun type de ménage ne se distingue fortement. A Phoudindeng, bien que les ménages d’artisans et commerçants soient les plus nombreux, ils n’atteignent pas plus de 31,4 %. A Phatang, chacun des trois types de ménages compte pour plus de 21 % :

1 : Spécialisation dans l’agriculture 92,9 % : Somsavath (77,9 % cultures commerciales) 2 : Spécialisation dans l’artisanat et le commerce 62-80 % : Sengsavang (commerce urbain et services), Phathao (broderie, artisanat d’exportation)

3 : Spécialisation dans les activités salariées +/-60 % : Houay Ngam (usine de ciment) 4 : Pluriactivité : agricole - 40 % : Phatang (lié à la fonction de village-centre)

Phoudindeng (structure pluriethnique)

En analysant plus finement les types de maisonnées par sous-types, il est possible de caractériser plus précisément la structure des systèmes économiques villageois [Tableau 28].

Parmi les agriculteurs, à Phatang et Somsavath les ménages tirent la plus grande partie de leurs revenus des jardins (la culture des agrumes domine dans le nord du bassin) [cf. chapitre 5] et des cultures maraîchères, pratiquées sur les rizières durant la saison sèche (principalement dans le village de Phatang qui compte des surfaces de rizières irriguées plus importantes). Très peu de maisonnées d’agriculteurs comptent des fonctionnaires ou des employés car les revenus de l’agriculture commerciale peuvent rarement rivaliser avec de tels salaires. Plusieurs d’entre-elles comptent en revanche des artisans ou de petits commerçants. Le nombre important d’ouvriers agricoles à Somsavath s’explique par une forte demande de main-d’œuvre dans les exploitations et en particulier dans les vergers. Les maisonnées classées comme ouvriers agricoles sont le plus souvent des maisonnées sans terre ou nouvellement installées.

Le commerce l’emporte largement sur l’artisanat à Phatang, Somsavath et Sengsavang alors qu’il est devancé par l’artisanat à Phathao et à Houay Ngam, village périurbain qui fournit une main-d’œuvre importante dans nombreux chantiers de construction de Vang Vieng (maçons, menuisiers). Le commerce des produits agricoles entre le nord du bassin et la capitale est le plus important à Phatang, où 14 familles se sont spécialisées dans cette activité [cf. chapitre 7], alors que le décorticage du riz ne constitue un revenu principal que pour deux maisonnées. Les autres commerces (boutiques et petits restaurants) y sont aussi présents mais ils ne prennent véritablement de l’importance qu’à Sengsavang (28 %) qui a la structure commerciale la plus diversifiée. De même, l’hôtellerie et le tourisme sont fortement représentés

138 dans ce village urbain (38 % des maisonnées), cœur touristique de la ville de Vang Vieng.

Les salariés sont aussi bien plus diversifiés à Phatang et Sengsavang qu’à Houay Ngam. Dans ce village dominent les maisonnées employées (46,6 %) pour la plupart à l’usine de ciment, bien que ce village compte de nombreux fonctionnaires, mais aux revenus moins importants que ceux des employés. Les fonctionnaires sont, en revanche, plus représentés à Phatang (village-centre) qui compte des infrastructures scolaires et de santé plus anciennes et plus importantes en milieu rural, et à Sengsavang, village urbain du chef-lieu de district. A l’inverse, Somsavath ne compte qu’un ménage fonctionnaire à titre d’activité principale. Dans les maisonnées de salariés figurent de nombreux agriculteurs car les revenus qu’ils tirent de leur emploi l’emportent sur ceux provenant de l’agriculture.

Les maisonnées dépendantes de l’extérieur sont surtout représentées à Phatang (17 %) et plus encore à Phoudindeng (26 %) et à Phathao (35,7 %) où une grande partie des villageois entretient des relations de parenté avec la diaspora hmong et lao à l’étranger. A Phatang, les maisonnées, dans cette zone de contact, ont entretenu des relations étroites avec les trois factions politiques (royalistes, neutralistes et Pathet lao) et certains ont choisi l’exil après 1975. Une grande partie des villageois hmong de Phathao et quelques-uns des Hmong de Phoudindeng sont d’ailleurs d’anciens réfugiés revenus des camps de Thaïlande, n’ayant pu être accueillis aux Etats-Unis faute de quota. Leur intégration dans le bassin de Vang Vieng est fortement liée à leurs relations à la diaspora hmong puisque même ceux qui ne sont pas dépendants des aides financières directes de l’extérieur pratiquent la broderie destinée à l’exportation.

Ce profil économique des villages fait ressortir la grande diversité des activités dans le bassin. Elle sera ultérieurement affinée, en particulier au moyen de l’étude des revenus et des dépenses monétaires par types de ménages et par postes.

2.2 Les autres agents : institutions villageoises et extérieur

Le système économique villageois se compose de 16 agents, décomposé en 13 sous-types de maisonnées présentées précédemment, auxquels s’ajoutent deux autres agents de nature différente, les institutions villageoises et l’extérieur :

- Les institutions villageoises : elles regroupent le pouvoir villageois et le monastère bouddhiste, les principales institutions structurant le village (école, centre de santé).

- L’extérieur : il retrace les échanges des agents du village avec d’autres, situés à l’extérieur du village. Les ressources de l’extérieur proviennent de dépenses pour les agents villageois (en paiement de leurs importations), alors que les emplois de l’extérieur représentent des ressources pour ces mêmes agents villageois (recettes liées à leurs exportations). L’extérieur mesure ainsi l’intégration des villages dans l’économie locale, nationale et internationale.

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