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I.1.1.2 Défaillance maternelle

Dans le document Adopter quand on a une descendance biologique (Page 196-200)

Chez chacune des mères de nos adoptantes, nous relevons une indisponibilité affective, physique et/ou psychique entrainant une perturbation du lien Mère/Enfant

Madame A évoque avec douleur son éloignement du milieu familial sous de faux prétextes et son ressenti d’avoir été abandonnée par sa mère : « J’ai été en nourrice très tôt parce que… ils n’avaient pas la place pour me garder. Donc j’étais chez une nourrice même la nuit. Quand je suis née, elle a raconté à la sage-femme qu’elle ne me voulait pas parce qu’elle a souffert longtemps et qu’elle était fatiguée… pour moi c’était violent... »

Madame B laisse à entendre une relation distanciée sans interactions chaleureuses : « Ben une relation mère- fille […] elle avait qu'une envie c'était avoir de l'air et donc elle nous laissait beaucoup d'liberté on est partis en colonies d'bonne heure … ».

Madame C nous informe de l’existence de traumatismes chez sa mère dont l’expression mettait à mal le sentiment de sécurité chez son enfant : « Elle a fait des cauchemars, toute mon enfance j’ai entendu ma mère faire des cauchemars presque toutes les nuits et des cauchemars à hurler hein… une fois j’me rappelle elle m’a fichu la trouille… j’croyais qu’on tuait quelqu’un…

j’avais peur, ça m’impressionnait quand même quand on est gosse … »

« Ma mère avait pas de patience alors ça montait vite c’était conflictuel quoi… c’était vite insupportable pour elle … »

Le discours de Madame D met en lumière l’image d’une mère toute puissante qui exerce une emprise psychologique sur les membres de sa famille, intransigeante : « Ma mère était un peu secrétaire donc il fallait être secrétaire ou infirmière »

« Ma mère allait m’en mettre une parce que elle ça faisait une heure que ça durait (je voulais dormir avec ma sœur) et elle était en colère parce qu’elle

m’avait dit « non » et que j’ai pas respecté… ». « C’est ma mère qui est le pilier de la famille c’est elle qui prend les décisions…». Et dont il est difficile de se faire aimer : « Je suis pas le vilain petit canard à qui voilà heu qui va pas pouvoir faire comme les autres ».

Nous disposons d’un manque d’éléments concernant la nature des liens qu’entretenait Madame E avec sa propre mère. Cependant l’existence d’une maladie latente nous laisse supposer une disponibilité psychique affaiblie chez cette mère vis-à-vis de ces jumelles dont

la naissance tardive n’était pas attendue. Nous pouvons inférer qu’une mère « malade depuis toujours » est moins à l’écoute de son enfant, offre une moins grande disponibilité psychique, et n’est pas toujours en mesure de rassurer son enfant compte tenu de ses propres préoccupations et de la réalité de sa maladie.

I.1.1.3. Avènement d’évènements traumatiques à l’adolescence

Trois de ces mères (Mesdames B, C et E) ont vécu le choc traumatique d’une séparation d’avec une ou deux de leurs figures parentales à l’adolescence, c’est-à-dire « dans la période du développement au cours de laquelle s’opère le passage de l’enfance à l’âge adulte ». (Grand dictionnaire de la Psychologie, 1999).

Mère C : « y a certainement des choses assez anciennes alors moi je relie ça

quand j’avais quinze ans j’me suis fait opérée de la colonne vertébrale et je suis allée six mois en rééducation à F. et à l’époque à F. y avait plein d’enfants qui étaient là parce qu’ils avaient un handicap même qui étaient placés là j’dirais presque définitivement ».

Deux d’entre elles (Madame B et Madame E) ont été confrontées à l’épreuve du deuil de leur mère et/ou de leurs parents. Or à cette période, qu’est l’adolescence, le sujet est déjà en deuil de lui-même et de l’enfant qu’il était (Fauré, 1995), puisqu’une partie de son évolution consiste à se séparer des objets œdipiens et à en faire le deuil (Hanus et al. 1997).

Mère B : « Ma maman est décédée heu donc ma maman s’est suicidée

c’qu’y a fait aussi heu bon après… maman s’est suicidée parce que mon père voulait divorcer… maman privilégiait beaucoup l’indépendance… plus à ma mère qu’à mon père, j’en ai voulu oui… ».

Mère E : « fallait bien aller quelque part quand les choses se font comme ça

bon […] on n’a rien choisi du tout on nous a dit que c’était là point barre mais je pense que de toute façon on était pas en état de choisir ni de et j’pense qu’à l’époque où j’ai été élevée on n’associait pas les gamins à toutes les décisions non plus hein c’est un pas dans l’air du temps ».

Madame A révèle dans l’entretien individuel l’apparition de troubles psychologiques chez sa mère, au moment de son adolescence : « De mon côté, j’ai une maman qui a eu des soucis

psychologiques pendant longtemps…j’ai l’impression d’avoir été une béquille un certain

temps et après de ne plus l‘avoir accepté et puis maintenant je suis apaisée… j’avais douze,

treize ans quand ça a commencé et puis ça a duré toute mon adolescence… Je dis toujours

que je n’ai pas fait ma crise d’adolescence en ce temps-là, parce que ce n’était pas possible… Enfin maintenant les choses se sont apaisées… je ne lui en voulais pas de ne pas être bien je culpabilisais plutôt de ne pas pouvoir l’aider… ce n’est pas une histoire familiale facile à vivre mais bon génération après génération ça va bien »

I.1.2. Relations père/fils

L’analyse des relations des pères de notre étude avec leurs propres figures parentales met en lumière des « carences » relationnelles avec la figure paternelle.

I.1.2.1. Abandon

En effet nous apprenons l’abandon de Monsieur E par son père l’obligeant ainsi à s’élaborer avec une figure paternelle déficiente : « Ben j’sais pas qui il est ».

I.1.2.2. Démission du père

Monsieur D évoque la démission du rôle paternel de son propre père : « Il nous avait un peu lâchés, il s’était un peu autonomisé vis-à-vis de la famille. Il a laissé sa place vacante… »

I.1.2.3. Défaillance du père

Monsieur C regrette le manque de proximité à la fois affective et physique avec son père : « Ben malheureusement mon père j’avais trente-cinq ans quand il est décédé c’est dommage j’trouve que c’est dommage qu’on ait pas heu ouais j’aurais aimé heu avoir plus de relations

parce qu’en fait c’était un peu la vieille mon père était quelqu’un de très… heu comment dire il avait pas besoin d’élever la voix pour qu’on le respecte on le craignait quoi et on était heu et y avait pas tellement d’échanges de discussion ça c’est quelque chose qui m’a manqué

(voix basse) ouais mais ça c’était le lot de beaucoup de gens à l’époque, c’était beaucoup comme ça et j’trouve ça un peu dommage et moi j’essaie justement avec nos enfants de d’échanger de s’intéresser à ce qu’ils font de j’pense que c’est important…»

I.1.3. Dépendance psychique

Nous relevons chez chaque membre de ces couples une dépendance psychique vis-à-vis de leurs parents respectifs, qui se manifeste par des :

I.1.3.1. Difficultés de séparation

Mère et Père A : « l’Afrique nous a toujours attirés quand on était jeunes enseignants on s’est posé la question de partir en coopération là-bas et puis on n’a jamais osé le faire parce qu’on a les parents ici et puis on se sentait en danger par ce genre de projet donc voilà on l’a pas fait ».

Père B : « j'voulais je j'suis resté toujours à à la maison quoi… Après j'suis allé à la fac c'est pareil j'suis resté à la maison et puis après p'tit à p'tit assez

vite heu voulu rester vivre à la maison… ».

Père A : « …parce que je pense que j’aurai pu rester très dépendant si j’avais donc oui mettre de la distance c’était une façon pour moi de oui… »

Nous notons qu’Ana Almeida et al. (2002) ont relevé ces mêmes difficultés à se détacher des figures parentales chez les couples stériles candidats à l’adoption.

I.1.3.2. Difficultés d’individualisation

Avec une impossibilité d’aborder le conflit ambivalentiel

Mère A : …je dis toujours je n’ai pas fait ma crise d’adolescence en ce temps-là parce que ce n’était pas possible que je mette trop de choses en question

Père A : pas frontalement non jamais j’étais un enfant très sage très calme y

a pas eu de crise d’adolescence y a pas eu de choses mais bon je n’avais pas

non plus de conflits avec mes parents à régler alors voilà c’est peut-être des des p’tits des petites provocations comme ça sans vraiment les chercher c’est assez bizarre parce que bon j’ai pas du tout de mauvais souvenirs de mon enfance c’est peut-être une envie un moment donné de m’éloigner pendant mes études c’est vrai que je suis quelqu’un d’assez solitaire et d’indépendant il fallait un moment donné pour faciliter les choses je pense que cet éloignement c’était plus pour me protéger (rires)

Père B : Au collège mes profs disaient que j’étais heu… que j’manquais

d’assurance qu’j’étais pas sûr de moi et voilà j’étais pas rebelle

Mère B : …y a trois quatre ans ce n'était pas envisageable de s'opposer à c'que disait mon père c't'à dire que heu il avait raison

Dans le document Adopter quand on a une descendance biologique (Page 196-200)