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Les recherches de la période moderne

Le 6 novembre 1967, Léonard Ginsburg et Donald Russell (Muséum national d’histoire naturelle), en collaboration avec Guy Mennessier, firent état de la

C. La découverte du précontinent provençal

C’est sur le précontinent de la Basse-Provence cristalline que débutèrent les premières explorations sous-marines avec les dragages effectués en 1950, entre -500 et -100 m, par Jacques Bourcart (1891-1965) et sa collaboratrice Claude Lalou dans les gorges qui entaillent le socle continental au large de Toulon. Sur un socle de phyllades formant l’essentiel du matériel des parois ils observèrent des vestiges d’un remplissage formé de conglomérats et de grès calcaires fossilifères qu’ils rapportèrent, respectivement, au Pliocène supérieur et au Quaternaire.

En 1961, J. Bourcart et al. établirent la morphologie de la pente continentale de la Provence et leurs levés permirent de préciser le tracé des canyons sous-marins. Au début des années 1960, l’exploration de la bordure sous-marine des Maures et de l’Estérel fut entreprise par les chercheurs de la station marine de Villefranche-sur- Mer et de l’Institut de Physique du Globe de Paris. Louis Glangeaud, dont l’autorité scientifique était indiscutable, assura la direction de ces recherches. Des études de sismique continue, des carottages et des relevés magnétiques, réalisés en 1965 avec le navire océanographique Catherine Laurence apportèrent une moisson importante de données (L. Glangeaud et al., 1965) : confirmation de l’affaissement plio-quaternaire de la bordure marine des massifs des Maures et de l’Estérel ; reconnaissance à différentes profondeurs des surfaces d’aplanissement qui caractérisent (comme l’avait montré Léon Lutaud) les massifs émergés, et d’un réseau de failles sous-marines, dont certaines peuvent être reliées à des accidents connus à terre.

C’est ensuite Guy Pautot qui étudia (1967), par sismique continue, le haut-fond du Méjean, au Sud de Cannes, et effectua des carottages qui montrèrent que son

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substratum est formé principalement de gneiss : le haut-fond est donc le prolongement en mer du massif des Maures ; il est recouvert par une couverture sédimentaire épaisse dont l’âge reste cependant inconnu.

En 1971, la limite méridionale de la structure continentale de la croûte terrestre au large des Maures fut reconnue par Gilbert Bellaiche, Jean Mascle et Maurice Recq, grâce à la sismique et à des carottages et observations in situ. La disparition du socle du massif des Maures se produit à une trentaine de kilomètres au Sud des côtes (fig. 79) et s’accompagne d’un « fort amincissement de la croûte marquant la zone de transition entre la structure continentale et la structure océanique de la croûte terrestre ».

Fig. 79. Carte synthétique montrant la répartition des vitesses des ondes sismiques au large des Maures et la structure sous-marine de ce massif (d’après Gilbert Bellaiche et al., 1971). 1 : socle des Maures (les croix épaisses et les croix encerclées indiquent les points de prélèvement et d’observation directe) ; le socle des Maures se prolonge en mer jusqu’à l’isobathe -2000 m. Il s’ennoie sous les sédiments plio-quaternaires de la plaine abyssale (2) et fait place à une zone sismique de transition (3), dans laquelle apparaissent, plus au Sud, les premiers dômes évaporitiques messiniens. 4 : lignes de failles.

Les recherches de la période moderne 199 L’exploration du canyon Est-Ouest des Stoechades débuta en 1969, avec les carottages effectués par Gilbert Bellaiche à bord du Catherine Laurence, du réflecteur acoustique qui affleure par plus de 2000 m de profondeur dans le fond du canyon. Sous une couverture quaternaire peu épaisse (témoignant de l’existence de phénomènes d’érosion ou de non dépôt) gisent des marnes pliocènes de caractère peu profond, confirmant ainsi l’importance des mouvements verticaux d’effondrement qui ont affecté la côte des Maures depuis le Pliocène, et qui ont dû se poursuivre pendant le Quaternaire (Bellaiche, 1972b). De tels mouvements s’expliquent par le rejeu des grands accidents de direction pyrénéenne qui affectent le massif des Maures. D’autres sondages (Bellaiche et al., 1976) mirent en évidence, dans ce même canyon, des sédiments marins fini-oligocènes-aquitaniens, colmatant la partie terminale de la vallée sous-marine, impliquant l’existence d’une morphologie d’érosion très accentuée dès cette époque.

Jacques Angelier et al. (Groupe Estocade), à bord de la soucoupe Cyana, explorèrent (1977) les canyons des Stoechades et de Saint-Tropez et confirmèrent les observations de Gilbert Bellaiche. Cette plongée a montré l’existence d’une série marine détritique oligo-aquitanienne épaisse (au moins 700 m de puissance) constituant les versants des canyons, surmontée par une série plio-pléistocène36 (fig. 80). Le Miocène semble totalement manquer, ou être très réduit, accréditant son érosion subaérienne au cours du Messinien.

La marge provençale, au large de la côte des Maures, a fait l’objet très récemment (Obone-Zue-Obane et al., 2011), d’une exploration (campagne MAURESC) en vue de retracer l’enregistrement de la crise de salinité messinienne dans cette région. Les profils sismiques révèlent l’existence, en pied de pente, d’un corps détritique, vraisemblablement alimenté par l’érosion aérienne messinienne et contemporain du dépôt du sel dans le bassin.

L’exploration du précontinent au large de Marseille n’intervint qu’à partir de 1966, date à laquelle la multiplication des dragages et l’utilisation de la soucoupe plongeante Cousteau permirent aux chercheurs de rapporter des échantillons prélevés sur les affleurements rocheux. Des pointements d’Urgonien et d’Aptien furent ainsi relevés par Jean-Joseph Blanc et Laure Blanc-Vernet au Sud de l’île de Riou et dans la baie de Cassis, et le socle paléozoïque fut reconnu par sismique réfraction au large de La Ciotat, sous le banc des Blauquières (Jean Ducrot, 1967).

Deux années plus tard (1969), Olivier Leenhardt (Musée de Monaco) et ses collègues mirent en évidence par sondage sismique continu, réalisé à bord de la Calypso, sous le plateau du Planier, une série horizontale (plio-quaternaire) reposant, par l’intermédiaire d’une surface d’arasion attribuée au Pontien, sur un substratum plissé (anticlinaux et synclinaux d’axe NE-SW) haché de failles verticales37.

36 Cette observation incite à considérer les canyons des Stoechades et de Saint-Tropez comme

issus d’un rifting oligo-aquitanien et se raccordant au réseau de rifts mis en évidence par la sismique sur le précontinent provençal et la bordure de la chaîne de la Nerthe.

37 Dispositif qui sera confirmé par une analyse géomorphologique effectuée par Jacques

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Fig. 80. Bloc diagramme du canyon des Stoechades et de Saint-Tropez (d’après Jacques Angelier et al., 1977). Le canyon est creusé dans la série oligo-aquitanienne (a) entre -1500 et -2000 m de profondeur. Noter les gradins de failles listriques (k) et divers traits morphologiques, dont des structures attribuées à des diapirs vaseux (h).

Les relevés cartographiques au Seabeam effectués par Bellaiche et al. en 1991, sur les cours supérieurs des canyons du précontinent marseillais montrèrent que les morphologies sous-marines sont contrôlées par une série d’accidents de directions NE-SW et NW-SE38. Les mêmes directions structurales majeures orientent, dans le massif des Calanques, la découpe du littoral et déterminent la position des principales incisions de la côte (J. Collina-Girard, 1995).