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Débats sur l’âge des « Calcaires blancs » de Provence

Le temps des fondateurs Le début, et surtout le milieu du dix-neuvième siècle, sont placés sous le signe d’une

A. L’œuvre de Philippe Matheron, « père » de la géologie provençale

3. Débats sur l’âge des « Calcaires blancs » de Provence

Au cours des années 1860, de vives discussions opposèrent Edmond Hébert à Henri Coquand sur les subdivisions du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur des Alpes et de Provence. Les deux protagonistes se trouvèrent souvent en désaccord sur la détermination des rudistes des « calcaires blancs » de Provence et sur la valeur stratigraphique qu’il convenait de leur accorder. La controverse entre Coquand et Hébert sur l’interprétation de la coupe du vallon de la Cloche dans la Nerthe, que la Société géologique de France visita en 1864, montre les difficultés que les stratigraphes éprouvaient alors pour séparer le Jurassique supérieur de l’Urgonien dans les massifs complexes de Basse-Provence.

En 1863, Henri Coquand contesta le rattachement de l’ensemble des « calcaires blancs » de Provence à « l’horizon à Chama ammonia », pensant qu’une partie d’entre eux devait être attribuée aux couches supérieures du Jurassique. Son intuition se trouva récompensée. Avec la collaboration d’Antoine-Fortuné Marion (1848-1900), alors préparateur d’histoire naturelle à la faculté des sciences de Marseille, il découvrit, en effet, les couches à Diceras arietinum à l’Est de la Sainte-Victoire et dans la Nerthe et il attribua avec raison au Jurassique supérieur les calcaires et dolomies de la chaîne de l’Étoile et de la montagne de la Lare. Mais il intégra à tort à cet intervalle stratigraphique les « calcaires blancs » (qui sont urgoniens) de la haute chaîne de la Sainte-Baume et des chaînons nord-toulonnais, ce qui entraîna un vif débat entre lui, Edmond Hébert et Louis Dieulafait. Ce dernier indiqua en effet (1866) l’existence de couches à « caprotines », nérinées et orbitolines (que Coquand rapportait à tort au Jurassique supérieur) dans les massifs du cap Gros (fig. 5), du Faron et du Coudon, et dont Dieulafait établit justement l’appartenance à l’Urgonien.

Fig. 5. La première coupe des massifs nord-toulonnais (ici le Cap Gros), due à Louis Dieulafait (1866). En dépit de la maladresse structurale du dessin de la coupe, on note l’exactitude de la succession des terrains et la relative précision des attributions stratigraphiques : a-d, Infra-Lias ; f, Lias moyen-sup. ; h-n, Jurassique moyen-sup. ; o, Néocomien inf. ; p, Urgonien ; q-r, Aptien ; s-t, Gault ; u, sables ; v, calcaires à Hippurites.

Le temps des fondateurs 39 4. Développements de la stratigraphie du Crétacé supérieur

Henri Coquand fut une nouvelle fois précurseur et c’est à lui qu’il revint de fournir, dès 1861, et sur fond de polémique avec Adolphe d’Archiac (1802-1868), les premières attributions stratigraphiques détaillées du Crétacé supérieur marin de Provence et d’établir des comparaisons avec le Sud-Ouest de la France.

Pierre Reynès (1829-1877), professeur à l’École de médecine de Marseille, féru de stratigraphie, publia en 1862 une importante monographie sur le Crétacé du Sud-Est de la France, établissant pour chaque étage des comparaisons entre les départements de cette région. Concernant la Provence, il dressa des coupes du Crétacé supérieur des Bouches-du-Rhône (chaîne de la Nerthe, environs de Martigues et de Cassis) et du Vaucluse (massif d’Uchaux, Luberon et Bassin d’Apt).

Reynès conduisit les participants à la Réunion extraordinaire de la Société géologique à Marseille (1864) sur les coupes de Fondouille près Gignac (Aptien et Albien) et de Martigues (Aptien à Fuvélien), tandis qu’Hébert fit de même sur celles de la région de Cassis (Aptien à Turonien). Sous leur impulsion, ces régions deviendront des références stratigraphiques (sinon des stratotypes) du Crétacé moyen et supérieur.

Roger Toucas, médecin au Beausset, grand collectionneur d’oiseaux et de plantes (cette partie de sa collection est au musée d’Hyères), s’adonna aussi à la géologie et constitua une importante collection de fossiles dans laquelle Alcide d’Orbigny a largement puisé. En reconnaissance, ce savant dédia nombre de fossiles de la Paléontologie française à son dévoué correspondant.

Ce dernier ne se bornait pas à ramasser des fossiles ; il connaissait fort bien la géologie du pays qu’il habitait, comme le prouve sa Description géologique et paléontologique du canton du Beausset (Var) et de ses environs, publiée en 1869, avec une carte à 1/400 000, la première carte géologique de la région. Ce travail attira l’attention de la communauté des stratigraphes sur les remarquables affleurements du Crétacé supérieur du Bassin du Beausset et sur ses riches gisements de fossiles (rudistes surtout), que son fils, Aristide, étudia d’une manière plus approfondie.

Aristide Toucas* (1843-1911) prit le relais de son père et publia (1873) un important mémoire sur les terrains crétacés des environs du Beausset, écrivant ceci :

« Je suis arrivé à conclure que dans la partie de la Provence comprise entre Aubagne, Signes, Solliès, Toulon et Bandol, les terrains crétacés forment une série à peu près complète et tellement bien caractérisée que, lorsque cette région sera entièrement connue des géologues, on pourra avec raison la considérer comme un des meilleurs types de la grande période crétacée ».

Prédiction exacte, cependant entachée d’une interprétation erronée du Trias du Beausset, considéré par Aristide Toucas comme un îlot contre lequel se seraient déposées les couches du Crétacé supérieur (Fig. 6).

Marcel Bertrand établira quelques années plus tard (1887) le charriage de ce Trias et aura une mémorable controverse avec Aristide Toucas sur cette question lors de la Réunion extraordinaire de la Société géologique de France en Provence en 1891.

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Fig. 6. Coupe de « l’anomalie triasique du Vieux Beausset » (d’après Aristide Toucas, 1873). Le Trias (couches 1 à 5) est interprété comme un bloc faillé sous-marin dont les irrégularités du relief sont épousées par les dépôts successifs du Cénomanien et du Turonien (niveaux 7 à 11) et par ceux du Sénonien (12 à 16). Comparer avec la coupe de Marcel Bertrand, Fig. 14. Citons deux autres chercheurs dont les noms restent attachés à l’exploration stratigraphique des couches continentales du Crétacé supérieur de Provence.

Ernest Villot* (1834-1897), ingénieur en chef des mines, publia en 1883 une synthèse des terrains fluvio-lacustres du Bassin de l’Arc. S’appuyant sur les subdivisions lithologiques déjà fournies par Matheron en 1862, il créa les étages Bégudien et Rognacien.

Cette étude fut suivie (1885) de celle de Louis Roule (1861-1942), né à Marseille, médecin, zoologiste et naturaliste éclectique, enseignant à la faculté des sciences de Toulouse, puis professeur de zoologie au Muséum national d’Histoire naturelle (1910), et qui tenta d’effectuer une synthèse de la répartition des couches fluvio-lacustres du Crétacé supérieur et du Paléocène dans les différents bassins provençaux morcelés où ces terrains sont représentés.

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Beaucoup de confusions régnèrent d’abord sur la nature, l’âge et l’origine de ce minerai. Dans la Statistique du département des Bouches-du-Rhône (1821), Villeneuve- Bargemon évoque ainsi l’existence dans la chaîne des Baux : « de véritables filons de minerai de fer en grain qui traversent le calcaire compacte » [sic].

En 1840, Henri Coquand écrivit : « Aux Baux et à Brignoles, on rencontre des couches d’un minerai de fer décrit par Monsieur Beudant sous le nom d’hydrate d’alumine », couches auxquelles il attribua un âge néocomien.

Matheron (1842), ne se prononça pas sur l’âge, indiquant simplement qu’il s’agit : « d’un minerai de fer hydroxidé globuliforme dont il existe un gisement aux environs des Baux ». Il semblait donc ignorer les travaux du minéralogiste Pierre

Le temps des fondateurs 41 Berthier (1782-1861), qui avait pourtant contribué, dès 1821, à faire connaître la nature alumineuse du minerai et qui considérait la bauxite comme une formation alluvionnaire qu’il rapprochait des latérites africaines. Berthier décrivit le minerai sous le nom de « beauxite » ; le terme fut modifié en « bauxite » en 1861 (année de la mort de Berthier) par Henri Sainte-Claire Deville (Gy Bardossy, 1997).

Coquand à nouveau (1863) identifia les gisements de bauxite dans le massif de la Sainte-Baume et reconnut la nature en hydrate d’alumine du minerai : « que sa riche teneur en cette terre rend très propre à la fabrication de l’aluminium ». Mais il commit cependant une erreur en attribuant aux gisements un âge « Provencien » (Turonien supérieur), croyant à tort les voir intercalés dans la masse des calcaires à rudistes du massif. Enfin, pour Coquand, la bauxite résulterait de « l’intervention des sources thermo-minérales » dont il ne donna d’ailleurs ni localisation, ni autre explication. L’intervention de sources minérales dans l’origine de la bauxite fut de nouveau soutenue par Coquand, en 1871, dans la note détaillée qu’il consacra à l’étude des gisements des Alpilles. Il décrivit de manière détaillée le dispositif stratigraphique de la bauxite des Alpilles, en couche relativement continue, reposant en discordance sur son mur « néocomien », dont elle remplit parfois des cavités formées à son contact, et recouverte par les couches de l’étage à Lychnus (Rognacien). Mais il généralisa de façon inexplicable cette attribution stratigraphique à l’ensemble des bauxites de Provence et de l’Hérault, négligeant l’hétérochronie des toits et attribuant au seul épisode rognacien l’intervention de sources « geysériennes ».

En 1881, Louis Dieulafait va s’opposer à cette manière de voir et expliquer que la bauxite est un dépôt sédimentaire, dont les « éléments alumineux et ferrugineux » proviennent de la « décomposition d’une partie des feldspaths de roches granitiques » et sont entraînés en suspension pour précipiter plus ou moins loin de leur lieu de formation. Cette interprétation novatrice fut cependant ternie par les conclusions stratigraphiques de Dieulafait, qui distingua autant de niveaux (cinq) de bauxite que de toits du minerai, et inclut à tort dans les bauxites les argiles rouges du Vitrollien.

Fig. 7. Interprétation des gisements de bauxite du massif d’Allauch par Louis Roule (1885). La bauxite (α) est piégée le long de failles ouvertes séparant l’Urgonien (N) du Sénonien (S). Louis Roule interpréta correctement (1885) les rapports de la bauxite avec son mur jurassique, en observant que « la surface du calcaire corallien qui supporte directement la bauxite est érodée, largement mamelonnée, découpée en proéminences larges et peu élevées ». Il admettait cependant, comme Coquand, une continuité sédimentaire entre la bauxite et les « calcaires à Lychnus » (rognaciens) qui lui sont superposés. Pour Roule, la bauxite est bien un dépôt sédimentaire lacustre qui s’est effectué entre « la fin de l’époque des lignites et le commencement de celle des calcaires à

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Lychnus ». Cette opinion stratigraphique tranchée le conduisit à mal interpréter l’âge des gisements de bauxite du massif d’Allauch et à considérer que cette dernière avait été piégée dans des failles (fig. 7).

Louis Collot* (1846-1915) considéra en 1880, à la suite de Coquand, que l’origine de la bauxite est due à des « sources profondes, autrement dit à un dépôt geysérien ». Il dissipa, cependant, en 1887, les confusions sur l’âge du minerai. Passant en revue les gisements de bauxite de Provence et de l’Hérault, précisant l’âge du mur et du toit, il mit en évidence l’importance plus ou moins grande des lacunes stratigraphiques. Il en déduisit le synchronisme du dépôt de la bauxite en Provence et en fixa la fourchette stratigraphique : un âge compris entre l’Urgonien et le Cénomanien. Mais il persista dans son idée de l’origine « filonienne » de la bauxite.

Comme nous le verrons (p. 144), le débat sur la bauxite provençale resurgira au XXe siècle.

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Bien après les défricheurs naturalistes du XVIIIe siècle, dont les noms avaient été oubliés, Henri Coquand fut le premier auteur du XIXe siècle à s’intéresser de nouveau au volcanisme de la Basse-Provence calcaire. En 1850, il décrit ainsi la roche volcanique que l’on observe dans la région de Beaulieu et se prononce sur son âge :

« le volcan de Beaulieu a éclaté dans la période géologique pendant laquelle se précipitait dans un vaste lac cette immense quantité de couches qui renferment les poissons, les insectes, les palmiers et les coquilles qui ont rendu les gisements d’Aix si justement célèbres6».

À propos de la localité de Rougiers, il rappela que l’existence d’un volcan éteint en ce lieu était connue depuis 1786, année où l’affleurement fut mentionné par un certain Pontier, mais il passa sous silence la découverte de terrains volcaniques faite par Pons-Joseph Bernard dans le secteur de Tourves (cf. p. 24). Coquand indiqua la position remarquable du basalte relativement aux couches triasiques qu’il traverse et en conclut que le basalte avait soulevé le sol : la colline basaltique de Rougiers serait un « cratère de soulèvement » et la mise au jour du basalte se serait produite au Tertiaire, sans plus de précision.

Philippe Matheron, quant à lui, s’intéressa aux manifestations volcaniques auxquelles il prêta un rôle dans la genèse du gypse d’Aix (oligocène); en 1862 il écrit ceci :

« des sources thermales et sulfureuses […] se firent jour sur les rivages du lac tertiaire, qui eurent pour effet de détruire la majeure partie des animaux qui peuplaient le lac et ses rivages et de transformer en gypse une partie des matières que les eaux tenaient en suspension ».

Ces phénomènes annoncent pour lui l’éruption basaltique de Beaulieu qui se place, selon Matheron, à la partie supérieure de l’horizon à gypse et qui constitue un phénomène général se manifestant « en France, et même en Europe », et amenant de grandes

Le temps des fondateurs 43 perturbations en Provence. Ainsi expliqua t-il, mais à tort, le dépôt des sables (dits des Figons) qui constituent une couche remarquable dans l’Oligocène supérieur des environs du volcan de Beaulieu (mais ne renferment aucun élément d’origine volcanique).

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Dès 1839, Philippe Matheron nota le redressement des couches de la molasse coquillière sur la bordure des chaînons des Costes et de la Trévaresse (au Nord-Ouest d’Aix-en-Provence), observation qui préfigure la mise en évidence de la tectonique alpine en Provence, idée que reprit plus tard (1852) Élie de Beaumont, en soulignant lui aussi le redressement des couches miocènes entre Volonne et le pertuis de Mirabeau. Le géologue marseillais franchit une autre étape en indiquant le renversement des couches dans les chaînes des Alpilles, de l’Étoile (Simiane) et de la Nerthe (Carry-le- Rouet, le Rove). Il écrit à propos du littoral à l’Ouest de Marseille : « on voit même des couches qui, dans leur mouvement, ont décrit plus d’un quart de révolution : elles sont renversées ». Et plus loin, à propos du secteur de Simiane : « les couches sont disposées dans un ordre inverse à celui dans lequel on devrait les observer […] elles ont été renversées ».

Il attribua ces phénomènes à des soulèvements dont la conséquence a été « de disloquer le sol, de séparer des parties jadis adjacentes et de transporter à des distances plus ou moins considérables, plus ou moins élevées les unes par rapport aux autres, des couches continues, qui formaient d’abord un seul et même tout ».

Matheron se montra ainsi excellent observateur, même s’il ne donna pas de développement à ces premières descriptions et n’en tira pas d’interprétation structurale d’ensemble, ce que saura faire Marcel Bertrand, …quelque cinquante ans plus tard. Les diverses présentations et discussions qui eurent lieu entre les participants à la Réunion extraordinaire de la Société géologique de France à Aix en 1842, montrent que les géologues étaient acquis à cette époque aux « soulèvements » des massifs et aux redressements des couches géologiques sous l’effet de mouvements d’origine profonde, en accord avec les idées sur les systèmes de montagne professées par Élie de Beaumont dès 1829. Les coupes dessinées à cette occasion montrent toutefois qu’on était enclin à ne voir dans la structure de la Provence que l’existence d’ondulations anticlinales et synclinales propres à expliquer la disposition des différents terrains. Transportons-nous maintenant quelques années plus tard (1856) dans le Var pour y constater que Honoré Villeneuve-Flayosc observa à son tour les renversements de couches dans le Muschelkalk toulonnais mais qu’il n’en tira pas, lui non plus, de conclusion tectonique.

Il fit jouer au volcanisme un rôle majeur dans les « soulèvements » des massifs provençaux, ce qui le poussa à rechercher la présence d’un foyer volcanique à proximité des chaînons varois. « Toutes les inclinaisons de couches sont dues à des montées volcaniques » écrivit-il dans son important mémoire de 1856, considérant que « l’escarpe des montagnes est du côté le plus rapproché du foyer volcanique ».

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Il étendit l’influence de cette cause à la morphogenèse de la Provence : « les phénomènes qui ont produit les soulèvements ont aussi produit les fractures et les clues, les dépressions ou les affaissements ». La formation des gorges d’Ollioules, par exemple, a coïncidé, selon lui, « avec le surgissement du volcan de Rougiers ». Et même, « la dolomification » [sic] est, dans le Var, le « simple résultat de puissants soulèvements ». Villeneuve-Flayosc eut une intuition (toutefois confuse), de ce que l’on nomma plus tard les phases tectoniques. Pour lui, la Provence est le résultat d’une série de « dislocations » produites, chaque fois, par une intrusion plutonique qui va rompre la croûte terrestre, « déranger les eaux de leur équilibre », « corroder les terrains déjà formés », dont les débris forment des poudingues. Ainsi, selon lui, les massifs de la Sainte-Baume et de la Sainte-Victoire, ont été « disloqués jusqu’à cinq fois ». L’abandon de la démarche naturaliste, qu’il avait pourtant utilisée avec succès dans ses descriptions stratigraphiques des terrains du Var, l’entraîna à adopter sans discernement la doctrine des systèmes de montagnes d’Élie de Beaumont pour expliquer la structure de la Provence, ses principaux reliefs, ses sources et ses cours d’eau7.

Fig. 8. Coupes du massif de la Sainte-Baume par Henri Coquand (1863). La coupe du haut passe par la haute chaîne jusqu’au plateau du Plan d’Aups. La coupe du bas lui fait suite à travers le massif de la Lare jusqu’à la vallée de l’Huveaune (Saint-Zacharie). Les pendages des différentes unités sont, dans l’ensemble, respectés. Noter les accidents verticaux séparant les divers compartiments tectoniques et, dans la coupe du haut, la structure en synclinal renversé des couches attribuées par Coquand au « Provencien » (P) (Turonien supérieur). Comparer avec l’interprétation de Marcel Bertrand (Fig. 13) et celle de J.-P. Caron, G. Guieu et C. Tempier (Fig. 39).

En 1863, ce fut au tour d’Henri Coquand de se confronter aux problèmes structuraux de la Provence (en l’occurrence ceux de la Sainte-Baume), tout en privilégiant encore les « dislocations » et les « soulèvements », sans se perdre pourtant dans les errements géométriques de Villeneuve-Flayosc.

7 Émile Haug aura un jugement sévère, mais juste, traitant d’« aphorismes fantaisistes » les 31

Le temps des fondateurs 45 Notre dynamique géologue aixois aborda l’étude du massif en stratigraphe, décrivant (avec justesse) l’ensemble des étages qui en assurent la constitution. En bon observateur, il n’ignora pas le renversement des couches de la haute chaîne, ni le synclinal redressé du Plan d’Aups (dû, selon Coquand, à un « refoulement »), ses coupes faisant apparaître distinctement ces particularités structurales du massif. Mais là s’arrêtent ses observations tectoniques, et c’est par des failles rigoureusement verticales qu’il interpréta les contacts entre les différentes unités structurales du massif (fig. 8). En conclusion, Coquand écrivit : « les failles nombreuses et les renversements de couches qui ont dénivelé les étages ou interverti l’ordre primitif de leur superposition se réfèrent à la révolution qui a déterminé le surgissement des Alpes principales » (c’est-à-dire la fin du Tertiaire dans la théorie d’Élie de Beaumont).

De son côté, Matheron suivit le percement du tunnel ferroviaire de la Nerthe, dont il donna une coupe en 1864 (b), lors de la Réunion extraordinaire de la Société géologique de France à Marseille. Grâce à sa connaissance de la stratigraphie, Matheron rendit bien compte de la structure d’ensemble du massif, mais tous les contacts anormaux qui séparent les différents compartiments tectoniques furent attribués à des failles verticales qui, selon Matheron, sont à l’origine de la « dislocation de la chaîne de la Nerthe ».

Fig. 9. Esquisse de la paléogéographie de la Basse-Provence au Sénonien (d’après Antoine- Fortuné Marion, 1872). Il s’agit, en fait, d’une interprétation de la distribution des couches marines du Santonien. Les limites d’affleurement du Santonien sont confondues avec des lignes de rivage. Deux digitations de la mer sénonienne séparées par une vaste zone émergée préfigurent le concept de « golfe de Basse-Provence » de Louis Collot.

Comment se traduisaient dans l’enseignement les idées de cette époque sur la tectonique