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Les indicateurs : des outils incontournables

3.1 Une approche théorique complexe

3.1.1 Dénition et élaboration

3.1.1.1 Un outil de simplication

Il est relativement dicile de trouver une dénition précise de ce qu'est un indi- cateur. En guise d'entrée en matière, nous pourrions citer l'analyse originale qu'en fait Hartmut Bossel (Bossel, 1999) :  Nous vivons par ces indicateurs. Un sourire signale la convivialité ; un ciel gris, une possible pluie ; un feu rouge, un danger de collision ; les aiguilles d'une montre, le temps qui s'écoule ; une température corpo- relle élevée, la maladie ; la hausse du chômage, des troubles sociaux. Du plus complexe petit monde dans lequel chacun de nous vit, nous devons regarder ces indicateurs. Si nous voulons évaluer ce que nous faisons en tant qu'individus ou en tant que société, nous devons examiner les indicateurs pertinents qui fournissent les informations sur les développements actuels et futurs possibles. Les indicateurs résument l'in- formation complexe de la valeur à l'observateur. Les indicateurs sont notre lien vers le monde. Ils condensent son énorme complexité à une quantité gérable d'informations signicatives, à un petit sous-ensemble d'observations informant nos décisions et dirigeant nos actions .

Il s'agit ainsi de pouvoir comprendre la complexité du monde qui nous entoure, ses dynamiques, ses structures à travers une information traitée et simpliée. Ainsi, de quoi est constitué, concrètement, un indicateur ? Il ne peut être constitué que d'un chire ou d'une donnée brute, car son but est précisément de rendre lisible et interprétable des informations, le plus souvent chirées, pour pouvoir évaluer et interpréter un phénomène. Prenons un exemple courant et souvent percutant dans le grand public : les chires du chômage. Le chire lui-même est une donnée brute. Lorsqu'il est ensuite traité et analysé en fonction de son augmentation ou de sa di- minution, il devient un indicateur de performance économique du territoire observé [?]. Deux choses ont été nécessaires pour la production de cet indicateur :

 sa transformation d'un chire brut en donnée quantitative compréhensible, normalisée (le plus souvent en pourcentage, dans l'exemple ici donné)

observé (ici, l'évolution du taux de chômage par rapport à une situation anté- rieure qui permet une comparaison et donc de tirer des conclusions).

En résumé, nous pouvons donc dire qu'un indicateur est le produit d'une construc- tion (Boutaud, 2010). Cette construction s'appuie sur une  matière première , le plus souvent constituée de données chirées produites et agencées selon des règles de construction précises généralement issues de consensus scientiques ou techniques, transformées dans le but d'en faire une information lisible et explicative d'un phé- nomène ou d'un concept étudié. Pour permettre cette explication, cette évaluation, il faut si possible que cet indicateur puisse décrire la situation en fonction d'un seuil faisant porter un jugement de valeur sur ce phénomène étudié. Pour en revenir à l'exemple du taux de chômage, les experts et/ou décideurs exploitant cet indicateur peuvent dénir un seuil chiré au delà duquel la performance sera jugée mauvaise (Figure 3.1. La dénition de ces seuils variant évidemment selon les caractéristiques de chaque territoire, nous aurons l'occasion d'y revenir.

Ainsi, l'indicateur permet plusieurs actions, plusieurs observations. En eet, il peut Figure 3.1  La production d'indicateurs

à la fois donner des informations quantitatives structurelles et évolutives sur le sujet observé. Ces diérentes informations vont permettre aux décideurs d'avoir un état des lieux (informations structurelles) concernant le phénomène observé, ainsi qu'une mise en perspective tendancielle (évolution mesurée) en fonction du contexte et des caractéristiques du sujet observé (seuils). Ces informations permettront ainsi aux preneurs de décisions d'orienter leurs actions en fonction des objectifs xés. Ainsi,

un indicateur se révèle être un moyen d'évaluer puis d'orienter les politiques pu- bliques. Au regard des éléments exposés dans la première partie, il s'agit donc d'un outil fondamental sur lequel s'appuyer pour permettre l'analyse d'un territoire en fonction de ses spécicités. De plus, au-delà de l'information proprement dite qu'il délivre, l'indicateur va également se révéler, in ne, un outil de communication à l'égard des élus et/ou du grand public : la simplication des données brutes, la lisi- bilité qu'il donne à un phénomène va le rendre utile à celui qui l'exploite en fonction de son public cible. Les experts vont pouvoir l'utiliser pour mettre en lumière un phénomène complexe auprès des décideurs. Ceux-ci peuvent également, à leur tour, exploiter un indicateur à des ns de communication politique à l'attention du grand public pour justier leurs choix. Bref, un indicateur est la traduction d'un phéno- mène ou d'un concept sous une forme le plus souvent quantitative (Boutaud, 2010), de manière à en apporter une analyse à la fois simpliée et rigoureuse. Il est à la fois un outil de mesure et de communication.

Le recours aux indicateurs va donc être de plus en plus fréquent dans un contexte, nous l'avons vu, où l'évaluation des politiques publiques va gagner en importance. Cela pose la question des objectifs assignés aux indicateurs auxquels on recourt. L'un des apports d'un indicateur est de mesurer l'évolution d'un phénomène en fonction d'un seuil, c'est à dire d'un jugement subjectif à partir duquel la tendance va être interprétée en fonction des objectifs initiaux. Dans le monde actuel, nous allons ainsi voir fréquemment apparaître la notion de  performance , qui sera sou- vent rattachée à l'outil indicateur. Celui-ci se doit de mesurer la performance d'une économie, d'une entreprise, d'un territoire... Nous avons ainsi pu voir se développer de nombreux  indicateurs de performances , notamment dans le monde de l'en- treprise1. Le développement des indicateurs s'inscrit ainsi dans un contexte d'une

rationnalisation des politiques et des décisions publiques. Toutefois, l'indicateur ne saurait être réduit à une seule dimension comptable. Son utilisation est actuellement répandue dans la plupart des domaines de l'action publique et la mesure des perfor- mances qu'il permet embrasse aussi bien le spectre économique que d'autres champs et notamment le domaine environnemental, comme nous allons le voir. Répétons-le, la production en elle-même d'un indicateur va dépendre de l'objectif assigné par le décideur. La performance mesurée par l'indicateur sera ainsi une analyse quantita-

1. Cette logique  rentabiliste  souvent associée, à l'origine, aux indicateurs sera évidemment critiquée, certains voyant le recours massif aux indicateurs  de performance  comme la consé- quence d'une marchandisation du monde et notamment des politiques publiques (Guillaume, 2009)

tive rigoureuse mais subjective, en ce sens qu'elle est conditionnée à la perception qu'en a son commanditaire.

3.1.1.2 Territorialisation des indicateurs

Dès lors, de quel commanditaire parle-t-on ? Traiter de l'élaboration des indi- cateurs invite évidemment à se poser la question de l'entité sur laquelle il vont s'appliquer. Ils permettent d'établir un diagnostic sur une situation donnée, spatiale (sur un territoire observé) ou temporelle (évolution d'un phénomène sur une durée déterminée). Dans le domaine qui nous intéresse, celui du développement durable, il apparaît assez évident que le recours aux indicateurs et aux informations que ceux- ci produisent va impliquer une analyse ancrée dans l'espace. La durabilité, nous l'avons vu, embrasse de vastes thématiques relatives aux enjeux environnementaux et socio-économiques. Ainsi, si l'évolution d'un phénomène dans le temps est indis- pensable à l'évaluation de la durabilité, cette évaluation nécessite l'observation d'un ou des territoires. C'est sur ce territoire observé que vont pouvoir être évaluées les diérentes actions menées pour satisfaire aux objectifs du développement durable. De plus, nous avons vu en première partie que les réexions issues des diérents sommets de la Terre insistaient sur le développement de la démocratie participa- tive, c'est à dire l'implication accrue des acteurs, citoyens et décideurs. Cela invite logiquement à décentraliser les modes de décisions en territorialisant les actions au plus près des acteurs de terrain. Dans cet esprit, l'élaboration d'indicateurs va de- voir s'appuyer sur des observations de terrain. De cette manière pourront être mis en place des indicateurs capables de prendre en compte les réalités et spécicités concrètes d'un secteur étudié, tout en permettant l'élaboration d'une information plus générale, capable de fournir un outil adapté aux spécicités communes d'un même type de territoire (par exemple des indicateurs spéciques aux milieux ur- bains). Cette territorialisation de la production d'indicateurs va de fait s'appuyer sur les acteurs locaux, et notamment les acteurs publics.

A ce titre, les collectivités locales sont aujourd'hui fortement impliquées dans la demande et l'élaboration d'indicateurs territoriaux an que ceux-ci leur fournissent les informations nécessaires au diagnostic territorial et aux prises de décisions en dé- coulant face aux impératifs du développement durable. Cela leur permet de remplir le rôle moteur leur ayant été assigné lors du sommet de Rio :  Ce sont les collecti- vités locales qui construisent, surveillent les processus de planication, qui xent les

orientations et la réglementation locales en matière d'environnement et qui apportent leur concours à l'application des politiques environnementales adoptées à l'échelon national ou infranational. Elles jouent au niveau administratif le plus proche de la population, un rôle essentiel dans l'éducation, la mobilisation et la prise en compte des vues du public en faveur du développement durable  (extrait du Programme des Nations-Unies pour l'Environnement, Action 21, chapitre 28, 1992). Cette approche territorialisée implique de ce fait de porter sur cet espace la réexion relative à la conception des indicateurs. Les indicateurs territorialisés du développement durable sont ainsi tenus de rassembler toutes les informations nécessaires à la connaissance et à la gouvernance d'un territoire dans une perspective de durabilité économique, sociale et environnementale (Decamp et Vicard, 2010). Cette source d'information pour les politiques relatives au développement durable va faire des indicateurs des outils cruciaux mais pour le moins diciles à appréhender pour satisfaire à l'exigence d'une information globale et lisible.