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Les indicateurs : des outils incontournables

3.2 État des lieux méthodologique

3.2.1 Complexité des ensembles d'indicateurs

Dans un premier temps, il nous paraît important de revenir sur les méthodes d'analyse d'un territoire par des ensembles d'indicateurs. Nous avons vu que ceux-ci pouvaient sourir d'un manque de synthétisation et de lisibilité, mais il n'en demeure pas moins qu'ils constituent un élément essentiel de l'évaluation de la durabilité des territoires et qu'ils illustrent ainsi la prolifération évoquée plus haut. Il apparaît que les choix relatifs à la sélection des indicateurs et leur catégorisation s'avèrent extrêmement complexes. Il existe en eet de nombreuses méthodes d'évaluations de la durabilité des territoires qui ont en général une structuration particulièrement complexe. Des états de l'art ont déjà été réalisés en la matière (Ness et al., 2007 ; Singh et al., 2011 ; Bond et al., 2011). Un ouvrage réalisé par Bell et Morse, publié en 1999 et réédité en 2008, possède un titre évocateur qui peut à lui seul résumer la diculté de l'exercice :  Indicateurs de durabilité : Mesurer l'immesurable ? .

3.2.1.1 Complexité des outils d'évaluation

La complexité des structures techniques visant à procéder à l'évaluation de la durabilité est bien représenté dans la gure 3.4, (Ness et al., 2007).

Figure 3.4  Framework for sustainability assessment tools, d'après Ness et al., 2007

Cette proposition de cadre méthodologique montre combien peut être vaste l'or- ganisation méthodologique d'un processus d'évaluation. Nous pouvons y voir que les indicateurs sont une composante de ce processus, formant un ensemble étant lui- même découpé en plusieurs catégories. Il apparait notamment une distinction entre indicateurs intégrés et non intégrés.

1. Les indicateurs non-intégrés sont identiés comme des indicateurs généraux permettant de comparer diérents territoires entre eux, notamment dans le cadre de programmes internationaux dans lesquels ils sont utilisés (par exemple, une soixantaine d'indicateurs utilisés par la CNUDD (Commission des Nations- Unies pour le Développement Durable). Il s'agit donc d'indicateurs globaux fa- cilement exploitables dans divers territoires, mais conçus sans processus d'agré- gation à partir de données du terrain.

2. Les indicateurs intégrés, eux, sont des indicateurs souvent issus d'agrégations de données (donc des indicateurs synhtétiques), de type IDH comme nous avons pu le voir plus haut.

Nous retrouvons ici le clivage concernant la question de la synthèse et donc de l'agrégation des données. Entre les deux, des indicateurs analysant les ux observés dans divers domaines sur la région étudiée. Nous pouvons voir ainsi une possible complémentarité entre des ensembles d'indicateurs et une démarche de production d'indicateurs synthétiques, tout cela s'intégrant dans un processus d'évaluation gé- nérale visant à fournir une étude prospective d'une politique d'aménagement. La conclusion exposée dans l'article présentant ce schéma met l'accent sur le besoin de complémentarité entre l'évaluation des performances spéciques au site étudié et le besoin d'outils plus larges et standardisés permettant leur utilisation sur diérents territoires (Ness et al., 2007). Nous retrouvons ici concrè- tement les questionnements soulevés dans le chapitre 2 : à travers la construction d'indicateurs et leur synthétisation, il s'agit de pouvoir répondre à cet enjeu de complémentarité.

3.2.1.2 La dicile simplication

Nous pouvons nous arrêter rapidement sur un ou deux exemples de méthodolo- gies cherchant à mesurer la durabilité d'un territoire en se basant sur le recours à ces ensembles d'indicateurs. Celui donné par Tanguay et al (2009) est à ce sujet assez éclairant7. Il s'agit d'une méthodologie visant à mesurer la durabilité des espaces

urbains à partir d'ensembles d'indicateurs sélectionnés dans les domaines touchant aux problématiques rencontrées en milieu urbain. A partir d'études de terrains dans diérentes villes, un ensemble de 188 indicateurs a été sélectionné, en fonction des in- dicateurs les plus repris dans lesdites enquêtes. Là encore, il est souligné la diculté

relative au ou conceptuel du développement durable pour identier les indicateurs pertinents et les ranger dans telle ou telle sphère. Certains indicateurs pouvant re- couper diérents domaines, il a ici été choisi de les catégoriser, le cas échéant, dans les domaines regroupant plusieurs sphères : viables, équitables, vivables, durables (- gure 3.5). Partant de là, leur méthodologie va consister à sélectionner les indicateurs les plus représentatifs de chaque catégorie, pour parvenir à un nombre d'indicateurs limités mais jugés pertinents. Cette sélection se fonde sur la recherche, via la litté- rature et les études réalisées décrites précédemment, des caractéristiques suivantes :

 indicateurs les plus cités

 indicateurs recouvrant chacune des catégories du développement durable  indicateurs dont la collecte, la compréhension et la diusion sont les plus faciles De cette façon, il va être procédé à la sélection de 29 indicateurs (15 % du total), après avoir recoupé les trois critères énoncés précédemment. Des ajustements se- ront évidemment nécessaires, notamment pour que chaque dimension du schéma des trois sphères soit correctement représentée. Cette sélection, avec une inévitable dimension arbitraire, va retenir ainsi une trentaine d'indicateurs répartis dans les diérentes dimensions du développement durable de manière similaire aux 188 indi- cateurs de départ (gure 3.5). Cette méthodologie originale nous paraît intéressante Figure 3.5  Classication et proportion des 29 indicateurs retenus par rapport aux 188 indicateurs initiaux, d'après Tanguay et al, 2009

en ce sens qu'elle propose une réexion quant à la nécessaire sélection d'un nombre limité d'indicateurs, à partir d'un vaste ensemble. Elle s'oriente ainsi dans le sens d'une simplication et d'une meilleure lisibilité des informations. Toutefois, elle ne s'appuie pas sur le recours à la synthétisation des indicateurs mais à la sélection des

plus représentatifs de chaque sphères. Au passage, ces indicateurs sont à l'avance, le cas échéant, catégorisés dans des domaines communs à plusieurs sphères. Ainsi, ce travail de simplication d'un ensemble d'indicateurs s'appuie sur des choix subjectifs basés sur des études empiriques. Si l'on peut voir en observant les résultats que près d'un quart des indicateurs utilisés s'inscrivent dans la catégorie durable, c'est à dire le niveau de durabilité maximale satisfaisant à l'équilibre des trois sphères, c'est en raison de la classication intuitive de ces indicateurs dans cette catégorie. Or, ne faudrait-il pas plutôt que cette catégorisation soit le résultat d'un processus méthodologique quantié, issu d'une agrégation de données ? Nous posons ici une question sur laquelle nous aurons à revenir.

Ce questionnement nous ramène ainsi à l'objectif de synthétisation des indicateurs via l'agrégation et le regroupement des informations. Dans le cadre d'une évaluation de la durabilité, ce principe tend à envisager des étapes d'agrégation des indicateurs comme celle présentée dans la gure 3.6, issue de travaux menés dans les années 2000 sur la question de l'évaluation des performances en matière de durabilité (Keeble et al., 2003). S'il y a ici quatre catégories retenues pour le développement durable Figure 3.6  The 69 indicators and their link to the four key sustainable deve- lopment questions, d'après Arthur D. Little, 2003

logique qui préside à agréger, par diérentes étapes, des indicateurs an de produire des informations plus générales. Nous retrouvons ici l'école des agrégateurs puisque le processus connaît quatre étapes de simplication des données.

Ce qu'il faut retenir des quelques exemples montrés dans cette sous-partie, c'est que nous pouvons constater, dans la littérature, la prolifération d'indicateurs évoquée dans le 3.1. Prolifération doublée d'une complexité manifeste dans l'organisation technique et méthodologique des processus d'évaluation. Dès lors, parvenir à déga- ger des informations synthétiques et lisibles peut paraître une gageure. S'il peut être tenté de procéder à cette simplication par le biais d'une sélection des  meilleurs  indicateurs en identiant ceux jugés les plus représentatifs, la méthodologie relative à la production d'indicateurs synthétiques, exposée dans le 3.1, nous paraît plus solide et mérite que nous nous penchions dessus an d'identier des élements sur lesquels nous appuyer.