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Les  critiques  sociologiques  et  économiques  des  trappes

Première partie : Recomposition des politiques publiques de l’emploi et nouveaux cadres paradigmatiques

II. Effets de convergence et analyse critique des points aveugles des politiques d’activation politiques d’activation

1.   Les  critiques  sociologiques  et  économiques  des  trappes

Plusieurs types d’arguments remettent en cause les théories des trappes d’inactivité. D’une part, de nombreuses études sociologiques et économiques invalident les postulats de la théorie de l’action rationnelle. Des recherches pointent également la non-prise en compte, dans la théorie de l’offre, des éventuels dysfonctionnements inhérents au recrutement, ainsi que de la qualité des offres proposées, point aveugle des politiques d’activation. Ceci conduit à prendre

au sérieux la possibilité d’une « rationalité située » des chômeurs lorsqu’ils décident de ne pas obéir aux injonctions de politiques basées sur un retour rapide à l’emploi, quelles que soient ses conditions.

-­‐Le  maintien  de  l’attachement  au  travail  comme  facteur  d’intégration  sociale  

La théorie de l’action rationnelle, qui postule que l’individu arbitre en faveur des loisirs à revenu constant, ne résiste pas aux études économiques et sociologiques qui ont porté sur les trappes. De nombreuses enquêtes montrent qu’en dépit d’un faible écart, voire d’une perte de revenus entre les revenus sociaux et les contrats qu’ils acceptent93, la plupart des bénéficiaires préfèrent le travail aux revenus de remplacement94 car l’emploi reste synonyme d’intégration sociale et son absence renvoie au sentiment d’inutilité au monde (Castel, 1995, 2003).

Le phénomène même de trappe est contesté par certains auteurs. Ainsi, Sterdyniak

95souligne l'imprécision du mode de calcul du modèle de Laroque et Salanié, montre que nombre de salariés acceptent de travailler pour des gains très faibles et que ce nombre serait plus important encore si le travail à temps partiel avait été pris en compte dans le modèle. De son côté, Ramaux (2006) remet en cause l’existence des trappes depuis la montée en charge des politiques d’incitation à l’activité et des mesures d’intéressement incluant la possibilité de cumul des revenus sociaux avec un contrat précaire ; ses travaux soulignent que le gain monétaire existe, y compris pour un temps partiel et que la plupart des chômeurs bénéficiaires de l’ASS ou du RMI sont prêts à accepter « n’importe quoi » pour travailler.

Au-delà du débat sur l’existence des trappes, les enquêtes successives sur le comportement des chômeurs face aux trappes mettent en évidence le maintien de l’attachement au travail quelles que soient les conditions d’emploi. Les chômeurs au RMI apparaissent très actifs dans leur recherche d’emploi et refusent rarement un emploi et encore plus rarement pour des raisons financières : selon une enquête Dares de 1998, environ un tiers des allocataires, ayant (re)pris un emploi, n’y trouvaient aucun gain financier significatif et

93 Plusieurs études attestent en effet de l’existence des trappes dans le cas d’un emploi à mi-temps rémunéré au SMIC (Zadjela, 2001) pour lequel l’allocataire ne perd pas seulement le bénéfice du RMI, mais perd également des prestations associées à son statut (actions sociales locales, majoration du montant de l’allocation dès le premier enfant, dettes suspendues...).

94 Afsa, Guillemot, 1999, Rioux, 2000, 2001, Guillemot et al, 2002, Pucci, Zadjela, 2006, Lelièvre, Nauze-Fichet, 2008

95 Sterdyniak I., «Économétrie de la misère et misère de l'économétrie », Revue de I'OFCE, 75, 2000, pp. 299-314.

12% déclaraient même y perdre mais en retiraient pour la plupart un mieux-être. Bien que l’emploi aidé soit perçu comme un marchepied vers une réinsertion sur le marché du travail, le danger se situe moins dans la trappe à chômage que dans la trappe à pauvreté car les allocataires du RMI occupent pour la plupart de « mauvais emplois » et restent très souvent confinés dans un secteur secondaire, sans transition ou presque vers un secteur primaire composé de « bons emplois » (Guillemot et al, 2002). D’autres études sociologiques (Dubet, Vérétout, 2001, Benarrosh, 2003) invalident également l’hypothèse d’un calcul coûts/avantages économiques : l’étude de Dubet fait ressortir qu’à trois quarts de SMIC, ceux qui gagnent peu sont plus nombreux à sortir du RMI que ceux qui améliorent leurs revenus de 50%.

Ce constat de la faiblesse du chômage volontaire reste vrai pour l’ensemble des bénéficiaires de revenus sociaux, y compris les chômeurs indemnisés : selon une étude de Simonin (2000), 15% seulement des chômeurs interrogés déclarent vouloir refuser tout emploi inférieur à leur qualification, le refus d’un CDD est très rare et plus de 80 % accepteraient une mission d’intérim ou un emploi à temps partiel. Plus de la moitié des personnes accepteraient également un CES et seul le travail au noir est très majoritairement refusé.

Un autre phénomène vient contredire la théorie du chômage volontaire issu des effets désincitatifs des revenus sociaux : la méconnaissance des mesures d’intéressement et le taux de non-recours. Ainsi, 4 bénéficiaires de l’ASS sur 10 déclarent ignorer la possibilité de cumuler cette allocation avec un emploi, alors même que la possibilité en a été élargie avec loi de lutte contre les exclusions sociales de juillet 1998 (Dares, 2003). Des études plus récentes confirment l’existence, voire l’amplification du phénomène de non-recours au système d’indemnisation (Warin, 2007).

La théorie du chômage volontaire pour les bénéficiaires de revenus de remplacement ne résiste donc pas à l’épreuve des faits, d’une part parce que les études montrent qu’une majorité préfère travailler malgré le phénomène de trappe, d’autre part parce que l’essor du RMI doit moins au chômage volontaire qu’aux nombreuses réformes de l’indemnisation du chômage (Tuchszirer et al, 1999) et à la dégradation des normes d’emploi liée au développement du temps partiel qui a déplacé la norme sociale de référence à un demi-SMIC (Zadjela, 2001, Outin, 2008).

-­‐Les  offres  non  pourvues  vs  la  rationalité  limitée  du  recruteur  

D’autres postulats de la théorie de l’offre sont également battus en brèche. Par exemple, l’efficacité des exonérations de cotisations sociales et des aides aux entreprises sur le taux d’emploi apparaît limitée. S’ils permettent de contrer une tendance spontanée à l’aggravation de la situation et ainsi de dégager un nombre de chômeurs évités, ces dispositifs sont aussi sensibles à plusieurs effets pervers qui limitent leur impact : effet d’appel sur les ressources en main-d’œuvre, tension sur les salaires, phénomène de substitution qui fait que les bénéficiaires évincent d’autres catégories d’actifs, anticipation d’embauche par rapport aux mesures d’exonérations (Rapport Hara96, 1989, Dares, 2003, p.68).

Cependant, l’idée continue de dominer les politiques publiques que le chômage est principalement, surtout pour les plus bas salaires, le symptôme d'un coût excessif de la main-d'œuvre qui freine les entreprises dans leurs embauches.

Un autre postulat de la théorie de l’offre, selon lequel l’inemployabilité des personnes provient avant tout des déterminants individuels, laisse de côté le rôle des entreprises dans la construction ou la destruction de l’employabilité : dans cette logique, l’action publique suppose implicitement que les employeurs « savent parfaitement évaluer les demandeurs d’emploi et adoptent des modes de recrutement tout à fait rationnels les conduisant à rejeter effectivement les moins utiles à l’entreprise » (Salognon, 2006).

Or, d’une part, la faible proportion d’offres non satisfaites enregistrées à l’ANPE97 dément l’hypothèse qu’il existerait un gisement important d’emplois non pourvus en raison du manque d’offre de travail ou d’une offre de travail non conforme. D’autre part, à travers le phénomène des offres non pourvues, plusieurs études montrent que la mise en avant des difficultés de recrutement des entreprises masque aussi des pratiques liées à un processus mal maîtrisé de sélection de main d’œuvre. Ainsi, Du Crest (1999) met en évidence plusieurs types d’effets qui ne relèvent pas de l’offre de travail mais bien des employeurs : l’effet loupe (la tendance des employeurs à exagérer les manques dans une profession donnée), l’effet de manque (le recrutement sur un profil différent entraine un allongement de la durée de recrutement), l’exigence trop élevée des employeurs par rapport aux besoins ou aux disponibilités, ou encore l’effet de compensation, selon lequel les entreprises multiplient les postes pour pallier le manque de productivité d’une main-d’œuvre pas assez qualifiée.

96 Hara R., Les dispositifs d’insertion et de réinsertion des demaneurs d’emploi, Travail et Emploi, DARES, n°42, p.74-81

97 300 000 offres d’emploi non satisfaites à l’ANPE sont à comparer aux quelque 2,5 millions de chômeurs (Concialdi, 2002). Elles renvoient en fait fréquemment à un simple «délai de réponse» (temps de sélection des candidats, d’enregistrement de l’embauche, etc.)

Prokovas et al 98 montrent que les difficultés à recruter sont aussi corrélées au secteur et à la taille des entreprises : certaines pratiques, telles que le manque d’anticipation des besoins, l’inadéquation des critères de sélection, la réticence à former dans une optique de rentabilité immédiate, sont plus répandues dans les petites entreprises, moins habituées au processus de recrutement et dotées d’un service administratif réduit.

Enfin, du strict point de vue de l’offre de travail, le manque d’offre de travail pour des emplois donnés peut être dû non pas à un arbitrage travail/loisir mais à un manque d’attractivité de certaines filières professionnelles dès l’entrée en formation, à une politique de logement ou de transports déficiente en région rurale, ou encore à des conditions de travail difficiles (Du Crest, 1999). D’autres études pointent enfin les inégalités de ressources mobilisables dans la conduite de recherche d’emploi : par exemple, les employés de commerce et de service ne disposent pas d’institutions spécialisées pour leur placement à l’inverse des cadres, tandis que la place accordée à l’intérim ou le recours fréquent à l’entourage est variable selon les régions (Simonin, 2000).

-­‐Pour  une  “rationalité  située”  de  l’acteur  

Comme on a pu montrer qu’il existait une rationalité limitée du recruteur non prise en compte dans la théorie néo-classique du chômage volontaire, le phénomène de dégradation des normes d’emploi mis en évidence dans de nombreuses études (cf paragraphe 2) invite à considérer l’existence d’un autre type de rationalité occultée par cette même théorie, une

« rationalité située » (Dubet, Vérétout, 2001) des chômeurs qui refuseraient des normes d’emploi dégradées ou qui tenteraient d’échapper aux risques de déqualification qu’impliquent les politiques d’activation, même si une majorité d’entre eux est prête, comme on l’a vu dans la section précédente, à accepter y compris des emplois dégradés.

Le déplacement de la norme d’emploi d’un SMIC à temps plein et à durée indéterminée vers un SMIC à temps partiel et à durée déterminée, éclaire un point aveugle des politiques d’activation : le postulat que n’importe quel emploi est meilleur que pas d’emploi du tout, selon la formule « Any job is better than no job » (Boismenu et al, 2003). Car c’est ainsi que l’on peut résumer une déclinaison dominante des politiques d’activation en Europe : réduire le nombre, le montant et la durée des dépenses d’indemnisation, pousser les personnes

98 Prokovas Nicolas, Delvaux Guillaume, Zanda Jean-Louis, Les difficultés de recutement : tensions et réajustements sur le marché du travail, L’Observatoire de l’ANPE, 2001

à reprendre un emploi le plus rapidement possible, au risque d’augmenter « le nombre de mauvais emplois et de travailleurs pauvres qui auront besoin d’un soutien de revenu apporté par l’Etat » (Méda, 2009, p.772).

Ce postulat soulève une question éthique, que résume ainsi deux économistes : « Peut-on soutenir que les chômeurs, parce qu’ils sont sans emploi, doivent accepter les postes les plus difficiles et les moins bien rémunérés ? » (Du Crest, 1999, p.119), ou, dit autrement, «sur quelle base osons-nous affirmer qu’il est préférable, du seul point de vue du statut, d’être un travailleur pauvre plutôt qu’un allocataire du RMI? » (Zadjela, 2001, p.103).

Plusieurs études sociologiques mettent en exergue les contraintes, non prises en compte par les politiques d’incitation à l’activité, qui empêchent les personnes au chômage d’accéder ou de se maintenir dans l’emploi, et montrent les stratégies adoptées par ceux-ci pour faire face à ces contraintes. Ces études contribuent à faire émerger un point de vue du sujet qui rompt avec l’homogénéisation des comportements à l’égard de l’emploi et du chômage.

Ainsi, Dubet et Vérétout (2001), arguant d’une « rationalité située » des acteurs, identifient plusieurs types de « bonnes raisons » de ne pas sortir du RMI, qui ne sont pas constitutives d’un modèle d’explication des conduites, mais permettent d’invalider le modèle trop simpliste des trappes. Parmi ces « bonnes raisons », figurent les raisons de santé comme la dépression, la maladie, le handicap, mais aussi les coûts cachés d’accès au travail (frais de transport, de représentation), les coûts de transaction liés à la lourdeur des échanges administratifs dans les cas fréquents de récurrence du chômage, les conditions de travail et l’importance du travail au noir. Sur les conditions de travail, l’auteur rappelle la distinction entre emploi et travail et rejoint le constat des études économiques sur la dégradation des normes d’emploi, qui a vu augmenter les « bad jobs », travaux épuisants, précaires, sans perspective de carrière et de sécurité, proposés aux plus fragiles et aux moins qualifiés.

Benarrosh (2003) offre également un démenti aux thèses des trappes d’inactivité en ce qui concerne les Rmistes : l’auteur met en évidence le refus d’emploi immédiat au nom d’une recherche d’efficacité économique à plus long terme dans le cadre de projets personnels, ou d’un refus de la précarité négative, rejoignant l’argument d’une recherche d’autonomie présente dans l’enquête de Dubet. Elle souligne également d’autres contraintes objectives (garde des enfants en bas âge, divorce) qui peuvent pousser certaines femmes Rmistes à se mettre en retrait temporaire du marché du travail. Comme Dubet, son étude conclut à l’importance de la prise en compte du temps et à donc à la réversibilité des facteurs de

maintien dans le RMI, pour comprendre les comportements de recherche d’emploi, à articuler avec les conditions du marché du travail.

A propos de l’insertion professionnelle des jeunes précaires, Nicole-Drancourt (1994) insiste également sur cette dimension processuelle, non intégrée dans les modèles théoriques d’explications du chômage volontaire, dimension essentielle pour comprendre qu’en dépit des stratégies de report et d’une différenciation importante entre hommes et femmes dans le rapport à l’activité, on observe dans la plupart des cas un retour à l’activité à l’approche de la trentaine.

Burgi (2006), au terme d’une étude sur l’accompagnement de personnes au RMA, note également que même en cas de trappe, la décision de ne pas travailler n’est jamais définitive et qu’elle « obéit à d’autres considérations qu’une simple anticipation de gains ». L’auteur met en évidence deux facteurs favorisant l’engagement dans l’emploi : un projet de (re)construction familiale ou d’émancipation et de conquête de l’indépendance personnelle.

On retrouve, là encore une dimension déterminante du rapport à l’emploi, celle de la recherche du meilleur équilibre possible entre le type d’emploi proposé et les contraintes personnelles.

Autre réponse « rationnelle » à la rareté et à la précarité des emplois, le travail au noir revêt de nombreuses dimensions occultées par les théories du chômage volontaire. Au-delà du simple bénéfice financier, il implique une forte socialisation dans des réseaux de travail parallèles mais fonctionne aussi comme un moyen d’échapper aux « bad jobs » et de restaurer sa dignité à travers l’exercice d’une relative et fragile autonomie (Dubet, Vérétout, 2001, Duvoux, 2009). Garcia (1997) et F. Weber99 mettent davantage l’accent sur le caractère forcé de ce recours au travail informel, notamment pour les personnes déqualifiées : le maintien, voire l’augmentation du travail au noir est alors révélateur des dysfonctionnements durables du marché du travail et des politiques fiscales et sociales. Weber (2008) constate que la tolérance qui était de mise à l’égard d’une zone grise d’activités non officielles mais pas franchement illégales (développement de pratiques économiques diverses pour faire face au chômage féminin) a cessé dans les années 90 en faisant basculer ces activités dans le travail au noir, avec une première loi sur le travail clandestin en 1991. Garcia (1997) souligne le fait que le contrôle de plus en plus étroit des catégories sociales défavorisées, et le caractère de plus en plus restrictif des conditions d’accès aux droits, génèrent des situations de

« contraintes à l’illégalité », double bind qui obligent les pauvres à choisir entre la pauvreté et

99 Weber Florence, Travail au noir : une fraude parfois vitale ? », Rue d’Ulm eds, 2008

diverses formes d’illégalité. Elle montre comment les catégories précaires, travailleurs indépendants ou intermittents du spectacle, sont contraintes à dissimuler une partie de leurs ressources dans le cadre d’une économie de survie, car la déclaration de leurs revenus faibles et épars les empêcheraient de bénéficier du RMI, et modifierait ainsi un équilibre financier toujours précaire. Dans les cas exposés, la fraude forcée « n’est jamais uniquement alimentaire » (Garcia, 1997, p.88), elle met en jeu le droit à avoir une place sociale, un statut.

Un autre type de rationalité en réponse à la précarité et à la déqualification des emplois, s’inscrit dans le cadre des modes de résistance au déclassement (Maurin100, Pochic, 2001).

Dans le prolongement des travaux de d’Iribarne (1990), Reynaud (1993) met en évidence une stratégie de recherche d’emploi qui utilise les ressources de l’indemnisation pour la préservation de la valeur d’une qualification, l’enjeu étant alors d’échapper à un emploi déqualifié dans le même secteur d’activité, quitte à prendre un emploi tout à fait moins qualifié dans un autre secteur. Cette stratégie apparaît rationnelle dans la mesure où la probabilité de sortie du chômage de longue durée vers l’emploi précaire est plus élevée après une période longue et le retour au chômage plus probable après un emploi précaire, comme le montrent également les travaux de Concialdi (2002) et de Lizé et Prokovas (2009).

Ces modes de résistance au déclassement sont également repérés par des études statistiques sur les chômeurs : Simonin (2000) montre qu’en abandonnant toute exigence sur certains points (insuffisance du salaire, absence de lien avec la formation d’origine, manque d’intérêt du travail proposé), une majorité de chômeurs espèrent préserver l’essentiel, éviter les formes de travail les plus précaires ou ne pas déménager, par exemple. Logiquement, ces modes de résistance à la déqualification sont d’autant plus importants que les personnes sont qualifiées : plus du quart des cadres et des professions intermédiaires déclarent un refus contre moins d’un ouvrier non qualifié sur dix. Les cadres motivent leur refus par le sentiment que l’emploi ne correspondait pas à leur formation ou manquait de perspectives de carrières, de « sérieux ».

Les ouvriers qualifiés vont, quant à eux, chercher à préserver un certain niveau de salaire, alors que les ouvriers non qualifiés vont refuser des emplois pour les conditions plus objectives de difficultés ou de précarité qu’ils comportent : horaires atypiques, CDD, etc.

-­‐Une  lecture  critique  du  concept  d’équité  

100 Maurin Eric, La peur du déclassement, Une sociologie des récessions, Seuil, La République des idées, 2009

Une lecture critique du concept d’équité tel qu’il est mis au service de certains types de politiques d’activation renvoie surtout à la transformation du concept d’égalité par les politiques d’activation, « mobilisation des égoïsmes sociaux qui stigmatise « nantis » et « assistés » et dresse les unes contre les autres les catégories les plus diverses de la population pour mieux légitimer une solidarité d’exception » (Burgi, 2006). Zadjela (2001) souligne à propos du rapport Pisani-Ferry (2000) qui met en exergue l’injustice que ceux qui ne travaillent pas disposent presque des mêmes ressources que ceux qui travaillent, que l’argument d’une injustice présumée d’un différentiel de revenu trop faible entre ceux qui ne travaillent pas et ceux qui travaillent est pour le moins sélectif puisqu’il admet et parfois encourage en même temps l’inactivité des mères, et surtout ne tient pas compte de l’inégalité face à l’accès à l’emploi ni de la difficulté pour certains à accéder à de bons emplois.

Suivant les travaux de Fraser (2005), Dang et Zadjela (2009) mobilisent une autre conception de la justice à travers une analyse critique des présupposés philosophiques des politiques d’activation. Celle-ci consiste à prendre en compte le critère de la parité de participation à la vie sociale : contrairement à la théorie de Rawls, l’égalité des chances devient alors aussi importante que les libertés fondamentales. L’égalité des chances suppose une répartition des ressources matérielles et un égal respect de tous les participants dans la recherche de l’estime sociale (condition intersubjective de parité de participation). Du point de vue de la théorie développée par Fraser, le caractère coercitif des politiques d’activation

Suivant les travaux de Fraser (2005), Dang et Zadjela (2009) mobilisent une autre conception de la justice à travers une analyse critique des présupposés philosophiques des politiques d’activation. Celle-ci consiste à prendre en compte le critère de la parité de participation à la vie sociale : contrairement à la théorie de Rawls, l’égalité des chances devient alors aussi importante que les libertés fondamentales. L’égalité des chances suppose une répartition des ressources matérielles et un égal respect de tous les participants dans la recherche de l’estime sociale (condition intersubjective de parité de participation). Du point de vue de la théorie développée par Fraser, le caractère coercitif des politiques d’activation