• Aucun résultat trouvé

Les critères de Jan Gehl et la Ville de Montréal

Chapitre 2. Cadre théorique de l’étude

2.6. Habitabilité urbaine et échelle humaine

2.6.4. Les critères de Jan Gehl et la Ville de Montréal

Les préceptes de Gehl ont démontré leur efficacité à l’échelle mondiale en permettant de revitaliser avec succès les places et quartiers de nombreuses villes (Gehl 2012). Pour

58

évaluer la qualité des espaces urbains et faciliter la mise en place de l’échelle humaine, l’architecte a créé une liste de douze critères, divisé en trois catégories : sécurité, confort, attrait (Gehl 2012) :

SECURITÉ :

1. Protéger contre la circulation véhiculaire (accidents routiers, pollution, bruit, visibilité).

2. Protéger contre la criminalité et la violence (éclairage adéquat, surveillance passive, chevauchement de fonctions dans le temps et l’espace).

3. Protéger contre les expériences climatiques désagréables (vent, neige/pluie, froid/chaud, pollution, poussière, bruit, éblouissement).

CONFORT :

4. Se promener (espace pour marcher confortablement, accessibilité aux endroits clés, façades intéressantes, limiter les obstacles, surfaces de qualité).

5. Faire une halte debout (abords du domaine public engageants, zones en retrait permettant de s’arrêter, éléments pour s’appuyer).

6. S’asseoir (zones définies pour s’asseoir, optimiser les vues agréables, regarder les gens, combiner les endroits pour s’asseoir du domaine public et privé, lieu propice au repos).

7. Regarder, parler, écouter (orientation naturelle et cohérente, vues ininterrompues, vues captivantes, lumière adéquate le soir et la nuit, environnement sonore agréable [niveau de bruit ambiant bas], disposition des bancs publics pour faciliter les échanges et la communication).

8. Jouer, se divertir, interagir (permettre l’activité physique, les jeux, le divertissement et l’interaction ; permettre les activités temporaires [marchés, festivals, etc.] ; permettre les activités improvisées ou spontanées [s’affairer, rencontrer, se regrouper, etc.] ; créer des opportunités d’interaction avec les gens).

9. Occuper l’espace nuit et jour (offrir des fonctions variées tout au long de la journée ; lumières provenant des fenêtres des habitations ; mixité des activités [mixité des usages]) et occuper l’espace tout au long de l’année (activités variées selon les saisons et le moment de l’année [patinage, temps des fêtes, etc.] ; protection adaptée aux intempéries saisonnières ; éclairage adapté).

59

10. Concevoir selon l’échelle humaine (Complémentarité des espaces bâtis et non bâtis conçus selon l’échelle humaine en lien avec les sens, le mouvement, le comportement).

11. Mettre à profit les bienfaits du climat (soleil/ombre ; chaleur/fraicheur ; brise/abris du vent).

12. Concevoir des lieux esthétiques et sensibles (Qualité du design, de la construction, des matériaux, du détail ; Qualité de l’environnement, des vues, des paysages ; Richesse des expériences spatiales et sensorielles).

Les travaux de Gehl ont eu un fort retentissement à Montréal, où il a donné plusieurs présentations lors du Sommet mondial des Écocités en 2012 et durant le Sommet mondial du design en 2017. La municipalité de Montréal a repris ces douze critères dans son plan d’urbanisme Promenades Urbaines — la vision datant de 2012 (précédemment mentionné dans le chapitre d’introduction, section 1.2). Dans ce rapport, on proposait plusieurs recommandations pour adapter la ville aux changements climatiques ; celles-ci incluaient, entre autres, l’amélioration des conditions de marche et l’accessibilité universelle. En plus de ces douze critères, la Ville a ajouté trois autres critères, élaborés spécifiquement pour le contexte montréalais (Ville de Ville de Montréal 2012b, 49) :

13. Révéler le génie du lieu (historique du milieu mis en valeur, plantes indigènes, création en harmonie avec la morphologie du site ; intégration de nouveaux éléments en relation avec le contexte architectural, l’évolution, etc.).

14. Verdir (approche sensible au potentiel de verdissement ; intégration des composantes végétales en début de projet ; fusion du concept végétal au concept général ; contact visuel quasi permanent avec les composantes végétales ; renouvellement du contact physique ; variation des strates végétales (arbres, arbustes, couvre-sols).

15. Redonner place à l’eau (Gestion responsable de l’eau par son recyclage ; Conscientisation à la protection de l’eau ; Interaction et divertissement par l’eau ; Diversité dans l’usage de l’eau : opportunités en lien avec la biodiversité ; Fusion entre la gestion des eaux de surface et les infrastructures vertes).

Les affinités entre le concept de la ville à échelle humaine et la volonté de la Ville de Montréal d’améliorer le cadre de vie des citadins en actualisant la présence de l’eau ont fortement influencé notre cadre théorique. En observant les interactions entre les

60

individus et leur milieu et en s’intéressant au contexte de production de l’espace urbain, Gehl se rapproche d’une vision systémique : il tient compte des relations entre acteurs (concepteurs et récepteurs), objets et environnements.

Nous avons vu que les préoccupations de l’échelle humaine concernent l’adaptation de la morphologie urbaine aux capacités perceptives et aux activités humaines. Cet ancrage phénoménologique de la conception urbaine fait écho aux théories précédemment évoquées de l’expérience et de l’esthétique du quotidien. Gehl a établi ses principes après avoir observé les piétons en situation ; cette approche empirique est aussi utilisée en design et correspond à la méthode privilégiée pour cette étude. En puisant dans les principes de l’anthropologie et de l’urbanisme, Gehl porte un regard transdisciplinaire sur l’espace urbain. Nous souhaitons adopter une attitude similaire en nous inspirant de ses travaux et des théories de l’expérience esthétique.

Bien qu’il soit architecte et urbaniste, les approches privilégiées par Gehl sont similaires à celles des designers. Seul son objet d’étude, la ville, diffère de l’échelle traditionnelle du design industriel. Cependant, les artefacts d’eau, notre sujet d’étude, sont des produits qui modifient leurs environnements. Dès qu’ils sont placés dans le contexte urbain, ils influencent l’ambiance des lieux. Il sera donc intéressant de les analyser en confrontant nos préoccupations du point de vue du design et de celui de l’architecture, l’urbanisme et le paysage urbain. Les données empiriques seront donc analysées sous cette perspective.