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Créer un incident à visée éducative : situation événementielle situation événementielle

Le post-acte

Chapitre 5 Créer un incident à visée éducative : situation événementielle situation événementielle

Après avoir repéré l’importance du pré-acte dans l’activité des éducateurs, nous centrerons notre propos sur ce que l’éducateur vit et construit dans l’acte. Ceci à partir d’une situation qui retrace le contrôle hebdomadaire des tâches. Contrôle dont Jean nous parlait en indiquant que cela prenait « deux, trois minutes, pas plus ».

Nous avons intitulé cette séquence d’activité "L’aspirateur", celui-ci étant l’objet clé de la vignette. Nous avons découpé la vignette en quatre séquences qui subdivisent le déroulement de l’activité en fonction des questions que celle-ci nous pose ; le tout donnant lieu à une situation. Nous comprenons une situation en fonction des problèmes qui se posent dans l’agir et de la manière dont ils s’articulent. Le passage d’un statut de situation indéterminée à celui de déterminée procède par une mise en exergue d’éléments constitutifs et identifiables mis en relation temporellement et spatialement en fonction des questions ou intrigues décelées. La situation présentée illustre la part intentionnelle de l’agir, mais elle rappelle aussi que dans les métiers de l’humain, l’acte est co-construit et que dès lors, l’éducateur n’a pas le plein pouvoir sur le déroulement de l’activité et sur les effets que celle-ci produit. Le concept d’événement nous permettra de mettre en lisibilité une part du processus éducatif mis en œuvre par le praticien Jean.

Nous verrons au travers de l’autoconfrontation croisée qu’un éducateur ne travaille jamais seul. Le travail en duo et la coopération dans l’activité sont une part essentielle du travail éducatif et cela ne va pas toujours de soi dans le suivi d’une situation.

Enfin l’analyse de la vignette nous amènera à porter notre attention sur l’importance de la présence corporelle dans l’agir. Le corps dans ses attitudes et ses postures intervient de façon significative dans l’activité professionnelle.

Ce chapitre insiste sur les effets éducatifs produits par le contrôle des tâches hebdomadaires. L’accompagnement dans la vie quotidienne est ainsi occasion de faire éducation et relève de dimensions complexes qui dépassent largement la notion de contrôle. Si le travail social est toujours porteur d’une part de contrôle social et de gardiennage, l’acte éducatif professionnel

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dépasse ce paradigme dans ce qu’il cherche à ouvrir au dépassement de problématiques porteuses de stigmates.

Vignette : L’aspirateur

Durée de la vignette : 2 minutes 12 secondes Acteurs présents :

Cinq jeunes : Claude – Isabelle – Muriel – Pauline - Jamie Deux professionnels : Jean - Etienne

Film centré sur l’activité réalisée par l’éducateur Jean.

00:00 Séquence I : Entrée dans la situation 5

Jean entre dans un couloir de l’appartement, sombre et assez étroit. Il s’adresse aux personnes qui le filment :

1. Jean : Promenade du soir…

Jean fait référence au contrôle des tâches du jeudi soir.

Souriant, il pénètre dans le couloir des chambres à coucher. Il regarde de tous les côtés, autour de lui, comme s’il cherchait quelque chose d’égaré. Il croise son collègue, Etienne, ils se bousculent légèrement vu l’étroitesse du couloir. Ils ne se parlent pas, n’échangent pas de regard.

Nous pouvons repérer une complicité corporelle entre les deux éducateurs. Chacun semble vaquer à ses occupations sans interagir verbalement. L’espace est restreint, mais ils ne se gênent pas mutuellement.

Deux mètres plus loin, Jean croise un jeune, Claude, qui se trouve devant la porte d’une chambre.

2. Jean demande : C’est quoi ça ? Elle te cherche ? En jetant un regard à l’intérieur de la chambre.

3. Claude : Ouais, on me cherche et en plus je n’ai rien fait ! Elle cherche, elle m’embrouille. Tu ne veux pas changer la place du lit ? Claude s’adresse à quelqu’un dans la chambre.

Cet échange verbal entre Claude et Jean s’est déroulé sur le mode de l’humour. Jean émet un petit rire. Il poursuit sa route dans le couloir sans prêter plus attention à cette rencontre. Jean ne relève pas la problématique posée par le jeune. Malgré la proximité corporelle entre Jean et Claude, malgré le regard de Jean dans la chambre où se trouve

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l’embrouille (une personne et un lit hors caméra, on n’en sait pas plus) nommée par Claude, Jean poursuit son chemin. Son attitude corporelle est détendue, il rigole. Claude n’insiste pas.

00:28 Séquence II : Centration sur le problème aspirateur.

Deux mètres plus loin, Jean se penche sur un aspirateur qui traîne dans le couloir, au coin de l’entrée du salon. Jean se trouve à l’intersection du couloir et de l’entrée du salon.

Tout son corps est penché sur l’objet "aspirateur".

Jean interpelle Claude en désignant l’aspirateur du doigt. Il regarde Claude et reste debout devant l’objet.

4. Jean, ton incisif, voire accusateur : Claude, c’est toi qui es en train d’utiliser l’aspirateur ?

5. Claude, sur un ton très affirmatif : Non, il était comme ça quand je suis rentré.

Jean est penché sur l'aspirateur, il prend le tuyau de l’aspirateur dans les mains puis le repose.

6. Isabelle : Oui, c’était déjà Muriel qui avait vu qu’il était comme ça.

L’incident est déjà repéré par les jeunes qui tentent de donner des réponses avant que Jean ne les interroge.

7. Jean : Pourquoi, il y a un problème avec l’aspirateur ?

Jean ne s’adresse plus à une personne en particulier, il interroge à la ronde en définissant la situation comme problématique.

Jean regarde en direction d’Isabelle qui se trouve dans une chambre. 8. Jean : Tu sais Isabelle s’il y a un problème avec l’aspi ?

Couloir chambres Salon

Couloir Porte entrée Aspirateur

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Jean regarde à nouveau l’aspirateur, puis il regarde en direction d’Isabelle dans l’attente d’une réplique, mais aucune réponse n’est donnée.

Plusieurs jeunes parlent ensemble, brouhaha.

Jean s’est arrêté corporellement sur l’objet aspirateur qui traîne au coin d’un couloir. Il investigue sur la raison de cet objet dans le passage. Il interroge deux jeunes sur ce fait et malgré le peu de réponses données, il reste physiquement planté devant l’aspirateur. La pose du problème a duré 50 secondes durant lesquelles trois personnes sont intervenues.

00:49 Séquence III : Diversion abonnement de bus.

Arrivée d’une jeune dans l’appartement (Pauline). Jean ne se déplace pas, il se tourne, pivote sur lui-même, lui fait un petit signe amical de la main, la regarde entrer. Elle se trouve à environ deux mètres de lui, les deux corps se regardent. Elle entre et passe à côté de Jean, derrière lui, le contourne. Jean reste face à l’aspirateur et suit de la tête le trajet de Pauline qui entre dans le salon.

9. Pauline : Parce qu’il y a quelque chose qui ne marche pas ?

Jean ne s’est pas déplacé, il est toujours debout en face de l’aspirateur, mais son corps se tord pour suivre des yeux le trajet de Pauline. Pauline s’arrête à l’entrée du salon. Jean est toujours devant l’aspirateur, il regarde à la ronde.

10. Jean : Qui ne marche pas dans quoi ?

Jean pivote sur son corps sans bouger ses pieds, afin de se détordre pour suivre la situation dans le salon. Il se tourne dans l’autre sens.

Jean reste physiquement planté devant l’aspirateur. Il ne se déplace pas en direction de Pauline, même s’il s’engage verbalement dans une interaction avec elle. Il est en contact avec elle par le mouvement de son torse, tout en restant placé devant l’aspirateur. Il est corporellement impliqué dans deux interactions.

11. Pauline : Eh, j’ai oublié mon abonnement [de bus].

Information envoyée à toutes les personnes présentes, à la ronde. 12. Jean acquiesce de la tête : Sympa. Rires.

13. Claude ironise : Ah mais six fois c’est rien. 14. Pauline : C’est cinq - six fois maintenant.

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15. Jean : Il faut que tu ailles au Bachet28 d’abord.

16. Claude : Non pas au Bachet, tu peux aller à la gare. Tu peux payer. 17. Jean : Oui peut-être. Tu as raison.

18. Pauline : Ouais, au Bachet, à la gare, il y a tout. 19 Jean : Parfait.

20. Pauline : Fait chier. 21. Jean : Ok. D’accord.

Jean qui n’a pas bougé corporellement, n’insiste pas sur le cas présenté par Pauline. C’est la deuxième sous-situation qu’il ne situe pas comme problématique. Il a investi avec le regard le déroulement de la situation "oubli de l’abonnement", mais il n’en fait pas un problème. Corporellement il indique fortement qu’il est toujours centré sur l’incident "aspirateur". La diversion prend 46 secondes au sein desquelles trois personnes sont intervenues. Ce deuxième incident n’est pas traité comme un problème, pas d’interrogation sur le pourquoi de l’oubli de l’abonnement, pas de demande de justification ou d’excuse, malgré la répétition importante de l’oubli (six fois).

01:40 Séquence IV : La crise.

Jean n’a pas bougé, il est toujours à côté de l'aspirateur, il le regarde, puis se tourne vers le couloir qui donne sur les chambres. Jamie sort de sa chambre, qui se trouve à l’autre extrémité du couloir, à quatre-cinq mètres de Jean, elle est interpellée par celui-ci. Il la regarde.

22. Jean : Jamie, tu sais quelque chose par rapport à l’aspi ?

Jamie s’avance tranquillement en direction de Jean, elle se dirige à mi-chemin dans l’entrée d’une chambre, à environ deux mètres de Jean.

23. Jamie qui a déjà un pied dans la pièce : C’est bon, putain, ne me saoule pas ! S’il te plaît !

24. Jean : Non mais il faut qu’on l’enlève, ou alors on le garde…

Jamie marche vers lui, de manière décidée et tend le doigt vers Jean avec une certaine violence.

25. Jamie crie : Mais c’est bon je vais aller le chercher ce putain de truc ! Elle met un pied dans la pièce. Parallèlement à la réponse de Jean, elle ressort de la pièce, se place

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au centre du couloir, face à Jean. Elle a le corps penché en avant et les bras croisés sur sa poitrine.

26. Jean répond, la voix un peu élevée : Mais quel truc ?

27. Jamie en hurlant et en pointant son doigt vers Jean : Ce putain de sac ! Ok !

Jean n’a pas bougé, le corps devant l’aspirateur, la tête tournée, le regard centré sur Jamie.

28. Jean assez ferme dans la voix : Je ne sais pas de quoi tu parles, c’est pourquoi ça ne sert à rien que tu crises comme ça ! Il faut juste expliquer les choses, c’est tout !

29. Jamie plus calme, s’approchant de Jean en tendant la main vers Etienne (le collègue de Jean qui s’est entretemps rapproché de la scène) : Je viens de dire avant !

30. Jamie excédée s’adressant à Etienne : Tu ne peux pas lui raconter !

Jamie passe derrière Jean. Celui-ci pivote le haut de son corps, sans bouger les pieds, afin de suivre Jamie du regard.

31. Jean, la regardant dans les yeux : Mais pas à moi, Jamie !

Elle part de l'autre côté du couloir, hors champ caméra, et s’adresse à une autre jeune fille.

32. Jamie reprenant une voix douce : Tu viens Muriel, s’il te plaît !? Jean fait un pas en arrière pour garder Jamie dans son champ de vision. Cette altercation a duré 30 secondes.

Jean est encore resté centré sur son objet et malgré la violence des propos de Jamie, il ne recule pas. Il absorbe la violence corporellement. Jamie se déplace, il la suit des yeux, ne lâchant ni le problème "aspirateur", ni le développement de la situation dans l’éclatement de colère de Jamie. L’un est articulé à l’autre et il ne tente pas de désamorcer ou d’annuler en "lâchant" l’aspirateur. Il poursuit en évitant tout déplacement corporel l’éloignant de l’aspirateur. Il est installé corporellement dans la situation problème et il signifie par sa posture corporelle qu’il ne se situe pas dans l’affrontement interpersonnel, mais bien sur l’objet "aspirateur".

Cette altercation a duré 30 secondes.

02:10 Séquence V : Sortie de Jamie. Jean se tourne et la regarde.

33. Jean : Tu vas acheter les sacs, c’est ça ?

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34. Jamie à nouveau excédée : Oui, je vais aller rembourser ces putains de sacs.

35. Jean regardant l’aspirateur : Ouais, ben parfait ! C’était tellement simple à dire comme cela !

Etienne s’est approché de Jean, se tient droit, les mains sur les hanches. 36. Etienne : Mais reprenez les sacs vides, les sacs… tu vois le paquet ? 37. Muriel à Jean : J’ai le droit d’aller avec elle ?

Jean s’adresse à une autre jeune (Isabelle) qui prépare le repas dans la cuisine, hors champ de caméra :

38. Jean : Heu... C’est prêt dans combien de temps ? Tu sais ? 39. Isabelle : D’ici une dizaine de minutes, même pas !

40. Jean s’adressant à Muriel : Voilà ! Vous avez dix minutes. 41. Muriel à Jamie : Alors attends…

42. Jamie lui coupant la parole : Parce que j’ai besoin de te parler.

Jean regarde à la ronde autour de lui, toujours planté devant l’aspirateur. Les filles sortent.

43. Jean : Alors faites pas trop longtemps !

Au vu de la tension et de l’interpellation de Jamie, Etienne entre dans la situation. Il est présent, légèrement en retrait mais prêt à intervenir. Il n’adresse pas la parole à Jean. C’est corporellement qu’ils montrent leur co-présence et leur coopération. Jean ne cherche pas à comprendre la situation en interrogeant son collègue, il le laisse "hors propos".

Fin de l’incident. Jean s'adresse à Isabelle, qui est à la cuisine, et lui demande si elle a besoin d'un coup de main.

Questions posées par la situation

C’est le temps de la visite des chambres et de la vérification des tâches de la semaine. L’aspirateur traîne dans le couloir. Jean s’arrête et tourne autour de cet objet mal placé, pas rangé. Jean insiste sur l’objet "aspirateur". Son insistance nous pousse à penser que l’éducateur cherche à construire intentionnellement quelque chose à partir d’un incident qui s’offre à lui. Il se positionne à l’origine de la réaction violente de la fille, par le fait d’avoir transformé un incident mineur en problème.

« Il y a un problème avec l’aspirateur ? »(7)

L’éducateur fait le choix de créer une problématique collective autour de l’objet ménager. Il aurait pu sans autre questionner son collègue, aller à la rencontre d’un ou plusieurs jeunes

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pour investiguer sur l’incident ou encore simplement déplacer l’instrument de manière à ce qu’il n’entrave pas le couloir et voir comment évolue la situation.

Au regard de l’ensemble de la séquence retenue, la focale posée par le praticien sur l’aspirateur est détournée par un deuxième incident : l’annonce de l’oubli d’un abonnement de bus sanctionné par une contravention. L’éducateur porte attention à cet épisode en changeant radicalement de comportement. Il rigole. Il adopte une attitude détendue alors que ce nouvel incident aurait pu être traité avec autant d’insistance que la gestion de l’aspirateur. Il n’en est rien ! L’oubli de l’abonnement de bus provoque la réaction d’un autre jeune qui rappelle que

c’est la 5ème ou 6ème fois que cela se produit. Cette remarque qui insiste sur la répétition de la

faute ne sera pas reprise par l’éducateur. La jeune fille sait qu’elle devra payer une amende et se rendre à la gare pour régler cette affaire. L’éducateur répond :

« Parfait. Ok. D’accord. » (19 - 21)

A l’arrivée de la nouvelle résidante qui raconte à la ronde sa mésaventure, l’éducateur ne s’est pas déplacé physiquement, n’a pas changé de place. Pour être en lien avec le deuxième incident produit par l’annonce de prise en faute dans un transport public, e praticien a opéré un pivotement sur lui-même tout en restant rivé à l’aspirateur. Ce pivotement lui permet d’être en lien avec deux objets, celui de l’aspirateur sur lequel il indique corporellement qu’il n’a pas terminé son investigation, malgré le détournement d’attention porté par l’annonce d’une prise en faute en circulant dans un transport public sans ticket. Rester positionné devant l’aspirateur indique que le cas "aspirateur" n’est pas clos même si une nouvelle problématique imprévue surgit. Le traitement différencié de deux incidents nous permet raisonnablement de penser que l’éducateur fait de l’aspirateur qui traîne dans le couloir, un enjeu éducatif. La vignette présentée nous pose les questions suivantes :

Est-ce que la construction d’une situation problème à partir d’un incident banal est un geste professionnel en éducation sociale ? Ceci dans le sens où une attention prolongée portée à un incident serait source de situations éducatives. Dès lors, est-ce que "tenir" une situation relève d’une règle de métier ? Règle qui demanderait à ne pas se laisser prendre ou divertir par un enchaînement de faits tout en posant une attention suffisante à ce qui surgit.

Au sein de la vignette, le positionnement corporel participe à la construction et au dénouement de l’activité éducative. Jean articule gestes et langage dans sa pratique professionnelle avec fluidité tout en accentuant une immobilité corporelle autour d’un objet ménager.

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L’engagement du corps en situation est déterminant, il appuie l’insistance des questions adressées aux jeunes. Nous relevons que nous n’avons pas repéré de dissonance émotionnelle. L’importance de l’engagement corporel des professionnels dans les métiers de l’éducation

sera développée en fin de chapitre puis réinvestie dans l’analyse de la situation La prise29.

La vignette nous enseigne qu’une construction prédéterminée, intentionnelle, à partir d’un incident, peut créer une situation éducative. Dès lors, nous nous arrêterons sur la compétence à créer "artificiellement" une situation problème. L’artifice non pas au sens superficiel du terme, mais comme des occasions éducatives à saisir "au vol", dans des espaces-temps relationnels du vivre ensemble. Posture professionnelle qui dépasse le simple contrôle des tâches comme respect d’un cadre réglementaire.

L’incident fait partie d’une normalité. Insister sur un incident demande à prendre part à ce qui va advenir et à le traiter de manière professionnelle. Il favorise par son insistance le surgissement d’une réaction chez les jeunes dont il a la charge. Le surgissement d’une interactivité forte, d’un frottement entre éducateur et jeune produit un objet de travail sur lequel intervenir. L’intentionnalité comme pré-acte serait alors de provoquer "quelque chose" dans le déroulement de la soirée ; créer une atmosphère à visée éducative, comme indiqué par Jean dans l’instruction au sosie. Ce que l’éducateur déclare être un différentiel entre un hôtel et une maison d’éducation.

Si nous avons relevé la dimension du pré-acte dans son rapport à l’intentionnalité, qu’en est-il de l’acte ?

L’éclatement puis la vivacité de l’interaction entre l’éducateur et la jeune fille d’une durée de trois minutes attire notre attention et demande à éclairer ce temps particulier. L’intensité et l’imprévu qui émergent de cet échange, découpé dans un temps donné très court, nous a amené à nous pencher sur le concept d’événement. L’éducateur insiste sur un incident de la vie quotidienne dans l’intention de produire quelque chose. "Quelque chose" dans le sens d’une irruption, d’un surgissement propice à créer de l’interaction. Zarifian (1995 – 23) définit l’événement dans le monde du travail industriel à partir de cinq caractéristiques : l’indécidabilité ; la singularité ; l’imprévisibilité ; l’importance et l’immanence à la situation. L’indécidabilité nous renvoie à l’impossibilité de dire, sur le moment, ce qui a produit l’événement.

La singularité, très prégnante dans les métiers de l’humain, est encore accentuée par le fait que l’événement fait surgir quelque chose de particulier qui n’était pas présent auparavant.

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Zarifian parle d’un surcroît de présence. L’événement dépasse la norme qui décrit et évalue une situation.

L’imprévisibilité semble aller de soi, mais relevons que la rupture d’une continuité provoque un rapport au temps modifié.

La notion d’importance nous intéresse particulièrement dans ce qu’elle préside au fait que quelque chose fasse événement. C’est la dimension sociale qui est portée par cette