• Aucun résultat trouvé

Lors de son apparition au XIIe siècle, couvrechief801 désigne toute pièce de tissu

léger, analogue à celui des voiles, qui enveloppe la chevelure ou la coiffure féminine, mais qui, de par sa forme et ses dimensions, est adaptée aussi à d'autres usages.

Le couvrechief est simplement posé sur les cheveux des pucelles et des princesses, couvre une coiffure ou en fait partie pour les femmes mariées. On emploie pour sa fabrication des soieries légères, des crêpes et des linons. Les nombreuses villes de provenance de ces tissus, qui porteront eux-mêmes plus tard le nom de

couvrechief802, témoignent de la popularité de ce type de coiffe803.

Au XIIIe siècle, lorsqu’arrive la mode du touret804, le couvrechief se pose

quelquefois sur cette coiffure, maintenu par des épingles805. Il peut se mettre aussi sur

la guimple, comme l'illustre cet extrait du Roman de la Rose:

800 Cf. Enlart, op.cit., p.178-179.

801 De couvrir, du latin cooperire, et de chief, du latin caput.

802 Ca 1300 - FEW, II-2, 1143.

803 Gay cite les lieux qui apparaissent le plus souvent dans les comptes: Paris, Compiègne, Laon, Reims, Troyes, Valence, la Hollande et l'Allemagne (Glossaire, I, p.485).

804 Voir ce mot.

805 C.Enlart nomme également couvrechief la bande de tissu, plus ou moins large, qui passe sous le menton et sur laquelle est posée l'autre partie du touret (Enlart, op.cit., p.180). Quicherat (op.cit., p.188) et Viollet-le-Duc (Couvrechef, p. 322-324) appellent cette pièce mentonnière.

Autre foiz li met une guimple, et par desus un queuvrechief qui queuvre la guimple et le chief;

mes ne queuvre pas le visage. (v.20922-25)806

Au début du XIVe siècle, des couvrechiefs de toutes les couleurs, fourrés ou

non, font partie du costume du roi, car cette coiffe appartient aussi à la garde-robe masculine807. Il est d’ailleurs souvent offert en gage d'amour à un homme808, qui peut le

porter sur sa manche ou l’attacher à son heaume. Il devient par la suite un accessoire du costume militaire d'apparat809.

Comme toutes les coiffures qui couvrent entièrement la chevelure, symbole de séduction, le couvrechief est un signe de discrétion et d'humilité. Il est adopté très vite en tant que tel dans la tenue des religieuses, celui des béguines se distinguant par ses grandes dimensions:

Tantost Atenance Contrainte vest une robe kameline et s'atourne conme beguine, et ot d'un large queuvrechief

et d'un blanc drap covert le chief. (Roman de la Rose, v.12014-18)810

806 Juxtaposé ici à guimple ou, dans d’autres exemples, à touaille, couvrechief semble désigner un accessoire de coiffure distinct. E.R. Lundquist présente pourtant ces termes comme synonymes: « Couvrechef était le terme général pour désigner les coiffures différentes comme coiffe, guimple, touaille » (op.cit., p.21).

807 Voir F. Lachaud, « Les livrées de textiles et de fourrures à la fin du Moyen Age : l’exemple de la cour du roi Edouard Ier Plantagênet (1272-1307) », dans Le Vêtement : histoire, archéologie et symbolique

vestimentaires au Moyen Age, Paris, Le Léopard d’Or, 1989, p.171.

808 Voir Roman de la Rose, vv.9749-50 et 14383. Dans ce dernier cas, le queuvrechief donné par une dame à son amant est présenté par l'éditeur comme un queuvrechief de nuit masculin; pourtant, il est énuméré parmi d'autres accessoires susceptibles d'être offerts en cadeau, qui ne sont pas forcément destinés à être portés par un homme:

Si gart fame qu'a nul amant, tant l'aille son ami clamant, ne doigne don qui gueres vaille. Bien doignt oreillier, ou touaille, ou queuvrechief, ou aumosniere, mes qu'el ne soit mie trop chiere, aguillier, ou laz, ou ceinture,

don po vaille la ferreüre (v.14383-90).

809 Gay, op.cit., I, pp.485 et 486; God., IX, p.235; T-L, 2, 1123.

810 Voir aussi le Roman du comte d'Anjou, v.5279-81, où le couvrechef est présenté comme une coiffure discrète, signe d'humilité.

Il existe un type particulier de couvrechief, dit de nuit, qui est une bande de tissu que l'on enroule autour de la tête. C'est probablement cette coiffe qui est évoquée dans

Perceforest, lorsque le Chevalier Doré est blessé et alité811:

Et pour ce que envis muert qui ne l'a aprins, il alla prendre le coeuvre chief dont il avoit la teste affublee812 et en couvry ses yeulx pour avoir plus de hardement de parler, et puis commença a dire..813. (Perceforest, IIIe partie, t.1, XII, 175-179)

Cependant, les usages du couvrechief sont multiples: on le pose sur les épaules (couvrechief à peigner), ou les femmes l'utilisent en guise de soutien-gorge814:

Et s'el a trop lordes mameles, praingne queuvrechiés ou toueles don seur le piz se face estraindre et tout autour ses coustez çaindre, puis atachier, coudre ou noer,

lors si se peut aler joer. (Roman de la Rose, v.13299-13304) Il fait office aussi de couverture de lit ou de litière, dans un tissu plus épais, comme le velours, qui peut être fourré815.

Le couvrechief peut servir également, comme l’illustrent les romans, à bander une blessure ou à remplacer un éventail pour « réanimer » un personnage:

De la dolour qu'ele demaine, Perdi trois fois pous et alaine, Si ke, se Robinés ne fust, Je croi k'ilueques morte fust. Il l'esventoit d'un cuevrechief

Et se li soustenoit le chief. (Jehan et la Blonde, v.1259-64) Accessoire de coiffure très apprécié, le couvrechief traverse tout le Moyen Age. Huguet le cite encore dans son Dictionnaire comme une « sorte de voile complétant la coiffure féminine »816.

811 Le coeuvrechief est défini par l'éditeur comme une "pièce de tissu léger s'enroulant autour de la tête à la manière d'un turban".

812 Pour "mettre le couvrechef" le verbe affubler est utilisé, alors qu’il est généralement appliqué au manteau et ses variétés.

813 C'est un passage très curieux, où le couvrechief joue un rôle important dans la mise en scène.

814 Enlart, op.cit., Index; Goddard, op.cit., p.107; Lundquist, op.cit., p.21.

815 « Un cueuvrechief de veluiau vermeil fourré de menu vair » (1316 – Compte royal de Geoffroi de

Fleuri, p.10); « Pour 5 aunes de veluyau vermeil à faire un couvrechief à parer le lit du roy » (1350 - Compte d'Etienne de la Fontaine, ms. Fontanieu, t. LXXVIII, cité dans Gay, op.cit., I, p.485).