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Emprunt francisé très ancien71 au bas latin *appariculare, du latin classique

apparare "préparer", appareiller verbe transitif signifie "préparer"72, "équiper"73 et, en

69 hisdeuse estoit et ruïllie, et si estoit entorteillie

hisdeusement d'une toaille. (Roman de la Rose, v.149-151)

70 L'ordre dans le costume et son intégrité sont des signes de bon sens, tandis que les vêtements désordonnés, déchirés peuvent devenir le symbole de la folie.

71 1080, Dict.Hist. Gamillscheg date le verbe du XIIe siècle.

72 T-L, 1, 424; FEW, I, 107a; REW, 537; God, I, 318; Aucassin et Nicolette, IX, 5-11; Meliador, v.2029.

forme réfléchie, "se préparer, s'apprêter"74. T-L est le seul à citer l'acception "habiller",

qui a un rapport direct avec le vêtement75.

Dans nos romans, hormis l'acception "préparer", le verbe appareiller transitif a le sens d’"habiller, parer quelqu'un":

Par tens lever vous couvendra, Quer li pueples vous atendra Pour vous au moustier voir venir. Biau vous couvendra maintenir Et ainsi faire le devéz

Cha, de par Dieu, or vous levéz Et l'en vous appareillera Ainsi comme raison sera.

(Roman du comte d’Anjou, v.2979-86)

Appareiller est employé lorsqu'il s’agit d’habiller quelqu'un pour une occasion

précise. Dans cet extrait, c’est une messe, durant laquelle le comte de Bourges présente au peuple sa femme: celle-ci doit être parée ainsi comme raison sera, conformément à son nouveau statut social. La signification exacte du verbe est donc "habiller quelqu'un pour". Appareiller possède ainsi deux sèmes qui constituent son noyau sémantique, "tenue adaptée pour" et "tenue propre à", sans toutefois détailler le costume, car son aspect est sous-entendu par le personnage et sa destination par la situation. En outre, le vêtement n'est pas ici séparé de la coiffure, le verbe englobant les trois notions d'habillement, de coiffure et d'accessoires.

Le sème de "costume propre à" explique l’utilisation du verbe dans les situations de déguisement où, adoptant une tenue différente, les personnages prennent une identité provisoire dans un but précis:

Et li baron isnelement

Conme hermitain sont atorne, Bien ont lor conroi bestorne, Ier main estoient chevalier Et or sont fet appareillier

74 T-L, 1, 424; FEW, I, 107a; God., I, 319; Escanor, vv.1123, 2038-2043; Perceforest, IIIe partie, t.2, XXXIV, 36.

Con genz qui dieu vuelent servir.

(Claris et Laris, v.27639-44)76

Dans cet extrait, appareillier (comme), dans son acception "déguiser", a pour synonyme atorner.

Le verbe appareiller (soi) s'emploie, comme les verbes signifiant "(s')habiller, (s')équiper", tels atourner (soi), vestir (soi), parer (soi) et atiller (soi), pour marquer le passage d'une action à une autre, le plus souvent lorsque le héros s'apprête à quitter un endroit pour aller à l’aventure:

Gauvain sanz longue demoree

Se vesti et appareilla77. (Claris et Laris, v.17565-66)

Appareiller (soi) en tant que "(s')habiller" est généralement utilisé en emploi

absolu78: il ne possède presque jamais de compléments d'objet introduits par la

préposition de79, mais des compléments de manière (richement, noblement) qui

soulignent l’adéquation du costume au rang social du personnage: Yveins fet sa suer atorner

Et de riches dras atorner, Con porter doit fille au roy. Et la pucele sanz derroi

S'appareille molt richement. (Claris et Laris, v.28148-52)80

L'achèvement de l'acte est davantage marqué par le participe passé en fonction adjectivale, l'auteur apportant la touche finale à la description du personnage avant de relater les événements qui suivent: cela explique que le participé passé adjectivé

76 Voir aussi Ysaïe, § 167 : « … Ysaïe et Marte s’apparlerent en tel guise que je vous diray : Ysaïe se vesti en guise de chevalier et Marte en guise d’escuier ».

77 Voir aussi: Claris et Laris, v.21849-50; Escanor, v.2145-48 (participe passé apparilliés) ; Perceforest, IIIe partie, t.1, VI, 121.

78 Dans ce cas, il peut être suivi de la description détaillée du costume que revêt le personnage: voir, par exemple, Claris et Laris (v.1999-2009); Roman du comte d'Anjou (v.696-698).

79 Nous n'avons relevé qu'une occurrence où appareiller (soi) possède un complément d'objet indirect introduit par la préposition de, le verbe signifiant plutôt "s'équiper": Li compaignon s'apareillerent /De

tiex armes, come il troverent (Claris et Laris, v.11214-15). 80 Voir aussi Ysaïe, §§ 93 (de tous poins), 108.

appareilli(e) est beaucoup plus fréquent que le verbe dont il possède les mêmes

acceptions: "préparé à", "prêt à", "disposé à"81, mais aussi:

1. "Armé"

Lorsque le personnage est un chevalier, appareillé évoque l'armure, et surtout l'armure complète comme le suggèrent les adverbes noblement, bien82, bel83 et tous

(apparilliés)84 :

Envers les compaignons s'en vint. De jouster si conme il couvint

Vint apareilliez noblement. (Escanor, v.12254-55)85

2. "Habillé, paré"

Appareillé participe passé, dans son acception "habillé, paré", ne possède pas

les sèmes de destination et de "propriété" du verbe, mais évoque simplement l’image d'une tenue riche et, dans la plupart des cas, féminine:

Chascuns dame appareillie Ert de teuz paremenz aussi. Et si estoient beles si

Que c'ert merveille a regarder. (Escanor, v.8106-09)86

(Être) appareillé possède souvent des compléments qui ne fournissent guère de détails sur le costume, mais soulignent son côté somptueux: .ccc. dames [...] estoient

81 Claris et Laris, v.28535-28537; Perceforest, IIIe partie, t.1, XXIV, 512; Meliador, v.18971-18983.

82 Escanor, v.11764.

83 Escanor, v.4667.

84 Meliador, v.19130.

85 Voir aussi Meliador, vv.12690-91, 25234-39.

appareillies ricement87; appareillie ert de teuz paremenz88, leurs dames [...] en aroy

appareillies89.

Le Dictionnaire de Huguet ne mentionne pour appareiller (soi) que les acceptions qui ont survécu jusqu'au XVIe siècle, parmi lesquelles, pour la forme

transitive, "orner" qui a conservé les traces du sémème "habiller - mettre un vêtement beau, riche"90.

VESTIR (SOI)

Le verbe vestir provient du latin vestīre "habiller", "recouvir, garnir", dérivé de

vestis. Attesté dès le Xe siècle91, il s'emploie en ancien français au sens de "couvrir de vêtements" ou "habiller". De tous les verbes du champ sémantique de "(s')habiller",

vestir est celui dont l'emploi est le plus fréquent: nous l’avons recensé plus de cent fois

dans nos romans.

Vestir verbe transitif possède généralement un complément d'objet direct non

animé qui précise le type de vêtement que met le personnage, très variable selon le contexte. Ce peut être un vêtement de dessous (la chemise et le peliçon pour le costume civil, l’hoqueton pour la tenue militaire) ou de dessus (le haubert, la cotte à armer pour le costume militaire, la cotte, la robe, le surcot et la sorquenie du costume séculaire). Dans tous les cas, vestir signifie "revêtir quelque chose". Employé exclusivement pour les vêtements, il côtoie d'autres verbes liés aux autres parties du costume: chaucier

87 Meliador, v.2719-2720.

88 Escanor, v.8106-8107. L'adjectif démonstratif tel renvoie au bel et fin acesmement, ainsi qu'au vert

chapel que portent les jeunes hommes, c'est-à-dire à la tenue de fête.

89 Meliador, 29609. Aroy signifie ici "vêtement de fête", puisque les dames se préparent pour une fête au chateau du roi Arthur.

90 Huguet, I, 245-246.

(pour les chausses, les souliers et les éperons), lacer (pour le heaume, les chausses et les manches), afubler92 (pour le manteau) et fermer (pour le heaume):

Isnelement se fait armer:

Ses cauces lace, l'auberc vest (Bel Inconnu, v.266-67)93

Vestir verbe transitif peut également recevoir un complément d'objet direct

animé: vestir quelqu'un signifie dans ce cas "habiller quelqu'un - mettre sur lui des vêtements (sans précision)"94 ou bien "procurer des vêtements à quelqu'un":

- Tu avras, dit la desloiaus,

Cent gros tournois d'argent royaus, De quoi ta fame vestiras.

(Roman du comte d’Anjou, v.3721-23)

Lorsque le verbe possède deux compléments, direct non animé et indirect animé, il a le sens de "mettre un vêtement précis sur quelqu'un":

Et vous prommés que le Chevalier au Noir Lyon lui vesty le hauqueton, le Chevalier au Noir Lupart lui lacha la destre manche, le Chevallier au Cerf Asuré lui lacha l'autre, Troÿlus lui vesti le haubert, le Chevalier au Cuer Enfergé lui chaussa la droitte chausse de fer... (Perceforest, IIIe partie, t.1, XX, 435-441)95

En emploi absolu, le verbe vestir (soi) signifie "(s')habiller", "mettre des vêtements sur quelqu'un (ou sur soi)", et le participe passé adjectivé vestu, "habillé". Ils sont utilisés uniquement pour les vêtements qui couvrent le corps, comme le sont les verbes chausser (soi) pour les jambes et armer (soi) pour l'armure du chevalier:

92 E.R. Lundquist (op.cit., p.39-46), note qu’afubler s'emploie uniquement pour le manteau et les vêtements de la même famille. Dans le Roman de la Rose, Jean de Meun, qui utilise le verbe vestir pour le manteau, se corrige le vers suivant:

Lors prant li airs son mantel inde, qu'il vest trop volantiers an Inde, si s'an afuble et si s'apreste

de soi cointir, de fere feste. (v.17983-17986)

93 Voir aussi Aucassin et Nicolette, IX, 7; Bel Inconnu, vv. 95, 355, 357, 1042, 3968, 4227; Roman de la

Rose, vv.428, 1221, 10995, 11097, 11197, 11520, 11969, 12015, 12054, 17983-84, 19405; Claris et Laris, vv.2001-2, 2030, 4765, 6249, 7398, 11641, 17159, 21014, 22841-42, 22844, 22608, 25180-81,

27623-24; Escanor, vv.7278, 7281; Roman du comte d’Anjou, vv.2990, 3944, 6726-27; Perceforest, IIIe

partie, t.1, XX, 427, 430; t.2, XXXIII, 668, 694, 793; Meliador, vv.12052, 13156-57; Ysaïe, §§ 69, 155, 180, 260, 266, 296.

94 Perceforest, IIIe partie, t.1, XX, 430: le vestirent et habillerent.

Par un matin s'esteit levez, ben s'est vestuz et aturnez, chausez s'esteit mut richement

cumë a chevaler apent. (Lai de Désiré, v.97-100)96

En forme réfléchie, le verbe peut être accompagné d'un complément d'objet indirect introduit par la préposition de97 qui vient préciser la nature de l’habillement:

Se se vesti de rices dras de soie, dont la dame avoit assés, si s'assist en le canbre sor une cueute pointe de drap de soie... (Aucassin et Nicolette, XL, 38-39)98

La périphrase formée du verbe estre et du participe passé (vestuz (vestus) /

vestue; vestis / vestie) apparaît fréquemment dans les textes. Dans la majorité des cas,

le verbe est à l'imparfait99. La périphrase insistant sur l'état du personnage, l'imparfait,

par sa valeur durative, fait de cet état un décor à l'événement principal. Le verbe estre au prétérit, que l’on rencontre aussi, possède la même valeur d'aspect que l'imparfait100.

(Estre) vestuz peut recevoir un complément précédé de la préposition de, comme dans le cas du verbe pronominal, signifiant alors "être habillé en… "101:

Vestie estoit d'un drap moult rice,

Fricement tailliet a son point. (Meliador, v.213-14)102

96 Voir aussi Claris et Laris, vv. 8616, 17566, 24707; Ysaïe, §§ 69, 70, 167.

97 Ce complément est situé à proximité immédiate du verbe ou en est séparé par plusieurs vers: dans

Escanor, le complément se trouve au vers 8866, mais le verbe au vers 8870.

98 Cf. Roman de la Rose, vv. 6093-94, 6100-01, 11926-27; Escanor, v.8870; Bel Inconnu, v.3984;

Perceforest, IIIe partie, t.1, V, 68; t.2, XXXVI, 1755; Ysaïe, §§ 58, 137, 182.

99 Deux formes coexistent: la forme "héréditaire" (ert (iert) vestuz) et la forme composée sur le radical d'infinitif est-. Nous avons également rencontré le verbe estre au présent historique, mais dans tous ces cas l'auteur met en avant l’aspect visuel de la description. En outre, nous avons relevé le verbe vestir au passé composé, qui souligne davantage l'état du personnage:

A tant entra en la maisson Une pucele bien aprisse Qui fu de tos biens entremisse.

Vestu ot un vair peliçon

Qui fu covers d'un siglaton. (Bel Inconnu, v.4224-4228)

100 Cf. : « Vint a la cort une pucele, / Gente de cors et de vis biele. / D'un samist estoit bien vestue » (Le

Bel Inconnu, 135-137) et « il [...] choisirent venant / un chevalier tot maintenant / Qui vers le roy s'en

vint en haste; / Et fu vestuz d'une escarlate / De coi cote et mantel avoit ». (Escanor, v.1635-1639).

101 Le verbe estre peut être omis, si le participe passé ayant une valeur adjectivale joue le rôle d'épithète: « Adonques vint par devant lui / Une route de damoiseles, / De puceletes jouvenceles, Vestues de finz dras de soie ». (Escanor, v.7984-7987).

102 Voir aussi Bel Inconnu, vv.137, 1527, 2245, 3279; Roman de la Rose, vv.818-20, 859-60; Claris et

Laris, vv.16571, 29156; Escanor, vv.1638, 8117-18, 20075; Roman du comte d’Anjou, vv.5275, 7116; Perceforest, IIIe partie, t.1, XX, 427; XXV, 251; t.2, XXXIII, 957; XXXVI, 1754, 2234, 2241; Meliador, vv. 213, 12819, 28785; Ysaïe, §§ 79, 128, 147.

Il est intéressant d'observer une certaine distribution dans les compléments directs ou indirects introduits par la préposition de, qui indiquent le type de vêtement que met le personnage. Les pièces du costume prévalent pour la forme transitive, comme pour la forme réfléchie tandis que la périphrase affectionne les étoffes. Le verbe être et le pronom réfléchi étant, de par leur sémantique, "dirigés vers le corps", le participe a conservé davantage le sens ancien de "couvrir le corps":

Mais le chevallier qui estoit vestu de la peau de cerf, moult doulant de son aventure, pour ce qu'il fut le plus tost revenu a lui se releva tout le premier. (Perceforest, IIIe partie, t.1, V, 137-141)

En emploi absolu, avec estre au prétérit (fu), parfois accompagnés d'autres verbes, tels atorner, parer ou chaucier, la périphrase fu vestu(z) ou le verbe en forme réfléchie mis au passé, insistent sur l'achèvement de l'action. Les auteurs utilisent régulièrement des phrases de ce type pour marquer la fin d'une aventure et le début d’une autre:

Claris par matin s'atorna; Quant vestuz fu et atornez,

Congie prent... (Claris et Laris, v.20729-31)

Vestir peut accepter des compléments de manière qui précisent comment le

personnage est habillé ou bien émettent une appréciation sur la tenue avant de la décrire, "justifiant" en quelque sorte l'utilisation du complément:

ert ele povrement vestue. Cote avoit viez et derompue come s'el fust a chiens remese; povre estoit la cote et arese

et plaine de viez paletiaus. (Roman de la Rose, v.207-11)103

Accompagné du comparatif mieuz, qui possède une valeur appréciative, vestu peut signifier "arrangé", comme dans le Roman de la Rose :

103 Cf. Lai de Désiré, v.190 (cors vestu a laz); Claris et Laris, vv.1928 (molt noblement), 21749 (trop

richement), 26356 (con pucele); Roman de la Rose, vv.820 (richement), 1214 (bien); Perceforest, IIIe

li a, por mieuz estre vestues,

ses .II. manches estrait cousues. (v.20971-72)

Mais de tels compléments, qui portent un jugement sur la beauté ou la qualité de la tenue, demeurent assez rares. Très ancien, le verbe vestir est plus habitué à exprimer le geste quotidien de couvrir la nudité du corps.

Dérivés

En français médiéval, deux verbes dérivés de vestir (soi) par préfixation sont très courants:

Desvestir (soi)104, formé du verbe vestir (soi) et du préfixe des- à "valeur privative"105, signifie "dépouiller quelqu'un de ses vêtements" et, en forme réfléchie,

"ôter ses vêtements".

Revestir (soi)106, formé du verbe vestir (soi) et du préfixe re- à "valeur augmentative"107, signifie "mettre un autre vêtement" et, en forme réfléchie, "s'habiller

de nouveau":

Atant errant se desvesti,

D'uns autres dras se revesti. (Claris et Laris, v.26370-71)108

PARER (SOI)

Le verbe parer provient du latin parāre, et signifie en ancien français "préparer", "arranger", "faire des préparatifs", ou encore "apprêter, disposer"109.

104 XIIe s., Dict.Hist.

105 K. Nyrop, Grammaire historique de la langue française, Genève, Slatkine, 1979, t.3. Formation des mots, p.222.

106 XIe s., B.-v.W.

107 Ibid., p.237.

108 Voir aussi Perceforest, IIIe partie, t.1, XXI, 538; XXVII, 375; t.2, XXXIII, 241; XXXIII, 939; Roman

Dans les romans des XIIIe et XIVe siècles, parer s'emploie de plus en plus en

tant que "orner, décorer" pour les objets et la périphrase être paré "être vêtu avec soin, avec élégance"110 pour les personnes:

Le lieu et le siege ou les onse pucelles seoient estoit moult richement paré de nobles joyaulx qui volletoient au vent pardessus elles. (Perceforest, IIIe partie, t.1, XVI, 46-48)

Li quens fu richement paréz

De bonz draz d'or d'Esclavonnie,

Si fu toute sa compaignie (Roman du comte d’Anjou, v.2370-72) Cependant, le verbe parer s'emploie la plupart du temps en forme réfléchie en tant que "se vêtir richement":

Tout ainsinc les dames se perent Pour ce que plus beles en perent

Ou pour leur laidures repondre (Roman de la Rose, v.8887-89)111 Dans cet exemple, eulx parer a conservé le sème "se préparer, s'apprêter", mais l'association avec aorner souligne le lien du verbe avec le costume (nobles vestemens), ainsi que la beauté et la richesse de celui-ci, car les chevaliers s'apprêtent pour la fête du château.

Le verbe soi parer est employé quand il s'agit d'embellir le corps par le vêtement, de le mettre en valeur112, de souligner sa beauté naturelle par l'élégance et la

richesse de la tenue, à laquelle il faut prêter un soin particulier: ors pare son cors et atorne,

et se vest, conme une reïne (Roman de la Rose, v.6093-94) Mes quant fu paree et vestue,

Molt par fu sa biauté creüe (Roman du comte d’Anjou, v.2823-24) Dans nos romans, le verbe soi parer, qui souligne la durée de l'action dans le temps ou la répétition des mouvements, est moins fréquent que le participe passé paré (parez) à valeur adjectivale ou la périphrase être + participe passé qui insistent sur

109 FEW (VII, 627); God.,V, 760; T-L, 7 (I), 242.

110 Cette acception est datée de 1250 par FEW (VII, 627) et de 1225 par TLF (t.12, 984).

111 Voir aussi Perceforest, IIIe partie, t.1, XXI, 522-527.

112 FEW (VII, 627) propose la définition suivante du verbe parer (II): « orner, embellir (par exemple une maison), orner quelqu'un, lui faire une toilette recherchée » et date cette acception de 1250.

l'état lui-même. Ils immobilisent le mouvement pour mieux traduire l’aspect visuel du parfait achèvement de la tenue, entre autres par le sens actif à valeur de présent de narration que possède le participe-adjectif paré.

Et entre les pucelles la belle Esmeraude estoit au milieu, plus hault eslevee et plus noblement paree que les autres, comme raison estoit, car la feste se faisoit pour l'amour d'elle. (Perceforest, IIIe partie, t.1, XXV, 29-33)

Le participe-adjectif paré est régulièrement accompagné d'un adverbe qui en précise le sens, soulignant la richesse des habits et la noblesse des personnages:

honnourablement, haultement113, noblement114, richement115, jolivement116, etc.

Paré s’applique aussi bien aux vêtements, aux accessoires117 qu'à l'ensemble du costume:

Et est celle que vous pouez veoir illecq assise la plus honnourablement et plus haultement paree d'abillemens que les autres. (Perceforest, IIIe partie, t.1, V, 44-46)118 En l'absence de compléments précisant si ce sont des vêtements ou des accessoires qui complètent le costume, l'accent est mis sur l'achèvement du processus, sur l'aspect définitif et parfait de la tenue qui mérite le commentaire admiratif du narrateur:

Et tandis les pucelles commencerent a venir sus les hours qui estoient fais sus les murs du chastel, tant nobles et tant richement parees que c'estoit ung triumphe de les regarder. (Perceforest, III e partie, t.1, XXI, 442-446)119

Cet achèvement de l'action de s'habiller en même temps que le luxe du costume sont quelquefois exprimés par l'opposition de l'adjectif nues qui désigne le corps dépourvu de tout vêtement et de bien parees qui évoque la tenue complète:

113 Perceforest, IIIe partie, t.1, V, 45.

114 Perceforest, IIIe partie, t.1, V, 9; 347; XVI, 29; XXI, 346; XXV, 129; t.2, XXXI, 15; XXXIV, 11, 17, 38, 88; XXXVI, 719; XLV, 401.

115 Perceforest, IIIe partie, t.1, V, 11; XVI, 47; XXI, 445; Roman du comte d’Anjou, v.2370.

116 Claris et Laris, v.16568.

117 Dans cette acception, paré(e) a pour synonyme le participe passé atourné(e): « ... La belle Cresille estoit au millieu plus noblement paree et plus haultement assise que nulles des autres. Et comme le chevalier cogneut Cresille [...] qui estoit assise plus richement et honnourablement et aournee de plus nobles et triumphans joyaulx que les autres » (Perceforest, IIIe partie, t.1, XXI, 342-356).

118 Voir aussi Perceforest, IIIe partie, t.1, XVI, 28-31; t.3, LIII, 837-38.

por qu'eus saient riches ou beles,

saient nues ou bien parees (Roman de la Rose, v.11554-55)

Souvent, paré est mis en collocation avec d'autres participes passés qui appartiennent au même vocabulaire vestimentaire, tels vestuz (vestis), atourné ou

acesmé, pour constituer l'un de ces couples de synonymes que la langue médiévale

affectionne:

La bele o son ami demeure, qui bien riert vestuz et parez.

(Roman de la Rose, v.10240-41) 120

Dans le roman Meliador de Jean Froissart, le participe passé paré renvoie fréquemment121 aux armoiries du chevalier, en signifiant "dont l'écu et la cotte122 sont

ornés de"123. Cette acception est confirmée par l'emploi récurrent124 du substantif

parure dans le sens d’armoiries, signes de reconnaissance du chevalier. Paré aussi bien

que parure sont accompagnés de la description des armoiries: Li chevaliers, quant je m'avise, Estoit Sansorins appellés. De blanc et de bleu fu parés,

Tous semés de roses vermeilles. (Meliador, v.15706-09)125

120 Voir aussi Claris et Laris, v.16568-69 et les occurrences citées ci-dessus.

121 On ne relève que deux exemples où paré(e) signifie "habillé(e) avec élégance" aux vers 30056 et 30062.

122 Aucun contexte de Meliador ne précise qu'il s'agit à la fois de l'écu et de la cotte, mais les cottes d'armes étant souvent décorées du blason dès la fin du XIIIe siècle (voir Enlart, op.cit., p.470-471), il est juste de supposer que la cotte armoyée est une des composantes de la parure.

123 Dans cette acception, parer de (soi) a pour synonyme briser de (soi), souvent par souci d'éviter la tautologie:

"Qui ses rouges parures brise

"Seulement d'une dame blance". (Meliador, v.13246-13247) Par analogie, le synonyme de parure est brisure:

"On le poet bien en armoiant "Deviser: bleues armes porte, "En la targe qui est moult forte,

"A .I. soleil d'or de brisure". (Meliador, v.7112-7115).

124 Dix-neuf occurrences de parure sur vingt ont la signification d'"armoiries"dans le roman.

Sens figuré

La périphrase être paré est toujours employée pour des vêtements riches et