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Le mot chape705 désigne un large manteau à capuchon, dont l'usage est très

ancien dans l’Eglise, mais aussi en tant que vêtement civil.

Dans le costume séculaire, la chape est un manteau long porté aussi bien par les hommes que par les femmes, destiné à les préserver de la pluie pendant les voyages706.

Elle peut être soit fermée et enfilée par la tête, ce qui l'assimile à la chasuble, soit ouverte devant et fermée à l'encolure par un fermail. Souvent, des fentes sont aménagées pour passer les bras707.

La chape est portée par les gens de toutes les classes708 car elle protège bien des

intempéries. Elle est confectionnée dans des lainages travaillés devenus pratiquement imperméables709, ce type portant couramment le nom de chape a pluie710 ou de chape

a aige711. Mais on réalise aussi des chapes de cérémonie dans des étoffes plus luxueuses, qui seraient à l’origine du vêtement liturgique712.

703 Ibid., Index, p.79.

704 Piponnier, op.cit., Glossaire.

705 Du bas latin *cappa signifiant "capuchon", FEW, II, 269.

706 Voir Enlart, Index; Galeran de Bretagne, éd. par Lucien Foulet, Glossaire: "chape – manteau de voyage".

707 Enlart, op.cit., p.68.

708 C. Enlart et E.R. Goddard citent des œuvres où la chape est portée par des rois aussi bien que par des soldats, des pèlerins, etc.

709 Enlart, op.cit., p.51.

710 Elle est aussi appelée pluvialis.

711 L'Escoufle, v.3583.

La chape est un vêtement des plus conservateurs, sa coupe ayant très peu évolué au fil des siècles. Seules quelques nouveautés, comme les manches713 et le capuchon

amovible, apparaissent aux XIIIe et XIVe. Une phrase dans Perceforest suggère

cependant que la chape peut être portée de différentes manières:

Et quant elle eut aidié a armer le jenne chevalier, elle l'afubla d'une chappe a la maniere du paÿs, qui moult bien lui couvroit ses armes. (IIIe partie, t.2, XXXVI, 1664-1666)

Souvent fourrée, la chape de parade est pourvue de manches de toute évidence très larges puisque, pour les garnir, il faut jusqu'à deux cents ventres de petit-gris714:

Quant fu vestus et atornés, D'une cape s'est afublés D'escrelate, si est fourree D'ermines fin et s'est orlee

D'un bas sebelin noir canu. (Amadas et Ydoine, v.3775-79) Ele ot d'une chape forree

mout bien, si come je recors,

abrïé et vestu son cors. (Roman de la Rose, v.398-400)

Au cours du XIIIe siècle, le capuchon de la chape, appelé chaperon, souvent

fourré lui aussi, devient indépendant715; muni d'une petite pèlerine, il se met alors

par-dessus la chape ou d'autres vêtements de par-dessus. Le bout du capuchon, la cornette, s'allonge, si bien qu’à la fin du siècle, le chaperon peut se porter comme une coiffure: la

713 FEW définit chape comme "nom de plusieurs sortes de manteaux amples et sans manches" (II, 269), mais les manches sont souvent mentionnées dès le XIIIe siècle: Saint Louis revêt une chape à manches pour souper, car un de ses chambellans avait oublié sa robe de dessus... avec laquelle il avait coutume de manger". (Vie de Saint Louis par le Confesseur de la reine, ch.13, p.311, cité dans Gay, op.cit., II, p.322). Voir aussi Enlart, op.cit., Index; God., IX, 41; Lundquist, op.cit., p.18, etc. Dans le costume ecclésiastique, plus codifié, l'usage des manches est proscrit sous le pontificat du pape Innocent III et de ses successeurs.

714 Voir Compte de Geoffroy de Fleuri, 1317, cité dans Gay, op.cit., I, p.20: "Pour le sacre de Madame la royne. – Pour la fourreure d'une chappe de drap d'or qu'elle vesti à l'entré de Rains, tenant 226 ventres et pour les manches de lad. chappe 200 ventres et pour le chaperon de chappe 104 ventres".

longue cornette est enroulée autour de la tête, pendant d'un côté; de l'autre, pend la

goulée, devenue patte ou coquille716. Cette mode est très répandue au XIVe siècle.

La chape féminine possède une coupe identique à celle des hommes, mais elle est généralement fermée et parfois serrée par une ceinture:

Une chape à pluie afubla, De suz la chape se fist ceindre,

Et od une ceincture estreindre. (Roman de la Rose, v.7180-82)

Au XIVe siècle, la chape de parade est un vêtement très luxueux, orné de

broderies et de pierres précieuses717, mais la chape du peuple reste un manteau modeste

et utilitaire, élément indispensable du costume.

Le verbe habituellement employé pour désigner l'action de mettre la chape est

afubler (affubler, afuler, aflubler)718; desafubler, desfubler et deffubler sont les diverses formes du verbe qui exprime l'action de l'ôter. Le verbe enchaper signifie "couvrir d'une chape"719 et enchaperonner "coiffer d'un chaperon"720.

Dans l'imaginaire médiéval, la chape est représentée comme un vêtement composé de deux parties indissociables, le corps de la chape721 et le chaperon, ce

qu’illustrent des proverbes tels que mal fait la chappe qui ne fet le chaperon; qui a faite

la chape il doit faire lou chaperon; ... qui boit sa chape atout le chaperon722.

716 Enlart, op.cit., Index.

717 « A Madame la duchesse d'Orléans pour une chappe de veloux azur alexandrin, brodée de fleurs de lis d'or de Chippre et pourfillée de perles en laquelle il y a ou corps de lad. chappe, ès manches et ou chapperon fleurs de lis de broderie pourfilées comme dit est... » (1389 - Comptes royaux, ms., Biblioth. Richel., 6762, p.56; cité dans Gay, op.cit., I, p.322). D’après V.Gay la chape est souvent ornée d'orfrois, mais C. Enlart (p.86) et E.R. Goddard (p.81) affirment que l'orfrois est un ornement propre au mantel.

718 On rencontre d'autres verbes dont embruncher, qui apparaît dans Perceforest, IIIe partie, t.2, XXXVI, 1687.

719 Du XIIe au XVe siècle - FEW, II, 273.

720 A partir du XIIe siècle - ibid., 270.

721 Voir aussi: « Pour les deux surcots et le cors de la chape... » (Cpte d'Et. de La Fontaine, ap.Leber, XIX, p.102 – 1350, cité dans Gay, op.cit., I, p.302).

Manteau ample, la chape est présente dans la littérature comme un vêtement qui aide les personnages à se déguiser. Elle dissimule l’habillement du dessous, qui permet d'identifier le héros, ou encore des objets, telle l’épée d’un traître:

Et d'autre part Gadiffer se mesla entre le commun poeuple, embrunché de sa chappe comme par devocion pour soy mieulx muchier et celer. (Perceforest, IIIe partie, t.2, XXXVI, 1686-89)723

La u Aucassins et Nicolete parloient ensanble, et les escargaites de le vile venoient tote une rue, s'avoient les espees traites desos les capes, car li quens Garins lor avoit conmanque, se il le pooient prendre, qu'i l'ocesissent. (Aucassin et Nicolette, XIII, 26)

Au sens figuré, la chape apparaît comme la cachette idéale qui dissimule les désordres de la conduite et les pensées secrètes. Dans le Roman de la Rose, un mari qui couvre par sa naïveté les désordres de son épouse, s’exclame :

Vous fetes de moi chape a pluie! (v.8481) 724

Elément indispensable du costume, à la fois modeste et utilitaire, la chape fait partie d'un nombre important d'expressions proverbiales telles que faire la chape a choe « profiter de toutes les occasions favorables, au détriment d'autrui »725; chape cheüe

« bonne aubaine due à une mésaventure ou à la négligence d'autrui » (XIIe-XIIIe

siècles)726; garder sa chape "veiller à sa sécurité"727.

La chape tombe en désuétude après le XIVe siècle, mais la forme cape subsiste

pour désigner un manteau court « largement ouvert sur le devant, avec ou sans collet », porté sous les règnes de Henri II, Charles IX et Henri III728.

723 Voir aussi Perceforest, IIIe partie, t.2, XXXVI, 1665, 1754, 1980).

724 T-L, 2, 234.

725 FEW, II, 269; God., II, 59.

726 FEW, II, 273.

727 R. Boulengier-Sedyn, Le vocabulaire de la coiffure en ancien français étudié dans les romans de

1150 à 1300, Bruxelles, Palais des Académies, 1970, p.42. 728 Gay, Glossaire, I, p.276.