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Substantif déverbal d’acesmer, acesmement est attesté dès le XIIIe siècle266 pour signifier "parure, ornement":

Li baceler…

Venoient mout joliement. Et sachiez, li acesmement Estoient si bel et si fin Que baceler en nule fin

Ne fussent achesmé pluz bel. (Escanor, v.8096-01)

D'autres dérivés du verbe acesmer existent que nous n'avons pas rencontrés dans nos romans: achesme (achemme) "ornement, particulièrement atours de femme (au pluriel)"267, et acesmant "élégant"268.

263 Huguet, I, 245.

264 Voir aussi Roman du Comte d’Anjou, v.2815-2816.

265 Outre les exemples cités, nous avons relevé le substantif appareil dans Perceforest, par exemple: « Mais encores lui estoit plus d'autre chose, car il commença a regarder vers le chastel et y vey le noble

appareil de noble pucelles assises en sieges royaulx, dont la belle Cresille estoit au millieu plus

noblement paree et plus haultement assise que nulles des autres » (Perceforest, IIIe partie, t.1, XXI, 342-348).

Le Dictionnaire de Huguet269 ne relève que le participe passé adjectivé achemé

"paré" et le substantif achesme "parure": il n’en cite que peu d’exemples, ce qui témoigne d’un fort affaiblissement avant leur disparition.

Même si le verbe et ses dérivés survivent jusqu'au XVIe siècle, la plupart des

occurrences se situent dans le dernier quart du XIIe et la seconde moitié du XIIIe siècle,

comme l’attestent la majorité des exemples des dictionnaires consultés ainsi que nos romans.

ARME

Substantif féminin, le mot arme est emprunté au latin pluriel arma "ce qui garnit (ou prolonge) le bras dans la lutte". Dès les premiers textes270, il désigne un instrument

d'attaque ou de défense271, réunissant en un seul terme les deux fonctions de

l'équipement militaire. Dans nos textes, arme est employé exclusivement au pluriel et possède plusieurs significations:

1. "Equipement complet"

La majorité des occurrences ne focalisent pas l'attention sur la destination de l'équipement mais sur sa suffisance, qu'il s'agisse de l'armure du corps ou des armes offensives:

Assés pres d'une gaste tor,

.viiij. chevaliers mout bien montez, De toutes armes aprestez,

267 God., I, 49; FEW, I,14. 268 T-L, 1, 78.

269 Huguet, I, 54.

270 XIe s., Gamil., 50b.

Et les vit fort envers lui traire. (Escanor, v.2180-2183)272

Lorsque le substantif armes joue le rôle de complément indirect auprès de verbes signifiant "équiper", tels que appareiller, acesmer, armer ou atourner, on relève souvent des épithètes qui soulignent l’intégrité et la richesse de l’équipement:

un chevalier mout bien taillié

Et d'armes bien apareillié. (Escanor, v.11763-64)273

Certes, le contexte définit rarement le type de l'équipement, mais des éléments suggèrent parfois qu'il s'agit bien du harnois complet:

Laris ses armes pas n'avoit; Li vilains, qui assez savoit, Li a preste .I. gambison,

Et .I. bouclier et .I. baston. (Claris et Laris, v.11216-19)

Dans cet extrait, le sens d’armes est précisé, même si la description est un peu schématique, voire parodique. Le terme regroupe ici les éléments essentiels de tout équipement guerrier: le vêtement de protection (gambison) et les instruments de défense (bouclier) et d'attaque (baston).

Par extension, armes peut évoquer le combat mais également le métier des armes274 , le savoir-faire guerrier:

Lui et son compaignon Claris!

Car d'armes sont li mielz apris. (Claris et Laris, v.7385-86)275

272 Voir aussi Claris et Laris, vv.2501, 27512, 27649; Escanor, vv.693, 2193, 11764, 17669; Perceforest, IIIe partie, t.1, XI, 523; t.3, LI, 93; LII, 5.

273 Cf. Claris et Laris, vv. 6653, 24482; Escanor, v.2182.

274 God., VIII, 184.

275 Voir aussi Escanor, v.3920; Meliador, vv.2657, 2833-34, 7369-70; Perceforest, IIIe partie, t.1, XVI, 351; XXIV, 543; t.2, XXXVIII, 1347.

2. "Armure – ce qui couvre et protège le corps"

Armes peut désigner les parties de l'armure qui protègent le corps des coups

et des blessures. Ce sens est donné soit par la description des pièces que vêt le chevalier, soit par les verbes d'entourage:

Les armes font avant porter Por le Descouneü armer. A bonnes coroies de cer Li lacent les cauces de fer; Le hauberc li ont el dos mis, Li hiaume aprés el cief asis. Et quant il l'orent bien armé,

Si l'a Lanpars araisonné... (Bel Inconnu, v.2789-96)276

Les verbes qui explicitent le sens d'armes sont ceux qui ont un rapport direct avec le corps et signifient "s'habiller": vestir, endosser, soi atourner, soi atiller, ou encore la périphrase restraindre entor soi:

"Vassaus", fet il, "armes avez; Or moustrez, con les vestirez! Car bien croi, foi que doi Saint Piere,

Ce devant vestirez derriere!" (Claris et Laris, v.22841-44)277

Une belle armure bien ajustée souligne la beauté naturelle du corps ainsi que la richesse du personnage:

Fiers fu et de grant appareil

Et li sirent les armes bel. (Escanor, v.3962-63)

3. "Armoiries"

L'emploi extensif le plus fréquent du substantif armes est celui d'"armoiries"278.

Cette acception est datée de la seconde moitié du XIIe siècle279, à une époque où

276 De même Perceforest, IIIe partie, t.1, XII, 387; t.2, XXXVII, 843; t.3, LIII, 572, 576; Ysaïe, § 552.

277 Voir aussi Claris et Laris, vv.3539, 4790, 21849-50, 27500, 27707; Escanor, v.2041-42; Meliador, v.18273-75.

l'armement défensif subit des transformations qui nécessitent l'utilisation de signes distinctifs: ceux-ci prennent le nom d'armes par métonymie. Il s'agit de signes de reconnaissance, peints sur le bouclier ou parfois sur d'autres pièces du harnois280, qui

sont destinés dès l’origine à identifier le chevalierdans la bataille281.

Armes se prête à la définition d’"armoiries" notamment lorsque le substantif est

suivi de la description de ces armoiries, c'est-à-dire de leur couleur et/ou de leur dessin. Dans ce cas, armes est fréquemment accompagné du verbe porter282:

Et sachiez, armes totes blanches

Porta a ce tornoiement. (Escanor, v.4730-31)283

Dans les textes plus anciens la transition métonymique est parfois sensible, le dessin étant indissociable de l'objet lui-même. Le mot armes s'entend alors comme "un écu peint de diverses couleurs, qui peut être paré de motifs ou de figures":

Contre lui vint a grant bobance Li rois de Gales, qui avoit Le meillor cheval c'on savoit. Mais les armes ot granz et lees, D'or et d'argent esquartelees, A liepardiauz de l'un en l'autre.

Lance baissie sour le fautre. (Escanor, v.3972-78)284

279 Dict.Hist.

280 Dans Perceforest on trouve une lance peinte des armes du bouclier (Perceforest, IIIe partie, t.1, XX, 18) et dans Meliador, les vers 4765-68 évoquent une cote d'armes:

De blanch a .II. biaus pelz tous rouges, L'un devant et l'autre derriere,

S'armoit li preus a sa maniere,

Et d'un pel en sa targe blance.

281 Voir M. Pastoureau, Traité d'héraldique, 3e édition, Paris, Picard, 1997, p.37 et sqq; F. Piponnier,

op.cit., p.159.

282 Nous avons rencontré le verbe vestir dans l'expression vestir les armes au sens d'"adopter des armoiries", synonyme de porter dans cette acception:

Si nous doutons de connoisance; Pour ce volons d'autre semblance

Armes, que vestues n'avons. (Claris et Laris, v.4763-65)

Voir aussi Claris et Laris, v.11641

283 Voir aussi Bel Inconnu, v.3000; Claris et Laris, vv.1922, 13194-95; Cleomadés, vv.535-38, 616-19,

Escanor, vv.4084-85, 4122-23, 4990-93, 5001-09; Perceforest, IIIe partie, t.1, II, 51; V, 166; XII, 437; XVI, 415; XXII, 354; t.2, XXXVII, 298; Meliador, vv.5045-52, 7180-81, 8579-81, 13228-29, 22276-80;

Ysaïe, § 211.

284 Voir aussi Claris et Laris, v.13343-44; Escanor, vv.3163-64, 5579-82, 11744-45, 15188-91;

Mais un détachement s'opère peu à peu qui aboutit à l'acception "dessin", ce dont témoigne l'apparition d'expressions comme armes (avoit) sus ses escu, armes de

l'escu, escu sans armes, etc.:

Mais pardessus tous il en y avoit ung tant preu qu'en tout l'estour il ne trouvoit chevalier qu'il ne convenist tumber par terre, et portoit ung escu d'asur sans armes. (Perceforest, IIIe partie, t.1, XVI, 54-58)285

Ce dessin peut même être représenté sur des objets qui n'ont aucun lien avec l'équipement guerrier, les armes devenant le symbole héréditaire d'une famille:

Lors emmenerent l'espousee Dedens la chambre encourtinee; La truevent un lit bel et noble: N'ot jusques en Costentinoble Si bel, si riche, ne si cointe De couvertour, de couste pointe Et d'orilliers et de carpites, Toutes pourtraites et escriptes D'armes, d'oisiaux, de besteletes; Toutes chosez i sont si netes Comme il affiert a tel homme.

(Roman du comte d’Anjou, v.2895-2905)

Lorsqu'il est précédé de la préposition à et joue le rôle de complément de nom, le substantif armes est susceptible de caractériser le guerrier, car le signe héraldique fait partie intégrante de son identité provisoire:

N'avoit chevalier ne baron Qui celui as armes vermeilles

Ne prisaissent a granz merveilles. (Escanor, v.4364-66)

Enfin, par un nouveau transfert métonymique, armes peut désigner le chevalier tel un pseudonyme qui permet de l'identifier et de le nommer au moment de l'action:

Chascunz disoit: "Les armes blanches Bel et noblement se maintienent; S'en tel point longuement se tienent,

Au jor d'ui conquerront honor". (Escanor, v.5130-33)

Lorsque la description détaillée des armoiries est absente, la situation "de reconnaissance" permet de donner au substantif son sens héraldique: les signes étant déjà décrits auparavant, ils sont sous-entendus dans la situation déictique, et dans ce cas les verbes connaistre (recognaistre), sçavoir et mesconnaistre, ainsi que l'adjectif

descogneues caractérisant armes, concourent à sa définition286: Melyador, a le maniere

Des armes, recognut l'Irois. (Meliador, v.24915-16) Dynadanz point ne le connut:

Pour ses armes le mesconnut. (Escanor, v.12250-51)287

Le Dictionnaire de Huguet ne mentionne pour armes que l'acception "exploits de guerre", alors que celles d'"armoiries" et d'"armure" sont récupérées par les substantifs correspondants288.