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Issu du gaulois braca456, le substantif braie(s) est attesté dans les textes dès le

XIIe siècle457 pour nommer une sorte de pantalon dont l'origine remonte à la civilisation

gauloise et qui est adopté par les Romains au Ier siècle de notre ère458.

Au XIIe siècle, braies désigne donc un pantalon d'homme qui, selon les lieux et

les usages, peut être court ou long, large ou ajusté; celui-ci est retenu par une ceinture

456 REW, 1252.

457 FEW, I, 478.

458 Selon C. Enlart, les braies des Gaulois sont une sorte de pantalon ample (op.cit., p.13). Pour A. Parmentier, elles sont au contraire longues, étroites et serrées aux chevilles (Album historique, publié

sous la direction de Ernest Lavisse,… Le Moyen âge, du IVe à la fin du XIIIe siècle. Habitation, vêtement, alimentation, mobilier, armes… Paris, A. Colin, 1898, p.2). E. Viollet-le-Duc, quant à lui,

définit les braies comme « un caleçon plus ou moins long, plus ou moins serré » (Dictionnaire, t.3, p.69). Voir aussi F. Piponnier, op.cit., p.53.

appelée braiel459, munie de jarretelles qui servent à relever le bas des braies et à

attacher les chausses460.

Les gens du peuple portent des braies larges461, souvent longues, qu'ils fixent

parfois aux chevilles ou retroussent et attachent à la ceinture pour permettre une plus grande aisance des mouvements

Aux XIIIe et XIVe siècles, les braies peuvent être confectionnées en cuir,

souvent très courtes, ou bien en toile, longues ou courtes, amples ou ajustées. Au

braiel, fabriqué en fil, en coton, en soie ou en cuir, sont suspendus divers objets462. Dans Blancandin et l'orgueilleuse d'amour, on apprend que le braiel de cuir est moins prisé que celui de soie:

Onques es braies n'ot corroie,

Sis braiers ert trestoz de soie. (Blancandin, v.171-172)

Comme l'attestent de nombreuses mentions dans les dits, les fabliaux, les romans ou les chroniques, les braies sont portées par les hommes de toutes les conditions, faisant partie du costume du vilain autant que du roi463.

Au milieu du XIVe siècle, lorsque le vêtement masculin raccourcit, les braies

deviennent également plus courtes, car elles restent une pièce du costume que l'on ne

459 braiel (braieul) ou braier: Enlart, op.cit., p.26; Gay, p.203; FEW, I, 478 (braiel "ceinture nouée ou bouclée à la taille pour retenir les braies; partie du corps où elle se noue"), 480; T-L, 1, 1112. Il peut être richement orné:

Si ot lasnières ou braioel Qui n'estoit pas povre ne vis

D'or et de soie mult soutis. (Amadas et Ydoine, v.3772)

460 A propos de la distinction des braies et des chausses, Françoise Piponnier remarque qu'"à travers les illustrations, longtemps seule source documentaire disponible, il est difficile de les [les chausses] distinguer des braies fixées par des bandelettes" (op.cit., p.54). La confusion est donc facile, surtout à l'époque où les braies deviennent longues et très ajustées et où les chausses s'allongent pour recouvrir presque toute la jambe. God. et FEW définissent les braies comme des "haut-de-chausses" (God., VIII, 364; FEW, I, 478). On peut en effet supposer que les braies sont rebaptisées ou remplacées par les "haut-de-chausses", mais pas avant la fin du XVe siècle; or, pour éviter tout anachronisme ou confusion, il est préférable de présenter les braies comme une sorte de pantalon ou de caleçon.

461 Ils peuvent aussi s'en passer (Enlart, id. ibid.).

462 Les documents iconographiques montrent souvent des paysans ou des artisans suspendre leurs oustensils au braiel pour libérer leurs mains. Mais on peut y attacher aussi ses clés ou sa bourse.

463 Voir Le Dict de l'eschacier dans Jongleurs et Trouvères des XIIIe et XIVe siècles, éd. par A.Jubinal,

cité par Viollet-le-Duc, t.3, p.74 et V. Gay, I, p.209; J. Joinville, « La vie de Saint Louis », cité par Viollet-le-Duc, t.3, p.74. Dans nos romans, les braies sont présentes dans Claris et Laris, v.5299;

doit pas voir: « Grande estoit aussi la deshonnesteté des habits qui couroient par le royaume, car les uns avoient robes si courtes qu'elles ne leur venoient que aux fesses, et quand ils se baissoient pour servir un seigneur, ils monstroient leurs braies à ceulx qui estoient derrière eux », écrit le chroniqueur de Saint-Denis464 en 1370.

Exclusivement masculin, ce vêtement est devenu un symbole de la virilité ainsi que du rôle dominant du mari dans le ménage465. On recense dans la littérature

médiévale de nombreux exemples de déguisement de femmes en homme, où les braies sont présentées comme l'élément principal de cette transformation:

Et ele fist faire cote et mantel et cemisse et braies, si s'atorna a guise de jogleor, si prist se viele, si vint a un marounier... (Aucassin et Nicolette, XXXVIII, 15)466

La première mention des braies féminines date de 1380: « Feminale, braie de femme. Femorale, braie à homme »467. Cependant les femmes n'adoptent véritablement

le haut-de-chausses masculin que dans la seconde moitié du XVe siècle, celui-ci

recevant par la suite le nom de caleçon468.

Vêtement de dessous, près de la peau, couvrant la partie inférieure du corps,

braies fait partie d'expressions proverbiales comme avoir le cuer en le braie "avoir

peur"469 ou sortir braies nettes "se tirer heureusement d'une mauvaise affaire"470.

Les chausses devenant solidaires dès le milieu du XIVe siècle, les braies

disparaissent progressivement, ainsi que le mot les désignant, comme l'atteste le

Dictionnaire de Huguet qui ne mentionne que braiet ou "petit caleçon"471.

464 Voir J. Quicherat, op.cit., p.229; C. Enlart, op.cit., p.86 (« Chronique de Saint-Denis », 1370, t.V, p.463). Ou encore Le Livre du chevalier de la Tour Landry: « Les femmes coiffées à cornes... faisoient les cornes aux hommes cours vestus qui monstroient leurs culz et leurs brayes... » (Le Livre du chevalier

de la Tour Landry pour l'enseignement de ses filles, op.cit., chapitre XLVII, « D'un saint preudhomme

evesque qui presche sur les cointises », p.98-99)

465 Dans le fabliau allégorique de Sire Hain, Dame Anieuse, son épouse, lui dispute les braies, symbole de l'autorité dans le ménage (Sire Hain et Dame Anieuse (XIIIe s.), rec. Montaiglon, fabliau VI).

466 Voir aussi Perceforest, IIIe partie, t.2, XLI, 98.

467 Gay (Glossaire, I, p.209) cite le Catholicon latin-français (ms. Bibl.Richel., nouv.acquis., 1042), le seul exemple toutefois de braies féminines qu'il ait trouvé.

468 La première mention du caleçon en tant que sous-vêtement féminin date de 1563 (voir Gay,

Glossaire., p.251).

469T-L, 1, 1111; Escoufle, v.1128-29.

CHAUSSE(S), chauce(s), cauce(s), cauche(s)

Provenant du bas latin *calcea472, le substantif chausse est attesté pour la

première fois au XIe siècle sous la forme chalce473, et dès le XIIe sous la forme chauce

(chausse, cauce474). Généralement employé au pluriel, le mot désigne des bas475, couvrant le pied et la jambe, qui entrent en usage au VIIe siècle. C'est un vêtement

propre aux deux sexes: les chausses des femmes arrivent au-dessus du genou, fixées par des jarretières; celles des hommes peuvent s'arrêter en dessous, restant lâches476, ou

monter davantage pour être attachées au vêtement de dessus ou au braiel477 par des

jarretelles et, plus tard, par des aiguillettes.

Aux XIe et XIIe siècles, elles sont confectionnées en lin, en soie ou en drap, de

couleur unie ou rayées de bandes horizontales. Aux XIIIe et XIVe siècles, on les

fabrique en étoffe de fil, de laine ou de soie478, dont la grande souplesse permet de

mouler parfaitement la jambe479. Les chausses réalisées sur mesure étant onéreuses, on

se les procure généralement chez les chaussetiers, qui se multiplient au moment où la mode masculine décide de mettre en valeur les jambes480 dans la seconde moitié du

XIVe siècle. En général, les chausses sont unies, mais elles peuvent être de drap mêlé

471 Huguet, Dictionnaire..., p.678.

472 Le Dictionnaire étymologique de la langue latine n'exclut pas une origine étrusque pour le latin calx,

-cis (A. Ernout, A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, Klincksieck, 1994 (4e

éd.), p. 90).

473 Gamil., I, 219.

474 Ibid.

475 Pour E.R. Lundquist la traduction exacte du mot chausses est "bas", et non pas hosen "pantalon", "culotte" (Wartburg) ou "culotte", "caleçon" (Godefroy), car "à cette époque les culottes s'appelaient braies, et les textes des XIIe et XIIIe siècles font une distinction nette entre les chausses et les braies..." (Lundquist, op.cit., p.131). Le mot "guêtres", proposé par le Dictionnaire étymologique, peut être également une bonne traduction pour désigner les chausses avant le raccourcissement du costume en 1340.

476 C. Enlart, op.cit., p.16-17.

477 Voir ce mot.

478 C. Enlart, Manuel archéologique..., pp. 27 et 41.

479 Les chausses tissées n'apparaissent qu'au XVe siècle (Lundquist, op.cit., p.132).

ou gaufré, ou encore à dessins481; leur couleur est variée: vert, noir, blanc, bleu, pers ou

autre. Dès 1300, lorsque débute la mode des vêtements partis, les chausses sont souvent de deux couleurs différentes482.

Comme l'attestent les œuvres littéraires, une grande attention est accordée à la coupe des chausses et à la manière de les porter, car elles doivent être toujours bien tirées et sans plis:

Cauche toi en bele maniere Tire ta cauche a la laniere

Si que ni ait plique ni fronche. (Clef d'Amours, p.14)

Les chausses peuvent être entières ou à pieds coupés483. La partie qui couvre les

mollets et les cuisses permet de protéger les jambes de l'agression du froid et des broussailles. Le pied des chausses, quand il existe, a pour fonction essentielle de garantir le pied du frottement de la chaussure. Aussi, dans le Roman du comte d'Anjou, le comte s'inflige-t-il un supplice de plus quand il enfile des chaussures sans chausses:

Lors a sa bonne robe ostee, Celle a un serf a endossee; D'uns soulers a lïens se chauce, Si ne mist dessouz nulle chauce.

(Roman du comte d’Anjou, v.5293-96)

Cependant, au singulier, le mot chauce peut être employé au sens plus général de "chausses et chaussures", de "tout ce qui couvre les jambes et les pieds", et être placé en collocation avec d'autres termes génériques, tels vesteüre:

Et si vous di je bien que froiz Estoit le temps a desmesure, N'il n'ot chauce ne vesteüre

Qui ne soit dessiree et graite. (Roman du comte d’Anjou, v.5602-05)

481 Voir, par exemple, dans le roman de Flamenca vers 5831-32:

Caussas hac de pali am flors

Obradas de mantas colors.

482 Quicherat, op.cit., p.235; Enlart, op.cit., p.42.

Chauce est alors synonyme de chaucement(e) (cauchement484) et de chausseüre:

Ne de linge ne vestirai, Ne ne müerai chaucemente Tant que Nostre Sires consente.

(Roman du comte d’Anjou, v.5350-52) N'a chaperon ne chauceüre;

Grant mesaise tret et endure. (Roman du comte d’Anjou, v.5283-84)

Les chausses peuvent être semelées, c'est-à-dire "aux semelles cousues qui dispensaient de souliers"485, mais on porte généralement des souliers par-dessus les

chausses486:

Sy monta sus ung mont ou le soleil luisoit bel et cler et illecq se print a regarder ses jambes et ses piez, car il n'avoit chausses ne sorlez qui n'eussent estez deschirez en cheminant par la forest des ronsses et espines. (Perceforest, IIIe partie, t.2, XL, 917-921)487

Les verbes les plus couramment employés avec chausses sont chaucier (soy)488

et lacier489, lequel nous renseigne sur la manière de mettre les chausses.

Au XIIIe siècle, et surtout au XIVe, les chausses deviennent un vêtement

indispensable qui constitue la base de tout costume. En être privé témoigne alors d’un état de misère490:

Cy endroit tesmoigne l'istoire que ainsy que Ysaïe estoit en le salle, entra laiens une dame tout a pié, le quelle estoit en povres abis descirés et bien sambloit femme de povre lieu. Et ot ung varlet qui estoit grans et menbrus, mais il n'ot caperon, cauche ne sollers, mais il ot, du solleil, le visage rouge et noir. (Ysaïe, § 77)

484 Ysaïe, § 491: « Et quant il vit che, sy fist apporter nouviaux vestement et cauchement a Tronc… »

485 Enlart, op.cit., p.266. Il appelle aussi "sorte de bottes souples" les chausses semelées (Index, p.552).

486 Voir Lundquist (op.cit., p.131), qui insiste sur cette distinction entre les chausses et les souliers, en appelant à éviter les définitions vagues.

487 Voir aussi Roman de la Rose, vv.13311, 20962; Ysaïe, § 77; Roman du comte d’Anjou, v. 5295-96;

Blancandin, v.3837-38.

488 Le verbe chaucier signifie autant "mettre les chausses" que "mettre les souliers"; il peut s'employer aussi pour les éperons: chaucier les esperons "fixer les éperons" (Claris et Laris, v.2025; Perceforest, IIIe partie, t.1, XX, 440, 442; Ysaïe, § 43).

489 Surtout pour les chausses de fer, dont il sera question dans le chapitre « Protection des jambes et des pieds ».

490 Ce que l'on rencontre d'abord dans les textes, sera fixé plus tard en une locution proverbiale: n'avoir

A la fin du XVe siècle, deux nouveaux termes entreront en usage:

haut-de-chausses, qui se substitue à braies, et bas-de-haut-de-chausses, qui désigne les chausses

proprement dites491.

Vêtement de dessous couvrant la partie inférieure du corps, les chausses font naturellement l'objet d'expressions métaphoriques plaisantes, qui deviendront des proverbes, et dont le nombre ira croissant les siècles suivants492: avoir le cuer en la

chauce "zaghaft sein" ("avoir peur")493; faire cauche seniestre "jouer un vilain tour à quelqu'un"494; avoir kauche senestre "être cocu"495; a cortes chauces longues larnieres

(n° 22) (ou la variante a longue cauche corte laniere (n° 67))496 "deux choses doivent

correspondre parfaitement pour former une unité pertinente".