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Le substantif cote573 est attesté dès le XIIe siècle pour désigner une tunique à

manches revêtue par les deux sexes qui subit de nombreuses transformations avec le temps. A l’origine, c’est un vêtement de tous les jours, de coupe simple qui est porté par les gens de toutes les conditions et de tous les âges574. Elle se pose sur la chemise et

le peliçon:

Sor chemise blanche aflouree

Ot vesti la coste. (G. de Dôle, v.4342-43)

568 Enlart, op.cit., p.39; T-L, 2, 166.

569 Vers 8905, dans l'énumération des pièces du costume féminin.

570 v.197.

571 Lancelot, roman en prose du XIIIe siècle, éd. d'A.Micha, Droz, 1978-1983, t.VIII, LIIa, 105: une

pucele envoyée par la Dame du Lac auprès de Lancelot, est vêtue d'une chainse blanche (le genre

féminin du mot chainse est peut-être influencé par chemise).

572 Un contexte similaire est cité dans God., II, 34, où chainse désigne une cotte d'armes: « Elle lui demanda un blenc cainse dont le roy Porrus etait orné. C'estoit une riche cotte d'armes toute parsemee d'escussuns volans, qui jettoient grande clarté au soleil » (La Colomb., Th. d'Honn., I, 289).

573 Du francique *kotta (Gamil., I, 268; FEW, XVI, 346). En ancien haut allemand *kotta prend les formes graphiques kôzzo, cozo, chozza, signifiant "manteau de laine grossière" (Gamil., Bl.-v.W., Goddard, op.cit., p.103).

574 Voir Goddard, op.cit., p.103. Elle énumère ceux qui dans les textes sont habillés d'une cote: paysan, marchand, varlet, sergenz, Tristan déguisé en lépreux, fou, moine, enfant, gentilhomme, etc.

Les plois des mantel tresperça

La cote, le pliçon hermin. (Comte de Poitiers, v.30-31)575

Cette tunique, à jupe et corsage amples, est serrée à la taille par une ceinture. La

cote masculine s'arrête au genou même si elle s'allonge au cours du XIIIe siècle chez la noblesse576; celle des femmes descend jusqu'aux chevilles, découvrant parfois le bord

de la chemise.

La cote est couramment fabriquée dans des lainages dont la qualité est très variable: les plus prisés sont l'escarlate, l'estanfort et la brunette577, le camelot étant de

qualité moyenne578; le gris et le burel579, médiocres, sont les plus répandus dans le

vêtement populaire:

Es vos poingnant un veneor ...En sa main espiel avoit, Corte cote avoit d'un burel,

Le cors ot avenant et biel. (Bel Inconnu, vv.1305 et 1308-1310) A l'inverse des menus plis du bliaut, les étoffes plus épaisses et plus lourdes de la cote forment des plis larges, tombants et "sculptés" qui communiquent à la tenue une simplicité et une grâce dignes des vêtements antiques. Dès la fin du XIIe siècle, la

noblesse porte également des cotes coupées dans des riches soieries venues d'Orient: S'ot cote d'un dÿapre noble

Qui fu faiz en Costantenople. (Erec, v.97-98)

575 Cités dans T-L, 2, 950 et 948.

576 Li rois si lieve et si s'atorne, Et por aler en la forest

D'une corte cote se vest. (Erec, v.70-72)

577 Les premiers témoignages de ces draps remontent à la fin du XIIe siècle (voir Zangger K., op.cit., pp.28, 50, 55). Dans le Roman de la Rose, Avarice est habillée d'une vieille cote plaine de viez paletiaus, tandis que, suspendue à une perche, reste inutilisée une cote de bruneite (vv.211 et 213-14). L'estanfort est très recherché au XIIIe, mais au XIVe siècle il paraît ne plus être en usage (Zangger, op.cit., p.55).

578 Joinville nous rapporte que Saint Louis portait une cote de camelot (Vie de Saint Louis, cité dans Enlart, op.cit., p.43; Gay, op.cit., II, p.362).

579 Selon K.Zangger, le premier témoignage de cette étoffe dans les comptes et inventaires date de 1234 (op.cit., p.33). Or, nous trouvons la mention du burel dans le Bel Inconnu de Renaut de Beaujeu, qui est daté d'avant 1214 (Le Bel Inconnu, éd. G.Perrie Williams, Introduction, p.VIII).

Lorsqu'au XIIIe siècle, la cote remplace le bliaut ou le chainse, elle est

confectionnée de plus en plus dans de belles étoffes de soie et se montre à la cour580:

De .II. dras de soie molt chiers

Avoit vestu cote et sercot. (Claris et Laris, v.21013-14)581 Devenue le principal vêtement de dessus, la cote est une tunique élégante et adopte dès 1230 environ les fichets, ces fentes latérales qui correspondent à celles de la chemise et laissent entrevoir la peau582.

La cote peut alors se porter seule, ou bien avec un manteau ou un surcot. Le

surcot la couvre d'abord entièrement, ne laissant entrevoir que le bas des manches, mais

avec l'avènement vers 1230 du surcot sans manches ou à manches courtes583, la cote

réapparaît, ses manches étant mises en valeur par une couleur différente ou une broderie584. Le surcot est également pourvu de fentes latérales qui s'élargissent au cours

des XIIIe et XIVe siècles: "cette mode fut poussée à un tel excès que les robes furent

fendues depuis les épaules jusque dessous les hanches"585, laissant apercevoir la cote

ajustée sur le corps, ainsi que sa riche ceinture. Confectionnés dans un même drap, les deux vêtements de dessus (la cote et le manteau, la cote et le surcot ou le surcot et le manteau), témoignent de l'élégance et de la richesse de leur propriétaire, surtout si l'étoffe est précieuse:

Mais entruez qu'il en ce deduit Estoient, choisirent venant un chevalier tot maintenant Qui vers le roy s'en vint en haste; Et fu vestuz d'une escarlate

De coi cote et mantel avoit. (Escanor, 1634-39)586

580 Goddard, op.cit., p.105: Guillaume de Dôle, v.4345; Escoufle, v.8914; Lundquist, op.cit., p.15;

Cleomadés, v.503.

581 Cf. au début du XIVe siècle, dans le Roman du comte d’Anjou, v.2990-92: « D'un biau drap d'or cote li vestent / Et mantel d'or fourré d'ermines, / Coronne d'or a crapoudines... »

582 Enlart, op.cit., p.63.

583 Enlart, op.cit., p.45.

584 Ibid., p.62.

585 Quicherat, op.cit., p.241.

586 Voir aussi les vers 21013-14 de Claris et Laris, cités ci-dessus; Lancelot en prose, III, I: « La damoisele fu de grant bialté; si vint deant le roi molt acesmee et ot cote et mantel de molt riche drap de soie... »

La cote des femmes est plus longue que celle des hommes. Dans l'encolure assez dégagée est ménagée une ouverture, appelée amigaut, qui est boutonnée, lacée ou fermée à l'aide d'un fermail. Les manches, très ajustées du coude au poignet, sont pourvues de fentes qui se lacent ou se cousent à chaque fois que l'on met la cote587.

Comme les manches ne peuvent résister longtemps à un tel usage, chaque robe posséde des manches de rechange588. Pour les détacher plus facilement, on les épingle

simplement en plusieurs endroits de l'emmanchure. Dans certains cas, comme nous l'apprennent les textes, une dame peut offrir une manche à un chevalier, en souvenir, en récompense ou en gage: celui-ci la porte sur le bras, en bannière ou, si la dame lui demande, attachée à son heaume en signe de "servage d'amour"589.

Au milieu du XIVe siècle, la tenue des deux sexes se différencie radicalement.

Si la cote est remplacée dans le costume court masculin par le pourpoint, elle fait toujours partie de la tenue traditionnelle ou d'apparat et habille les gens "de robe longue". Dans Meliador, par exemple, le héros et son écuyer se déguisent en marchands en revêtant des cotes a plois larges et grans590.

Quant à la cote des femmes, elle se modifie encore: devenue étroitement ajustée, fendue dans le dos du col aux reins et lacée, elle met en valeur la poitrine ferme, placée très haut, d'une rondeur parfaite. La mode du décolleté qui se prépare depuis un siècle, devient d'un usage général au XIVe, ce qui attire la réprobation des

prédicateurs. Cependant, le Roman de la Rose recommande déjà le décolletage

587 Lundquist, op.cit., p.15-16; Enlart, op.cit., p.53.

588 Enlart, op.cit., p.62.

589 Cf. La Mort le roi Artu, Glossaire (panoncel), éd. de J.Frappier, Genève, 1964 (3e éd.). Voir aussi Lundquist, op.cit., p.16; Goddard, op.cit., p.161.

découvrant le biau col et descendant un demi pié darriers et devant591; la Clef d'Amours

l'approuve de même qu'elle le fait pour la longue traîne: ...Se tu as belle poitrine Et biau col, ne l'encourtine, Mez soit ta robe escolletés. (p.85) ...Des cotes longues par derière. C'est la meillour, se me semble, guisse Qui soit de nouvel avant misse. (ibid.)

La cote peut être fourrée de diverses pelleteries592. L'Inventaire de Richard

Picque, cité par Gay593, oppose une cote sengle, c’est-à-dire sans fourrure, à une cote

fourée de gris ou de viez penne de raz.

On appele également cote la robe des religieux, en particulier la robe à capuchon des franciscains594:

Ilh avoit si cum moines vestue cote leie. (Poème moral, 45b)595 C'est dans ce sens de vêtement long et large, couvrant le corps jusqu'aux pieds, que l'expression cotte de penitance est employée dans Perceforest:

Tors n'avoit point oublié sa cotte de penitance, car il l'avoit tousjours en son bras. (IIIe partie, t.2, XXXIII, 721-722)596.

Le diminutif de cote, cotele, désigne un vêtement d'homme ou de femme, une "petite cote"597 ou un "petit manteau qui ne passait pas les côtes, et que les chevaliers

portaient en tout temps sur leur armure"598:

591 Roman de la Rose, v.13281-85:

S'ele a biau col et gorge blanche, gart que cil qui sa robe tranche si tres bien la li escolete que la char pere blanche et nete demi pié darriers et devant.

592 Cf. le Roman de la Rose, v.9615: "cotes ferrees".

593 Gay, op.cit., I, p.449: « Une cote de gris fourée de cruppes de gris et le chapperon de ce mesme fourrure de menu vair, 48 s. Une cotte de gris fourrée de cruppes de gris pelez et très usez, et un chapperon doublé de drap de mesme, 24 s. Une cothe sengle de drap de caignet, 10 s. Une vieize cotte de sanguine fourrée de cruppes, 40 s. Une petite cotte d'escharlatte vermeille sangle et sans manches, 6 s. Une vièze cotte brunette fourrée de viez penne de raz, 20 s. » (Inv. de Richard Picque, p.28 - 1389).

594 Gay, op.cit., I, p.449; FEW, XVI, 346.

595 Cité dans T-L, 2, 948.

Estroites et sans fronces leurs costelles estoient. (Jeh. de Meung, Testament, 879, Méon)599

Après le XIVe siècle, cote restreint de plus en plus son sens, désignant

simplement la robe ou la jupe féminine, et donne naissance à des expressions comme

donner la cotte verte (à une femme) "la renverser sur l'herbe" ou bailler (à une fille) la cotte rouge "la dépuceler"600.