• Aucun résultat trouvé

CALCUL DES TEMPERATURES DANS LES STRUCTURES

4.4 COUPLAGES ENTRE PHENOMENES THERMIQUES ET STATIQUES

De la manière dont le code SAFIR a été conçu, il n'y a pas de réel couplage entre les aspects thermiques et les aspects statiques du problème. L'histoire des températures est calculée indépendamment des charges appliquées et de l'état de contrainte existant dans la structure. Par la suite, on calcule l'évolution de la structure sous l'effet des charges en considérant que les changements de température ont pour effet de créer des dilatations thermiques et de modifier les propriétés des matériaux. Il y a un effet des températures sur les contraintes mais l'effet inverse n'existe pas.

Dans la prise en compte des effets de la température sur les contraintes, on ne tient pas compte des pressions internes générées par l'évaporation de l'eau libre. C'est, à notre connaissance, le cas de tous les programmes de calcul numérique des structures soumises au feu. Ceci est justifié par le fait que, normalement, les températures du béton au moment de la ruine sont de l'ordre de grandeur de plusieurs centaines de degrés centigrades, bien au-delà de la température d'évaporation de l'eau. L'histoire des contraintes est ainsi calculée avec une certaine approximation, mais cette approximation n'intervient que durant le laps de temps nécessaire à l'évaporation et n'a guère d'influence sur la suite du calcul et certainement très peu sur la durée de résistance finale. L'effet que la pression peut avoir sur la température d'évaporation est pris en compte implicitement de manière approchée par le fait de répartir, de "tartiner", la chaleur de vaporisation de l'eau entre 100 et 200°C.

Dans certains cas, il est nécessaire de tenir compte de manière couplée des phénomènes hydriques et thermiques pour, par exemple, modéliser les transports d'eau sous phase vapeur générés par les gradients de pression ainsi que les transports d'énergie associés, avec recondensation éventuelle.

C'est surtout le cas de structures confinées, rencontrées plutôt dans les situations d'accident nucléaire que dans des situations d'incendie. A l'INSA de Lyon, par exemple, Ranc introduit la notion de porosité efficace [RA96]. Il admet l'hypothèse de Zukov selon laquelle les contraintes engendrées par les pressions de vapeur sont des contraintes de traction générée par le frottement de la vapeur lors de son écoulement, [ZU93a] et [ZU93b]. Comme il se limite à l'étude de structures confinées, Ranc utilise l'approche proposée et testée par Kontani et Shah [KO95] pour le calcul des pressions de vapeur. Les contraintes engendrées par ces pressions sont évaluées à l'aide du modèle proposé par Gluekler [GL79] dans lequel on fait intervenir la porosité efficace. Pour des parois de béton épaisses, on peut citer les travaux de Naas Lien et Wittman qui divisent les parois en zones distinctes, en fonction des caractéristiques thermiques et hydriques dominantes, [NA92] et [LI95].

Pour des situations non confinées, une analyse thermo-hydrique beaucoup plus complexe est nécessaire afin d'obtenir les températures et pressions de vapeur, du type de celle développée, par exemple, par Bazant [BA79]. Comme travaux récents, on peut citer les références [HU96] et [AB96].

Néanmoins, quel que soit le degré de raffinement des modèles mis en oeuvre, on peut se poser des questions sur la possibilité de pouvoir jamais prédire l'apparition de chaque

fissure, considérée de manière discrète. Or, chaque fissure individuelle exerce sur le champ de pression une influence très importante mais très locale, de sorte que la représentation de fissures discrètes, écartées l'une de l'autre d'un ordre de grandeur de 10 cm, par un modèle tartiné, "smeared cracks", ne donne pas une image très fidèle du champ de pression réel.

Une autre hypothèse très importante de ces modèles est celle de milieu homogène. Le béton est représenté comme une matrice poreuse constituée d'un seul matériau. En fait, le béton comporte au minimum 2 constituants, les granulats et la pâte de ciment. Or ces deux constituants ont des propriétés très différentes en ce qui concerne notamment la résistance à la traction et la porosité. Quel est dès lors le rapport entre les contraintes moyennes calculées et le risque réel de fissuration ? Il semble qu'en tout cas, la proportion volumique d'agrégats dans le mélange devrait être prise en compte dans les modèles homogènes équivalents.

Ces deux difficultés expliquent peut-être pourquoi il n'a pas encore été possible de modéliser numériquement le phénomène de l'éclatement du béton en situation d'incendie. Les travaux menés sur le sujet au sein du Service des Ponts et Charpentes de Liège n'ont guère été poussés en avant. A titre d'exemple, la figure 4.17 montre une partie de disque faisant partie d'une colonne circulaire en béton armé de 250 mm de diamètre, avec 6 barres de 12 mm. La figure 4.18 montre l'allure des contraintes dans le béton calculées avec des lois de matériau thermoélastiques, après 3 minutes d'exposition à l'incendie ISO. Les contraintes sont données en trait gras pour une coupe radiale A-A passant par une barre, et en trait plus fin, pour une coupe radiale B-B passant entre 2 barres. Les contraintes longitudinales ont l'allure bien connue et mise en évidence dans les calculs effectuées avec un modèle uniaxial du type "poutre". On note aussi l'existence de contraintes de traction circonférentielles et radiales. Le but, modeste, de ce type de calcul était de déterminer l'ordre de grandeur de l'augmentation de contrainte radiale au voisinage des barres. Après seulement 3 minutes, et avec des barres de faible diamètre, cette augmentation est modérée mais cependant visible sur la figure.

Fig. 4.17 : Partie d'une colonne circulaire -16 -14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 65 75 85 95 105 115 125

Distance depuis le centre de la colonne [mm]

Contrainte [MPa]

coupe A-A, dir. z coupe A-A, dir. r coupe A-A, dir. phi coupe B-B, dir. z coupe B-B, dir. r coupe B-B, dir. phi

Fig. 4.18 : Contraintes après 3 minutes

4.5 CONCLUSION

Les calculs de température au sein des éléments où les transferts thermiques ont lieu par conduction font appel à des techniques de résolution numériques classiques. La pratique montre que les résultats sont souvent en bon accord avec les valeurs relevées lors d'essais, à condition que soient bien définies ou connues les propriétés thermiques de tous les matériaux présents, ce qui peut poser problème pour les isolants thermiques, ainsi que les conditions aux limites, c'est-à-dire, en fin de compte, l'incendie. L'utilisation d'éléments linéaires convient parfaitement pour l'analyse d'éléments de construction soumis à l'incendie, notamment à cause des impératifs de discrétisation liés au calcul statique qui, généralement, suit le calcul thermique.

Il est également possible de prendre en compte de manière satisfaisante la présence de cavités internes au sein desquelles le transfert thermique a lieu essentiellement par rayonnement. Pour l'étude intensive d'éléments où ce mode de transfert thermique serait dominant, il conviendrait d'améliorer la qualité de la matrice d'itération afin de permettre l'utilisation de plus grands pas de temps. Pour ce faire, il faudrait intégrer au programme SAFIR les algorithmes de stockage et de résolution permettant de traiter des systèmes d'équations à matrice non symétrique.

L'influence des états de contrainte et de fissuration sur la distribution des températures n'est pas prise en compte dans le modèle et il en sera probablement ainsi pendant les années à venir, d'abord parce qu'il n'y a guère de cas où cela pourrait s'avérer nécessaire, ensuite parce

que la complexité et la variabilité des phénomènes en jeu rendent peu probable l'obtention de résultats vraiment exploitables.

Chapitre 5