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F i g 6.13 : Résultats du cadre de Cardington

Chapitre 7 ELEMENT COQUE

7.4 COMPORTEMENT EN FLEXION MEMBRANAIRE

Les deux mots "flexion" et "membranaire" sont, en principe, antinomiques. L'expression "flexion membranaire" se rapporte au cas où des contraintes dans le plan d'une plaque ou d'une coque produisent des moments de flexion, non pas lorsqu'on les intègre sur l'épaisseur de la plaque, mais bien sur la largeur de cette plaque. C'est le cas, par exemple, dans l'âme d'un profilé laminé qui est fléchi suivant son axe fort. Les contraintes sont uniformes sur l'épaisseur de l'âme et ne créent donc aucune flexion au sens de la théorie des plaques. Par contre, si on les intègre sur la hauteur, depuis la semelle inférieure jusqu'à la semelle supérieure, elles donnent bien un moment de flexion.

L'élément triangulaire à trois noeuds, le CST, convient très mal pour représenter cet état où la déformation varie de manière linéaire à cause, évidemment, du fait que son champ de déformation membranaire est constant sur toute la surface. Pour représenter ce type d'état de déformation, il convient de passer, soit à un triangle avec champ de déplacement quadratique, soit à un quadrilatère.

Le champ de déplacement membranaire de l'élément décrit ci-dessus est basé sur le champ linéaire du CST, mais il a été enrichi de trois degrés de liberté supplémentaires : la composante quadratique du déplacement s le long de chaque côté, dans la direction qui va d'un noeud à l'autre. La richesse du champ de déplacement se situe donc entre celle de l'élément CST et celle du triangle quadratique. Par la suite, on utilisera la notation CST+ pour faire référence au champ membranaire de l'élément de coque utilisé dans le programme SAFIR. Afin de voir l'influence de l'enrichissement apporté sur le comportement en flexion membranaire, Catherine Doneux a étudié une poutre encastrée libre constituée d'une plaque de 480 mm. de long et de 120 mm. de hauteur disposée sur sa tranche. Le matériau élastique possède un module de Young de 300.000N/mm² et un coefficient de Poisson de 0.3. On représente cette poutre à l'aide de 4 discrétisations différentes de 4 x 1, 8 x 2, 16 x 4 et finalement, 32 x 8 mailles carrées, le premier chiffre donnant à chaque fois le nombre de mailles sur la longueur et le second se rapportant au nombre de mailles sur la hauteur de la poutre. On compare le déplacement calculé numériquement lorsque la poutre est soumise à une charge d'extrémité avec la valeur théorique de ce déplacement. Chaque calcul est effectué deux fois, d'abord avec le champ de l'élément CST+, puis avec le champ de l'élément CST, obtenu en bloquant les 3 D.D.L. ajoutés.

La figure 7.14 porte en ordonnée le rapport, multiplié par 100, entre la flèche calculée numériquement et la solution théorique. Comme les éléments sont trop raides, ce quotient est une image de la précision, de la qualité du résultat. On constate effectivement un léger assouplissement de la structure lorsque, pour une même discrétisation, on passe du champ CST au champ CST+. Fondamentalement, toutefois, la convergence conserve la même caractéristique ; elle est très lente. Même avec un maillage de 32 x 8, c'est-à-dire 512 éléments CST+, on n'obtient encore que 96 % de la flèche théorique.

0 20 40 60 80 100

1E+02 1E+04 1E+06 1E+08 1E+10

Carré de la longueur du vecteur

Pourcentage de précision élément CST élément CST+ 4x1 8x2 16x4 32x8 Fig. 7.14 : Convergence de CST et CST+

La légère amélioration coûte évidemment parce que, avec le même maillage, on utilise plus de noeuds, donc plus de D.D.L., avec les éléments CST+ qu'avec les éléments CST. L'axe horizontal de la figure est une image du coût du calcul. Il porte le nombre, élevé au carré, des éléments qui sont nécessaires pour stocker la matrice de rigidité dans le vecteur utilisé par la technique d'adressage de la skyline. Cette grandeur est proportionnelle au temps de calcul nécessaire pour la résolution du système. On s'aperçoit ainsi que le prix à payer augmente plus rapidement que le bénéfice obtenu. La courbe correspondant aux CST+ est située sous la courbe des CST. On remarque donc que l'enrichissement apporté au champ membranaire n'apporte en rien une solution au mauvais comportement de l'élément CST en flexion membranaire. On peut d'ailleurs s'en convaincre assez facilement en observant la forme du champ de déplacement, puisque les bords de l'élément restent rectilignes.

Par ce fait, l'élément de coque mis en oeuvre ici n'a pas le caractère général de certains éléments plus performants qui peuvent être utilisés indifféremment pour des situations où la flexion perpendiculaire est prépondérante et pour des situations où c'est la flexion membranaire qui prévaut. La limitation discutée dans ce paragraphe n'est pas très gênante pour la modélisation des dalles de bâtiment, mais il importe de bien la garder à l'esprit pour le cas où on serait tenter de modéliser des structures d'un autre type.

Si cela s'avérait nécessaire, il ne serait pas très pratique de passer au triangle quadratique traditionnel pour des raisons de compatibilité avec l'élément de poutre. On en viendrait probablement à considérer un champ membranaire basé sur un degré de rotation à chaque noeud sommet, ce qui serait parfait pour la compatibilité avec l'élément poutre. Dans la discrétisation d'une structure 3D, ce degré de liberté est directement disponible car il est naturel de faire porter à chaque noeud 3 rotations et 3 déplacements. En utilisant ce D.D.L. dans l'élément de coque, on éliminerait aussi le problème de la rotation dans les éléments coplanaires.

Des éléments coques utilisant ce degré de rotation ont été proposés par plusieurs auteurs. Pourtant, le recours à ce D.D.L. pour assouplir le comportement du CST présente des inconvénients et a été beaucoup décrié [IR80]. Bergan a proposé d'éviter certains des inconvénients connus en revenant, pour la rotation par rapport à la normale au plan, à la définition de la mécanique des milieux continus :

θ ∂ ∂ ∂ ∂ z v x u y = ⎛ − ⎝ ⎜⎜ ⎞⎟⎟ 1 2 (7.12)

avec θz rotation coplanaire, x, y coordonnées du plan et u, v déplacements dans le plan.

L'élément construit sur base de cette définition et de la formulation classique de l'équilibre écrit en terme d'énergie potentielle est beaucoup plus souple que l'élément CST [BE85]. Pour des maillages très fins, il ne converge cependant pas vers la solution exacte mais vers des solutions qui sont, dans les exemples montrés par Bergan, trop souples de quelques pourcents. Il est possible d'obtenir une convergence quadratique vers la solution exacte en écrivant l'équilibre dans une formulation libre où on fixe comme condition de départ, lors de l'écriture de l'élément, que celui-ci doit passer de manière satisfaisante les patch test de mode rigide et de déformation constante [BE84].

La prise en compte de ce D.D.L. en rotation n'a pas été programmée dans le code SAFIR, car elle ne s'est pas révélée nécessaire dans le type de structures envisagées jusqu'ici.

7.5 CONCLUSION

L'élément de coque utilisé est basé sur une composante membranaire de type CST et une composante flexionnelle de type DKT. Le champ membranaire a été enrichi de 3 D.D.L. suplémentaires pour assurer une bonne compatibilté avec l'élément de poutre utilisé dans le programme SAFIR et notamment son noeud intermédiaire. Cet élément reproduit correctement des cas test avec comportement élastique et grands déplacements. Il convient également pour la représentation de dalles en béton armé à température ambiante ou en condition d'incendie. Pour ce type de structures, les armatures sont prises en compte de manière tartinée.

La surigidité bien connue de l'élément en cas de sollicitation de type flexion membranaire ne lui donne pas un caractère d'applicabilité générale. Quelques pistes ont été discutées pour l'amélioration de ce comportement. Il est cependant probable que les prochains travaux porteront d'abord sur des perfectionnements à apporter à la loi constitutive du béton, plus susceptibles d'améliorer la qualité des résultats et la robustesse de la convergence que la

formulation de l'élément lui-même à condition, bien entendu, de se limiter à l'étude de cas où la flexion membranaire n'est pas le mode de transmission naturel des efforts.

Chapitre 8