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F i g 6.13 : Résultats du cadre de Cardington

6.2.4 Comportement 3D à température élevée

6.2.4.1 Flambement d'une colonne hors de son plan de chargement - 1ère comparaison

L'étude a porté sur le déversement latéral d'une colonne soumise à une température croissante et les résultats sont comparés à ceux donnés par le programme LENAS développé au C.T.I.C.M. par Kaneko [KA90].

La colonne de 5 m est constituée d'un profil HEA140 en acier S235. Le gauchissement aux appuis est libre. La colonne est soumise à une charge constante de 100 kN appliquée avec une excentricité de 10 cm suivant l'axe fort ; la température du profil est ensuite augmentée de façon uniforme. Le matériau constitutif est supposé se comporter suivant les lois de l'Eurocode 3 [EC-32].

A température ambiante, le déplacement latéral à mi-hauteur de la colonne se produit dans le plan de l'âme, causé par le moment de flexion dû à l'excentricité de la charge. Il augmente légèrement dans la même direction lorsque la température commence à s'élever. Aux alentours de 200°C, des plastifications apparaissent aux extrémités des semelles ; leur effet sur la raideur flexionnelle suivant l'axe fort est nettement moins sévère que leur effet sur la raideur suivant l'axe faible. Les déplacements perpendiculaires à l'âme augmentent de plus en plus et la ruine se produit par déversement latéral de la colonne, accompagné de torsion.

Si on calculait l'échauffement réel dans la section droite, la température des bords des semelles augmenterait plus rapidement que dans le reste de la section, car ces bords sont

effet rende sensible au déversement des poutres qui ne le seraient pas à température ordinaire. Alors que le programme LENAS donne une température de ruine de 398°C, SAFIR donne une température critique de 384°C, avec le même mode de ruine. Ces deux valeurs des températures sont celles qui seraient obtenues si le calcul était mené indépendamment, sans concertation entre les deux instituts de recherche. La différence de 14°C est assez faible bien que LENAS ne prenne pas en compte les congés de raccordement, de sorte que les deux études ne portent pas en fait sur deux structures identiques.

Dans un exercice de validation, il est préférable d'étudier des structures identiques, aussi avons-nous effectué la simulation de la colonne en négligeant les congés, mais en conservant l'inertie torsionnelle de 8.47 cm4 calculée par SAFIR pour la section avec congés. La température critique obtenue n'est plus alors que de 372°C et la différence avec celle obtenue par LENAS est de 26°C, tableau 6.4. Pour la section sans congés, SAFIR calculerait une inertie torsionnelle de 6.43 cm4, ce qui ferait chuter la température critique à 356°C.

Ct = 6.43 cm4 Ct = 8.47 cm4 Ct = 21.36 cm4

LENAS sans congé - - 398

SAFIR sans congé 356 372 408

avec congé - 384 422

Tableau 6.4 : Températures de ruine

La manière dont la raideur torsionnelle est prise en compte par LENAS n'est pas rapportée dans la littérature. Des calculs de torsion pure menés par Talamona au CTICM ont permis d'observer une valeur de l'inertie de 21.36 cm4, à comparer avec la valeur de 8.13 cm4 donnée par un catalogue [AR--] ou avec la valeur de 8.47 cm4 calculée par SAFIR. Il semble que la raideur prise en compte par LENAS soit surévaluée dans un rapport de 2.6 qui est précisément le rapport entre le module de Young et le module de cisaillement pour un matériau qui, comme l'acier, a un coefficient de Poisson de 0.3. La prise en compte de la même raideur par SAFIR augmente la température de ruine de près de 408°C, tableau 6.4.

A partir de cet exemple, il n'est pas facile de tirer une conclusion claire, car cette dernière dépend du point de référence que l'on choisit pour le programme SAFIR dans le tableau 6.4. Si on considère chaque programme comme un tout indivisible, caractérisé par ses équations, mais aussi par la manière dont il les résout et par la manière dont la structure est représentée, la valeur de 384°C donnée par SAFIR est inférieure de 14°C à celle obtenue par LENAS. Par contre, si on essaie d'adopter autant que possible les conditions prises en compte dans le programme du CTICM, la valeur de 408°C donnée par SAFIR est supérieure de 10°C à celle obtenue par LENAS.

6.2.4.2 Flambement d'une colonne hors de son plan de chargement - 2ème comparaison

Afin d'obtenir une base de comparaison plus large, nous avons proposé que le même exemple soit calculé dans le cadre du STIFF, STeel In Fire Forum, britannique. Le congé de raccordement n'a pas été pris en compte et la chaleur adoptée pour l'inertie torsionnelle est celle des catalogues : 8,13 cm4.

En plus des deux premiers auteurs mentionnées au paragraphe précédent, on a obtenu la participation de Wang qui a développé son propre programme au Building Research Establishment, du groupe Planck-Burgess, utilisant son propre programme à l'Université de Sheffield, et de Ptchelintsev utilisant, avec une certaine aide de notre part, le programme ANSYS, au Building Research Institute à Tsukuba.

Afin de vérifier s'il n'existe pas déjà des différences entre les programmes en dehors de toute élévation de température, il a été décidé d'analyser également la colonne à 20°C. Pour mettre en évidence les effets tridimensionnels, il a été décidé de considérer 2 conditions d'appui différentes, suivant que la rotation suivant l'axe faible est libre ou empêchée, c'est-à-dire suivant que la charge est appliquée ponctuellement ou par l'intermédiaire d'un cylindre. Le tableau 6.5 donne pour les 2 conditions d'appuis les valeurs des charges de ruine obtenues à froid et celles des températures critiques sous une charge constante de 100 kN.

Rotation fixe Rotation libre

Auteur Code Institut à froid à chaud à froid à chaud

Wang - B.R.E., Garston 198 kN 476°C 193 kN 464°C

Talamona LENAS C.T.I.C.M. 192 kN 480°C 172 kN 402°C

Plank - Sheffield Univ. 194 kN 474°C 169 kN 385°C

Franssen SAFIR Univ. de Liège 188 kN 477°C 160 kN 386°C

Franssen (b) 192 kN 479°C 181 kN 432°C

Ptchelintsev ANSYS B.R.I., Tsukuba 192 kN 486°C 155 kN 368°C

Tableau 6.5 : Valeurs de ruine

On remarque que le programme du B.R.E. donne en cas de comportement 3D, c'est-à- dire lorsque la rotation est libre, des résultats plus élevés que les autres. La différence existe déjà à 20°C, la charge de ruine était d'au moins 12 % supérieure à celles obtenues par les autres participants. A chaud, la charge étant la même pour tous, la colonne analysée par Wang est proportionnellement moins chargée et peut donc supporter une température plus élevée. Wang attribue cet excès de résistance au fait que son élément ne prend pas en compte le gauchissement, ce qui le rend mal adapté à la simulation du déversement. Si on peut être

rechercher parmi certains termes d'interaction qui ont été négligés dans l'expression de la déformation longitudinale. La ligne repérée par Franssen (b) dans le tableau 6.5. donne les résultats obtenus par SAFIR en bloquant le gauchissement. Les résultats montent sans cependant atteindre le niveau obtenu par Wang. Il est à noter que, même lorsque la rotation suivant l'axe faible est bloquée à l'appui et que le comportement est donc essentiellement 2D, les résultats de Wang sont également les plus élevés.

On remarque enfin que, pour SAFIR par exemple, si le fait de libérer la rotation suivant l'axe faible fait chuter la charge critique à froid de 15 %, la chute de température critique est de 19 %. Cette tendance à une plus grande sensibilité au déversement à chaud qu'à froid est présente pour les 5 programmes. Il faudrait bien entendu confirmer cette tendance à d'autres niveaux de température et d'autres niveaux de charge avant de pouvoir tirer des conclusions définitives. Il convient cependant de tenir compte de la remarque formulée au paragraphe précédent à propos de l'influence défavorable qui pourrait s'ajouter à cause de la température plus élevée au bord des semelles. Il paraît ainsi un peu optimiste d'admettre, comme le fait l'Eurocode 3, les mêmes formules de déversement en cas d'incendie [EC-32] qu'à température ordinaire [EC-31]. Des études complémentaires sur le sujeet mériteraient à tout le moins d'être entreprises.

6.2.4.3 Sous-structure de Cardington

Dans le cadre de la série de tests à effectuer sur le grand bâtiment de Cardington, nous avons été amené à modéliser le comportement 3D d'une sous-structure composée d'une des poutres principales à 3 travées ainsi que des colonnes et des poutres secondaires adjacentes, figure 6.17. La figure 6.18 montre l'évolution du déplacement vertical au milieu de la poutre principale calculé par le programme SAFIR et par le programme 3DFIRE écrit par Najjar à l'Université de Sheffield. L'allure des 2 courbes obtenues est très semblable. La ductilité numérique de SAFIR lui permet d'atteindre une température de ruine de 40°C plus élevée que celle de 3D FIRE. 6 m 6 m 9 m 4.2 m 4.2 m 4.5 m 4.5 m

-80 -70 -60 -50 -40 -30 -20 -10 0 0 100 200 300 400 500 600 700 Température de référence [°C] Déplacement vertical [mm] SAFIR 3DFIRE

Fig. 6.18 : Evolution d'un déplacement vertical.

Cet exemple est assez complexe en ce qui concerne la géométrie, le nombre de sections droites différentes, le nombre de profils de température adoptés dans les sections, le chargement et les conditions d'appui. En tant qu'exercice de validation, il n'est cependant pas très sévère. En effet, le but de ce calcul était de déterminer quel degré d'effet "grillage de poutre" allait se développer, les poutres secondaires reprenant une partie de plus en plus importante de la charge au fur et à mesure de l'élévation des températures dans le portique principal. Etant donné la symétrie de la géométrie et du chargement, à cause de conditions aux appuis assez souples et suite à l'absence d'imperfections géométriques initiales, le comportement 3D est en fait presque inexistant dans cette sous-structure. Le cadre central est chargé et se déforme dans son plan. Chaque poutre secondaire en fait de même avec cependant un déplacement latéral de corps rigide, créé par la dilatation thermique de la poutre principale. Le seul effet de couplage entre le cadre principal et les poutres secondaires réside dans les réactions verticales transmises du portique aux poutres et dont la valeur varie au cours du temps. La sous-structure 3D pourrait donc parfaitement être analysée à l'aide d'un programme 2D, en tournant simplement les poutres secondaires de 90 degrés pour les ramener dans le plan du cadre principal, sans se préoccuper du fait que certains éléments s'interpénétreraient dans la discrétisation. L'exemple présente malgré tout de l'intérêt, car il faut qu'un certain nombre de sous-routines soient correctement implantées pour obtenir un résultat correct. Il s'agit aussi d'une des premières structures 3D en grandeur réelle à être testée et pour laquelle la modélisation numérique a été utilisée au niveau de l'élaboration du programme d'essai. Il faut signaler que, contrairement à ce qui avait été prévu par la plupart des spécialistes, les poutres secondaires n'apportent aucun appui au cadre central mais au contraire conduisent à un surcroît de charge sur le portique. Tout d'abord, la dilatation thermique dans les colonnes provoque un déplacement vers le haut de la poutre principale, déplacement auquel les poutres secondaires s'opposent, ce qui a pour effet d'accroître la charge sur le portique. De plus, des gradients thermiques existent sur l'épaisseur des poutres secondaires sur une longueur de 2 m de part et d'autre de la poutre centrale, ce qui correspond

secondaires a également tendance à surcharger le cadre. Ces effets peuvent aisément s'expliquer une fois qu'on les a observés ; ils peuvent même paraître évidents. L'expérience montre cependant que, lorsque les températures s'élèvent, il n'est pas rare que le bon sens et des raisonnements simples appliqués à priori conduisent à des déductions tout à fait opposées à ce que les faits montreront par la suite. Le présent exemple est, à ce titre, une illustration de l'intérêt que présente la modélisation numérique.

6.3 CONCLUSION

Grâce au soin avec lequel le champ de déformation a été élaboré, l'élément fini poutre possède de remarquables qualités dans la manière dont il traite les grands déplacements. La discrétisation de la section droite par un réseau de fibres triangulaires et quadrangulaires offre une grande liberté et permet l'analyse de poutres de sections très variées. Elle convient particulièrement bien pour la prise en compte de poutres formées de plusieurs matériaux et des champs thermiques non uniformes qui, de manière générale, s'établissent sur la section des poutres soumises au feu.

Dans les comparaisons menées avec des résultats expérimentaux avec d'autres programmes numériques, ou avec des solutions théoriques, on a toujours obtenu d'excellents résultats.

Chapitre 7