• Aucun résultat trouvé

2. Le cadre méthodologique : Une Sociologie de terrain

2.4. Corpus : Portrait des couples

Il est essentiel que les choix des patients soient socialement diversifiés. L‟investigation a concerné les couples de statuts et de conditions sociales et économiques différents (plus de femmes que d‟hommes). La majorité était issue de milieux moyennement aisés. Certains couples ont pu être rencontrés par le biais du biologiste (pour le centre El Mawloud) et par la gynécologue pratiquant au centre de Makhzane Asrar. La gynécologue a présenté notre enquête aux couples ou aux femmes susceptibles d‟accepter d‟y participer et ayant recours aux nouvelles technologies de reproduction. Elle leur demandait ensuite leur accord pour nous communiquer leur numéro de téléphone. Nous contactions alors ces personnes pour prendre un rendez-vous

64

avec elles dans le lieu de leur convenance. Certaines personnes nous recevaient chez elles, d‟autres préféraient le centre.

Les données sont obtenues dans une relation de face à face avec nos interlocuteurs. La discussion collective auprès des femmes a débuté dans les salles d‟attente. Ceci permet de comprendre et de décrypter leurs logiques sociales à l‟égard des techniques reproductives. A domicile, la sollicitation des couples a été importante. Les femmes s‟échangent des informations, évoquent entre elles les contraintes rencontrées au centre de la santé reproductive. Cette dynamique relationnelle entre les couples a joué en notre faveur, nous permettant de recevoir des demandes de femmes pour réaliser des entretiens dans leur domicile.

Sur les 38 hommes, 24 présentent une infertilité masculine, 09 : infertilité inexpliquée (idiopathique) et 05 : une stérilité secondaire. Sur les 43 femmes, 17 présentent une infertilité due à un problème tubaire, 12 : troubles ovulatoires, 5 femmes ont un kyste d'endométriose. 09 : infertilité inexpliquée.

Les hommes furent moins enclins à répondre et à répondre seuls. Ils participent timidement à l‟entretien, sinon de manière distanciée. Ils restent à l‟arrière plan. Les femmes prennent plus facilement la parole. Leurs époux laissent à celles-ci le soin de décrire les choses, comme si eux, n‟avaient rien à en dire. Sur les 45 couples, à qui nous avons proposé l‟entretien, sept (7) hommes ont refusé de continuer à l‟entretien. Ils résidaient dans d‟autres villes (Est, sud) et sont souvent pressés de retourner chez eux. A l‟issue des consultations, il était proposé à l‟homme ou à la femme de façon aléatoire selon les jours) de participer à l‟entretien semi directif. Au final, nous n‟avons entretenu qu‟avec 38 hommes. Parmi les 45 femmes que nous avons réussi à contacter, 2 femmes uniquement ont refusé l‟entretien. L‟entretien en face à face avec ces 43 femmes a constitué pour elles une opportunité de témoigner plus ouvertement sur leur propre vécu de cette expérience d‟infertilité vécue sous la PMA. Au-delà d‟un effet du protocole, cette difficulté de recruter des hommes lors de l‟entretien ont déjà été observées dans d‟autres enquêtes portant sur des expériences intimes vécues principalement le corps des femmes, comme pour l‟interruption volontaire de grossesse (Cresson, 2006). Deux raisons ont été évoquées. La première est liée à la difficulté de parler de la sphère intime du couple. La deuxième raison peut être imputée, nous emble t-il, à notre statut de femme qui anime l‟entretien. Les couples rencontrés résidaient dans presque tous les coins de l‟Algérie (Oran, Mascara, Mostaganem, Alger, Boumerdes, Constantine, Bechar, Adrar, Ghardaia, Tlemcen, Sidi Belabes…, plus une femme immigrée en Belgique).

65

Des entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès des femmes âgées de 30 à 47 ans et les hommes âgés entre 37 ans et 54 ans. Notre posture de recherche est focalisée sur la parole des femmes qui tentent une FIV. Celle-ci est essentielle pour objectiver leur expérience sociale et leurs rapports noués avec leur médecin. Nous n‟avons pas exclus les personnes de sexe masculin. Mais le nombre d‟entretien réalisé avec les femmes s‟appuie aussi sur le fait qu‟il n‟y a pas de meilleures personnes pour parler du vécu de l‟infertilité que les femmes qui ont subi les procédures médicales de la PMA. Ce sont elles qui expérimentent les risques, même si c‟est l‟homme qui a un problème de fertilité. Ce sont les femmes qui vont être douloureusement confrontées dans la durée aux techniques de l‟assistance médicale, et non les hommes qui privilégient l‟évitement de l‟enquêteur, en déployant souvent une logique du secret. C‟est à travers leur corps que le succès ou l‟échec de la PMA se manifeste.

Les hommes semblent peu concernés. Certains couples ayant réussi une première FIV, s‟impliquent dans l‟entretien, prenant une grande place et parlant beaucoup de l‟expérience d‟avoir un enfant, de la grossesse, de l‟accouchement, leur relation avec les professionnels, mais ils évitent de parler de leur infertilité, un mot qui semble être effacé de leur discours. Ils évitent absolument d‟en parler. D‟autres se montrent plus en retrait, paraissant encore blessés du fait d‟être infertiles. Ils peuvent se sentir dévoilés dans leur intimité.

Les entretiens avec les personnes infertiles ont duré en moyenne une heure. Ils ont été enregistrés, sauf deux entretiens car les personnes ne le souhaitaient pas, mais nous avons pu prendre des notes pendant l‟entretien.

Les entretiens avec les médecins ont duré entre trente minutes et une heure. Les entretiens menés avec les professionnels exerçants dans les centres de PMA sont : les membres du personnel médical du service de la maternité à l‟Etablissement hospitalier EHU (biologiste, gynécologue, la sage-femme, urologue et la psychologue). Les professionnels travaillant aux centres de fertilité privés sont : (03 biologistes, 04 gynécologues et 02 secrétaires médicales (réceptionnistes) et 01 juriste chargé de la gestion administrative du centre de fertilité privé. Ces entretiens individuels nous ont permis de comprendre les sens attribués par les professionnels de la PMA, à leurs activités quotidiennes, en mettant en exergue les contraintes et les atouts essentiels.

Le défi principal lié au contexte d‟entretien consistait principalement à créer dès le départ un échange qui se rapproche le plus possible d‟une situation « naturelle ». Dès les premières minutes de l‟entretien, les femmes évoquent leur infertilité et ses conséquences sur leur vie personnelle, sociale et conjugale. La construction d‟une relation de familiarité s‟est développée

66

jour après jour, permettant aborder l‟infertilité et enfin la PMA. Cette implication de la femme a contribué à la production d‟un discours significatif, ancré dans la sphère personnelle et expérientielle des participants.

Les femmes décident de l‟heure et l‟endroit du rendez-vous. Les entretiens au domicile des femmes ont fortement contribué à les mettre en confiance, créant une relation sociale sereine et plus libre que dans l‟institution sanitaire. Ces entretiens ont eu lieu en l‟absence parfois de leur époux et parfois de leur belle-mère.

La plupart des enquêtés se prête aisément à l‟entretien. Ces personnes y trouvent même du plaisir. A contrario, avec les professionnels, le contact était plus difficile. Le temps est évoqué comme une contrainte majeure.

L‟entrée des couples dans l‟univers médico-reproductif montre un parcours complexe aux hommes. Ces personnes sont en souffrance confrontées à une médecine de reproduction technique. Les femmes paient un lourd tribut dans leurs itinéraires thérapeutiques. Ces éléments ont été saisis à partir des questions suivantes : que représente, pour les hommes et les femmes l‟épreuve de l‟infertilité, quand le statut social est tributaire de la procréation ? Quelles sont les significations attribuées au désir d‟enfant, aux rôles de la femme et de l‟homme, à la parenté, aux techniques de la PMA et à l‟implication du corps des femmes dans la PMA ? Les questions lors de ces entretiens ont, notamment, porté sur leur parcours médical-gynécologique et social, sur l‟expérience de l‟infertilité et enfin sur le regard intime et social portés sur la l‟infertilité et le recours à la PMA.

Au fait, le choix d‟adopter cette méthodologie est pour mettre la parole et l‟expérience humaine au centre de nos préoccupations. Il nous semble important de reproduire de larges extraits des récits de nos interlocuteurs. De plus, cela permet de capter plus précisément leur expérience et le sens qu‟elles y donnent. Par mesure de confidentialité, certaines femmes se sont attribuées elles même un nom fictif. Dans le même ordre d‟idée, l‟objectif de ce travail n‟est pas de critiquer des cliniques en particulier; l‟objectif est plutôt de mettre en lumière les expériences des couples vécues dans les centres de fertilité.

La technique d‟observation a permis de mieux comprendre les interactions entre patients et professionnels dans les espaces de la PMA et la façon dont les décisions sont prises. Nous nous sommes placées en effet, au cœur de la salle d‟attente et la salle de réception de manière à repérer les situations concrètes auxquelles sont confrontés les professionnels de la santé et les couples infertiles dans le déroulement de la PMA. Le nombre de femmes dans les salles d‟attente varie entre vingt à trente. Par contre dans la salle d‟attente réservée aux hommes, le nombre

67

varie entre quatre à dix. Le temps moyen pour rencontrer le gynécologue est d‟une heure. C‟est la secrétaire qui appelle les patientes et parfois l‟assistante du biologiste. L‟infirmière accompagne les patientes à la consultation. Avant celle-ci, les femmes assurent le paiement de la prestation à la secrétaire et s‟informent de la date de leur(s) prochain(s) rendez-vous.