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1.4. Présentation de notre corpus principal

1.4.1. Conventions adoptées pour la transcription de notre corpus

Les conventions adoptées pour la transcription de notre corpus se basent essentiellement sur celles qui ont été proposées par Christine Leroy (1985) et adoptées avec peu de changements par Mary-Annick Morel et l’EA 1483 dans le cadre du Centre de Recherches en Morphosyntaxe du Français contemporain de

Paris III. Les principes de base en sont la transcription orthographique des mots, la notation de la durée des pauses silencieuses, la notation des allongements vocaliques — que nous avons affinée pour les besoins de cette étude — la notation des montées et descentes mélodiques et des grands pics d’intensité, et l’indication des chevauchements de parole.

A défaut de consensus total sur la transcription des corpus oraux et à défaut de conventions internationales à la manière de l’API, les grands principes de transcription proposés par cette équipe de recherche respectent en outre les tendances générales qui se profilent à travers les différentes écoles linguistiques qui étudient le français oral spontané.

Ainsi, le principe de la notation orthographique auquel nous souscrivons entièrement (principe défendu avec de nombreux arguments par Blanche-Benveniste et Jeanjean 1986) semble s’être imposé aux yeux d’un nombre toujours croissant de linguistes29 au détriment du principe ‘pseudo-phonétique’ de type BD (ex. ouv’ la f’nêtr’, çui-là, etc.) appelé par Blanche-Benveniste (1997) ‘trucage orthographique’ qui présentait, outre le manque de lisibilité, le désavantage d’une stigmatisation implicite de l’« oral sans normes » par rapport à l’ « écrit hautement normé ».

Dans le même souci d’uniformisation des systèmes de notation, nous remarquons que le symbole des deux points ( : ) placé après une syllabe pour indiquer l’allongement de celle-ci s’est imposé pour la plupart des écoles et des

29 Ceci ne veut évidemment pas dire qu’il n’y a plus de linguistes qui recourent volontiers aux ‘trucages orthographiques’ ; un exemple à ce propos serait le livre de Pierre Bange, 1992, Analyse conversationnelle et théorie de l’action, Hatier / Didier, Paris, qui utilise ponctuellement ce type de transcription (ex. chais pas, p.170) ; nous relevons ce type de transcription même chez Carton 1999 (ex. y-a pas qu’toi sur terr’-a, p. 39, ou chuis d’Barbès-e, p.36).

linguistes30, pour le moins pour le domaine français, que ce soit dans les transcriptions proposées par les adeptes des approches argumentative et conversationnelle de l’école suisse et lyonnaise, que ce soit par le Groupe Aixois de Recherches en Syntaxe ou par l’équipe de Paris III. Même remarque pour le choix de ne pas introduire de signes de ponctuation dans les transcriptions d’oral, ceux-ci induisant des découpages et des interprétations parfois arbitraires et toujours totalement extérieurs à la réalité sonore de la chaîne transcrite : ce choix est devenu une norme implicitement ou explicitement adoptée par une très forte majorité de transcriptions proposées par les différents linguistes.

En ce qui nous concerne, les conventions de transcription que nous avons adoptées sont explicitement données en Annexe 1, dans le tome 2 de cette étude. Leur nombre est aussi limité que possible, afin de préserver une lisibilité optimale tout en s’efforçant de noter avec le plus de précision possible les pauses silencieuses et les marques du TdF qui font l’objet de notre étude.

Une attention toute particulière a été portée à l’indication de plusieurs variantes lorsque l’écoute et l’analyse des tracés mélodiques ne suffisaient pas pour lever certaines ambiguïtés ; nous avons systématiquement évité de forcer les données en proposant une interprétation là où plusieurs étaient possibles. Les variantes proposées sont toujours données entre crochets, dans l’ordre de leur probabilité. Lorsqu’une seule variante a été proposée et que celle-ci était incertaine, ‘x’ est noté comme variante possible à côté de la transcription proposée pour signaler que cette dernière représente une interprétation probable et non une transcription fidèle.

30 Nous avons rencontré une seule exception pour le français : il s’agit de l’étude de Grosjean et Deschamps (1972-1975) où les syllabes allongées ont été notées en italiques ; cette proposition n’aurait en aucun cas pu convenir pour les besoins de notre étude car il aurait été impossible de quantifier la durée.

En ce qui concerne les cas d’allongement du [ø, œ] final de certains mots, nous avons essayé de trancher, dans la mesure du possible, entre l’allongement simple de la voyelle finale et l’allongement de celle-ci suivi d’un euh marque de TdF inséré. Nous nous sommes aidée pour ce faire de la courbe de l’intensité et du sonagramme et nous avons considéré qu’un euh marque de TdF a été inséré lorsqu’il y avait une interruption suffisante dans le signal ou bien un nouveau pic d’intensité après un premier allongement du [ø, œ] final (la séquence dotée d’un nouveau pic pouvant ainsi être interprétée comme une nouvelle unité). Deux exemples typiques de [ø, œ] final suivi d’un euh extraits de Père fils et de Singe peuvent être observés sur les tracés repris sur la page suivante. Dans le premier cas (vieux euh, tracé 1) l’interruption du signal sonore est suffisante pour que nous décidions qu’il s’agit d’un euh et non d’un allongement final de vieux, alors que dans le deuxième cas (milieu euh, tracé 2) seul le pic d’intensité sur le

euh nous permet de l’identifier clairement. Il faut toutefois préciser que sur

l’ensemble du corpus les cas de ce type restent très rares et que parmi eux il est encore plus rare de trouver des exemples où il s’avère réellement difficile d’établir s’il s’agit d’un euh ou d’un allongement final comme dans le cas de le

euh : le ou le : : le, Père fils, tracé 3 où l’interruption du signal n’est pas

suffisante pour trancher et où il n’y a pas de pic d’intensité sur la séquence vocalique qui suit cette petite interruption. Pour ces cas extrêmement rares seule notre perception à l’oreille nous a permis de prendre une décision.

Comme nous l’avons déjà précisé au début de notre étude, aucune pause silencieuse inférieure à 20 cs n’a été notée. Toujours dans une optique tournée vers la perception plutôt que vers la description micro-phonétique, nous avons pris comme marge d’erreur pour la durée des pauses silencieuses une approximation inférieure à 0.03 secondes (3 cs). Ceci serait une marge d’erreur importante pour une étude de phonétique, mais elle reste tout à fait raisonnable dans l’optique que nous avons choisie. La durée des pauses nous sert essentiellement à classer les silences par paliers de durée et à dégager des moyennes de durée et des tendances générales lorsque ces pauses silencieuses se combinent avec d’autres phénomènes pris en compte par cette étude.

Un maximum d’attention a été porté à l’établissement des frontières entre les occlusives sourdes et les pauses silencieuses lorsque les appareils de mesure ne les détectent pas correctement ; l’écoute précise que permet Anaproz nous a été d’une grande aide là où le signal était trop faible pour être calculé par ce logiciel mais émergeait suffisamment du bruit de fond pour être détecté par l’oreille. La mise en place de tests de perception portant sur un extrait de notre corpus obéit au même principe de prise en compte du fonctionnement naturel de la parole adopté pour le classement par catégorie des phénomènes étudiés et pour l’établissement des seuils de durée.

Compte tenu du fait que la période de 20 cs représente une période minimale pour la perception / production humaine de cadences rythmées (voir Fraisse, 1974 évoqué supra), nous avons également choisi ce pas comme unité de base pour distinguer plusieurs paliers d’allongement des voyelles finales et des euh. Comme la durée plus ou moins grande de l’allongement est pertinente pour sa perception, il était important d’adopter une notation scalaire de la durée des voyelles allongées sans toutefois gêner la lecture des transcriptions par le rajout entre parenthèses, par exemple, de la durée en cs de chaque allongement.

Ainsi, nous avons choisi de noter les paliers d’allongement à partir de la durée moyenne des voyelles longues, la durée de chaque palier étant de 20 cs : pour toute durée dépassant le seuil moyen des voyelles longues, nous rajoutons dans notre transcription un signe « : » à chaque pas de 20 cs « entamé ». Suite à cette convention, un signe « : » placé après une voyelle notera une durée d’allongement de celle-ci comprise dans le premier palier de 20 cs dépassant le seuil calculé pour le locuteur concerné, deux signes « :: » placés après une voyelle noteront une durée comprise dans le deuxième palier de 20 cs etc.

Pour repérer les « voyelles longues » qui nous ont servi à calculer la durée moyenne des voyelles longues pour chaque locuteur, nous avons pris en calcul la durée des voyelles placées en finale d’un groupe accentuel affectées d’une intonation continuative, produites par le locuteur en question. Nous avons sélectionné uniquement les voyelles qui ne pouvaient en aucun cas indiquer un TdF perceptible, le but étant d’isoler la durée standard des syllabes ‘longues normales’ pour chaque locuteur pour pouvoir établir son seuil d’allongement significatif.

La durée moyenne des voyelles longues, à laquelle on a rajouté un écart-type, a été considérée comme la durée de base de chaque locuteur et comme le seuil à partir duquel on a noté dans la transcription un allongement très significatif. Les voyelles ‘longues normales’ ne reçoivent par conséquent aucun signe distinctif d’allongement dans notre corpus : la notation des allongements est réservée à ceux qui dépassent significativement leur durée habituelle.

Afin d’éliminer le plus possible l’influence des durées intrinsèques des voyelles, nous avons pris en calcul, pour l’obtention de cette durée vocalique longue de base, uniquement les voyelles orales longues. La durée de base des voyelles nasales longues a été obtenue par l’application du coefficient de correction moyen 1,58 à la durée de base des voyelles orales (cf. par exemple Rossi et al., 1981, notamment pp. 51-52 ou Duez et Carré, 1986). Seul ce seuil limite

d’allongement très significatif (appelé durée de base longue) a été soumis à la correction tenant compte de la durée intrinsèque ; le pas des paliers d’allongement a été le même (20 cs) pour les voyelles orales et nasales car nous considérons que, passé ce seuil de base, l’allongement vocalique en soi est un phénomène rythmique à part qui n’a plus de durée intrinsèque en fonction de la nature articulatoire de la voyelle allongée. Le nombre de paliers d’allongement obtenus de cette manière doit avoir, selon nous, la même pertinence pour la perception, quelle que soit la voyelle qui les porte.

Les résultats arrondis issus des calculs des durées de base en cs pour les voyelles orales et nasales longues de chaque locuteur sont transcrits dans le tableau ci-dessous. En fonction du locuteur, nous avons précisé les durées réelles des voyelles allongées affectées à chaque palier d’allongement dans la transcription31. A titre d’exemple, toutes les voyelles orales produites par le locuteur de Tchao supérieures ou égales à 18cs et inférieures à 38cs seront codées par un signe d’allongement significatif (1 palier) ; toutes ses voyelles orales supérieures ou égales à 38cs et inférieures à 58cs seront codées par deux signes d’allongement (2 paliers), ainsi de suite.

Locuteur Durée de base (voy. longue) Intervalle de durée (cs) du 1er palier d’all. (:) Intervalle de durée (cs.) du 2ème palier d’all. (::) Intervalle de durée (cs.) du 3ème palier d’all. (:::) Intervalle de durée (cs) du 4ème palier d’all. (::::) Tchao orale : 18 nasale : 28 orales : [18 ; 38) nasales :[28 ; 48) orales : [38 ; 58) nasales :[48 ; 68) orales : [58 ; 78) nasales :[68 ; 88) orales : [78 ; 98) nasales :[88 ; 108) Poule orale : 18 nasale : 28 orales : [18 ; 38) nasales :[28 ; 48) orales : [38 ; 58) nasales :[48 ; 68) orales : [58 ; 78) nasales :[68 ; 88) orales : [78 ; 98) nasales :[88 ; 108) Père fils orale : 18

nasale : 28 orales : [18 ; 38) nasales :[28 ; 48) orales : [38 ; 58) nasales :[48 ; 68) orales : [58 ; 78) nasales :[68 ; 88) orales : [78 ; 98) nasales :[88 ; 108) Autruche orale : 18 nasale : 28 orales : [18 ; 38) nasales :[28 ; 48) orales : [38 ; 58) nasales :[48 ; 68) orales : [58 ; 78) nasales :[68 ; 88) orales : [78 ; 98) nasales :[88 ; 108)

31 Une correction supplémentaire cointrinsèque de la durée (non mentionnée dans ce tableau) a été effectuée ponctuellement pour les quelques syllabes fermées qui dépassaient la durée de base des voyelles longues ; les facteurs de pondération de durée ont notamment été appliqués pour les voyelles suivies de consonnes voisées.

Agneau orale : 19 nasale : 30 orales : [19 ; 39) nasales :[30 ; 50) orales : [39 ; 59) nasales :[50 ; 70) orales : [59 ; 79) nasales :[70 ; 90) orales : [79 ; 99) nasales :[90 ; 110) Cordonn. orale : 19 nasale : 29 orales : [19 ; 39) nasales :[30 ; 50) orales : [39 ; 59) nasales :[50 ; 70) orales : [59 ; 79) nasales :[70 ; 90) orales : [79 ; 99) nasales :[90 ; 110) Nain orale : 20 nasale : 32 orales : [20 ; 40) nasales :[32 ; 52) orales : [40 ; 60) nasales :[52 ; 72) orales : [60 ; 80) nasales :[72 ; 92) orales : [80 ; 100) nasales :[92 ; 112) Roi-gren orale : 21 nasale : 32 orales : [21 ; 41) nasales :[33 ; 53) orales : [41 ; 61) nasales :[53 ; 73) orales : [61 ; 81) nasales :[73 ; 93) orales : [81 ; 101) nasales :[93 ; 113) Singe orale : 21 nasale : 33 orales : [21 ; 41) nasales :[33 ; 53) orales : [41 ; 61) nasales :[53 ; 73) orales : [61 ; 81) nasales :[73 ; 93) orales : [81 ; 101) nasales :[93 ; 113) Boucle orale : 22 nasale : 35 orales : [22 ; 42) nasales :[35 ; 55) orales : [42 ; 62) nasales :[55 ; 75) orales : [62 ; 82) nasales :[75 ; 95) orales : [82 ; 102) nasales :[95 ; 115) Prof orale : 22 nasale : 35 orales : [22 ; 42) nasales :[35 ; 55) orales : [42 ; 62) nasales :[55 ; 75) orales : [62 ; 82) nasales :[75 ; 95) orales : [82 ; 102) nasales :[95 ; 115) Locuteur Durée de base (voy. longue) Intervalle de durée (cs) du 1er palier d’all. (:) Intervalle de durée (cs.) du 2ème palier d’all. (::) Intervalle de durée (cs.) du 3ème palier d’all. (:::) Intervalle de durée (cs) du 4ème palier d’all. (::::)

Nous pouvons noter que la durée de base d’un noyau vocalique oral long est toujours proche, dans notre corpus, de 20 cs : elle est tantôt légèrement inférieure (18, 19 cs) tantôt légèrement supérieure (21, 22 cs) à cette durée.

1.4.2. Justification du choix du logiciel Anaproz. Comparaison de logiciels