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lu 35 que l’on peut généralement observer chez les locuteurs « ordinaires » d’une

3. Définition des marques mixtes à partir des tests de perception

3.3. Un concept clé : les marques mixtes de travail de formulation

3.3.1. Définition des marques mixtes

Nous appellerons marques mixtes les combinaisons contiguës de deux, trois, ou plusieurs occurrences d’une des marques de TdF ou de la pause silencieuse. Nous considérerons dans un premier temps que toute combinaison d’une ou plusieurs pause(s) silencieuse(s) avec une ou plusieurs marque(s) de TdF, quel que soit leur ordre d’apparition, ainsi que toute combinaison de deux ou plusieurs marques de TdF entre elles constituera une marque mixte de TdF. Ce concept nous permettra d’introduire une distinction simple entre, d’une part, les pauses silencieuses ou les marques de TdF en occurrence simple, et d’autre part celles

en combinaison.

Lors de nos analyses, cette distinction nous permettra de rassembler des éléments de réponse aux questions suivantes :

1. y a-t-il des différences entre les occurrences simples et celles qui entrent dans la composition d’un site mixte (autrement dit, chacune des marques étudiées conserve-t-elle toutes ses propriétés à l’intérieur d’une combinaison) ?

2. l’ordre d’apparition des marques qui se combinent est-il significatif ?

3. toutes les combinaisons sont-elles possibles (et dans n’importe quel ordre) ? 4. y a-t-il des indices nous permettant d’affirmer que les marques mixtes ainsi définies formeraient une unité énonciative ou perceptive ?

5. quelles sont les combinaisons les plus fréquentes ?

Ces questions seront abordées, pour chacune des marques étudiées, sur la base des données fournies par notre corpus. Nous partons de l’hypothèse que chacune des marques qui font l’objet de notre étude peut, lorsqu’elle se combine avec une autre (ou plusieurs autres) soit conserver toutes ses propriétés, soit conserver seulement une partie des propriétés constatées en occurrence simple.

3.3.2. Les combinaisons de marques évoquées dans les études précédentes

De telles combinaisons impliquant des pauses silencieuses et différentes marques que nous appelons de TdF sont signalées par plusieurs linguistes ayant étudié le français parlé non lu.

On a rarement des détails sur ces combinaisons dans les études publiées : ce phénomène n’a fait, à notre connaissance, l’objet d’aucune étude systématique, au moins en ce qui concerne le français. Nous avons trouvé néanmoins un certain nombre de détails intéressants dans les études que nous avons déjà mentionnées.

Ainsi, comme nous l’avons vu, déjà chez Grosjean et Deschamps (1972-1975) la possibilité de combinaison des pauses silencieuses et marques de TdF est clairement mentionnée (voir aussi notre compte rendu, chap. 2.2.2.) :

Le pourcentage de pauses remplies13 précédées ou suivies d’une autre pause14 est de

75,92% en anglais et de 59,45% en français. Ces pourcentages élevés sont surtout dus au fait qu’un grand nombre de ces pauses se produisent soit avant soit après une pause silencieuse. Ceci est le cas pour 68,29% des pauses remplies de l’anglais et pour 47,26% du français, ce qui donne à penser que souvent la pause remplie renforce ou est renforcée par la pause silencieuse [...]. (1975, p. 176).

Cependant, les auteurs ne font généralement pas de différence dans leurs décomptes entre les marques de TdF suivies et les marques de TdF précédées par des pauses, ou encore les marques encadrées entre deux pauses, le but de leur étude étant principalement la comparaison de l’organisation temporelle de l’anglais et du français.

Nous ne savons pas dans quel ordre ces phénomènes se combinent, ni quel est le pourcentage de chaque configuration, ni quelles sont les autres marques avec

13 Terme qui désigne les euh.

lesquelles se combinent les pauses remplies. On apprend néanmoins que les combinaisons sont très fréquentes, très variées et concernent les quatre marques de TdF envisagées et la p.sil. Malgré ces constats les auteurs analysent systématiquement les pauses silencieuses d’un côté et les marques de TdF d’un autre, sans tenir compte de leurs combinaisons et sans distinguer les phénomènes qui apparaissent seuls de ceux qui sont combinés ou renforcés par d’autres.

Dans l’étude déjà citée de Duez (1991), nous avons relevé les indications suivantes au seul endroit, dans cet ouvrage, où elle évoque la combinaison des pauses et marques de TdF :

Lorsque le locuteur a besoin d’un temps assez élevé pour programmer l’unité suivante, il n’hésite pas à accumuler les phénomènes d’hésitation. On relève dans

les interviews politiques 59/93 cas (64%) où la pause remplie15 (ou la syllabe

allongée) est associée à un autre phénomène en frontière syntaxique, le nombre relevé pour les interviews amicales est de 80/139 (57 %). A l’intérieur des syntagmes, le nombre obtenu pour les interviews politiques est de 29/51 (57%), et

12/37 (32 %) dans les interviews amicales. (p. 74).16

L’auteur complète ces indications par un tableau (p. 75) où l’on peut voir que les combinaisons de 2 phénomènes qu’elle a relevées sont les suivantes : pause

remplie + silence, syllabe allongée + silence, pause remplie + syllabe allongée, silence + pause remplie. Dans le même tableau, on peut également remarquer

qu’elle relève des combinaisons de 3 phénomènes (13/144, soit 9%17 pour les interviews politiques et 18/176, soit 10%18 pour les interviews amicales), mais elle ne précise pas quelle est la nature de ces marques qui se combinent à trois. On n’a par ailleurs aucune indication de durée pour ces combinaisons.

15 Terme qui désigne le euh dit d’hésitation.

16 Il est intéressant de noter qu’il n’y a jamais de combinaison de marques dans les discours politiques étudiés par Duez, ces discours étant particulièrement contrôlés par les locuteurs.

17 Toutes positions syntaxiques confondues.

Dans l’article de Zellner (1992) qui compare les manifestations de l’hésitation chez les sujets non bègues et les manifestations du bégayage, l’auteur étudie le pourcentage global de ce qu’elle appelle les accidents en cascade et trouve une différence significative entre les bègues et les non bègues : nous retenons, en ce qui nous concerne, qu’elle relève globalement 40% d’accidents en cascade contre 60% d’accidents isolés chez les non bègues (chez les bègues, le premier pourcentage approche les 80%). La notion d’accidents en cascade n’est pas définie avec précision dans l’article et aucune indication n’est donnée quant au contenu de ces cascades.

C’est dans l’article de Guaïtella (1991 b) que l’on trouve les indications les plus intéressantes et les plus précises pour le français, exprimées en chiffres et en pourcentages. Dans son corpus d’interviews elle note que 22,5% des hésitations

vocales sont précédées et suivies par des pauses silencieuses, 50% sont suivies

par une pause silencieuse et précédées par des paroles, 5% sont précédées par une pause et suivies par des paroles et 22,5% sont encadrées par des séquences sonores (précédées et suivies par des paroles).

Guaïtella prend en compte dans cet article la durée des hésitations vocales qu’elle étudie — il s’agit des euh et des syllabes allongées — la forme de leur courbe mélodique et l’importance de la déclinaison de cette courbe et elle essaie d’établir un rapport avec le contexte immédiat avant et après ces marques. Elle note que :