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2. Apports contextuels et conceptuels

2.5 Contraintes et libertés d’action

Malgré un mouvement au niveau des politiques scolaires étant en faveur d’une école inclusive pour les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers, Bless (2004) démontre qu’au niveau statistique de plus en plus d’élèves déclarés en difficulté ou en échec (sans déficiences physiques ou psychiques) sont finalement orientés vers des classes spécialisées. Par conséquent, les élèves présentant des besoins spécifiques auxquels l’enseignement régulier peine à répondre sont regroupés dans des classes à effectif réduit censées alors réunir les conditions qui pourraient leur garantir une réussite scolaire. Nous verrons pourquoi le contexte particulier des classes spécialisées peut rendre ardu la réunion de ces conditions.

32 En effet, il existe pour les enseignants de classes spécialisées un système de libertés et de contraintes différent des enseignants de classes régulières. D’après Pelgrims (2009), les éléments les plus marquants concernant les « libertés » des enseignants spécialisés se réfèrent à la liberté de programme et à la liberté de fonctionnement. La première liberté est pensée en réponse à la tâche des enseignants spécialisés qui est celle de définir des programmes éducatifs individualisé en fonction des besoins de chaque élève et « afin de faciliter cette tâche d’individualisation, la référence aux programmes scolaires de l’enseignement régulier n’est pas obligée en termes législatifs […] » (p.137). Ainsi, les enseignants spécialisés jouissent d’une liberté certaine en termes de programmes scolaires. Cette liberté de programme est accompagnée de la liberté de fonctionnement donnée par l’effectif réduit des élèves censée faciliter les enseignants « dans l’accomplissement de leurs tâches d’enseignement différencié, individualisé » (p.137).

Cependant, ces libertés engendrées dans les directives institutionnelles semblent occulter trois configurations de particularités sur le plan scolaire pouvant opérer comme des contraintes de fonctionnement : l’hétérogénéité scolaire ; l’absence de mémoire collective ; la culture de l’échec et des aides (Pelgrims, 2009).

L’hétérogénéité scolaire de la classe spécialisée est liée aux parcours scolaires antérieurs des élèves qui sont uniques et différents les uns des autres. Ces derniers sont « très variables du point de vue du nombre d’années réalisées dans les conditions de l’enseignement régulier, des programmes scolaires abordés, des réussites et échecs encourus, des ruptures sociales, pédagogiques et didactiques subies lors d’un redoublement et des transitions scolaires, du nombre d’années d’apprentissage dans les conditions d’une ou plusieurs classes spécialisées » (Pelgrims, 2009, p.138).

Dans une classe de l’enseignement régulier, les élèves forment une « volée » où il existe un partage d’expériences (pédagogiques, didactiques, socio-affectives) se transmettant d’année en année. Cette forme de communauté a donc construit un système « d’attentes, de règles du jeu, de savoirs, de savoir-faire communément construits et partagés qui opèrent comme référentiel en vertu duquel les élèves pourraient réguler leurs actions » (Pelgrims, 2009, p.138). Les élèves de classes spécialisées sont quant à eux, dépourvus de cette mémoire collective et se retrouvent par ailleurs, dans une situation où l’équilibre de la dynamique relationnelle peut basculer en raison des possibles arrivées et/ou départs en cours ou fin d’année. L’absence ou le manque de mémoire collective des élèves de classes spécialisées oblige dès lors les enseignants à induire et/ou consolider une culture collective faisant sens

33 pour le groupe d’élèves et qui se révèle hautement nécessaire sur les plans didactiques et pédagogiques ainsi que pour le maintien de l’ordre.

Les élèves d’une classe spécialisée ont en commun la rencontre de l’échec durant leur parcours scolaire, quel qu'en soit la forme (échecs informels dans des situations pédagogiques et/ou didactiques en classe régulière, échecs formalisés par les évaluations certificatives et échecs institutionnalisés lors d’un redoublement ou le passage en classe spécialisée).

L’enseignant de classe régulière, lorsqu’il désigne un élève en difficulté (de manière formelle ou informelle) risque de rompre un lien essentiel à la confiance de l’élève qu’on appelle

« contrat éducatif » (Pelgrims, 2003). Le contrat éducatif est un contrat implicite. Plus précisément, il s’agit d’un contrat de confiance réciproque selon lequel l’enseignant croit en la capacité de l’élève d’apprendre. Or, il est possible que les élèves en difficulté perçoivent que l’enseignant ne croit pas ou plus à ce potentiel d’apprentissage (p.ex. dans des actes tels que l’abaissement des attentes). Pour les élèves en échec, on observe un sentiment de rupture de ce contrat éducatif implicite dans leurs expériences en enseignement régulier. Ce sentiment de rupture entraine de la part des élèves des réactions pouvant se manifester sous diverses formes (p.ex. comportements perturbateurs ou passifs). La rupture de ce contrat laisse place à un nouveau contrat implicite que Pelgrims désigne « contrat social d’aides » (2006) ou « contrat social d’assistance » (2009) ; il se déclenche lors du passage en classe spécialisée par les acteurs hors classe spécialisée en promettant « à l’élève la mise à disposition en classe spécialisée de toutes les aides dont il aura besoin, [à travers cette promesse] l’élève comprend que pour réussir il a besoin d’aides » (Pelgrims, 2009, p.139). Par conséquent, l’enseignant spécialisé ne peut ignorer les comportements appris par ses élèves durant leurs expériences de ruptures et d’échecs antérieurs. Il ne peut non plus ignorer leurs demandes et réclamations d’aides qui, rappelons-nous, leur ont été promises.

Finalement, les contraintes et libertés d’action de l’enseignant spécialisé sont à prendre en compte lorsque celui-ci est amené à soutenir des projets d’intégration en classe régulière pour ses élèves. Le système de libertés et de contraintes différent de celui de son collègue de classe régulière peut entrainer des incompréhensions, malentendus, difficultés dans la collaboration et le fonctionnement du projet. De même, les particularités sur le plan scolaire (p.ex. le parcours spécifique à un élève ou une expérience d’échec traumatisante) infléchissent sur les décisions de l’enseignant spécialisé en matière d’intégration d’élèves.

34 2.6 Dilemmes

Il serait illusoire de penser que les enseignants spécialisés conduisent leur fonction de soutien à l’intégration d’un élève en classe régulière sans rencontrer de difficultés, de tensions, d’interrogations. En effet, lorsqu’un enseignant spécialisé décide de prendre l’initiative ou la responsabilité d’un projet d’intégration, il est confronté à des choix, le plus souvent difficiles.

De nombreuses recherches (Lampert, 1986, 1985, 2001 ; Lindqvist & Nordänger, 2006 ; Talanquer, Tomanek, & Novodvorsky, 2007) affirment que le processus de résolution des dilemmes fait partie intégrante de la réflexion enseignante.

Selon Wanlin & Crahay (2012) « Les dilemmes sont des situations perçues par l’enseignant comme étant problématiques, dans lesquelles des croyances, des buts ou des indices contradictoires entrent en compétition (Denicolo, 1996 ; Lampert, 1986 ; Talanquer et al., 2007 ; Tomanek, 1994) » (p.24).

Wanlin & Crahay (2012) reprennent l’idée de Herbst (2003) selon laquelle la notion de dilemme « aurait un rôle crucial dans la compréhension des réflexions et des comportements interactifs des enseignants » (p.24). Toujours selon Herbst, l’enseignant devient un

« gestionnaire de dilemmes ». La notion de dilemme devient donc un outil théorique pour rendre compte du noyau dur de la pensée enseignante lorsque ceux-ci se retrouvent confrontés à différentes alternatives d’action, avec un choix à faire, des solutions à trouver afin de rendre les situations rencontrées plus simples.

Les dilemmes auxquels peuvent être confrontés les enseignants spécialisés sont l’objet d’une recherche collaborative menée depuis 2015 par l’équipe « Pratiques professionnelles et apprentissages en contextes d’enseignement spécialisé – PACES » (Pelgrims, Bauquis, Delorme & Emery, 2015 ; Pelgrims, Delorme, Emery & Fera, 2017 ; Pelgrims, Emery, Haenggeli-Jenni & Danalet, 2018) ; notre recherche se situe en prolongation d’une de ces études. Ces chercheurs proposent une définition du « dilemme » en lien avec les contingences contextuelles particulières (contraintes et libertés d’action) de l’enseignant spécialisé développées plus haut. Cette étude considère les pratiques d’enseignement observées comme

« des ajustements aux contingences de l’action qui confrontent l’enseignant à un dilemme, un conflit de buts et le conduisent ‘à faire du mieux qu’il peut’ » (Pelgrims et al., 2015, p.5).

Les résultats de cette étude (Pelgrims et al, 2015 ; Pelgrims et al., 2017) montrent tout d’abord que les enseignants spécialisés ont à gérer en moyenne simultanément 7.3 situations

35 d’intégration en contexte régulier : « En moyenne, il s’agit d’intégrations partielles individuelles (m = 3.2), collectives (m = 2.4) et semi-collectives (m = 1.8) » (Pelgrims et al, 2015, p.12). Le nombre d’espaces distincts s’élève en moyenne à 9.3 et comprend les différentes classes régulières, les salles de gymnastiques, d’ateliers, le préau, etc. Enfin, le nombre de partenaires individuels (p. ex., enseignant, maître spécialiste de musique…) et collectifs (p. ex., équipe médico-pédagogique) s’élève en moyenne à 7.7. Ces données récoltées auprès de 12 enseignants spécialisés révèlent de nouvelles contraintes : la collaboration se fait avec un nombre élevé de collègues, d’équipes, conjointement au nombre élevé de situations d’intégration et des différents espaces impliqués.

En outre, les résultats (Pelgrims et al., 2015 ; Pelgrims et al., 2017) ont mis en évidence un ensemble de dilemmes auxquels sont confrontés les enseignants spécialisés titulaires de classes spécialisées ou intégrées tout en devant assumer la fonction de soutien à l’intégration individuelle et à temps partiel de certains élèves de leur classe dans différentes classes de l’enseignement régulier. Ainsi, les éléments significatifs qui préoccupent les enseignants spécialisés dans l’exercice de leur fonction de soutien à l’intégration ont été dégagés puis répartis en trois catégories thématiques : « 1) concilier le travail d’initiation et de mise en place d’un projet d’intégration avec les prescriptions institutionnelles ; 2) concilier le travail d’élaboration, de suivi et de soutien d’un projet d’intégration avec les enjeux d’un double contexte régulier et spécialisé ; 3) Concilier le travail d’élaboration, de suivi et de soutien d’un projet d’intégration avec les contraintes de collaborations multiples » (Pelgrims et al., 2015, p.18).

La recherche de Pelgrims et al. (2017) démontre que les injonctions en matière d’intégration créent de nouvelles contraintes de collaboration et de fonctionnement. En ce sens, une diversité de projets, de types de projets, de partenaires et de projets d’intégration à soutenir dans différents lieux se dessinent.

La première catégorie de dilemmes a trait aux tâches administratives : « concilier les injonctions et l’application de la loi prévoyant l’école inclusive, la responsabilité d’initier et de soutenir le projet d’intégration et le respect des directives (procédures et documents) » et

« concilier l’obligation de compléter les documents (objectifs du projet, bilan…) en présence des différents partenaires professionnels et parents et l’avancement du projet » (Pelgrims et al., 2015, p.19). Le premier dilemme qui relève de cette catégorie conduit les enseignants spécialisés à devoir choisir entre respecter l’ensemble des procédures administratives imposées par l’institution scolaire et respecter les conditions imposées par les enseignants

36 réguliers pour accepter l’intégration d’un élève dans leurs classes. En effet, « dans les pratiques effectives, les difficultés à trouver un enseignant régulier et une classe compatible avec un projet d’intégration ne peuvent souffrir d’attendre le temps requis par les étapes successives de la procédure administrative, en particulier les réunions pour discuter, décider, remplir les documents en présence de tous les partenaires » (Pelgrims et al., 2017, p.26). Les résultats montrent en outre que les enseignants spécialisés surmontent ce dilemme et s’ajustent en s’écartant des directives (contournement, accélération, omission de certaines étapes, etc.) afin de pouvoir privilégier la mise en place effective des projets d’intégration. A titre d’exemple, pour les enseignants spécialisés, réunir l’ensemble des partenaires du projet afin de discuter et compléter ensemble les documents écrits se référant au projet est totalement incompatible avec la nécessité de démarrer rapidement l’intégration d’un élève en classe régulière. Pour la plupart, les enseignants s’ajustent à ce dilemme en outrepassant l’obligation administrative.

La deuxième catégorie de dilemmes a trait de manière générale aux enjeux d’un enseignement qui se déroule pour l’élève dans un double contexte, la classe régulière et la classe spécialisée.

Les auteurs (Pelgrims et al., 2015 ; Pelgrims et al., 2017) montrent que les enseignants sont souvent confrontés au dilemme de « choisir entre soutenir et enseigner ». Plus précisément, la difficulté se trouve dans la « conciliation entre d’une part le travail de soutien auprès d’un élève dans la perspective d’une (ré-)intégration à temps plein, travail soumis aux contraintes de l’enseignement et des besoins en classes régulières, et d’autre part le travail d’enseignement auprès du même élève dans la perspective d’un maintien dans l’enseignement spécialisé » (Pelgrims et al., 2017, p.27). Le choix d’une option implique le risque de mettre en difficulté l’intégration et/ou la progression de l’élève en classe régulière ou en classe spécialisée ou, dans le pire des cas, dans le double contexte.

La difficulté à « concilier l’objectif d’intégrer totalement l’élève en classe régulière avec celui de maintenir sa place dans la classe d’enseignement spécialisé » (p.21) fait partie intégrante des enjeux d’un double contexte. En effet, les préoccupations des enseignants portent sur le sentiment d’appartenance de l’élève et les ajustements cherchent principalement à articuler de manière cohérente les deux contextes pour n’en faire qu’un. Lorsque les enseignants spécialisés soutiennent l’activité de l’élève intégré, ils sont également confrontés à une autre difficulté, qui est celle de « concilier l’obligation de laisser l’élève intégré se confronter et s’adapter à la pression de performance qu’exerce l’enseignement régulier tout en répondant à ses besoins particuliers » (p.21). Ce dilemme rend compte de la préoccupation des enseignants

37 quant au risque de voir l’élève décrocher. Même s’ils ont confiance « en la potentialité des conditions d’une classe régulière à susciter la mobilisation et l’autorégulation chez les élèves » (p.21), les enseignants s’intéressent fortement aux besoins de l’élève afin d’y répondre le plus activement possible pour ne pas risquer l’échec du projet. Le double contexte impacte également les situations didactiques puisque des micro-ruptures sont inévitables pour les élèves intégrés en classe régulière. Le dilemme qui est celui de « concilier les contraintes liées au projet d’intégration avec l’organisation de l’enseignement en classe d’ES [enseignement spécialisé] » (p.22) implique des ajustements tels que l’augmentation des plans de travail individualisés. Enfin, la recherche de l’équipe PACES (Pelgrims et al., 2015) a fait ressortir la difficulté à

« concilier l’initiation et la continuité d’un projet d’intégration et les décisions sur les aspects temporels » : les enseignants sont tiraillés entre initier le projet d’intégration suffisamment tôt en visant une intégration totale en classe régulière avant la fin de la scolarité primaire, ce qui pourrait impliquer l’échec du projet d’intégration si l’élève n’était pas suffisamment préparé.

Les décisions sont prises en équipe et font suite à diverses évaluations de l’élève afin de rendre « l’intégration la plus sereine possible ».

La troisième catégorie concerne des dilemmes auxquels les enseignants spécialisés sont confrontés dans leurs collaborations avec les titulaires de classes régulières intégrant leurs élèves ou encore les parents. Les résultats de la recherche de l’équipe PACES (Pelgrims et al., 2015 ; Pelgrims et al., 2017) font en effet ressortir quatre dilemmes majeurs. Le premier est de

« s’ajuster aux demandes de l’enseignant régulier pour assurer la mise en place et la continuité d’un projet d’intégration » (2015, p.23). Les enseignants spécialisés, pour répondre aux injonctions en faveur de l’école inclusive, sont prêts à s’ajuster, à se « sacrifier » en assumant des charges supplémentaires, par exemple. En effet, la recherche de 2017 (Pelgrims et al.) met en évidence une réalité qui est celle d’un manque d’obligations et de responsabilités institutionnellement partagées. Ce manque contraint les enseignants spécialisés à endosser la totale responsabilité du projet et à mettre en œuvre différentes stratégies pour assurer le projet, qui reste malgré tout souvent précaire.

La difficulté de « concilier la prise de responsabilité totale du projet d’intégration (pour que cela marche) et la dévolution partielle à l’enseignant régulier (pour que cela marche comme dans l’idéal) » (Pelgrims et al., 2015, p.24) laisse à l’enseignant spécialisé le choix d’assumer entièrement la responsabilité du projet d’intégration tout en se référant à l’équipe de l’enseignement spécialisé comme ressource. Mais ce choix peut entrer en conflit avec « le besoin par ailleurs de susciter l’implication de l’enseignant régulier dans la scolarité de l’élève intégré »

38 (p.25). Par ailleurs, la collaboration avec les parents n’est pas sans difficulté. Même si les enseignants sont tous d’accord que le lien avec les parents est nécessaire, la difficulté se présente lorsque les idéaux des parents sont en conflit avec les propositions ou contraintes institutionnelles, ou encore avec l’expertise et le jugement professionnels des enseignants. Enfin, « concilier les différents acteurs impliqués dans le projet d’intégration » (p.25) implique de coordonner les attentes et jugements de chacun afin de ne pas créer de divergences. Les enseignants spécialisés tiennent tellement à la collaboration avec les parents et les enseignants réguliers, qu’ils font tout pour éviter conflits et ruptures, qu’ils prennent du temps pour tenter d’infléchir la direction d’établissement et la perçoive comme « un levier pour transformer les collaborations en véritables partenariats » (Pelgrims et al., 2017, p.27).

D’autres résultats de la recherche de l’équipe PACES (Pelgrims et al., 2018) mettent en évidence les dilemmes spécifiques auxquels sont confrontés des enseignants spécialisés travaillant en équipe pluridisciplinaires. Une première exploration a permis de dégager un dilemme spécifique lorsque les enseignants spécialisés sont sollicités par les enseignants réguliers à intervenir auprès d’un élève et cela, à l’écart du groupe classe : choisir entre une intervention individualisée séparée ou une intervention collective intégrée. En effet, choisir la première alternative afin de s’assurer dans l’immédiat que l’élève soit dans de bonnes conditions pour apprendre revient à courir « le risque qu’une telle réponse soit moins adéquate que la mise en place de conditions, certes différenciées, au sein même du collectif classe » (p.30). La deuxième alternative, c'est-à-dire ne pas répondre à la demande de l’enseignant régulier dans l’idée d’éviter les micro-ruptures dans l’activité d’apprentissage de l’élève revient à courir « le risque de provoquer l’insatisfaction chez l’enseignante, voire une micro-rupture dans la collaboration, ou encore de donner l’impression de laisser pour compte un élève » (p.30).

Finalement, notre étude s’inscrivant dans celle de la recherche référente de l’équipe PACES (Pelgrims et al., 2015 ; Pelgrims et al., 2017), reprend les trois catégories thématiques de dilemmes que les enseignants spécialisés, titulaires de classes spécialisées ou de classes intégrées peuvent rencontrer en déployant leur activité de soutien à l’intégration partielle d’élèves de leur classe dans des classes régulières. L’équipe PACES poursuit l’étude de dilemmes rencontrés dans l’activité de soutien à l’intégration déployée par des enseignants spécialisés itinérants (Pelgrims, Delorme & Emery, 2017) et par des enseignants spécialisés travaillant dans une équipe pluridisciplinaire assignée à un établissement scolaire de l’enseignement primaire régulier (Pelgrims, Emery, Haenggeli-Jenni & Danalet, 2018).

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3. Problématique et questions de recherche

3.1 Problématique

Au cours de notre formation théorique et pratique nous avons étudié et expérimenté différentes facettes du métier d'enseignant spécialisé. Nous avons choisi d'approfondir un aspect particulier qui nous questionne et comporte un certain nombre d'enjeux.

Cela fait maintenant plusieurs décennies que les gouvernements s'engagent sur la voie d'une école pour tous. La déclaration de Salamanque, ratifiée en 1994 par 92 gouvernements, stipule notamment que « les personnes ayant des besoins éducatifs spéciaux doivent pouvoir accéder aux écoles régulières, qui doivent les intégrer dans un système pédagogique centré sur l’enfant, capable de répondre à ces besoins » (déclaration de Salamanque, 1994, p.9). Cela implique que l'école s'adapte aux différents besoins des élèves, et non l'inverse.

Actuellement à Genève, la volonté politique en matière d'éducation tend à l'intégration des élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers dans des classes relevant de l'enseignement régulier. Ainsi, les enseignants spécialisés doivent favoriser l'intégration de leurs élèves et les enseignants réguliers doivent accueillir dans leur classe des enfants à besoins éducatifs particuliers.

Dans les pratiques quotidiennes, ces injonctions demandent réflexions, partages et collaboration entre les professionnels. Ainsi, le respect et l'application de la loi peut générer un certain nombre d'enjeux et de dilemmes pour les professionnels amenés alors à collaborer, à unir deux contextes d'enseignement différents et à respecter les directives en vigueur.

Les études collaboratives de l’équipe « Pratiques professionnelles et apprentissages en contextes d’enseignement spécialisé » (Pelgrims, Bauquis, Delorme & Emery, 2015 ; Pelgrims, Delorme, Emery & Fera, 2017 ; Pelgrims, Delorme & Emery, 2018 ; Pelgrims, Emery, Haenggeli-Jenni & Danalet, 2018) permettent de dégager les préoccupations et dilemmes des enseignants spécialisés quant à l’activité de soutien à l’intégration. Leurs résultats montrent notamment que les dilemmes auxquels des enseignants spécialisés sont confrontés durant leur activité de soutien à l’intégration d’élèves en classes régulières varient en fonction des types de contextes à partir desquels ils mènent leur activité : classes spécialisées, classes intégrées, travail itinérant à partir d’un centre d’appui ou de ressource, ou

Les études collaboratives de l’équipe « Pratiques professionnelles et apprentissages en contextes d’enseignement spécialisé » (Pelgrims, Bauquis, Delorme & Emery, 2015 ; Pelgrims, Delorme, Emery & Fera, 2017 ; Pelgrims, Delorme & Emery, 2018 ; Pelgrims, Emery, Haenggeli-Jenni & Danalet, 2018) permettent de dégager les préoccupations et dilemmes des enseignants spécialisés quant à l’activité de soutien à l’intégration. Leurs résultats montrent notamment que les dilemmes auxquels des enseignants spécialisés sont confrontés durant leur activité de soutien à l’intégration d’élèves en classes régulières varient en fonction des types de contextes à partir desquels ils mènent leur activité : classes spécialisées, classes intégrées, travail itinérant à partir d’un centre d’appui ou de ressource, ou