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Ces travaux de recherche s’inscrivent dans un vaste projet mis en place dans le cadre du Réseau des Institutions de Formation Forestière et Environnementale de l’Afrique Centrale (RIFFEAC). Ce dernier a pour rôle central de mettre en place des pôles régionaux de spécialisation dans le cadre de la formation dans les écoles forestières du Bassin du Congo. Ces orientations proviennent de la Commission des forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) et ont pour but de former des personnels capables de répondre aux nouvelles exigences de la gestion durable des forêts du bassin du Congo. Il s’agit principalement de répondre aux trois (3) axes transversaux du Plan de convergence de la COMIFAC 2015 – 2025 adoptés en conseil des Ministres de la COMIFAC à savoir (COMIFAC 2014) : i) la Formation et renforcement des capacités; ii) la recherche- développement; et iii) la Communication, la sensibilisation, l’information et l’éducation. La formation des formateurs des institutions de formation forestières a été entreprise par le Projet d’appui à la Formation en Gestion des Ressources Naturelles dans le Bassin du Congo (FOGRN-BC) exécuté par l’Université Laval au Canada et financé par Affaires Mondiales Canada (anciennement Ministère des Affaires Étrangères, du Commerce et du Développement Canada). Ce premier projet FOGRN-BC a pris fin en Décembre 2013 et a fait place à un autre appelé projet d’appui au Programme Élargi de Formation en Gestion des Ressources Naturelles dans le Bassin du Congo (PEFOGRN-BC), financé par le Fonds pour les Forêts du Bassin du Congo (FFBC) administré par la Banque Africaine de Développement (BAD). Le projet PEFOGRN-BC a été exécuté par le

Centre d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy inc. (CERFO) ont agi comme agences techniques de mise en œuvre du projet respectivement pour les volets universitaire et technique.

Parmi les pôles régionaux de spécialisation, la pathologie forestière avait été retenue dans le cas du Gabon et le Cameroun. Ces recherches s’inscrivent dans cette discipline et traitent des champignons endophytes et ceux associés aux caries2 des arbres et du bois mort de Julbernardia

bifoliolata (Béli), Desbordesia glaucescens (Alep) et Scyphocephalium ochocoa (Sorro) dans les Forêts du sud-est du Gabon.

Outre la pathologie forestière, ces travaux intègrent également la mycologie et la microbiologie du bois. La pathologie forestière est une sous-discipline de la phytopathologie; elle étudie les maladies des arbres et les agents qui les causent, dans le but de les contrôler. La mycologie est la science qui étudie les champignons. La microbiologie du bois, quant à elle, désigne l’étude des microorganismes à l’instar des bactéries, des champignons microscopiques, des protistes, etc., en relation avec les maladies et les dégâts causés dans le bois. Dans notre étude, les espèces forestières Béli, Alep et Sorro sont affectées par les caries des arbres. Ces essences avec un diamètre exploitable sont observables en abondance dans les peuplements résiduels après coupe. Aussi, les agents de caries du bois sont en majorité des champignons et, parmi ces derniers, les polypores sont observés de façon récurrente sur les arbres.

2 La carie du bois est une décomposition enzymatique des cellules et tissus du bois causée par les champignons lignivores. Cette décomposition entraine une modification de la texture, couleur et résistance du bois; le bois ainsi carié perd ses propriétés physiques et chimiques ainsi que sa masse.

Au Gabon, les recherches sur les caries des essences exotiques en plantations comme l’hévéa ont déjà été entreprises (Guyot, 1997). Les travaux de recherche réalisés sur les champignons en général concernent les travaux de thèses de doctorat sur les champignons comestibles dans le nord du Gabon (Eyi Ndong, 2009) et ceux saprophytes traitant de l'étude de la diversité taxonomique et écologique des polypores (Yombiyeni, 2014). Le domaine de la microbiologie du bois au Gabon est un domaine vierge et des recherches devraient être entreprises compte tenu du secteur de la transformation du bois qui prend de l’ampleur dans ce pays.

L’exploitation du bois au Gabon est l’activité économique la plus importante après celle pétrolière. D’après les informations contenues dans le tableau de bord de l’économie (Direction Générale de l'Économie et de la Politique Fiscale, 2015), la décision gouvernementale du 5 novembre 2009 d’interdire l’exportation du bois sous forme de grumes, a permis d’accroitre le nombre d’entreprises de transformation locales. Ainsi, entre 2011 et 2013, la croissance moyenne annuelle de la production enregistrée par les industries du bois était 11,6 %. En 2014, l’augmentation de la production des industries de transformation du bois a été de 11,1 %, soit 720 654 m3 de bois par rapport à l’année précédente. En 2019, l’activité forestière a été en hausse. La production du bois a augmenté de 5,7% par rapport à l’année précédente (Direction Générale de l'Économie et de la Politique Fiscale, 2019); la production industrielle en 2019 était de 1 134 109 m3. Cette augmentation est due à

la forte consommation du bois d’Okoumé (Aucoumea klaineana Pierre)3 plutôt que le bois divers4 affecté par le trafic scandaleux du Kévazingo (Guibourtia tessmannii)5. Fort de cela, le gouvernement est favorable aux recherches pour améliorer les pratiques en aménagement forestier afin d’assurer la pérennité des ressources forestières. Les recherches en foresterie couramment effectuées concernent la caractérisation écologique des forêts, l’aménagement forestier, ainsi que des études sur la biologie des principales essences forestières exploitées (Chaudhary et

al., 2016; Doucet, 2003; Fuhr et al., 1998; Medjibe et al., 2011;

Memiaghe et al., 2016; Sasaki et al., 2016). Les études sur les pathologies des arbres ont souvent été limitées à l’essence commerciale principale du Gabon, soit l’Okoumé (Aucoumea klaineana Pierre) (Deval, 1976). Cependant, comme tous les végétaux, les essences forestières sont sujettes aux maladies. Le Gabon possède une soixantaine d’espèces forestières indigènes qui font l’objet d’une exploitation intensive et pour certaines de ces essences, les problèmes de caries ont souvent été rapportés. Les relevés sur les ravageurs des arbres ont été effectués dès 1944 dans le cadre des recherches en sylviculture et amélioration génétique du Centre Technique Forestier Tropical (CTFT) sur les plants d’Okoumé en pépinière et en plantation (Grison, 1979). En milieu naturel,

3 L’Okoumé est l’essence principale exploitée au Gabon à cause de sa régénération rapide. Cette essence est utilisée pour la fabrication du contreplaqué.

4 Bois Divers est un terme qui regroupe toutes les essences commerciales du Gabon autre que l’Okoumé.

5 Kévazingo (Guibourtia Tessmannii) est une essence de la famille des Fabacées de forte densité dont la commercialisation fait l’objet de trafics intenses au Gabon. Le prix du mètre cube de cette essence varie entre 600 et 1800 Euros en fonction de la qualité du bois.

aucune étude à proprement parler sur les champignons pathogènes des essences commerciales du Gabon n’a été menée jusque-là.

Lors de l’exploitation du bois, les tiges affectées par la carie sont coupées et abandonnées dans les parterres de coupe, ce qui crée un biais au niveau des volumes estimés par les exploitants forestiers. Les caries sont visibles également sur les souches après abattage sous forme de carie de bois de cœur. Ce phénomène est très fréquent chez l’Alep, où les vieux individus ne sont plus supportés que par les contreforts (White & Abernethy, 1996). Les caries de cœur ont été également observées sur les arbres de Béli de diamètre exploitable. Ces caries constituent une source de pertes économiques (Schwarze & Jeffery, 2004).

Les caries du bois se définissent comme des décompositions enzymatiques des parois des cellules du bois accompagnées de changements plus ou moins prononcés dans les propriétés chimiques et physiques du bois. Il est vrai que la carie détériore une partie de la matière ligneuse potentiellement utilisable, mais c’est un processus essentiel qui contribue au recyclage de la matière organique. Les caries présentes sur les arbres vivants peuvent être occasionnées non seulement par des champignons parasites (pathogènes), mais également par des saprophytes. Ces derniers colonisent les tissus morts du bois, notamment, les cellules du duramen et n’interfèrent pas dans la croissance et le fonctionnement physiologique de l’arbre. Par contre, lorsqu’elles sont causées par des champignons pathogènes lignivores, elles affectent la physiologie de l’arbre en s’attaquant aux cellules du cambium (tissus responsables de la croissance en diamètre) et peuvent entrainer la mort des arbres (Dobbertin et al., 2001; Paolo et al., 2002).

réactions dans l’arbre caractéristiques de la présence d’une maladie dans l’hôte et s’accompagne des signes et symptômes. Sur les arbres de Béli debout, nous avons observé la présence de divers basidiomes de champignons polypores. Outre les caries observées sur les arbres debout au niveau du tronc, les arbres de Béli sont souvent impliqués dans les chablis en forêt. Les racines des arbres renversés par le vent sont cariées. Les attaques racinaires des arbres sont généralement l’œuvre des pourridiés. Ces derniers sont causés par des champignons parasites. Toutefois, les basidiomes de champignons étaient difficilement observables sur les essences d’Alep et de Sorro. C’est ainsi que dans le chapitre 1 de cette thèse, nous nous sommes intéressés à la diversité de champignons polypores associés à la carie des arbres de Béli (Julbernardia

bifoliolata) sur pied. Cependant, la plupart des champignons de la famille

des Polyporacées peuvent vivre à l’intérieur de l’arbre sans produire des carpophores (Annesi et al., 2003). Les champignons sont présents dans l’arbre sous forme d’hyphes et fructifient difficilement. La deuxième méthode utilisée consistait à prélever des carottes de bois sur des arbres présentant des signes de carie pour échantillonner les champignons compte tenu de la rareté des basidiomes chez l’Alep et le Sorro pour l’amplification d’ADN de champignons extrait à l’aide d’amorces universelles de champignons. Cette méthode nous a permis d’obtenir la flore endophytique diversifiée des essences à l’étude constituant ainsi le chapitre 2 de cette thèse. Ce volet de recherche traitait de la diversité de champignons endophytes chez les essences J. bifoliolata, D. glaucescens et S. ochocoa.

L’origine des basidiomes de champignons présents sur le bois abattu peut provenir d’hyphes latents présents dans le bois d’aubier (Boddy, 2001). Selon cette dernière, les champignons présents à l’état de latence

peuvent faire partie du premier cortège de champignons une fois les essences abattues. Ainsi, l’identification des champignons polypores a été faite à partir des basidiomes récoltés sur les essences d’arbres debout d’une part et d’autre part sur les grumes (coursons de trois mètres de longueur) coupées et déposées le long des chemins forestiers pour les champignons de carie du bois. Dans ce chapitre 3, il s’est donc agi d’observer la diversité des champignons polypores associés à la décomposition des coursons de bois des essences de Béli, d’Alep et de Sorro.

Par la suite, pour tester la capacité à dégrader les cellules du bois des champignons polypores associés à la carie des arbres sur pied, nous avons observé en laboratoire l’activité de dégradation du bois par des champignons de carie à travers le chapitre 4 : Activité de dégradation de quatre champignons de carie sur des blocs de bois de Béli (J. bifoliolata), d’Alep (D. glaucescens) et de Sorro (S. ochocoa).

L’identification morphologique des espèces chez les champignons forestiers peut se faire par des clés de détermination des espèces développées par des chercheurs et mycologues. Ces dernières font appel à une série de critères descriptifs (Boulet, 2003). Cependant pour les amateurs, les clés d’identification morphologiques peuvent être difficiles à maîtriser et engendrer des erreurs d’identification entre des espèces qui présentent les mêmes caractéristiques. Il existe donc des limites aux techniques d’identification classique. Pour éviter les erreurs, il est possible de coupler l’identification morphologique à l’identification moléculaire. Ainsi, pour éviter les pertes de temps dans nos recherches, les techniques d’identification biomoléculaires ont été adoptées pour la détermination

responsables de carie du bois par les méthodes morphologiques nécessite la présence de la fructification du champignon. Or, il n’est pas toujours évident d’observer la présence de basidiomes. Aussi, les outils de biologie moléculaire sont de plus en plus utilisés et permettent une meilleure fiabilité des résultats d’identification.