• Aucun résultat trouvé

3. Revue de littérature

3.6. Les caries sur les bois immergés

Les bois immergés connaissent également le phénomène de dégradation des bois. En région tropicale, le stockage des grumes dans l’eau et le transport des grumes par voie fluviale sont souvent utilisés. Les agents de caries couramment rencontrés dans ces milieux sont les champignons du phylum Ascomycota (incluant les espèces décrites comme deutéromycètes) et les bactéries (Bucher et al., 2004; Kim & Singh, 2000; Tsui et al., 2000). Les champignons causent des caries molles et tolèrent l’humidité élevée, ainsi que l’absence d’oxygène (Kim & Singh, 2000). Dans les milieux humides, on observe une diversité de champignons marins associée aux caries du bois (Hyde & Goh, 1998; Tsui et al., 2000). Des recherches réalisées en Australie dans les forêts tropicales ont permis de recenser 15 espèces de champignons du phylum Ascomycota, 23 espèces de champignons du phylum Deuteromycota et une espèce appartenant au phylum Basidiomycota (Hyde & Goh, 1998). Selon ces derniers, les espèces dominantes étaient Candelabrum brocchiatum,

Trichocladium linderi, Canalisporium pulchrum, Pleurothecium

recurvatum et Helicosporium griseum. À Hong-kong, dans la baie de Tai

Ho, trente-trois espèces du phylum Ascomycota et vingt-deux espèces du phylum Deutéromycota ont été identifiés, les plus récurrents étaient les

espèces Aniptodera chesapeakensis, Ascosalsum unicaudata, Lignincola

laevis, Lophiostoma bipolare et Neptunella longirostris. Plusieurs espèces

de champignons marins ont été observées à Singapour sur les essences de palétuviers Avicenia (Tan et al., 1989). Ces derniers ont observé une récurrence des champignons Halosarpheia retorquens, Lignincola laevis,

Didymosphaeria enalia, Lulworthia sp., Aigialus parvus, Aniptodera marina et Halocyphina villosa. Les espèces Torula herbarum et Ophioceras dolichostomum ont été rapportées comme étant capables de s’attaquer à

la lignine du bois au même titre que les espèces des champignons du phylum Basidiomycota responsables de carie blanche (Bucher et al., 2004).

3.7. La dégradation des grumes ou du bois mort par les champignons

La dégradation du bois ayant commencé sur le bois des arbres debout par les champignons pathogènes et saprophytes, elle continue de se faire sur le bois abattu ou mort (Boddy, 2001). Selon cette dernière, la décomposition du bois mort est initiée par les propagules pré existant dans l’aubier du bois avant abattage ou encore par la colonisation du bois par les spores ou les hyphes de champignons.

Les champignons saprophytes débarrassent la forêt des débris ligneux en collaboration avec d’autres microorganismes (Blanchette, 1991; Frey et

al., 2003). Lors de la dégradation des débris ligneux, les éléments

minéraux sont recyclés dans le sol (Boddy & Watkinson, 1995). La dégradation des grumes obtenues à partir des arbres fraichement coupés

est semblable à celle du bois mort provenant d’un arbre naturellement mort (Lindhe & Lindelöw, 2004).

La colonisation des grumes pour la dégradation des bois peut dépendre de plusieurs facteurs, dont l’humidité, l’âge ou le stade de décomposition du bois. Le contact direct du bois avec le sol augmente la quantité en eau disponible dans le substrat. L’humidité dans le bois fournit au champignon l’eau dont il a besoin pour sa croissance. Un rondin en contact direct avec le sol est favorable à la colonisation de ce dernier par les champignons saprophytes (Busse, 1994; Lindblad, 1998). Schmit (2005) a observé que des buches de bois plus jeunes étaient colonisées beaucoup plus par des champignons saprophytes par rapport à des buches plus âgées. De même, un bois présentant des caries moins apparentes hébergerait plus d'espèces de champignons qu’un bois ayant des caries avancées (Lindblad, 1998; Schmit, 2005).

Les régions tropicales recèlent une grande diversité d’espèces de champignons polypores impliqués dans le processus de dégradation (Lodge et al., 1995). Les données des études réalisées sur les champignons saprophytes des bois en régions tropicales proviennent notamment du bassin amazonien et des forêts de l’Asie. Ryvarden est l’un des pionniers en matière de recherches sur les champignons saprophytes en Afrique (Ryvarden, 1998; Ryvarden & Iturriaga, 2003; Ryvarden & Johansen, 1980; Ryvarden & Watling, 1996). Des recherches mycologiques ont été focalisées sur les champignons polypores (Dai, 2012; Ryvarden, 1978, 1998; Ryvarden & Iturriaga, 2003; Ryvarden & Johansen, 1980; Ryvarden & Watling, 1996). Au Gabon, les travaux de thèse de Yombiyeni (2014) ont permis d’identifier jusqu’à 105 espèces de champignons appartenant aux familles des Ganodermataceae,

Hymenochaetaceae et Polyporaceae sur tout type de substrat. Dans le chapitre 3 de cette thèse, nous avons utilisé les techniques moléculaires pour étudier la diversité des polypores récoltés sur des coursons de bois (bois mort) des essences forestières J. bifoliolata, D. glaucescens et S.

ochocoa. Dans cette étude, les séquences d’ADN étaient reparties au sein

de 28 Unités Taxonomiques Opérationnelles (OTUs). Les espèces appartenaient à 13 familles, soient, les Corticiaceae, Fomitopsidaceae, Ganodermataceae, Hericiaceae, Hydnodontaceae, Hymenochaetaceae, Incertyae sedis, Meruliaceae, Phanerochaetaceae, Polyporaceae, Punctulariaceae, Schizoporaceae et Stereaceae.

3.8. Les mécanismes enzymatiques déployés par les

champignons lignivores

Les hyphes des champignons pénètrent les tissus du végétal sain soit par le biais de la formation des structures spéciales appelées appressoria7 (Dalman, 2010), ou au moyen des ouvertures comme des blessures causées par des agents biotiques ou abiotiques. Ce sont les composés du bois, la cellulose, hémicellulose et lignine, qui sont la cible des champignons lignivores. Ceux-ci sont pourvus de systèmes enzymatiques leur permettant de contourner les systèmes de défense des arbres et de dégrader le bois.

Les champignons dégradent les composants des parois cellulaires du bois par un processus d’oxydation en déployant des enzymes connues sous le

nom de phénol-oxydases. Ce sont notamment la lignine peroxydase, la manganèse peroxydase et les laccases (Baldrian, 2006; Eggert et al., 1996; Tuor et al., 1995). La lignine peroxydase et la manganèse peroxydase appartiennent au groupe des peroxydases et dégradent moins bien la lignine, tandis que les laccases sont les vrais phénols-oxydases, car elles dépolymérisent plus facilement la lignine (Tuor et al., 1995). Les champignons de carie blanche sont reconnus pour dégrader l’ensemble des composés du bois et plus particulièrement la lignine. Chez ces derniers, on distingue trois groupes de champignons de carie blanche selon les enzymes déployées lors de la dégradation. Ce sont les groupes des Lignine Peroxydase – Manganèse Peroxydase, Lignine Peroxydase – Laccases et Manganèse Peroxydase – Laccases (Hatakka, 1994).

La dégradation de la cellulose et hémicellulose bien que jamais complète, est l’apanage des champignons responsables de la carie brune. La cellulose étant enveloppée par l’hémicellulose, ces champignons commencent par décomposer, grâce aux cellulases, les sucres contenus dans les hémicelluloses (xylose et mannose) avant de s’attaquer aux glucoses contenus dans la cellulose (Kirk & Highley, 1973). Pour dégrader la cellulose du bois, les champignons produisent des cellulases, principalement des glucanases et des cellobiohydrolases (Klyosov, 1990; Schmidhalter & Canevascini, 1992).

3.9. Les facteurs de résistance et mécanismes de défense des